La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, créée sur l’initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en application de son droit de tirage.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
J’informe le Sénat que la commission spéciale a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
M. le président. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de parlementaires des différentes assemblées de Bosnie-Herzégovine.
Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la secrétaire d'État chargée du numérique se lèvent.
Cette éminente délégation, composée de neuf présidents de commission, vient étudier notamment la mission de contrôle du Parlement français. Cette visite s’inscrit dans le cadre d’un programme européen dont notre Parlement est partie prenante. Il concerne les États qui ont l’intention de présenter leur candidature à l’adhésion à l’Union européenne.
Au cours de deux journées passées au Sénat, la délégation rencontrera des présidents et membres de différentes commissions. Elle sera accueillie, en outre, par nos collègues Dominique de Legge, président du groupe d’amitié France-Balkans, et Michel Billout, président délégué pour la Bosnie-Herzégovine.
Au nom du Sénat tout entier, je forme le vœu que cette visite soit profitable à l’ensemble de la délégation et lui souhaite une cordiale bienvenue.
Applaudissements.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.
TITRE II
INVESTIR
CHAPITRE II
Entreprises à participation publique
Section 4
Dispositions diverses
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la section 4 du chapitre II du titre II, à l’article 50 A, précédemment réservé.
(Supprimé)
Protestations au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, finalement, par la grâce de la suspension des travaux parlementaires, cet article 50 A relatif aux sociétés de projet, …
… version augmentée des « partenariats public-privé », destinées dans un premier temps à assurer à nos armées la mise à disposition des matériels nécessaires à leur activité, aura disparu purement et simplement et, avec lui, l’amendement déposé par le Gouvernement tendant à rétablir le texte supprimé par la commission spéciale.
À la vérité, cette opération et cet allégement du présent projet de loi révèlent, de manière particulièrement significative, une bonne part de la philosophie du texte, déjà pointée lors de l’examen des articles précédents.
Un arbitrage budgétaire rendu au plus haut niveau, dans l’attente d’une hypothétique prise en charge « communautaire » d’une partie des dépenses militaires effectuées par la France, dépenses liées à son rang et à sa place dans le concert diplomatique international, vient donc d’avoir raison de l’outil législatif, technique et financier qui avait été « inventé » pour faire face aux risques d’insuffisance budgétaire chronique.
La raison d’être des sociétés de projet était donc, in fine, de pallier les limites de l’expansion de la dépense publique liée à nos interventions militaires extérieures, au renouvellement des équipements et matériels de nos forces « projetables », comme de notre marine et de notre armée de terre, limites posées notamment par la nécessité de respecter les objectifs fixés par le programme de stabilité européen, avatar du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ou TSCG.
Comme le Gouvernement se retrouve entre le marteau du TSCG et l’enclume d’une activité économique qui ne dégage pas suffisamment de ressources et de recettes nouvelles pour réduire plus rapidement le déficit, il lui faut multiplier les occasions de réaliser cette réduction.
Nous ne sommes décidément pas certains que ce texte vise effectivement la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, parce qu’il faudrait prouver qu’une économie où les attendus et les caractères de l’intervention publique disparaissent derrière la mise en œuvre des critères libéraux « traditionnels » est forcément plus productrice et plus développée.
La croissance économique et les recettes étaient plus fortes en France lorsque le gaz et l’électricité étaient sous contrôle public et, en vingt ans, l’administration des PTT de l’époque a fait passer la France entière du téléphone manuel à la transmission électronique des appels, alors que, les marchés de la téléphonie et d’internet ayant été ouverts à la concurrence, les opérateurs privés sont aujourd'hui dans l’incapacité d’assurer une desserte à très haut débit sur le tiers du territoire national ! Cela nous a d'ailleurs valu quelques débats fort intéressants dans cet hémicycle.
Marquons donc, comme il se doit, la disparition de l’article 50 A, en exigeant, dans l’immédiat, la discussion non pas de ce texte, mais plutôt d’un véritable collectif budgétaire tournant le dos aux contraintes du TSCG afin de mieux réduire les déficits !
L’article 50 A ayant été supprimé, aucune prise de parole n’était prévue. Cependant, la question a été posée dans cet hémicycle, et elle mérite une réponse.
Mon cher collègue, selon notre règlement, il est possible de prendre la parole sur un article supprimé. Vous pouvez donc vous exprimer sur cet article.
L’article 50 A créait des sociétés de projet et nous avions bien mesuré qu’un certain nombre de nos collègues, sur l’ensemble de ces travées, étaient opposés à cette idée. Cette solution n’était pas la plus simple et, depuis longtemps, tous les groupes parlementaires demandaient le remplacement des recettes exceptionnelles inscrites en loi de finances par des crédits budgétaires classiques. Cela dit, les circonstances étaient telles que l’opération semblait difficile à réaliser.
Il faut rappeler l’histoire des sociétés de projet. Elles ont été proposées initialement par les industriels, pour des raisons évidentes. En effet, un certain nombre de pays auxquels nous vendons de l’armement – nous sommes tous très heureux quand nous apprenons la signature de contrats d’exportation très favorables à l’emploi, notamment – souhaitent recourir à des sociétés de ce type pour ne pas procéder à une acquisition directe, mais pour faire du leasing, c’est-à-dire louer ces équipements pour un certain temps.
D’autres pays recourent très largement à cette pratique et la possibilité de la mettre en œuvre chez nous avait été évoquée. Il se trouve que le présent projet de loi tentait d’actualiser cette solution pour remplacer des recettes exceptionnelles qui n’arrivaient pas, mais le ministère de la défense n’en faisait pas pour autant le cheval de bataille que vous imaginez, mon cher collègue.
Cette disposition a donc disparu du présent projet de loi, mais il ne faudrait pas penser que la nécessité de créer ces sociétés de projet ne se présentera pas à nouveau, à un moment ou à un autre.
Nous nous félicitons tous, aujourd’hui, du remplacement des recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires, mais ne considérez pas que vous avez pour autant remporté une victoire dans cette affaire, mon cher collègue. Un arbitrage intelligent a été rendu : au regard de la priorité essentielle que constituent les questions de sécurité pour notre pays, le budget de la défense est sanctuarisé et son exécution conforme à la loi de programmation militaire est garantie.
Marques d’impatience au banc des commissions.
Je serai très bref, pour respecter l’intention de la commission spéciale de ne pas évoquer ce sujet, puisque le Gouvernement a retiré son amendement.
Je tiens cependant à rappeler que l’UDI, lors d’un débat dans cet hémicycle, avait exprimé son inquiétude et ses doutes quant à la mise en place des sociétés de projet, du fait de leur incidence sur l’équilibre général du budget de la défense. L’histoire montre que nous avions probablement raison.
Nous posons donc à nouveau la question de la réalité de l’équilibre global du budget de la défense.
Je comprends tout à fait les raisons qui motivent l’intervention de notre collègue Éric Bocquet, mais il se trouve que l’article évoqué a été supprimé par la commission spéciale et que le Gouvernement a décidé de retirer l’amendement tendant à le rétablir.
Je me permets donc de vous dire, mes chers collègues, au nom de la commission spéciale, que nous ne souhaitons pas que ce débat se développe. En effet, comme je viens de le rappeler, non seulement cette disposition a disparu du projet de loi, mais aussi et surtout il nous reste 294 amendements à examiner avant le 8 mai…
Hier après-midi, des débats très intéressants se sont tenus, sur des sujets parfois un peu annexes. Du coup, nous n’avons commencé qu’au milieu de la nuit l’examen des dispositions relatives aux tribunaux de commerce.
La commission spéciale souhaite donc que nous puissions consacrer le temps nécessaire à la discussion des dispositions figurant dans le texte du projet de loi et que les questions n’y figurant pas fassent l’objet d’autres débats, à la demande des commissions compétentes ou à l’occasion de l’examen de textes spécifiques.
Je vous propose donc d’en rester, si vous le voulez bien, à notre ordre du jour. Hier, M. le corapporteur a présenté le dispositif adopté par la commission spéciale et M. le ministre a également exposé son point de vue. Nous sommes très attendus sur cette question et je souhaite que nous nous y consacrions pleinement.
Nous avons levé la séance hier à trois heures cinquante-cinq, nous allons poursuivre la discussion fort tard ce soir et encore plus tard dans la nuit de jeudi à vendredi. Je souhaite donc que nous puissions réserver notre énergie aux articles figurant dans le texte.
Mes chers collègues, j’approuve la suggestion de M. le président de la commission spéciale et vous propose, en conséquence, d’en revenir au cours normal de la discussion des articles du titre II, singulièrement à l’article 66, au sein de la section 1 du chapitre V, dont nous reprenons la discussion entamée cette nuit.
CHAPITRE V
Assurer la continuité de la vie des entreprises
Section 1
Spécialisation de certains tribunaux de commerce
I. – Le chapitre Ier du titre II du livre VII du code de commerce est ainsi modifié :
1° (nouveau) À l’intitulé, après le mot : « institution », est inséré le mot : « et » ;
2° (nouveau) Est insérée une section 1 intitulée : « Compétence commune à tous les tribunaux de commerce » et comprenant les articles L. 721-3 à L. 721-7 ;
3° §(nouveau) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Compétence particulière à certains tribunaux de commerce
« Art. L. 721-8. – Des tribunaux de commerce spécialement désignés, après avis du conseil national des tribunaux de commerce, à raison d’un tribunal au moins dans le ressort de chaque cour d’appel, connaissent, lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale :
« 1° Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire mentionnées au livre VI lorsque le débiteur est une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;
« 1° bis Des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire mentionnées au livre VI qui leur sont renvoyées en application de l’article L. 662-2 ;
« 2° Des procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal est déterminée en application des actes pris par l’Union européenne relatifs aux procédures d’insolvabilité ;
« 3° Des procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal est déterminée en application d’autres actes de droit international.
« Pour l’application du 2°, le tribunal spécialisé compétent est celui dans le ressort duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur. Pour les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège.
II. – Le présent article entre en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, et au plus tard six mois après la publication de la présente loi.
Il est applicable aux procédures ouvertes six mois après la publication de la présente loi.
L’amendement n° 1585, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de commerce est complété par une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« De l’institution et de la compétence des tribunaux de commerce spécialisés
« Art. L. 721-8. – Dans le ressort d’une ou de plusieurs cours d’appel, un tribunal de commerce a compétence exclusive pour connaître :
« 1° Les procédures prévues au livre VI lorsque le nombre de salariés ou le chiffre d’affaires de l’entreprise concernée sont supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d’État ;
« 1° bis Les procédures prévues au livre VI concernant un débiteur, personne morale, disposant d’établissements dans les ressorts de plusieurs tribunaux de commerce ou de cours d’appel et dont le nombre de salariés ou le chiffre d’affaires sont supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d’État ;
« 2° Les procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal est déterminée en application des actes pris par l’Union européenne relatifs aux procédures d’insolvabilité ;
« 3° Les procédures ne relevant pas des actes pris par l’Union européenne mentionnés au 2° pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal dépend de la localisation en France du centre des intérêts principaux du débiteur.
« Le tribunal spécialisé compétent est celui dans le ressort duquel ce débiteur a le centre de ses intérêts principaux. Le lieu où est immatriculé le débiteur ou situé le siège de la personne morale est présumé être celui du centre de ses intérêts principaux.
« Lorsqu’une procédure est ouverte à l’encontre d’une entreprise répondant aux conditions prévues aux 1° et 1° bis, le tribunal spécialisé compétent l’est également pour connaître des autres procédures ouvertes ultérieurement à l’encontre d’entreprises détenues ou contrôlées, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, par l’entreprise répondant aux conditions prévues aux 1° et 1° bis.
« Un décret, pris après avis du Conseil national des tribunaux de commerce, fixe la liste et le ressort de ces juridictions spécialisées. »
II. – Le présent article entre en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, et au plus tard six mois après la publication de la présente loi.
Les tribunaux de commerce initialement saisis demeurent compétents pour statuer sur les procédures mentionnées à l’article L. 721-8 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la présente loi, introduites avant l’entrée en vigueur du présent article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Cet amendement a pour objet de rétablir le texte initial des dispositions du projet de loi concernant les tribunaux de commerce spécialisés, car elles sont la traduction législative d’une proposition formulée dans un rapport parlementaire sur la justice commerciale.
Compte tenu de la technicité du droit des entreprises en difficulté, nous considérons qu’il est nécessaire de spécialiser les juridictions commerciales existantes, en regroupant les affaires les plus sensibles au sein de tribunaux dédiés au traitement de ces dossiers identifiés comme étant particulièrement complexes.
Cet amendement vise aussi à répondre au problème très concret qui se pose lorsqu’un groupe en grande difficulté économique se retrouve devant deux ou plusieurs tribunaux de commerce, comme cela fut le cas pour les entreprises Villeneuve Pet Food et Mory-Ducros. Cette dispersion judiciaire nuit à l’efficacité de la justice commerciale, voire aux chances concrètes de restructuration de l’entreprise.
Au contraire, des tribunaux de commerce spécialisés traitant de manière centralisée les procédures collectives des plus grandes entreprises, celles qui ont développé leurs activités sur plusieurs sites, bénéficieront d’une vision d’ensemble, de ressources et d’une expertise précieuses s’agissant de dossiers consolidés aussi complexes.
Je présenterai en détail les quatre mesures contenues dans cet amendement. Cette présentation vaudra ainsi pour les autres amendements que le Gouvernement a déposés sur les articles suivants.
Premièrement, pour ce qui concerne le nombre de tribunaux de commerce spécialisés, ou TCS, la commission spéciale a retenu la possibilité de créer au moins un tribunal par ressort de cour d’appel, soit 35 tribunaux au moins, compte tenu du nombre de cours d’appel dans notre pays. Cette option ne nous semble pas de nature à assurer une centralisation suffisante des affaires complexes.
La proposition du Gouvernement consiste, au contraire, à limiter le nombre des tribunaux de commerce spécialisés, en prévoyant un TCS par cour d’appel au maximum, et non pas au minimum. Le Gouvernement ne limite donc pas le nombre de ces tribunaux spécialisés à huit, contrairement à ce qui a été annoncé par la Conférence générale des juges consulaires de France, mais souhaite garantir une véritable spécialisation. Cette réforme va dans le sens de l’élaboration d’une cartographie adaptée.
Avec le schéma défendu par la commission spéciale, nous aurions entre 35 et 70 juridictions spécialisées sur moins de 140 tribunaux de commerce concernés aujourd’hui. Cela ne permettrait pas à ces juridictions spécialisées d’acquérir l’expérience et l’habitude de ces dossiers particulièrement complexes.
Dans un référé de mai 2013, la Cour des comptes constatait que plus de la moitié des tribunaux de commerce en France n’atteignaient pas le chiffre des 400 nouvelles procédures contentieuses par an, lequel comprend les injonctions de payer, les contestations de créances et les procédures collectives. Cela signifie que ces juridictions traitent moins de quatre ou cinq procédures collectives par mois.
Dans 60 des 134 tribunaux de commerce, chaque juge traite moins de 15 affaires contentieuses par an. Rapporté aux seules procédures collectives, le chiffre est, au mieux, d’une procédure collective traitée par trimestre.
Il est à noter que les entreprises de plus de 50 salariés représentent seulement 1 % des défaillances, mais aussi, à elles seules, 25 % des emplois menacés ; d’où l’importance de concentrer une certaine expertise et des efforts de ressources sur ces cas qui, pour l’année 2013, concernent 244 400 emplois. Quant aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 15 millions d’euros, elles représentaient 159 procédures en 2014.
Aujourd’hui, l’ensemble du droit économique est spécialisé, qu’il s’agisse du droit de la concurrence, du droit de la propriété intellectuelle, des règles relatives aux dessins, marques et modèles, aux brevets, ou encore du droit boursier. Cette spécialisation répond à une complexification grandissante du droit et à son internationalisation. Il lui manquait une branche, celle des procédures collectives. Il est temps d’aboutir.
Deuxièmement, pour ce qui concerne le mécanisme de saisine, la commission spéciale a prévu une compétence organisée selon trois niveaux : une compétence de droit au-delà de 250 salariés, c’est-à-dire pour les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, et les grandes entreprises ; une compétence facultative pour les entreprises comptant entre 150 et 250 salariés, sur renvoi de la cour d’appel, qui est tenue de statuer après l’avis du ministère public ; une compétence facultative en deçà de 150 salariés, sur renvoi de la cour d’appel, dans le cadre actuel de la procédure de délocalisation.
Ce mécanisme à trois niveaux constitue une base de travail qui peut être intéressante, à la condition toutefois qu’elle s’intègre dans le cadre dessiné par l’Assemblée nationale. Il est en effet acquis que le principe selon lequel il appartient à une juridiction ou à une cour d’appel de décider si elle demeure saisie, ou si elle se dessaisit au profit d’une autre juridiction, ralentit très fortement les procédures. Or la célérité dans l’instruction des dossiers est un élément clef pour apporter des réponses satisfaisantes à ces cas difficiles. En pratique, il faut en effet plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour organiser un regroupement de procédures.
Troisièmement, pour le traitement des groupes, la rédaction proposée par la commission spéciale vise à permettre, dans certaines circonstances, au tribunal spécialisé compétent pour traiter le cas d’une filiale d’être compétent, aussi, pour sa société mère et pour tout le groupe. Le texte de la commission est donc plus large que celui qu’a adopté l’Assemblée nationale, qui prévoyait le regroupement auprès du TCS de la société mère de toutes les filiales tombées en procédure collective postérieurement à la procédure touchant la société mère.
Cette rédaction n’est pas satisfaisante, car elle pourrait conduire une société mère à relever du TCS de l’une de ses filiales qui ferait déjà l’objet d’une procédure collective. Surtout, une telle disposition placerait plusieurs tribunaux en situation de concurrence : elle provoquerait une véritable course à la première saisine et des conflits de juridiction qui, là encore, complexifieraient grandement le traitement des procédures et le retarderaient. Par ailleurs, dans l’hypothèse de groupes transnationaux, se poserait une difficulté d’ordre communautaire, sur laquelle nous reviendrons.
Enfin, quatrièmement, vous réservez la spécialisation aux seules procédures collectives. Or les procédures de prévention, le mandat ad hoc et la conciliation sont devenus des procédures préparatoires indissociables des procédures collectives et ont fait la preuve de leur efficacité. Cette évolution a d’ailleurs été renforcée par une ordonnance du 12 mars 2014. Les sauvegardes accélérées et les sauvegardes financières accélérées sont, en réalité, des procédures de conciliation qui se poursuivent par des moyens différents. L’esprit de la conciliation étant toujours bien là, il est impératif que le même juge suive et surveille l’ensemble des procédures du livre VI du code de commerce.
Pour l’ensemble de ces raisons, au nom de la cohérence et d’une réforme qu’il s’agit d’assumer dans toute sa logique et de mener à son terme, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement du Gouvernement, qui donnera une plus grande lisibilité aux compétences des tribunaux de commerce spécialisés.
Nous avons eu ce matin, de très bonne heure, des échanges assez houleux qui nous ont permis d’entendre la position des uns et des autres sur ce point. Nous savons aussi que, hors de cet hémicycle, les juges des tribunaux de commerce se font entendre.
Cet amendement du Gouvernement tend purement et simplement à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, apparemment sans discussion ni concessions. Ce n’est pas du tout ce que j’avais compris hier !
Le présent amendement est donc contraire à la position de la commission, qui avait accepté le principe de spécialisation de certains tribunaux de commerce pour traiter les affaires les plus importantes, tout en retenant des modalités de mise en œuvre différentes ne dénaturant pas le texte.
J’insiste sur le fait qu’il y a convergence entre la commission spéciale et le Gouvernement sur l’objectif de spécialisation. Il aurait été infiniment plus simple pour la commission de supprimer cet article, compte tenu des réactions extrêmement vives qu’il a suscitées dans les milieux consulaires et, hier, dans cet hémicycle.
MM. Roger Karoutchi, Henri de Raincourt et Jacques Mézard opinent.
Je ne désespère jamais !
En revanche, outre un certain nombre de clarifications portant sur la rédaction et les conditions d’entrée en vigueur, il est vrai qu’il existe des divergences de vues entre la commission spéciale et le Gouvernement quant aux modalités qui doivent permettre d’atteindre cet objectif de spécialisation.
Ces divergences s’expliquent principalement, me semble-t-il, par le souci de la commission de mieux prendre en compte la question de la proximité, du point de vue des entreprises concernées par une procédure devant un tribunal de commerce.
Reprenons les points que vous avez évoqués, madame la secrétaire d’État.
S’agissant du nombre des TCS, le ministre nous en proposait 8 ou 9, là où la commission spéciale en propose au moins 1 par cour d’appel, soit environ 35 sur un total de 134. Cela signifie que 100 tribunaux de commerce disparaissent dans le cadre de la spécialisation.
Le but recherché est d’avoir un tribunal spécialisé par cour d’appel. Nous n’ignorons pas que la carte des 30 cours d’appel de métropole sera nécessairement revue dans les prochaines années. Dans certains cas, nous devrons avoir deux ou trois TCS par cour d’appel.
Le texte de la commission spéciale prévoit donc un tribunal spécialisé au moins par cour d’appel. Cette proposition reflète la situation particulière de certaines cours. Qu’allons-nous faire, en effet, pour la cour d’appel de Paris, avec les tribunaux de commerce de Paris, Bobigny et Créteil, pour la cour d’appel de Versailles, avec les tribunaux de commerce de Versailles, de Nanterre et de Pontoise, et, pour la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec les tribunaux de commerce de Nice et de Marseille ? Quel serait l’intérêt pour une entreprise de voir sa procédure délocalisée de Pontoise, qui est un tribunal important et compétent, à Nanterre ? En outre, 8 ou 9 tribunaux spécialisés ne pourraient pas assurer un maillage territorial suffisant.
Il y a là, certes, un point de divergence. Mais j’avais pensé que la discussion était ouverte, et ce d’autant plus que l’Agence France Presse nous annonce pour les prochaines semaines des turbulences – c’est le moins que l’on puisse dire ! – dans les tribunaux de commerce.
Pour ma part, je n’ai pas retenu ces turbulences, mais ce que disaient les juges des tribunaux de commerce. Dans leurs propositions, j’avais entrevu la possibilité d’un accord global entre la commission spéciale, qui peut s’effacer, le Gouvernement et les tribunaux de commerce.
Que souhaitent ces juges ? Des mécanismes de prévention, certes, mais surtout l’augmentation du seuil de compétence automatique des tribunaux spécialisés.
Hier, le ministre nous a dit, ici même, qu’il pouvait entendre la proposition portant sur le seuil de 250 salariés. Vous étiez un peu moins nombreux qu’aujourd’hui, mes chers collègues, mais j’ai tout de même des témoins !
Oui ! au banc des commissions.
S’agissant de la compétence automatique des tribunaux spécialisés, le projet de loi renvoyait à des seuils fixés par décret. Dans ce cas, on ne risque pas d’avoir beaucoup d’assurances !
Le ministre avait évoqué au départ le seuil de 150 salariés, qui figure dans l’étude d’impact, mais s’est montré ouvert, aussi bien lors de son audition solennelle devant notre commission que dans le cadre des nombreuses rencontres que j’ai eues avec lui, en tant que corapporteur, au ministère ou au Sénat. Il avait ainsi accepté le seuil, non pas de 400 salariés, qui n’est d’ailleurs pas demandé par les juges des tribunaux de commerce qui s’apprêtent à manifester, mais de 250 salariés. C’est un premier point : si ce seuil est admis, tout est débloqué !
Or, madame la secrétaire d’État, vous ne confirmez plus ce qui était pourtant acquis ce matin, à l’aube frémissante !
Sourires.
Au-delà de ces seuils, nous avons ouvert une compétence automatique pour les tribunaux spécialisés. Cette compétence serait certes facultative, mais la saisine du premier président de la cour d’appel est, quant à elle, obligatoire. Là encore, il y a un seuil important. Pour le reste, on retombe dans le droit commun.
Enfin, s’agissant des mécanismes de prévention, il faut savoir comment tout cela fonctionne, en particulier dans certains territoires. J’entends déjà Jacques Mézard, qui ne manquera pas de s’exprimer à ce sujet !
M. Jacques Mézard le confirme.
Comment trouver une solution souple pour les entreprises en difficulté ?
Même si la procédure de conciliation est de plus en plus imbriquée dans la procédure de sauvegarde, avec la sauvegarde accélérée, les divers mécanismes de prévention se caractérisent par leur souplesse, leur rapidité et, surtout, leur confidentialité. Le chef d’entreprise ne viendra confier ses premiers ennuis qu’à un juge qu’il connaît et qu’il connaît parce qu’il se trouve dans son territoire !
De ce point de vue, si ces procédures sont regroupées avec la sauvegarde, le redressement et la liquidation, vous pouvez dire adieu à ces premières tentatives de conciliation !
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a décidé d’exclure les premières approches de règlement des difficultés des entreprises de la compétence des tribunaux spécialisés. Était-ce si difficile d’aller jusque-là ? Je ne le pense pas. Là encore, le Gouvernement avait une ouverture.
Je me suis prononcé sur les points essentiels. Restent les scories. La commission spéciale a conservé la compétence de droit des tribunaux spécialisés en matière de procédures européennes et internationales. Elle a approuvé le regroupement des procédures concernant les sociétés d’un même groupe au point de systématiser ce dispositif dans un article 67 bis nouveau.
Les deux points de divergence qui persistent entre le Gouvernement et la commission spéciale peuvent facilement être réduits, ce qui permettrait d’éteindre le feu qui couve et qui prendra légitimement sous peu dans les tribunaux de commerce.
Voici ce que j’aurais suggéré au ministre s’il avait été présent - mais le Gouvernement est un et indivisible. Il lui est possible, sans perdre la face, au vu des propos qui ont été tenus hier, de trouver une solution correspondant à l’envie de réforme qui l’anime tout en satisfaisant l’ensemble des acteurs. Le Gouvernement pourra toujours profiter de la commission mixte paritaire pour trouver un texte intermédiaire.
Encore une fois, ai-je été assez sot d’y croire ! Jacques Mézard me répondra que oui !
Mais moi, j’y crois ! Que le Gouvernement reconnaisse que ce sujet est vraiment un point d’irritation et admette de se montrer légitime, avisé, réfléchi en décidant de retirer son amendement pour permettre de discuter sur la base de ce qu’a proposé la commission spéciale.
… mais aussi et surtout tous les tribunaux de commerce.
Cette solution me semble honnête. Je tends une perche au Gouvernement. Saisissez-la, ...
… car le compte rendu des débats attestera tous les efforts qu’a consentis le Sénat, toute la sagesse dont il a fait preuve, dans la recherche d’une solution intelligente et consensuelle.
M. François Pillet, corapporteur. Si vous ne le faites pas, je le répète, je ne suis pas sûr que le Gouvernement gouverne !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.
Pour autant, même si vous n’êtes pas en cause, je déplore, au nom de la commission spéciale et d’un certain nombre des membres de la Haute Assemblée, que le ministre ne soit pas présent aujourd’hui, qu’il n’ait pas souhaité nous prévenir et qu’il n’y ait eu aucune communication en séance sur les raisons de son absence.
Je le répète, madame la secrétaire d'État, ce n’est pas contre vous : après tout, dans un gouvernement, tout ministre est habilité à prendre la parole pour défendre la position du Gouvernement. C’est la règle. Cela étant, nous débattons de l’un des grands sujets de ce projet de loi. Le ministre m’a informé par texto qu’une obligation l’empêchait d’être présent. Soit, mais j’aurais préféré en être averti à l’avance.
Nous nous sommes quittés tôt ce matin, nous aurions pu organiser nos travaux afin de reprendre ce sujet plus tard avec lui.
Comme l’a rappelé fort justement à l’instant le rapporteur – j’en profite pour saluer sa constance et son talent, parce qu’il faut beaucoup d’abnégation pour reprendre, dans ces circonstances, une plaidoirie entamée à trois heures trente du matin et exposer avec brio la position que la commission spéciale a adoptée et qui reçoit le soutien d’un certain nombre de nos collègues –, ce ne sont pas de bonnes conditions pour débattre. Ce n’est à la hauteur ni de ce texte ni du sujet.
Par cette attitude, qui ne peut pas être une simple maladresse, nous mesurons l’absence de considération du Gouvernement pour les tribunaux de commerce. Quand on est ministre, on a conscience de la portée de ses actes. Je tiens à le dire solennellement au regard du débat qui a lieu cette nuit et de l’importance du sujet.
Pour notre part, nous souhaitons nous en tenir au sujet, fondamental pour le pays et pour la République et à une réforme que tout le monde attend. Nous poursuivrons le débat dans l’esprit constructif qui est le nôtre, mais, que ce soit clair, il ne faut pas trop tirer sur la corde !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur les travées du RDSE.
Non, en effet, il ne faut pas trop tirer sur la corde, monsieur le rapporteur !
Bien sûr que si ! Alors, ne nous reprochez pas d’en débattre encore cet après-midi.
Nous sommes dans la tragédie grecque : unité de lieu et unité de temps !
Je ne reviendrai pas sur le débat qui nous a occupés cette nuit, car je veux appuyer la position qu’a prise le Gouvernement par rapport au texte de la commission spéciale.
Reconnaissez que le ministre a eu droit à un procès en incompétence et en parisianisme !
Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Bien sûr que si ! Il a même été question d’absence de clairvoyance.
Mais ce n’était rien comparé à ce que j’ai lu depuis. Ayant passé la journée d’hier dans l’hémicycle, je n’ai découvert que ce matin les déclarations de M. Yves Lelièvre, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, qui annonce, dans un point presse, une grève à partir du 11 mai prochain.
Voilà ce qu’il déclare à l’endroit, je le suppose, des fonctionnaires et des membres du cabinet du ministre : « Ce sont des voyous, qui croient tout connaître, tout savoir, et qui en réalité ne savent pas grand-chose. »
Je veux témoigner du professionnalisme de l’administration, notamment des commissaires au redressement productif. J’ai été confrontée à un problème récemment dans mon département, à Mitry-Mory, à quarante kilomètres de Paris : j’y ai vu l’un des commissaires au redressement productif mandatés dans la région d’Île-de-France se battre au quotidien, main dans la main avec le président du tribunal de commerce.
Alors, sur la réalité du terrain, ne nous la faites pas ! Ce n’est pas acceptable ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je trouve ces réactions disproportionnées !
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Le texte de la commission spéciale prévoit au moins un tribunal de commerce spécialisé dans le ressort de chaque cour d’appel. C’est excessif et cela ne marchera pas. Cela revient à multiplier les tribunaux de commerce spécialisés qui traiteront chacun très peu d’affaires par an.
Certes, il faut répondre aux quelques problématiques géographiques qui ont été identifiées. Pour Versailles et Nanterre où, on le sait, un seul tribunal de commerce spécialisé ne suffira pas, Catherine Tasca avait proposé un amendement au groupe socialiste : il a disparu pour des raisons que je ne comprends toujours pas.
Il est également question de la compétence automatique du tribunal de commerce spécialisé pour les procédures collectives d’entreprise de plus de 250 salariés et pour les procédures transfrontalières. La commission spéciale veut relever le seuil envisagé par le Gouvernement, ce qui limitera encore, à l’excès, selon moi, le nombre d’affaires dont cette juridiction pourra être saisie. La commission prévoit également une compétence facultative pour les procédures renvoyées par la cour d’appel.
Compte tenu de la somme de ces modifications, un tribunal de commerce spécialisé ne traitera qu’une à deux affaires par an. En clair, cela revient à supprimer le dispositif introduit par le Gouvernement.
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes battu toute la nuit pour empêcher vos amis de supprimer cet article, au motif qu’il était possible de parvenir à un accord avec le Gouvernement. Aujourd'hui, vous reprochez à celui-ci de ne pas bouger. C’est que les points de vue de la commission spéciale et du Gouvernement divergent ; certes, ils peuvent se rapprocher, et le ministre a fait preuve de compréhension, mais la commission spéciale supprime le dispositif qu’il propose ! Vous ne réécrivez pas le texte. Ce n’est pas vrai, c’est même tout le contraire : vous le supprimez !
Je souhaite que nous parvenions à un accord, mais, pour filer la métaphore, la ficelle est un peu grosse. C’est même une corde de marin !
Madame Bricq, nos débats viennent à peine de reprendre, et je souhaite que nous prenions l’engagement de ne pas nous agacer mutuellement tout l’après-midi.
Je suis obligé de rectifier vos propos. Vous venez de prêter à des parlementaires, accessoirement à moi, des propos rapportés qui seraient ceux de M. Lelièvre. Nous ne les avons jamais tenus.
Je peux même ajouter qu’en quarante-cinq ans de carrière je n’ai jamais agressé un confrère ou un adversaire. Je m’en tiens au débat d’idées. C’est quelquefois gênant, les idées, car on n’a pas toujours les bonnes !
M. le ministre m’en donnerait acte s’il était présent aujourd’hui : à aucun moment, hier, sa capacité de discuter des idées n’a été mise en cause. C’est même le contraire. Nous avons eu des échanges de gentilshommes, si j’ose dire, au point – et je reconnais là son intelligence et sa sagacité – que le ministre a évolué et même changé d’avis.
Cessons cette querelle. Vous ne risquez pas de trouver ces propos que vous nous prêtez dans le compte rendu des débats. Je ne les ai ni tenus ni entendus.
Revenons au débat d’idées et, sur ce point, je vous attends !
Merci, monsieur le rapporteur, de nous attendre pour ce débat d’idées.Vous souhaitez rassurer les juges consulaires. Comme l’a souligné le ministre, ceux-ci sont plus inquiets par une réforme qui introduirait, comme certains l’ont suggéré, de l’échevinage dans les tribunaux de commerce que par cette spécialisation dans le domaine du redressement judiciaire des entreprises.
Sur ce sujet, je rejoins la position de Nicole Bricq et je rappelle ce que j’ai dit hier soir : il s’agit d’un travail partenarial très particulier. Nous avons tous en tête des cas où le rôle notamment des commissaires au redressement productif travaillant avec les tribunaux de commerce a été fondamental. Cela suffit à justifier l’existence de tribunaux spécialisés.
Je prends acte, monsieur le corapporteur, du fait que vous n’êtes pas hostile à ces tribunaux spécialisés, et je rappelle également que M. le ministre, hier soir, s’est déclaré ouvert sur le seuil de 250 salariés. Je propose donc, conformément à la suggestion que j’ai formulée en conclusion de mon intervention d’hier, de modifier l’amendement du Gouvernement en présentant un sous-amendement que, madame la secrétaire d’État, je vous inviterai à soutenir.
En réalité, mes chers collègues, selon la proposition gouvernementale, la liste et le ressort de ces juridictions spécialisées seront fixés par décret, pris après avis du Conseil national des tribunaux de commerce, lequel comprend un certain nombre de juges consulaires, soit, précisément, des représentants de la corporation menaçant de manifester et susceptible, d’ailleurs, de manifester pour d’autres raisons.
Dès lors, je ne vois pas pourquoi le Gouvernement s’enferme, alors que nous sommes un certain nombre à estimer que, pour certaines cours d’appel, un seul tribunal de commerce spécialisé ne suffira pas. En revanche, monsieur le corapporteur, je ne pense pas qu’il faille systématiquement un tribunal de commerce spécialisé dans chacune des cours d’appel, la petite taille de certaines d’entre elles ne le justifiant pas.
Je propose donc de sous-amender l’amendement du Gouvernement en précisant que « dans le ressort d’une ou de plusieurs cours d’appel, un ou des tribunaux de commerce ont compétence exclusive pour connaître » les procédures citées ultérieurement. Ainsi, c’est dans le cadre du décret en conseil d’État, pris après avis du Conseil national des tribunaux de commerce, qu’il sera possible de décider, au cas par cas, la création de plusieurs tribunaux spécialisés dans une cour d’appel ou d’un seul tribunal spécialisé couvrant deux ou trois cours d’appel.
Vraiment, je ne comprendrais pas que le Gouvernement se contraigne ainsi dans la loi et rejette une proposition constituant un début d’ouverture, une ouverture apparemment souhaitée par les uns et les autres, même si les discussions ont parfois l’apparence de dialogues de sourds. Telle est, en tout cas, la proposition que je formule.
Dans votre argumentaire, madame la secrétaire d’État, vous justifiez le principe d’une juridiction spécialisée par le fait que le contentieux serait spécialisé. C’est là, me semble-t-il, une fausse bonne idée !
La France a multiplié les juridictions spécialisées et elle est déjà très critiquée pour cette raison. Dernièrement, par exemple, le barreau de Toulouse s’est plaint de la spécialité créée autour des brevets et des problèmes de concurrence. Celle-ci oblige à se rendre à Bordeaux pour plaider des affaires ordinaires de brevet ou de concurrence concernant des entreprises implantées dans des métropoles comme Toulouse ou Montpellier !
En Allemagne, il n’existe aucune juridiction spécialisée en matière de brevets. Pour autant, le pays en dépose de nombreux et ne rencontre aucune difficulté particulière en la matière.
Dans la version initiale de son projet de loi relatif à la consommation, M. Benoît Hamon prévoyait la création de neuf juridictions spécialisées pour faire face à de prétendues difficultés concernant les actions collectives. Heureusement, la navette entre les deux assemblées lui a permis de reconnaître que cette idée n’était pas bonne et d’y renoncer. Aujourd’hui, tous les tribunaux de grande instance de France peuvent donc en connaître.
Il en va de même pour les procédures collectives. Il n’y a pas de différence entre une procédure qui concernerait 100 salariés et une autre qui en concernerait 150. Le plus important, c’est que le tribunal de commerce saisi de l’affaire connaisse le tissu économique dans lequel l’entreprise s’inscrit.
En outre, on voit bien que ce projet a été proposé par le ministère de l’économie, car tout un pan d’activité est oublié : il s’agit de l’économie solidaire, qui relève, non pas des tribunaux de commerce, mais des tribunaux de grande instance.
Je ne crois pas que le Gouvernement propose la création de juridictions spécialisées au sien des tribunaux de grande instance pour traiter les procédures collectives concernant ce secteur. Pourtant, le président du tribunal de commerce d’Agen, qui est expert-comptable, ancien commissaire aux comptes, et qui a exercé pendant six ans la fonction de juge-commissaire, m’apparaît disposer de beaucoup plus de compétences qu’un vice-président tout juste nommé au tribunal de grande instance d’Agen pour traiter d’une procédure collective concernant, par exemple, une association employant 600 salariés. Or de tels cas existent bien !
Par conséquent, rien qu’en se limitant à cette idée de juridiction spécialisée, le dispositif proposé dans le projet de loi apparaît complètement déséquilibré.
L’essentiel, me semble-t-il, est de bien différencier la juridiction – l’instance ayant le pouvoir de juger - et les professionnels qui auront à s’occuper du redressement de l’entreprise, car, en définitive, toute cette discussion recouvre une préoccupation : celle de l’emploi.
Souvent, la difficulté se situe au niveau de la recherche des professionnels compétents pour assurer la continuité de l’entreprise et trouver un repreneur. Elle n’est pas d’ordre juridique, c’est-à-dire liée à la décision à prendre, mais réside dans la préparation du redressement de la société et, donc, de la cession. Cette étape exige effectivement l’intervention de professionnels qui sont actuellement surchargés, peut-être en nombre insuffisant ou pas nécessairement compétents pour intervenir dans la spécialité de l’entreprise.
Hier soir, je le rappelle, le Sénat a renoncé à supprimer cet article 66 du projet de loi, au motif que la commission spéciale avait avancé une proposition équilibrée s’agissant du nombre de juridictions que l’on pouvait envisager de voir spécifiquement saisies dans le cadre de procédures collectives pour des entreprises ayant un effectif important.
Pour ma part, j’estime qu’il faut au moins une juridiction spécialisée par cour d’appel et je me permets d’apporter cette précision à l’adresse de mon collègue Jacques Bigot : ce n’est pas parce qu’une cour d’appel est de petite taille qu’elle ne peut pas avoir un champ d’action spécialisé. Ainsi, la cour d’appel d’Agen, qui n’est pas grande, dispose d’un territoire spécialisé en matière d’activités agricoles et a une connaissance particulière des coopératives ou de dispositifs tels que les contrats d’intégration. Je juge nécessaire que cette cour d’appel ait au moins une juridiction spécialisée.
Hier soir, monsieur le ministre a évoqué le cas de Villeneuve Pet Food. Si cette entreprise a de très bons résultats aujourd’hui, c’est précisément parce qu’elle a pu bénéficier du soutien d’une juridiction de proximité !
Il faut donc s’en tenir à la solution proposée par la commission spéciale, qui est vraiment équilibrée.
Je crois, monsieur le corapporteur, que tôt ce matin, à quatre heures, vous avez fait un rêve ! Vous avez rêvé que les propos de conciliation qui vous étaient tenus allaient être suivis d’effets, et c’est sur un amendement de suppression de l’article 66 émanant du groupe CRC, et non du groupe UMP, la majorité sénatoriale, que nous avons voté.
J’ai voté cet amendement, tout en vous avertissant : le Gouvernement allait…
Je ne vous le fais pas dire, madame la corapporteur ! Il m’apparaît, cet après-midi, que j’avais raison. Cela arrive, même si, je le concède, il m’arrive aussi d’avoir tort !
Mais la forme représente souvent le fond, et Mme la secrétaire d’État, que je vois sourire, sait bien où le Gouvernement veut aller. In fine, il entend maintenir intégralement son texte !
Or ce n’est pas une bonne chose. Comme l’a rappelé notre collègue Henri Tandonnet, qui sait bien ce que c’est, pour avoir passé sa vie dans une cour d’appel, nous disposons déjà de juridictions spécialisées dans d’autres domaines. Ce n’est pas la panacée. Souvent, l’existence de ces juridictions pose beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en règle. J’ai rappelé ce matin à quel point l’expérience des pôles d’instruction, voulus du côté droit de cet hémicycle, se révèle être un échec, dont plus aucun gouvernement ne sait sortir.
Par ailleurs, de quoi s’occuperaient ces juridictions spécialisées ? De procédures collectives ? Comme Henri Tandonnet l’a également souligné, à juste titre, le véritable problème, s’agissant de ces procédures collectives, est de disposer de mandataires compétents – il y en a, mais tous ne le sont pas !
Aucune difficulté n’est constatée au niveau des juges consulaires, mais, madame la secrétaire d’État, quand vous venez expliquer à ceux d’entre eux qui ne siègent pas dans des tribunaux de commerce de grande métropole qu’ils n’ont pas donné satisfaction, qu’ils ne sont pas compétents et que, dès lors, vous entendez laisser à leur charge les seuls injonctions de payer et recouvrements, vous espérez qu’ils en soient heureux. ? Eh bien, non !
Qui, sur nos territoires, connaît le mieux la situation de ces entreprises de quelques centaines de salariés – 100, 250, 300, 350 ? Ce sont les juges consulaires !
En plus, vous voulez les priver de leurs responsabilités en matière de conciliation. Alors même que celle-ci doit être menée au plus près de l’entreprise, par des juges connaissant le terrain, vous prévoyez l’inverse !
Quel résultat allons-nous obtenir ainsi ? Ne nous berçons pas d’illusions ! Voilà quelques semaines, la Cour des comptes a rendu un rapport expliquant que l’avenir de la carte judiciaire reposerait sur l’existence d’une cour d’appel par grande région. Est-cela, la, la proximité ? Est-ce cela, se rapprocher des citoyens ?
Ce n’est pas si grave, m’objecte-t-on. Après tout, s’il ne s’agit que de plaider une ou deux fois dans sa vie, on peut bien faire 400 kilomètres ! C’est là une vision bien technocratique, je n’hésite pas à le dire ! D’ailleurs, le terme n’est pas péjoratif en soi. Une telle position peut présenter des avantages et des inconvénients. Mais reconnaissons au moins que cette vision est typiquement celle de Bercy. Eh bien, mes chers collègues, nous n’en voulons pas dans nos territoires ! Nous voulons conserver des compétences et des liens de proximité !
En outre, il n’est pas très raisonnable de considérer qu’une instance compétente pour régler un problème de procédure collective concernant une entreprise de 130 salariés ne le serait plus dès lors que l’effectif de l’entreprise atteindrait 151 salariés.
Je maintiens donc ma position, tout en signalant à M. le corapporteur, qui, comme toujours, parce qu’il est un homme de dialogue et de conciliation, a fait beaucoup d’efforts, que, si une partie n’aspire pas au dialogue et à la conciliation, il faut aussi savoir en tenir compte !
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Je vais être très bref, mes chers collègues.
Il est un point d’ordre et de pratique qui me conduira jusqu’à la fin de mon mandat. Quand je suis entré dans cette maison, je n’ai pas laissé mes rêves au pied des grilles du jardin du Luxembourg. Ils sont entrés ici, avec moi !
En outre, et même si je ne peux pas parler en son nom, il me semble – je le dis et cela figurera au compte rendu – que, si le Gouvernement ouvrait un dialogue, d’une part, sur une hausse du seuil à 250 salariés et, d’autre part, sur la possibilité d’aller peut-être jusqu’à 15 ou 20 tribunaux de commerce spécialisés, un accord serait possible avec les juges de commerce. J’ai tendance à le penser, mais j’entends peut-être des voix… En tout cas, j’invite le Gouvernement à ne pas laisser passer cette possibilité !
Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.
Mais parfois, mesdames, messieurs les sénateurs, ne pas avoir été au cœur des débats aide aussi à ne pas perdre de vue l’objectif final. Lorsque j’entends que le Gouvernement doit gouverner, il me vient cette réflexion : un gouvernement gouverne…
Les assemblées, quant à elles, légifèrent, madame la secrétaire d’État. C’est leur responsabilité !
… lorsqu’il poursuit l’intérêt général, et l’intérêt général, c’est que le traitement des situations des entreprises importantes qui sont en grandes difficultés soit le plus efficace, le plus rapide et le plus protecteur des salariés possible. Dire cela, ce n’est en rien remettre en cause la compétence, l’expertise, le dévouement des juges consulaires. Cela n’a rien à voir !
Regarder les chiffres : sur les 63 000 procédures de prévention et procédures collectives qui ont eu lieu l’année dernière, 126 redressements judiciaires concernaient des entreprises de plus de 100 salariés. C’est de cela que je vous parle ! Pour le reste du contentieux, il est à 99 % laissé aux mains expertes et intelligentes des juges consulaires.
J’ai travaillé en contentieux, notamment en contentieux international, et je vous assure que cette problématique de la concurrence entre les tribunaux est bien réelle et qu’elle nuit gravement à la recherche d’une solution globale.
Lorsque nous sommes face à une multinationale, nous avons le devoir de nous interroger sur la meilleure manière de consolider les procédures en cours, et de les traiter de manière globale.
Lorsque je rencontre des investisseurs étrangers qui hésitent à investir dans notre pays, je les entends souvent mettre en avant la complexité des procédures collectives, notamment le redressement judiciaire ou le plan de licenciement, celles-ci étant peu lisibles et peu prévisibles, notamment en cas de pluralité de sites de production. Je pense que vous partagez également ce constat objectif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement gouverne, il n’abdique pas, et il ne retire donc pas les amendements qu’il dépose. §En revanche, il ne ferme nullement la porte aux pistes d’évolution qui ont été annoncées et discutées la nuit dernière.
Le travail va se poursuivre, notamment sur les seuils. À plusieurs reprises, M. le ministre et moi-même avons confirmé l’intérêt que nous portons aux propositions qui ont été faites à cet égard. Nous allons également, avec toutes les personnes concernées et les juges consulaires, poursuivre la cartographie des tribunaux de commerce spécialisés, avec un seul objectif, l’intérêt général de notre pays, qui passe par le redressement de nos entreprises et la sauvegarde des emplois locaux.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je voudrais tout d’abord féliciter M. le rapporteur pour ses qualités de négociateur.
Si nous voulons conserver nos tribunaux de commerce, ce n’est pas pour conserver coûte que coûte nos structures.
Certes, madame la secrétaire d’État, dans notre pays, les procédures sont trop complexes, dans beaucoup de domaines, mais surtout en matière de redressement judiciaire ou de sauvegarde des entreprises. Mais c’est justement parce que les procédures sont complexes que l’on a besoin d’une forte décentralisation des tribunaux.
Nombre de mes collègues sénateurs peuvent en témoigner : il arrive souvent que des entreprises sont sauvées parce que leur cas a été traité par des petits tribunaux de commerce de proximité qui ont adapté cette procédure complexe à l’entreprise et aux données locales.
Dans mon petit département, j’ai l’exemple d’une entreprise de 1 200 salariés. Si le cas de cette entreprise avait été traité par un tribunal spécialisé, sans doute un peu éloigné, ces emplois n’existeraient peut-être plus aujourd’hui.
Cette « relocalisation » de tribunaux nous semble donc fondamentale et, au demeurant, elle ne coûte rien, les juges étant tous des bénévoles, mais de bénévoles qui ont le souci de l’emploi. Et ceux auxquels je pense à cet instant se sont vraiment décarcassés pour sauver l’emploi !
Si vous le souhaitez, nous pourrons, dans un autre projet de loi, modifier les procédures en vigueur – il y a du travail à faire !
Un seuil fixé à 250 salariés me semble déjà bas, mais je l’approuve, car je souhaiterais que l’on puisse au moins sauver cela.
Je voterai donc évidemment contre l’amendement du Gouvernement.
Je mets aux voix l'amendement n° 1585.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 169 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1349, présenté par MM. Guerriau, Kern, Bonnecarrère et Longeot, Mme Morin-Desailly et M. Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 721 -8. – Dans le ressort d’une cour d’appel, un ou plusieurs tribunaux de commerce ont compétence exclusive pour connaître :
La parole est à M. Joël Guerriau.
L’article 66 prévoit la spécialisation de certains tribunaux de commerce qui auront une compétence exclusive pour les entreprises les plus importantes et les groupes connaissant des difficultés, mais également pour les entreprises disposant de plusieurs établissements dans des ressorts de tribunaux de commerce différents.
Le texte prévoit qu’une dizaine de juridictions deviennent compétentes en matière de prévention et de traitement des difficultés et des contentieux des entreprises. Cette réduction drastique est bien trop importante, comme nous l’avons souligné.
Elle va priver nombre de tribunaux de commerce de leur capacité à traiter les affaires d’un grand nombre d’entreprises installées sur leur ressort.
Ce transfert de compétence risque de marginaliser des juridictions dont l’activité va se réduire. En effet, moins de dossiers, c’est aussi moins d’administrateurs, moins de mandataires judiciaires et d’avocats au siège de leur juridiction. Ils devront se délocaliser ou additionner des kilomètres.
Je rappelle que le nombre de tribunaux de commerce a déjà été considérablement réduit, passant de 191 en 2008 à 134 aujourd’hui.
Après avoir entendu Mme la secrétaire d’État, je m’interroge : jusqu’où pouvons-nous aller pour être le plus efficace, le plus rapide et le plus protecteur des salariés ?
En réalité, le texte nous expose à deux risques, d’une part celui d’une surcharge des juridictions interrégionales, d’autre part celui d’une complication de la défense.
L’efficacité économique consisterait à laisser au tribunal du siège social de l’entreprise la compétence en matière de prévention et de traitement des difficultés. En outre, l’extrême urgence et, parfois, la gravité des situations rencontrées nécessitent une justice géographiquement proche du siège de l’entreprise.
Il nous paraît essentiel de privilégier une approche humaine des dossiers. Ainsi, le contact de proximité entre les représentants des salariés et le tribunal local est un aspect fondamental dont le texte ne tient pas compte. Cela démontre le caractère très administratif de ce texte, alors que l’humain devrait être la principale motivation pour optimiser l’efficacité.
Par ailleurs, l’éloignement du justiciable des intérêts économiques de son territoire ajoute à la difficulté, pour une entreprise en jugement, de faire comprendre sa réalité locale.
Il en va de même de l’éloignement des administrations dont il dépend, celles-ci étant les plus à même de contribuer à trouver des solutions.
On le voit, le déracinement déshumanise le jugement. S’ajoutent des frais et du temps pour ces déplacements, au-delà même de la préparation des dossiers.
Ainsi, je déplore que la délocalisation des affaires réponde à des critères de rationalisation, mais ne prenne pas en considération les intérêts en présence et l’efficacité économique.
Notre amendement vise donc à garder plusieurs tribunaux de commerce spécialisés dans une même cour d’appel, afin de garantir au justiciable une proximité suffisante.
Par cet amendement, il est demandé de substituer à la règle de la délocalisation automatique celle d’une délocalisation choisie par chaque cour d’appel. Chaque fois qu’une entreprise répondra aux critères fixés par le décret, le Premier président de la cour d’appel dont dépend la juridiction naturellement compétente désignera le tribunal de son ressort chargé de traiter l’affaire.
Soyez rassuré, mon cher collègue, vous avez satisfaction avec le texte de la commission, qui prévoit « un tribunal au moins dans le ressort de chaque cour d’appel ». Sans doute avez-vous redéposé cet amendement avant que la commission n’ait établi sa propre rédaction.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de l’amendement.
Moi non plus, je n’ai pas l’intention d’abdiquer, et c’est pourquoi j’ai pris la parole pour défendre mes arguments ! Cela étant fait, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 1349 est retiré.
L'amendement n° 1752, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
est déterminée en application d’autres actes de droit international
par les mots :
résulte de la présence dans son ressort du centre principal des intérêts du débiteur
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
Cet amendement n’est pas exclusivement rédactionnel, monsieur le rapporteur, puisqu’il vise à préciser la compétence internationale du tribunal de commerce spécialisé en cas de procédure collective ouverte à l’égard d’un débiteur dont le siège ne se situe pas en France, en dehors des procédures ouvertes en application du droit de l’Union européenne, en reprenant les règles de compétence territoriale déjà fixées par le code de commerce.
En conséquence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. François Pillet, corapporteur. Je savais bien qu’il en ferait preuve un jour !
Sourires.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les présidents des tribunaux de commerce dans le ressort desquels l’entreprise a des intérêts siègent de droit au sein de la formation de jugement du tribunal spécialisé compétent.
La parole est à M. Jacques Mézard.
L’examen de cet amendement peut donner au Gouvernement l’occasion de montrer qu’il est prêt à faire des efforts pour trouver des solutions constructives.
Que disons-nous depuis le début de ce débat ? Nous avons besoin d’une justice de proximité, de juges consulaires qui connaissent les réalités de terrain, qui ont une opinion sur la manière dont les entreprises en difficulté ont été gérées, qui connaissent le moyen de trouver localement des repreneurs, surtout lorsqu’il s’agit d’entreprises de 200, 250 ou 300 salariés. Puisque vous tenez absolument à vos juridictions spécialisées, acceptez qu’un représentant de la juridiction de proximité siège en leur sein !
Nous proposons que les présidents des tribunaux de commerce dans le ressort desquels l’entreprise a des intérêts siègent de droit au sein de la formation de jugement du tribunal spécialisé compétent. Ce serait un moyen sage de faire avancer le dossier. Cela garantirait, pour vous, la création de juridictions spécialisées, et cela permettrait à ces juridictions d’avoir une vision des enjeux de proximité. Comme il n’y a pas en France énormément d’affaires impliquant des entreprises de plus de 150 ou 250 salariés – vous l’avez vous-même rappelé –, ce serait un progrès pour tout le monde.
J’ajoute qu’il ne serait pas inutile que le tribunal spécialisé demande l’avis du procureur local. Ce serait, là encore, un moyen de faire avancer les choses.
Monsieur le rapporteur, notre proposition est constructive. Nous cherchons comme vous la conciliation. Nous allons voir si nous avons l’oreille du Gouvernement.
Mon cher collègue, votre idée est séduisante, d’autant que M. le ministre l’a défendue oralement à plusieurs reprises. Je m’étais personnellement interrogé à son sujet, avant d’y renoncer pour plusieurs raisons. Je vais vous les exposer, en précisant dès à présent qu’elles ne valent pas pour autant avis défavorable.
Tout d’abord, les juges consulaires que j’ai interrogés sur votre proposition s’y sont montrés hostiles.
Ensuite, cette mesure pourrait – je pense que vous admettrez assez facilement que cela soulève une difficulté, même si le mur n’est pas infranchissable – créer une sorte de tutelle des tribunaux spécialisés sur les tribunaux ordinaires si le président du tribunal non spécialisé dans le ressort duquel l’entreprise a son siège devient un membre ordinaire du tribunal spécialisé, sous l’autorité de son président. Spécialisation ne signifie pas subordination.
Il serait par ailleurs tout à fait original, dans notre organisation judiciaire, qu’un même magistrat soit membre de deux tribunaux dont les ressorts sont géographiquement distincts.
Enfin, d’un point de vue purement pratique, votre mesure paraît difficile à mettre en œuvre. Un tribunal spécialisé peut être à plusieurs centaines de kilomètres d’un tribunal non spécialisé ; même si la distance n’est que d’une centaine de kilomètres, cela peut poser problème. Les présidents des tribunaux de commerce sont bénévoles ; ils gèrent par ailleurs une entreprise ou un commerce. Ils n’ont donc pas forcément la disponibilité pour se rendre à des audiences au tribunal spécialisé en plus de l’exercice de leurs missions propres.
Pour autant, ces réserves qui m’ont conduit à renoncer à votre idée, qui nous était initialement commune, me semblent pouvoir être écartées si le Gouvernement profite de cette proposition pour conduire une négociation d’ensemble sur le fonctionnement des tribunaux spécialisés.
La balle est donc dans le camp du Gouvernement. J’attends sa réponse avec beaucoup d’impatience, car, si elle est positive, nous pourrons parvenir en commission mixte paritaire à une solution qui, si elle avait été retenue dès le début, nous aurait évité toutes les irritations inutiles que nous avons connues ces deux derniers jours.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Quitte à vous surprendre, le Gouvernement est plutôt favorable à cet amendement.
Ah ! sur les travées de l’UMP.
Tout à fait !
La position du Gouvernement illustre sa volonté de ne pas opposer proximité et spécialité. L’idée que le président du tribunal de commerce non spécialisé puisse siéger au sein de la formation collégiale du tribunal de commerce spécialisé nous semble raisonnable.
Je rappelle que le nombre d’affaires dont il s’agit est très limité : 140 par an en moyenne. Cela représente un dossier par an pour chaque tribunal. Les présidents de tribunal non spécialisé n’auront donc pas à multiplier les allers et retours.
Il s’agit de s’assurer que les intérêts locaux de l’entreprise – ou a fortiori du groupe – sont bien représentés, afin de permettre un examen global du dossier.
Quant à une guerre des présidents de tribunal, j’ose espérer qu’elle n’aura pas lieu, s’agissant de magistrats, c'est-à-dire de personnes investies d’une mission d’intérêt public auxquelles on confie la responsabilité de juger de l’avenir d’une entreprise, et donc des emplois et de la vie des salariés.
J’apporterai enfin deux précisions. D'une part, dans les procédures collectives, la saisine pour avis du procureur est de droit, monsieur Mézard. D'autre part, nous n’affaiblissons nullement les tribunaux de commerce. Ce gouvernement en a-t-il fermé ? Non. Les chiffres que vous avez cités, et qui peuvent légitimement inquiéter, renvoient à l’action de la précédente majorité : 30 tribunaux ont été supprimés sur l’initiative de la garde des sceaux de l’époque, Rachida Dati. (
Pour notre part, nous ne supprimons aucun tribunal. Nous réfléchissons avec les parlementaires aux moyens de trouver le meilleur équilibre possible entre la proximité et l’impératif d’efficacité pour le traitement des affaires complexes.
Dans ces conditions, j’émets, au nom de la commission, un avis favorable !
L'amendement est adopté.
L'article 66 est adopté.
L’article L. 662-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « de la cour, », sont insérés les mots : « ou devant une juridiction mentionnée à l’article L. 721-8 » ;
2° La deuxième phrase est complétée par les mots : « ou une juridiction mentionnée à l’article L. 721-8 » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le nombre de salariés ou le chiffre d’affaires d’un débiteur, exerçant une activité commerciale ou artisanale, sont supérieurs aux seuils mentionnés à l’article L. 626-29 et que le débiteur n’est pas une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, la cour d’appel décide, après avis du ministère public, s’il y a lieu de renvoyer l’affaire devant une juridiction mentionnée à l’article L. 721-8, pour connaître des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, dans des conditions fixées par décret. »
L'amendement n° 861, présenté par Mme Gruny, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
L'amendement n° 861 est retiré.
L'amendement n° 1586, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 662-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après les mots : « de la cour », sont insérés les mots : « ou devant une juridiction mentionnée à l’article L. 721-8 » ;
2° La deuxième phrase est complétée par les mots : « ou une juridiction mentionnée à l’article L. 721-8 » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les conditions prévues à l’article L. 721-8 sont remplies et que le tribunal de commerce saisi n’est pas un tribunal de commerce spécialisé, le président du tribunal de commerce saisi transmet immédiatement le dossier par ordonnance motivée au premier président de la cour d’appel de son ressort. Le premier président de la cour d’appel transmet immédiatement le dossier, après avis du ministère public, au tribunal de commerce spécialisé compétent. Si le tribunal de commerce spécialisé se situe dans le ressort d’une autre cour d’appel, il informe le premier président de cette cour d’appel de cette transmission. »
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Cet amendement vise à rétablir la disposition prévoyant la compétence juridictionnelle des tribunaux de commerce spécialisés pour l’ensemble des procédures du livre VI du code de commerce, à savoir les procédures de prévention et les procédures collectives.
J’ai déjà exposé la logique de cette compétence juridictionnelle. Les procédures de prévention sont des procédures préparatoires essentielles à l’efficacité des procédures collectives. Il est primordial, pour éviter qu’une juridiction ne perde du temps à recommencer l’instruction depuis le point de départ, et donc pour préserver toutes les chances de sauvegarder les emplois, que le même tribunal soit chargé de l’ensemble des procédures, du début à la fin, de la conciliation jusqu’à la sauvegarde financière accélérée ou au redressement judiciaire.
Je me suis largement expliqué ; nous avons largement débattu. L’entêtement n’étant pas une méthode pour convaincre, je renonce et me contente d’émettre un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 67 est adopté.
I. – L’article L. 662-8 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 662-8. – Le tribunal est compétent pour connaître de toute procédure concernant une société qui détient ou contrôle ou qui est détenue ou contrôlée, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, par une société pour laquelle a déjà été ouverte une procédure devant lui.
« Il peut désigner un administrateur judiciaire et un mandataire judiciaire commun à l’ensemble des procédures.
« Lorsque le 1° de l’article L. 721-8 ou le deuxième alinéa de l’article L. 662-2 est applicable alors qu’une procédure a déjà été ouverte devant un tribunal qui n’est pas une juridiction mentionnée à l’article L. 721-8, la cour d’appel décide s’il y a lieu de renvoyer l’ensemble des procédures devant une telle juridiction. »
II. - Le présent article est applicable aux procédures ouvertes à compter de la publication de la présente loi.
L'amendement n° 1527, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Il s’agit de renvoyer à un décret le soin de fixer le seuil de compétence des tribunaux de commerce spécialisés. Nous en avons déjà discuté il y a quelques instants. La commission spéciale propose de fixer trois niveaux de compétence : une compétence obligatoire pour les entreprises employant 250 salariés ou plus, une compétence facultative pour les entreprises employant entre 150 et 250 salariés, et une compétence possible pour les entreprises employant moins de 150 salariés si un intérêt légitime le commande.
Je le répète, cette proposition est intéressante et peut retenir l’attention du Gouvernement. Néanmoins, il n’est pas question d’accepter des négociations au cas par cas qui ne s’intégreraient pas dans l’économie globale du dispositif, car cela ne correspondrait pas à l’esprit de la réforme, notamment au regard du nombre de tribunaux de commerce spécialisés au niveau national et de leur compétence juridictionnelle.
Le sujet doit être traité sous toutes ses facettes. Comme cela a été expliqué précédemment, il n’est pas possible, à ce stade, de s’accorder sur la question du seuil. Nous allons continuer de discuter avec tous les interlocuteurs concernés, de manière à trouver un accord d’ensemble qui soit satisfaisant pour tous.
Monsieur le président, sous votre contrôle, il me semble que cet amendement n’a plus d’objet, puisque l’article 66 n’a pas été rétabli dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
En effet, monsieur le corapporteur : compte tenu des votes précédents, l’amendement n° 1527 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 1753, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux procédures pour l’ouverture desquelles la compétence internationale du tribunal est déterminée en application des actes pris par l’Union européenne relatifs aux procédures d’insolvabilité. »
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 1756.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° 1756, également présenté par M. Pillet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le chapitre II du titre VI du livre VI du même code est complété par un article L. 662-… ainsi rédigé :
« Art. L. 662 -... – Lorsque le débiteur est une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, le tribunal consulte l’Autorité des marchés financiers, dans les conditions prévues à l’article L. 621-20 du code monétaire et financier :
« 1° Avant de statuer sur l’ouverture de la procédure ;
« 2° Dans le cas prévu au troisième alinéa du I de l’article L. 631-19 du présent code ;
« 3° Avant de statuer dans le cas prévu à l’article L. 631-19-2 dudit code. »
Veuillez poursuivre, monsieur le corapporteur.
L’amendement n° 1753 vise à exclure les procédures européennes d’insolvabilité du dispositif procédural de regroupement devant le même tribunal des procédures collectives concernant des sociétés appartenant à un même groupe, afin d’éviter tout risque de conflit avec le droit de l’Union européenne.
L'amendement n° 1756 vise, quant à lui, à prévoir la consultation obligatoire de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, avant toute ouverture par le tribunal d’une procédure collective à l’égard d’une société cotée. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi cette consultation serait particulièrement utile et opportune. Nous renvoyons par ailleurs à la procédure de droit commun permettant à une juridiction de consulter l’AMF.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1753 pour des raisons procédurales, si j’ose dire : il serait devenu sans objet si l’amendement du Gouvernement relatif à l’économie globale de la réforme avait été adopté. Sur le fond, il n’y a pas de raison d’exclure de la compétence des tribunaux de commerce spécialisés les procédures européennes d’insolvabilité.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 1756.
La consultation de l’Autorité des marchés financiers à l’occasion de la procédure de cession forcée prévue à l’article 70, qui pourrait éventuellement donner lieu à une OPA, peut se justifier.
En revanche, cette consultation de l’AMF ne présente pas systématiquement d’utilité dans le cadre de l’ouverture de toutes les procédures collectives et de l’établissement de tous les plans de redressement relatifs à une société qui serait cotée. Le dispositif de cet amendement, qui alourdirait les procédures, n’est pas du tout conforme à l’esprit de simplification et de réduction des délais qui a inspiré leur réforme en 2014.
De plus, les sociétés cotées ont l’obligation de mettre à disposition du marché toutes les informations les concernant susceptibles d’avoir une influence sur le cours de leurs actions et d’informer au préalable l’autorité régulatrice de tout fait susceptible d’avoir une incidence sur celui-ci. D’ailleurs, à défaut d’une telle information, ces sociétés encourent des sanctions de nature correctionnelle de la part de l’AMF.
En outre, s’agissant d’une consultation préalable, l’AMF n’a aucune compétence pour apprécier l’état de cessation des paiements d’une entreprise.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 67 bis est adopté.
Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame, M. Michel Berson, Mmes Natacha Bouchart, Agnès Canayer, MM. Michel Canevet, Pierre-Yves Collombat, Gérard Cornu, Mme Cécile Cukierman, M. Michel Delebarre, Mme Marie Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont, Jean Yves Leconte, Philippe Leroy, Jacques Mézard, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean Vincent Placé, Hugues Portelli, Claude Raynal, Alain Richard, Jean Louis Tourenne, André Trillard et Michel Vaspart, membres de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 68.
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre III du livre VII est complété par un article L. 732-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 732-8. – L’article L. 721-8 n’est pas applicable dans les régions et départements d’outre-mer. » ;
2° Le livre IX est ainsi modifié :
a) Le chapitre VII du titre Ier est complété par un article L. 917-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 917-6 – L’article L. 721-8 n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. » ;
b) Le chapitre VII du titre II est complété par un article L. 927-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 927-4 – L’article L. 721-8 n’est pas applicable à Mayotte. » ;
c) Le titre VI est complété par un article L. 960-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 960-3 – L’article L. 721-8 n’est pas applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. » –
Adopté.
Section 2
Administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires
(Supprimé)
L'amendement n° 1590, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 621-4, il est inséré un article L. 621-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 621 -4 -1. – Le tribunal désigne au moins un deuxième administrateur judiciaire et un deuxième mandataire judiciaire dans le jugement d’ouverture de la procédure à l’encontre d’un débiteur lorsque ce dernier :
« 1° Possède un nombre d’établissements secondaires situés dans le ressort d’un tribunal où il n’est pas immatriculé au moins égal à un seuil fixé par voie réglementaire ;
« 2° Ou détient ou contrôle, au sens des articles L. 233-1 ou L. 233-3, au moins deux sociétés à l’encontre desquelles est ouverte une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
« 3° Ou est détenu ou contrôlé, au sens des mêmes articles L. 233-1 ou L. 233-3, par une société à l’encontre de laquelle est ouverte une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, cette société détenant ou contrôlant elle-même au moins une autre société à l’encontre de laquelle est ouverte une telle procédure,
« et lorsque le chiffre d’affaires du débiteur ou de l’une des sociétés mentionnées aux 2° ou 3° dépasse un seuil défini par voie réglementaire.
« Ce deuxième administrateur et ce deuxième mandataire sont, chacun en ce qui le concerne, communs au débiteur et aux sociétés mentionnées aux 2° et 3°.
« Les seuils mentionnés au 1° et au cinquième alinéa, ainsi que les conditions d’expérience et de moyens que doivent remplir le deuxième administrateur et le deuxième mandataire au regard de la complexité de la procédure ou de la taille des entreprises concernées sont précisés par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 631-9, la référence : « L. 621-5 » est remplacée par la référence : « L. 621-4-1 » ;
3° Après l’article L. 641-1-1, il est inséré un article L. 641-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 641 -1 -2. – Lorsque sont réunies les conditions prévues à l’article L. 621-4-1, le tribunal désigne en qualité de liquidateur au moins deux mandataires judiciaires, dont un commun au débiteur et aux sociétés mentionnées aux 2° et 3° du même article. » ;
4° Aux articles L. 936-1 et L. 956-1, après la référence : « L. 621-4, », est insérée la référence : « L. 621-4-1, ».
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Cet amendement vise à rétablir l’article 69, lequel avait pour objet de prévoir une désignation obligatoire d’un deuxième administrateur judiciaire et d’un deuxième mandataire judiciaire dans les procédures collectives les plus importantes.
Aujourd’hui, il s’agit d’une option simplement ouverte par les ordonnances du 12 mars 2014, notamment en ce qui concerne l’assurance de garantie des salaires.
Or, pour les dossiers importants, il nous semble qu’une telle double désignation d’administrateurs et de mandataires est nécessaire, car elle permet d’assurer que tous les moyens sont mis à la disposition du redressement des entreprises. Lorsqu’il s’agit d’un groupe, il est impératif de désigner non seulement des structures qui soient capables de gérer la procédure au plan national, mais également des professionnels au niveau local, là où les enjeux sociaux sont importants, la connaissance du tissu local étant un atout.
Par cet amendement, nous souhaitons également poser pour principe que le tribunal devra, au préalable, s’assurer que le professionnel désigné possède bien la structure et l’expérience requises pour gérer une entreprise.
Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a considéré que le mécanisme complexe et rigide de désignation obligatoire dans un certain nombre de cas d’un deuxième administrateur judiciaire et, cumulativement, d’un deuxième mandataire judiciaire n’était pas pertinent. Cela a d’ailleurs été souligné lors de la quasi-totalité des auditions auxquelles j’ai procédé.
En pratique, les tribunaux, qui en ont la possibilité, désignent déjà souvent, lorsque les caractéristiques de l’affaire l’exigent, par exemple quand une entreprise est implantée sur deux sites différents, un deuxième administrateur ou un deuxième mandataire, voire davantage, en faisant appel, dans certains cas, à des administrateurs ou à des mandataires plus spécialisés pour traiter de grosses affaires ou d’affaires à enjeux particuliers. L’article 70 A du projet de loi facilite d’ailleurs déjà cette possibilité de pluralité de désignations, au cas par cas, d’office par le tribunal ou à la demande, notamment, du parquet. Cet article me paraît donc amplement suffisant.
Au surplus, certains redressements judiciaires peuvent exiger deux administrateurs et un seul mandataire, tandis que certaines liquidations importantes peuvent nécessiter un seul administrateur, mais deux mandataires. Or le Gouvernement propose un dispositif fixe, rigide, dont la mise en œuvre aurait d’ailleurs un coût, puisque la rémunération de ces deux administrateurs ou mandataires serait à la charge de l’entreprise, inutilement le cas échéant.
Cet article me semble avoir été rédigé en considération de quelques cas particuliers, pour lesquels on aurait souhaité que soit désigné un deuxième administrateur ou un deuxième mandataire, alors que le tribunal ne l’a pas fait. Néanmoins, nous ne pouvons pas légiférer sur la base de cas particuliers.
Je rappelle, par ailleurs, qu’il est toujours possible d’adresser une circulaire aux parquets pour attirer l’attention sur les cas dans lesquels ils doivent demander au tribunal la désignation d’un deuxième administrateur ou d’un deuxième mandataire. Résoudre cette question par la loi, avec des dispositions rigides, me semble inadapté, et en tout cas peu pertinent. L’avis est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
(Supprimé)
Le titre Ier du livre VIII du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article L. 811-1, les mots : « leur incombent personnellement. Ils peuvent toutefois » sont remplacés par les mots : « incombent personnellement aux administrateurs judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois déléguer tout ou partie de ces tâches à un administrateur judiciaire salarié, sous leur responsabilité. Ils peuvent, en outre » ;
2° L’article L. 811-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’administrateur judiciaire est salarié, la liste précise cette qualité et le nom de son employeur. » ;
3° Après l’article L. 811-7, il est inséré un article L. 811-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 811 -7 -1. – L’administrateur judiciaire peut exercer sa profession en qualité de salarié d’une personne physique ou morale inscrite sur la liste prévue à l’article L. 811-2.
« Une personne physique inscrite sur cette liste ne peut pas employer plus de deux administrateurs judiciaires salariés. Une personne morale inscrite sur ladite liste ne peut pas employer un nombre d’administrateurs judiciaires salariés supérieur au double de celui des administrateurs judiciaires associés qui y exercent la profession.
« Le contrat de travail de l’administrateur judiciaire salarié ne peut porter atteinte aux règles déontologiques de la profession d’administrateur judiciaire. Nonobstant toute clause du contrat de travail, l’administrateur judiciaire salarié peut refuser à son employeur de recevoir un acte ou d’accomplir une mission lorsque cet acte ou cette mission lui paraissent contraires à sa conscience ou susceptibles de porter atteinte à son indépendance. Toute clause de non-concurrence est réputée non écrite.
« L’administrateur salarié ne peut avoir de mandat à titre personnel.
« Le présent livre est applicable à l’administrateur judiciaire salarié, sauf disposition contraire. » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 812-1, les mots : « leur incombent personnellement. Ils peuvent toutefois » sont remplacés par les mots : « incombent personnellement aux mandataires judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois déléguer tout ou partie de ces tâches à un mandataire judiciaire salarié, sous leur responsabilité. Ils peuvent, en outre » ;
5° L’article L. 812-2-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le mandataire judiciaire est salarié, elle précise cette qualité et le nom de son employeur. » ;
6° Après l’article L. 812-5, il est inséré un article L. 812-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 812 -5 -1. – Le mandataire judiciaire peut exercer sa profession en qualité de salarié d’une personne physique ou morale inscrite sur la liste prévue à l’article L. 812-2.
« Une personne physique inscrite sur cette liste ne peut pas employer plus de deux mandataires judiciaires salariés. Une personne morale inscrite sur ladite liste ne peut pas employer un nombre de mandataires judiciaires salariés supérieur au double de celui des mandataires judiciaires associés qui y exercent la profession.
« Le contrat de travail du mandataire judiciaire salarié ne peut porter atteinte aux règles déontologiques de la profession de mandataire judiciaire. Nonobstant toute clause du contrat de travail, le mandataire judiciaire salarié peut refuser à son employeur de recevoir un acte ou d’accomplir une mission lorsque cet acte ou cette mission lui paraissent contraires à sa conscience ou susceptibles de porter atteinte à son indépendance. Toute clause de non-concurrence est réputée non écrite.
« Le mandataire judiciaire salarié ne peut avoir de mandat à titre personnel.
« Le présent livre est applicable au mandataire judiciaire salarié, sauf disposition contraire. » ;
7° Le deuxième alinéa de l’article L. 814-3 est complété par les mots : «, à l’exception des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires exerçant leur profession en qualité de salarié » ;
8° À l’article L. 814-12, les mots : « inscrit sur les listes » sont supprimés ;
9° La section 3 du chapitre IV est complétée par un article L. 814-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 814 -14. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application des articles L. 811-7-1 et L. 812-5-1, notamment les règles applicables au règlement des litiges nés à l’occasion de l’exécution d’un contrat de travail après médiation du président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, celles relatives au licenciement de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire salarié et, dans ce cas, les conditions dans lesquelles il peut être retiré de la liste mentionnée aux articles L. 811-2 ou L. 812-2. » –
Adopté.
Section 3
Efficacité renforcée des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 621-4 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « peut, », sont insérés les mots : « d’office ou » ;
b) Après le mot : « public, », sont insérés les mots : « ou du débiteur » ;
c) Après le mot : « débiteur », sont insérés les mots : « si celui-ci n’a pas formé la demande, » ;
1° bis (nouveau) La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 631-9 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le tribunal peut se saisir d’office ou à la demande du créancier poursuivant aux fins mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 621-4. Il peut se saisir d’office aux fins mentionnées au quatrième alinéa du même article. » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 641-1, après le mot : « public », sont insérés les mots : «, du débiteur ou du créancier poursuivant ».
L'amendement n° 820 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, D. Dubois, Cadic et Médevielle, Mme Loisier et MM. Guerriau et Kern, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le troisième alinéa de l'article L. 621-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas d'une procédure judiciaire, et de la nomination de plusieurs mandataires judiciaires, le second mandataire a pour mission de trouver un repreneur pour l'entreprise concernée par ladite liquidation. » ;
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Nous proposons de prévoir que, dans le cas d’une procédure judiciaire donnant lieu à la nomination de plusieurs mandataires judiciaires, l’un de ceux-ci aura pour mission de trouver un repreneur pour l’entreprise concernée par la liquidation.
La désignation de deux mandataires judiciaires peut s’avérer productive, car cela permet de leur attribuer des missions distinctes. L’un d’entre eux pourrait ainsi se voir confier la recherche d’un repreneur, souvent négligée par certains mandataires, qui se disent accablés de tâches diverses. Cela a été dit hier sur toutes les travées : il importe de favoriser la transmission des entreprises. Cette préoccupation doit aussi se manifester lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés de ce type.
Lors de la réunion de la commission, un amendement similaire avait été écarté pour les raisons suivantes.
La mission du mandataire judiciaire est de représenter les intérêts des créanciers, tandis que la mission de rechercher un repreneur revient à l’administrateur judiciaire en général. La désignation de plusieurs mandataires judiciaires peut notamment se justifier par la dispersion des sites de l’entreprise, ou bien par les particularités des dettes de l’entreprise, par exemple en cas de dettes financières de nature particulière appelant une technicité spécifique du mandataire.
En outre, l’amendement s’insère dans les dispositions relatives à la procédure de sauvegarde, tout en évoquant la liquidation, ce qui pose un problème. Je vous suggère donc de le retirer, mon cher collègue.
Le Gouvernement partage, sur ce sujet, l’avis de la commission.
Je le retire pour des motifs de forme, mais il faut souligner que certaines entreprises peuvent être reprises après liquidation. Dans le délai qui sépare la déclaration de liquidation de la fermeture, il est possible de reprendre l’entreprise, dans des conditions différentes, d’ailleurs, sur les plans juridique, social et fiscal, que celles qui prévalent avant la déclaration de liquidation. Je trouve que la prise en compte de la survie des entreprises dans cette phase est aujourd’hui insuffisante.
L'article 70 A est adopté.
L'amendement n° 1477, présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec, est ainsi libellé :
Après l’article 70 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le débiteur doit obligatoirement être assisté d’un avocat pour les procédures de conciliation, de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire prévues au livre VI du code de commerce sur les difficultés des entreprises.
La parole est à M. Jean Desessard.
En 2014, sur les 62 586 entreprises en procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, seulement 20 % étaient accompagnées d'un avocat. De fait, la majorité des procédures se sont soldées par une liquidation judiciaire.
C’est pourquoi l’article additionnel que nous proposons d’insérer dans le texte vise à obliger le débiteur à être assisté d’un avocat pour toutes ces procédures.
Alors que près de 250 000 emplois sont menacés chaque année, il convient de favoriser l’accompagnement par un avocat lors de l’ouverture de procédures collectives : l’impératif de sauvegarde de l’emploi impose que les entreprises en difficulté bénéficient d’une assistance devant les tribunaux de commerce.
L’avocat a un rôle primordial de conseil auprès des débiteurs, qui hésitent encore à utiliser les procédures de conciliation et de sauvegarde. En retardant l’échéance, ils risquent pourtant d’être mis en cause personnellement en cas de liquidation judiciaire.
Enfin, la présence de l’avocat permettra de favoriser les issues amiables et les procédures ad hoc en matière de procédure collective.
La commission a déjà rejeté un amendement identique, considérant qu’il n’y avait pas lieu d’étendre le monopole des avocats en ce domaine. Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant les tribunaux de commerce, où la procédure est orale. Ce point ne fait pas l’objet de critiques importantes ni de demandes particulières de la part des praticiens. L’avis est donc défavorable.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
L’accompagnement par un avocat peut être parfois utile, mais il ne s’agit pas pour autant de le rendre obligatoire. Tout d’abord, cela n’irait pas dans le sens de la simplification que promeut le Gouvernement. Par ailleurs, une telle mesure imposerait une contrainte financière supplémentaire non seulement à des entreprises déjà en difficulté, mais également à l’État, puisque sa mise en œuvre aurait pour conséquence d’accroître très fortement les dépenses au titre de l’aide juridictionnelle, 80 % des procédures collectives finissant directement par une liquidation judiciaire pour des structures comptant très peu ou pas d’actifs.
I. – Après l’article L. 631-19-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 631-19-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 631-19-2. – I. – Dans le cas prévu au troisième alinéa du I de l’article L. 631-19, lorsque les assemblées mentionnées à l’article L. 626-3 ont rejeté le projet de plan et lorsque le redressement de l’entreprise le requiert et qu’il n’existe aucune autre solution sérieuse pour éviter une cessation d’activité de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale, le tribunal, sur la demande du ministère public ou de l’administrateur judiciaire et après avoir examiné la possibilité de cession totale ou partielle de l’entreprise, peut ordonner la cession des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital des associés ou actionnaires opposants, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le plan. Le II de l’article L. 631-19 est applicable.
« Le tribunal statue en présence du ministère public, après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, les personnes qui se sont engagées à exécuter le plan, les associés ou actionnaires opposants, les autres associés ou actionnaires et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
« En l’absence d’accord entre les parties, le prix de cession est fixé à dire d’expert dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil, dans un délai fixé par le tribunal.
« II. – Le tribunal subordonne l’arrêt du plan à l’engagement des cessionnaires de conserver les droits sociaux pour une durée qu’il fixe, ne pouvant excéder celle du plan, ainsi qu’à la présentation par les cessionnaires de garanties correspondant à leurs engagements figurant dans le projet de plan.
« Le plan est arrêté sous la condition du paiement comptant du prix par les cessionnaires. À défaut, le tribunal prononce, à la demande du ministère public ou d’un associé ou actionnaire cédant, la résolution de la cession.
« III. – Les personnes qui se sont engagées à exécuter le plan sont tenues de racheter les droits sociaux des autres associés ou actionnaires si ceux-ci le demandent dans un délai fixé par le tribunal. Le troisième alinéa du I est applicable.
« IV. – Si les cessionnaires n’exécutent pas leurs engagements, le tribunal peut, à la demande du ministère public ou, après avoir recueilli l’avis du ministère public, à la demande du commissaire à l’exécution du plan, des représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et de tout intéressé, prononcer la résolution du plan sans préjudice de dommages et intérêts.
« V. – Le présent article est applicable :
« 1° Lorsque le débiteur est une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;
« 2° Lorsque le débiteur a établi des comptes consolidés conformément à l’article L. 233-16 et que l’ensemble constitué par les entreprises comprises dans la consolidation représente un nombre de salariés, un chiffre d’affaires ou un total de bilan correspondant au 1°.
« Il n’est pas applicable lorsque le débiteur exerce une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire. »
II. – Le I de l’article L. 661-1 du même code est ainsi modifié :
1°
Supprimé
2° Après le 6°, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :
« 6° bis Les décisions statuant sur la cession ordonnée en application de l’article L. 631-19-2 de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part des associés ou actionnaires cédants ou cessionnaires ; ».
III. – Les articles L. 631-19-2 et L. 661-1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du présent article, sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
IV
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 259, présenté par M. Guillaume, Mme Bricq, MM. Bigot, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 631-19-1, il est inséré un article L. 631-19-… ainsi rédigé :
« Art. L. 631 -19 -... – Lorsque la cessation d’activité d’une entreprise d’au moins cent cinquante salariés ou constituant, au sens de l’article L. 2331-1 du code du travail, une entreprise dominante d’une ou de plusieurs entreprises dont l’effectif total est d’au moins cent cinquante salariés est de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale et au bassin d’emploi et si la modification du capital apparaît comme la seule solution sérieuse permettant d’éviter ce trouble et de permettre la poursuite de l’activité, après examen des possibilités de cession totale ou partielle de l’entreprise, le tribunal peut, à la demande de l’administrateur judiciaire ou du ministère public et à l’issue d’un délai de trois mois après le jugement d’ouverture, en cas de refus par les assemblées mentionnées au I de l’article L. 631-19 d’adopter la modification du capital prévue par le projet de plan de redressement en faveur d’une ou plusieurs personnes qui se sont engagées à exécuter celui-ci :
« 1° Désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée compétente et de voter l’augmentation de capital en lieu et place des associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital, à hauteur du montant prévu par le plan.
« L’augmentation de capital doit être réalisée dans le délai maximal de trente jours à compter de la délibération. Elle peut être libérée par les personnes qui se sont engagées à exécuter le plan de redressement, par compensation à raison du montant des créances sur la société qui ont été admises et dans la limite de la réduction dont elles sont l’objet dans le plan.
« Si l’augmentation de capital est souscrite par apports en numéraires, les actions émises sont offertes par préférence aux actionnaires, proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions ;
« 2° Ou ordonner, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par les associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage dans les assemblées générales de cette société ou qui disposent seuls de la majorité des droits de vote dans cette société en application d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires, non contraire à l’intérêt de la société. Toute clause d’agrément est réputée non écrite.
« Les associés ou actionnaires autres que ceux mentionnés au 2° disposent du droit de se retirer de la société et de demander simultanément le rachat de leurs droits sociaux par les cessionnaires.
« Lorsque le tribunal est saisi de la demande de cession, en l’absence d’accord entre les intéressés sur la valeur des droits des associés ou actionnaires cédants et de ceux qui ont fait valoir leur volonté de se retirer de la société, cette valeur est déterminée à la date la plus proche de la cession par un expert désigné, à la demande de la partie la plus diligente, de l’administrateur ou du ministère public, par le président du tribunal. Le président statue en la forme des référés. L’ordonnance de désignation de l’expert n’est pas susceptible de recours. L’expert est tenu de respecter le principe du contradictoire.
« Lorsque le tribunal statue sur la demande prévue aux 1° ou 2°, les débats ont lieu en présence du ministère public. Le tribunal entend les associés ou actionnaires concernés, les associés ou actionnaires dirigeants, les créanciers ou tiers qui se sont engagés à exécuter le plan et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. À défaut de délégués du personnel, le tribunal entend le représentant des salariés élu mentionné à l’article L. 621-4.
« Le tribunal ne peut statuer sur la demande tendant à la cession qu’après avoir consulté l’Autorité des marchés financiers si les titres concernés sont cotés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé. Il est fait application, pour les actionnaires, des articles L. 433-1 et suivants du code monétaire et financier.
« Le tribunal statue par un seul et même jugement sur la cession et sur la valeur des droits sociaux cédés. Il désigne, dans ce jugement, un mandataire de justice chargé de passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession ordonnée et d’en verser le prix aux associés ou actionnaires cédants.
« Le tribunal subordonne l’adoption du plan à l’engagement du souscripteur ou du cessionnaire des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de conserver ses droits pendant une durée qui ne peut excéder celle du plan.
« Le tribunal peut subordonner l’adoption du plan à la présentation, par les associés ou actionnaires souscripteurs ou cessionnaires, d’une garantie par un organisme de crédit, d’un montant égal à leurs engagements financiers, figurant dans le plan de redressement. Il peut également subordonner cette conversion de créances en parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de l’entreprise.
« Le plan est arrêté sous la condition du paiement comptant du prix par les associés ou actionnaires souscripteurs ou cessionnaires. À défaut, le tribunal prononce, à la demande d’un associé cédant, du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du mandataire de justice ou du ministère public, la résolution de la souscription ou de la cession des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital.
« Le commissaire à l’exécution du plan vérifie que les associés ou actionnaires souscripteurs ou cessionnaires respectent leurs obligations. Il a qualité pour agir à l’encontre des souscripteurs ou cessionnaires pour obtenir l’exécution de leurs engagements financiers. Il informe le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l’exécution du plan de redressement, ainsi que du respect de leurs engagements par les associés souscripteurs ou cessionnaires.
« Le tribunal peut modifier le plan en application de l’article L. 626-26 et du dernier alinéa de l’article L. 626-31.
« En cas de défaillance d’un associé ou actionnaire souscripteur ou cessionnaire, le tribunal, saisi par le commissaire à l’exécution du plan ou par le ministère public, par le comité d’entreprise ou, à défaut, par les délégués du personnel, peut prononcer la résolution du plan de redressement, sans préjudice de la réparation du préjudice subi. Il statue en présence du ministère public.
« Le prix payé par le souscripteur ou le cessionnaire reste acquis. »
2° Après le 6° du I de l’article L. 661-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les décisions statuant sur la désignation d’un mandataire prévue au 1° de l’article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l’article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ; ».
3° L’article L. 631-19-2 et l’article L. 661-1, dans sa rédaction résultant du présent article, sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
M. le corapporteur, suivi par la majorité de la commission spéciale, a récrit entièrement l’article 70, en en changeant le sens, puisque l’on est passé d’un dispositif, présenté par le Gouvernement, de dilution forcée à un mécanisme de cession forcée, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Une question extrêmement intéressante se pose : à qui appartient finalement l’entreprise ? C’est le débat de doctrine sur la légitimité du droit de propriété, notamment des actionnaires ou des porteurs de parts, au regard de l’intérêt général que peut représenter le sauvetage d’une entreprise en difficulté.
Le Conseil d’État, saisi de cette question, avait reconnu, en décembre dernier, que l’objectif visé pouvait justifier l’atteinte portée au droit de propriété des actionnaires. Deux légitimités s’affrontent, mais le droit de propriété, que personne ne remet en cause, ne prime pas de façon absolue lorsque l’intérêt général, en l’espèce le maintien de l’emploi et de l’outil industriel, est en jeu. Cela ne vaut, bien entendu, que dans les cas où l’expropriation peut permettre d’aboutir à des solutions de reprise crédibles portées par des tiers, souvent créanciers de l’entreprise.
En réécrivant l’article, la commission en a changé le sens et la portée. Ce débat n’est pas que doctrinal : il concerne l’économie locale et l’avenir des entreprises en difficulté susceptibles d’être reprises.
En conclusion, cet amendement tend à revenir à la rédaction initiale du Gouvernement.
L'amendement n° 1407, présenté par M. Bosino, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 631-19-1, il est inséré un article L. 631-19-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 631 -19 -2. – Lorsque la cessation d’activité d’une entreprise d’au moins cent cinquante salariés ou constituant, au sens de l’article L. 2331-1 du code du travail, une entreprise dominante d’une ou plusieurs entreprises dont l’effectif total est d’au moins cent cinquante salariés est de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale et au bassin d’emploi et si la modification du capital apparaît comme la seule solution sérieuse permettant d’éviter ce trouble et de permettre la poursuite de l’activité, après examen des possibilités de cession totale ou partielle de l’entreprise, le tribunal peut, à la demande de l’administrateur judiciaire ou du ministère public et à l’issue d’un délai de trois mois après le jugement d’ouverture, en cas de refus par les assemblées mentionnées au I de l’article L. 631-19 d’adopter la modification du capital prévue par le projet de plan de redressement en faveur d’une ou plusieurs personnes qui se sont engagées à exécuter celui-ci :
« 1° Désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée compétente et de voter l’augmentation de capital en lieu et place des associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital, à hauteur du montant prévu par le plan.
« L’augmentation de capital doit être réalisée dans le délai maximal de trente jours à compter de la délibération. Elle peut être libérée par les personnes qui se sont engagées à exécuter le plan de redressement, par compensation à raison du montant des créances sur la société qui ont été admises et dans la limite de la réduction dont elles sont l’objet dans le plan sous forme de remises ou de délais.
« Si l’augmentation de capital est souscrite par apports en numéraires, les actions émises sont offertes par préférence aux actionnaires, proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions ;
« 2° Ou ordonner, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par les associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage dans les assemblées générales de cette société ou qui disposent seuls de la majorité des droits de vote dans cette société en application d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires, non contraire à l’intérêt de la société. Toute clause d’agrément est réputée non écrite.
« Les associés ou actionnaires autres que ceux mentionnés au 2° disposent du droit de se retirer de la société et de demander simultanément le rachat de leurs droits sociaux par les cessionnaires.
« Lorsque le tribunal est saisi de la demande de cession, en l’absence d’accord entre les intéressés sur la valeur des droits des associés ou actionnaires cédants et de ceux qui ont fait valoir leur volonté de se retirer de la société, cette valeur est déterminée à la date la plus proche de la cession par un expert désigné, à la demande de la partie la plus diligente, de l’administrateur ou du ministère public, par le président du tribunal. Le président statue en la forme des référés. L’ordonnance de désignation de l’expert n’est pas susceptible de recours. L’expert est tenu de respecter le principe du contradictoire.
« Lorsque le tribunal statue sur la demande prévue aux 1° ou 2°, les débats ont lieu en présence du ministère public. Le tribunal entend les associés ou actionnaires concernés, les associés ou actionnaires dirigeants, les créanciers ou tiers qui se sont engagés à exécuter le plan et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. À défaut de délégués du personnel, le tribunal entend le représentant des salariés élu mentionné à l’article L. 621-4.
« Le tribunal ne peut statuer sur la demande tendant à la cession qu’après avoir consulté l’Autorité des marchés financiers si les titres concernés sont cotés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé. Il est fait application, pour les actionnaires, des articles L. 433-1 et suivants du code monétaire et financier.
« Le tribunal statue par un seul et même jugement sur la cession et sur la valeur des droits sociaux cédés. Il désigne, dans ce jugement, un mandataire de justice chargé de passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession ordonnée et d’en verser le prix aux associés ou actionnaires cédants.
« Le tribunal subordonne l’adoption du plan à l’engagement du souscripteur ou du cessionnaire des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de conserver ses droits pendant une durée qui ne peut excéder celle du plan.
« Le tribunal peut subordonner l’adoption du plan à la présentation, par les associés ou actionnaires souscripteurs ou cessionnaires, d’une garantie par un organisme de crédit, d’un montant égal à leurs engagements financiers, figurant dans le plan de redressement. Il peut également subordonner cette conversion de créances en parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de l’entreprise.
« Le plan est arrêté sous la condition du paiement comptant du prix par les associés ou actionnaires souscripteurs ou cessionnaires. À défaut, le tribunal prononce, à la demande d’un associé cédant, du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du mandataire de justice ou du ministère public, la résolution de la souscription ou de la cession des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital.
« Le commissaire à l’exécution du plan vérifie que les associés ou actionnaires souscripteurs ou cessionnaires respectent leurs obligations. Il a qualité pour agir à l’encontre des souscripteurs ou cessionnaires pour obtenir l’exécution de leurs engagements financiers. Il informe le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l’exécution du plan de redressement, ainsi que du respect de leurs engagements par les associés souscripteurs ou cessionnaires.
« Le tribunal peut modifier le plan en application de l’article L. 626-26 et du dernier alinéa de l’article L. 626-31.
« En cas de défaillance d’un associé ou actionnaire souscripteur ou cessionnaire, le tribunal, saisi par le commissaire à l’exécution du plan ou le ministère public, le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, peut prononcer la résolution du plan de redressement, sans préjudice de la réparation du préjudice subi. Il statue en présence du ministère public.
« Le prix payé par le souscripteur ou le cessionnaire reste acquis. » ;
2° Après le 6° du I de l’article L. 661-1, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :
« 6° bis Les décisions statuant sur la désignation d’un mandataire prévue au 1° de l’article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l’article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ; »
3° L’article L. 631-19-2 et l’article L. 661-1, dans sa rédaction résultant du présent article, sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
La parole est à M. Patrick Abate.
C’est un débat de fond. Certes, monsieur le rapporteur, vous ne supprimez pas l’article, mais vous le videz tout de même d’une bonne partie de sa substance. La cession forcée et la dilution forcée constituent effectivement des atteintes au droit de propriété, mais celui-ci, comme d’autres droits fondamentaux inscrits dans notre Constitution, n’est pas sans limite. À nos yeux, le droit de propriété est clairement borné par l’intérêt général.
L’entreprise appartient certes à celui qui a investi, mais le capital prospère grâce à la force de travail et son détenteur ne saurait se comporter de façon complètement ingrate à l’égard des salariés.
Sans vous infliger un cours d’initiation à l’économie, je rappellerai qu’il n’est de création de richesse sans la combinaison des facteurs de production que sont le travail et le capital. L’intérêt des salariés peut donc légitimement être opposé au droit de propriété.
Quand une entreprise est placée en redressement judiciaire, nous considérons que la responsabilité sociale impose de rechercher autant que possible toutes solutions permettant le maintien de l’activité, y compris en cédant des parts, fût-ce avec une moins-value par rapport au prix d’origine, sachant que celle-ci sera prise en compte dans le calcul du revenu global et viendra en déduction des éventuelles plus-values constatées par ailleurs.
Seuls sont concernés ici les principaux actionnaires. Pour les plus petits – le dispositif de la commission les évoque en les prenant quelque peu en otages –, qui ne sont associés au capital que par la grâce des règles de la participation et dont le principal apport à l’entreprise, comme la principale source de revenu, est constitué par leur travail, l’essentiel est bien de sauvegarder l’emploi.
Les dispositifs de cession forcée et de dilution forcée visent les cas les plus épineux, quand les désaccords entre actionnaires ou les difficultés sont tels qu’aucune autre solution ne saurait être trouvée.
Ces deux amendements, quasiment identiques, tendent à rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale.
Le débat est purement juridique ; je vais essayer de vous convaincre que le texte proposé par la commission spéciale répond tout à fait aux objectifs visés.
En l’état actuel du droit, en cas de redressement judiciaire – sauf cession –, un plan de redressement doit être élaboré, en principe, par les dirigeants de l’entreprise et l’administrateur judiciaire. Toutefois, lorsque la procédure de redressement comporte des comités de créanciers, ceux-ci peuvent présenter un plan alternatif, souvent en vue de prendre le contrôle de l’entreprise afin de se dédommager de leurs créances.
Dans certains droits étrangers, les créanciers d’une entreprise en difficulté jouissent de plus de pouvoir qu’en droit français. Celui-ci évolue d’ailleurs progressivement sur ce point : l’avenir nous dira si c’est une bonne chose.
Les comités de créanciers doivent statuer sur les différents plans de redressement proposés, avant que le tribunal statue lui-même pour déterminer lequel devra être mis en œuvre en vue d’assurer au mieux la continuité de l’activité de l’entreprise, de préserver l’intérêt général et de sauvegarder l’emploi.
Qu’il soit proposé par les dirigeants de l’entreprise ou par des créanciers, le plan de redressement peut comporter une modification de capital, avec l’arrivée de nouveaux actionnaires. Ce sera a priori le cas si le plan émane de créanciers désireux de prendre le contrôle de l’entreprise à la place des actionnaires déjà présents.
Dans cette hypothèse de modification de capital, l’assemblée des actionnaires est convoquée pour statuer sur le plan, auquel les actionnaires en place peuvent s’opposer. En pratique, cette situation est extrêmement rare : quel serait l’intérêt des actionnaires en place à empêcher l’adoption d’un plan comportant une évolution de l’actionnariat ? Parfois, cependant, l’actionnaire, buté, refuse !
Le projet de loi ne vise donc qu’à surmonter les situations de blocage dans lesquelles certains actionnaires font échec à l’adoption d’un plan de redressement prévoyant l’arrivée de nouveaux actionnaires.
Deux mécanismes étaient prévus dans le texte initial : premièrement, la dilution du capital, qui consiste en une augmentation de capital ordonnée par le tribunal au profit de nouveaux actionnaires prévus par le plan, l’objectif étant d’ôter le pouvoir aux actionnaires en place récalcitrants ; deuxièmement, la cession forcée par les actionnaires récalcitrants, sur décision judiciaire, de tout ou partie de leur capital.
Compte tenu de l’impact de ces mécanismes sur le droit de propriété des actionnaires, le projet de loi prévoit des critères stricts d’engagement de la procédure, dont le respect devra être vérifié par le tribunal. Celle-ci ne pourra être enclenchée que sur demande de l’administrateur judiciaire ou du parquet. Elle ne pourra concerner que les entreprises d’une certaine taille, dont la cessation d’activité créerait un trouble grave à l’économie nationale ou régionale. Sur ce point, la commission n’a pas modifié le texte.
Le projet de loi prévoit en outre que les actionnaires évincés par cession forcée recevront le paiement de leurs titres cédés sur décision du tribunal, sur la base, si nécessaire, d’une évaluation à dire d’expert. Cette seconde innovation est très importante au regard du droit des sociétés et nécessaire à la réussite du redressement.
Qu’a fait la commission ? Elle a supprimé le mécanisme de dilution forcée au profit du maintien de la seule cession forcée, considérant que le risque constitutionnel et conventionnel au regard du droit européen encouru par la dilution forcée était très important, alors que les deux mécanismes – c’est le point essentiel du raisonnement – permettent d’aboutir exactement au même résultat, à savoir l’éviction des actionnaires récalcitrants. Ils constituent deux armes de même calibre, susceptibles d’atteindre la même cible. Dès lors, il est possible de se passer de l’une des deux.
La commission spéciale a retenu cette solution pour éviter le risque constitutionnel et conventionnel que j’ai évoqué.
Du point de vue constitutionnel, la dilution forcée s’analyse comme une privation, sans aucune contrepartie, d’un attribut essentiel du droit de propriété des actionnaires : le droit de vote. Une fois privés de leur droit de vote pour statuer sur l’augmentation de capital, ils n’ont plus que le droit de se retirer de la société, sans bénéficier d’une indemnisation.
Outre la suppression de ce mécanisme, la commission spéciale a également clarifié la procédure afin de la rendre plus simple et plus lisible, ce qui ne paraissait pas inutile. Par souci de cohérence juridique, elle a aussi repris les notions connues du droit des entreprises en difficulté. Ce n’était pas tout à fait le cas dans le texte initial.
Au nom du principe de proportionnalité et par cohérence avec le relèvement du seuil de compétence automatique des tribunaux de commerce spécialisés, la commission a en outre prévu que seules soient concernées les entreprises appartenant au moins à la catégorie des entreprises de taille intermédiaire, c’est-à-dire comptant 250 salariés ou plus.
La commission a également renforcé les garanties susceptibles d’être exigées des nouveaux actionnaires par le tribunal, et a apporté diverses précisions dans l’application et le déroulement de la procédure.
Même si, cet après-midi, je ne parviens guère à convaincre, je veux insister fortement sur le fait que les modifications apportées par la commission n’affaiblissent en rien la portée du dispositif. En effet, les deux mécanismes de la dilution forcée et de la cession forcée permettent d’atteindre le même objectif : modifier la composition de l’actionnariat en vue de permettre la prise de contrôle de la société par les personnes qui se sont engagées, en contrepartie, à mettre en œuvre un plan de redressement. La clarification et la simplification du dispositif apportées par la commission pourraient, au contraire, donner plus de force à celui-ci.
Enfin, sans déchaîner la colère de Mme Bricq, je voudrais me réjouir que le groupe socialiste, comme l’indique l’objet de l’amendement n° 259, ait eu accès à l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, alors que celui-ci n’est pas public !
Pour autant, cet avis vaut-il brevet absolu de constitutionnalité et de conventionalité, madame Bricq ? Nous avons déjà été témoins, par le passé, de la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions ayant pourtant été validées par le Conseil d’État…
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements, en me fondant, je le répète, sur des considérations purement juridiques, qui, je l’espère, vous convaincront de ce que la commission n’a absolument pas voulu porter atteinte à l’efficacité du système, mais au contraire vous empêcher de l’affaiblir par une inconstitutionnalité ou une inconventionalité.
Vous pouvez croire en ma totale sincérité en l’espèce : il ne s’agit que de droit !
L’amendement n° 1788 rectifié que nous examinerons ensuite n’apportera que des précisions rédactionnelles, permettant d’assurer la parfaite cohérence du dispositif avec le code de commerce.
M. le corapporteur ayant déployé une argumentation juridique pour motiver l’avis défavorable de la commission spéciale sur les deux amendements, je vais moi aussi recourir à des arguments juridiques pour étayer l’avis favorable du Gouvernement !
Le dispositif de ces amendements vise à permettre de changer la structure de contrôle d’une entreprise en difficulté, et d’assurer in fine un compromis satisfaisant entre, d’une part, l’atteinte possible aux intérêts et aux droits des actionnaires, et, d’autre part, l’impérieuse nécessité de préserver les emplois et l’activité de l’entreprise. À mes yeux, ce dispositif est équilibré et devrait permettre de faciliter le redressement des entreprises en difficulté, partant le maintien de l’emploi. Voilà pourquoi le Gouvernement est favorable à ces amendements.
On ne saurait nous soupçonner d’éventuelles motivations politiques : d’autres États se montrent très pragmatiques sur ce sujet et n’hésitent aucunement à donner plus de droits aux créanciers, parfois au détriment des droits des actionnaires. Ainsi, aux États-Unis, pour sauver l’entreprise General Motors, il a été procédé à une éviction des actionnaires en place au bénéfice de certains créanciers.
La procédure qui a été présentée par Mme Bricq permettra soit de diluer le capital, soit d’imposer la vente d’actions de contrôle au profit de créanciers ou de tiers afin de sauver une entreprise, selon un plan d’action devant se dérouler – ce point est important – sur dix ans. Elle ne pourrait intervenir que dans le cadre des procédures de redressement judiciaire – les procédures de sauvegarde ou de prévention ne sont pas concernées – et que si l’actionnariat en place ne veut ou ne peut pas financer un plan crédible de redressement de l’entreprise, alors même que celle-ci peut être sauvée. Il s’agit notamment de remédier à des situations où des actionnaires, mus par une vision individualiste et de court terme, refuseraient de refinancer l’entreprise alors même qu’une restructuration permettrait de la sauver. Dans de tels cas, la seule alternative est la liquidation, c’est-à-dire la disparition de toute l’activité, de tous les emplois, de tous les actifs.
Enfin, un seuil est prévu : ce dispositif ne concernera que les entreprises comptant au moins 150 salariés. Il faudra en outre que l’hypothèse de la disparition de l’entreprise soit de nature à causer un trouble grave pour l’économie nationale ou régionale et le bassin d’emploi. La modification de capital devra également apparaître comme la seule solution sérieuse permettant d’éviter ce trouble, de poursuivre l’activité et de préserver l’emploi.
Vous l’aurez compris, ce dispositif est encadré et équilibré. Il ne sera mis en œuvre que si les créanciers et les tiers qui veulent prendre le contrôle proposent un plan crédible de continuation et financent la mise en œuvre de celui-ci par le redressement de l’entreprise. Ce plan devra être accepté par le tribunal saisi et son exécution contrôlée pendant dix ans.
Le tribunal aura le choix entre deux procédures pour le changement de contrôle : la dilution par une augmentation de capital ou la cession forcée des actions de contrôle.
La commission spéciale refuse d’intégrer dans le nouveau dispositif la possibilité de procéder à une dilution forcée mais accepte la cession forcée des actions de contrôle. Je ne comprends pas sa logique : la cession forcée pourrait apparaître plus intrusive que la dilution forcée.
Toujours est-il que, pour l’essentiel, la commission spéciale fonde son opposition à la dilution forcée sur deux arguments : elle ne serait ni conforme au droit communautaire ni constitutionnelle.
Concernant un éventuel manquement au droit communautaire, la dilution forcée ne respecterait pas la directive « sociétés », qui impose l’intervention obligatoire des assemblées d’actionnaires pour toute modification des structures de capital : avec la dilution forcée, les droits des actionnaires ne seraient pas respectés parce que leur droit de vote serait bafoué.
Or le texte proposé par les auteurs des amendements respecte cette obligation, puisque le tribunal devra désigner un mandataire, qui convoquera lui-même une assemblée générale des actionnaires. D’ailleurs, ce mécanisme de convocation est directement inspiré d’un exemple étranger tout proche : l’Allemagne a mis en place en 2012 une telle dilution forcée dans le cadre des procédures de redressement d’entreprise en difficulté.
La Commission européenne, loin de critiquer cette procédure allemande, a l’intention de s’en inspirer. Après l’avoir fait expertiser, elle veut désormais en faire un nouveau standard applicable à l’échelon européen. Pour votre information, j’indique que la Commission européenne vient de charger un avocat franco-allemand de former un groupe de travail qui aura pour mission de formuler des propositions d’extension de la procédure de dilution au niveau communautaire en modifiant la directive applicable. Les travaux doivent commencer à la fin du mois. Les Pays-Bas, qui conduisent des réflexions sur la même thématique, y seront associés. Loin de risquer un manquement au droit communautaire, nous avons donc bien plutôt là l’occasion d’harmoniser les procédures à l’échelle européenne, en promouvant les avancées de notre droit national.
Sur le plan constitutionnel, la dilution forcée n’est pas une suppression du droit de propriété. Il faut d’ailleurs rappeler que le travail de rédaction de ce dispositif a été mené en étroite concertation avec le Conseil d’État, qui s’est prononcé sur cette question spécifique d’une atteinte éventuelle au droit de propriété. Les actionnaires dilués auront le choix : ils pourront soit rester au capital de l’entreprise, soit demander à en sortir, moyennant rachat et indemnisation. Il reviendra au tribunal de statuer sur l’indemnisation.
Il est essentiel d’empêcher certaines pratiques de prédation, certains créanciers pouvant être tentés de n’entrer au capital que pour en sortir rapidement en faisant ainsi un bénéfice financier. C’est pourquoi le tribunal pourra interdire aux nouveaux acquéreurs de vendre leurs actions durant cinq années. Par ailleurs, toute vente d’actifs qui serait susceptible d’avoir une incidence sur le bon déroulement du plan, d’une durée de dix ans, devra être autorisée au préalable par le tribunal.
Ces explications un peu longues…
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … visent à montrer combien le dispositif est équilibré et conforme tant au droit communautaire qu’à notre droit constitutionnel. Il permettra de créer un environnement beaucoup plus sécurisé pour les créanciers qui voudraient participer à la sauvegarde d’une entreprise, sans pour autant porter atteinte aux droits des actionnaires en place.
Mme Nicole Bricq applaudit.
Quelles que soient les explications que vous nous donnez, madame la secrétaire d’État, il y a clairement atteinte au droit de propriété des actionnaires. J’appelle l’attention de la Haute Assemblée sur le texte du huitième alinéa de l’amendement n° 259 : « Ou ordonner, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par les associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage dans les assemblées générales de cette société. » La procédure vise donc bien les propriétaires de l’entreprise. Le Gouvernement, suivi par Mme Bricq et ses collègues du groupe socialiste, prend là un risque important sur le plan constitutionnel.
Je me référerai, sur ce point, à l’un des rédacteurs de la Constitution de 1958, François Luchaire, un homme à l’autorité incontestée, connu pour ses convictions de gauche, membre des radicaux de gauche et proche de François Mitterrand, dont il présida d’ailleurs le comité de soutien à la candidature à l’élection présidentielle de 1974. Quand le Conseil constitutionnel se prononça sur ces questions, François Luchaire écrivit ceci : « Le Conseil relie la propriété à la liberté d’entreprendre ; c’est donc un régime économique qui est ainsi affirmé. La France est une république sociale ; elle n’est pas une république socialiste. »
Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l'UDI -UC
Je ne sais si la France sera un jour une république socialiste, mais je sais qu’aujourd’hui, dans notre pays, il y a des entreprises qui sont des aventures humaines, partagées…
… entre des personnes qui investissent pour mettre en œuvre une idée et d’autres qui apportent leur travail et deviennent même parfois copropriétaires, par le biais de la participation ou d’une démarche volontaire. Le dispositif que nous entendons rétablir, parce que nous pensons qu’il va dans le bon sens même s’il ne peut régler tous les problèmes, vise non pas ces gens, mais plutôt ceux qui sont le moins attachés à l’entreprise en tant que telle, qui ne voient leurs actions que comme une source de revenu.
Vous parlez de spoliation et invoquez le droit, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais il faut que le droit évolue, après tout, …
… y compris l’interprétation de la Constitution ou la frontière entre droit de propriété privée et intérêt général. Cette frontière a déjà bougé dans le passé et elle va encore bouger, peu à peu. Quant aux directives européennes, il faut bien sûr les respecter, mais il nous appartient de les faire évoluer aussi.
Le problème est bien politique : vous nous expliquez plaisamment que, dans la perspective de l’édification d’une république socialiste, on va spolier les entrepreneurs et les investisseurs. Il n’en est rien !
Tout d’abord, Mme la secrétaire d’État l’a parfaitement expliqué, le dispositif est particulièrement équilibré et assez protecteur. Par ailleurs, les actionnaires perdront peut-être un peu de pouvoir, de dividendes, verront leur plus-value réduite si le chiffre établi par l’expertise n’est pas à la hauteur de leurs espérances, mais se soucie-t-on autant de la spoliation subie par un salarié qui perd son emploi après s’être investi dans son travail, avoir emprunté pour acheter un logement, avoir fait des enfants ? (
Le problème est donc politique, je le répète. Ce dispositif va dans le bon sens ; ce n’est pas la révolution…
Son mérite est de répondre, de manière équilibrée, à un vrai problème de société, celui du partage du pouvoir dans l’entreprise, de la limite entre respect de la propriété privée et préservation de l’intérêt général, de la répartition des sacrifices quand une entreprise est en difficulté.
Si je suivais le raisonnement de notre collègue Jean-Claude Lenoir et faisais mienne sa conclusion, qui se voulait implacable, je dirais, avec la même emphase, …
… qu’il a bouleversé les lignes de la géopolitique mondiale ! En effet, l’État socialiste par excellence, ce sont les États-Unis d’Amérique, puisque leur droit des faillites va bien plus loin que ce que nous proposons ici !
Plus sérieusement, il importe de remédier au gâchis actuel en matière de destruction d’entreprises, de richesse et de valeur dans notre pays. Comment faire ?
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de l’amendement Retailleau. Deux conceptions de l’entreprise s’opposent. Certains considèrent que le détenteur du capital est le seul propriétaire légitime de l’entreprise, dont la finalité est de lui procurer un profit maximal.
Mes propos peuvent vous sembler caricaturaux, ma chère collègue, mais, pardonnez-moi de vous le dire, ils ne sont que le reflet fidèle de ceux qui ont été tenus à droite de l’hémicycle, hélas !
Au contraire, une autre conception de l’entreprise consiste à prendre en compte l’évolution fondamentale de l’acte d’entreprendre, en recherchant un nouvel équilibre entre l’apport de capital, qui est nécessaire, et la force de travail des salariés, qui apportent une contribution majeure à la production de biens et de services, que l’entreprise soit de nature capitalistique ou qu’elle appartienne au secteur de l’économie sociale et solidaire. La question, in fine, est de savoir si l’actionnaire est l’unique et exclusif propriétaire de l’entreprise.
Les choses ne sont-elles pas plus complexes ? L’actionnaire n’a-t-il pas d’abord une responsabilité à l’égard de la sauvegarde de ce bien commun, en partie partagé, qu’est l’entreprise, quand celle-ci est en danger et risque de disparaître ? La prise de risque est collective ; elle doit être mieux partagée entre l’actionnaire, le dirigeant et les salariés.
Le dispositif ici proposé, qui n’a rien de révolutionnaire et se situe même bien en deçà du droit américain, vise simplement à instaurer une responsabilisation collective. Cette évolution de l’entreprise est inéluctable et nécessaire. En effet, nous ne pouvons pas rester les bras croisés quand 65 000 emplois ont été détruits dans des entreprises saines.
Vous ne pouvez pas à la fois refuser les propositions que nous avons formulées en matière de droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise, au motif qu’elles constitueraient une atteinte au droit de propriété des actionnaires et seraient impraticables, et écarter d’un revers de main un dispositif concret, qui est, je le répète, en deçà du droit des faillites américain.
La position de la commission spéciale est plus équilibrée. Je souhaite que nous retenions à la fois la dilution forcée et la cession obligatoire, pour aboutir à un dispositif qui me paraît extrêmement bien équilibré.
Je mets aux voix l'amendement n° 259.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 170 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1407.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1788 rectifié, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 2
Après les mots :
la cession
insérer les mots :
de tout ou partie
B. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil
C. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal statue sur le prix de cession dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent I.
D. – Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les deux derniers alinéas du I sont applicables.
E. – Alinéa 8
Après le mot :
engagements,
insérer les mots :
le président du tribunal peut, à la demande du commissaire à l'exécution du plan, leur enjoindre de les exécuter et
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement visant en réalité à récrire la procédure d’évaluation en cas de cession forcée, que le Gouvernement a décidé de renvoyer à celle de droit commun, définie à l’article 1843-4 du code civil.
Le Gouvernement souhaite donc rétablir la version initiale du texte, issue, il faut le souligner, d’un travail approfondi conduit avec le Conseil d’État pour la sécuriser juridiquement. Le renvoi au code civil offre un cadre jurisprudentiel permettant aux actionnaires eux-mêmes de savoir dans quelles conditions sera évaluée la valeur de leurs titres.
Pour autant, cela ne signifie pas que certaines des précisions apportées au travers de l’amendement ne sont pas intéressantes, notamment celles qui concernent la valeur des titres et le rôle du tribunal. Toutefois, le Gouvernement ne peut que soutenir le rétablissement du texte initial. Aussi est-il défavorable à cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 1189, présenté par M. Vergès, Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les entreprises qui, après avoir perçu des aides à l’embauche, cessent leur activité, alors que leur situation financière est saine et que les possibilités de développement existent, sont tenues de rembourser l’intégralité des aides perçues. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Les aides à la création d’emploi sont nombreuses et indispensables, notamment dans les DROM, les départements et régions d’outre-mer. Pour autant, après avoir bénéficié d’aides diverses, certaines entreprises ferment leurs portes, malgré une situation financière saine et l’existence de possibilités de développement.
À cet égard, je citerai l’exemple de la SIB, la société industrielle de Bourbon, filiale du groupe Colgate-Palmolive implantée à La Réunion depuis plus de trente-cinq ans. Cette entreprise a décidé, à la fin de l’année 2013, de cesser son activité de production à La Réunion au début de 2014, au motif qu’il faut sauvegarder la compétitivité du groupe, les coûts de fabrication étant trop élevés, le site n’étant pas compétitif, etc.
Pour la plupart, ces arguments sont fallacieux. En effet, la SIB procure de forts dividendes ; c’était encore le cas en 2012. En outre, elle a perçu plus de 320 000 euros au titre des exonérations de cotisations sociales. Elle a également bénéficié – c’est un point important – d’aides d’État au travers de dispositifs de défiscalisation. Au premier trimestre de 2014, le bénéfice net du groupe a atteint 271 millions d’euros, et les prévisions pour 2014 faisaient état d’une nouvelle forte hausse des ventes et des marges.
Le Gouvernement s’était dit « très attentif aux motivations réelles » conduisant à la fermeture de cette entreprise. C’est peut-être un défaut d’attention qui a permis cette dernière ! Programmée pour le 15 mai 2014, elle a eu lieu le 4 avril 2014.
Le 2 juillet 2014, la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l’emploi, n’a pas autorisé le licenciement des cinq salariés protégés, le motif économique n’étant pas constitué. Et pour cause ! L’employeur a fourni une « vision tronquée » de sa situation économique, en se focalisant sur son périmètre européen et en occultant volontairement ses performances à l’échelle mondiale.
Aujourd’hui, l’entreprise a trouvé un repreneur, à savoir une filiale réunionnaise du groupe Marbour, mais, malgré les engagements pris par cette société, le retour à l’activité n’est pas au rendez-vous.
Le cas de la SIB amène à s’interroger sur la stratégie des multinationales, ainsi que sur l’efficacité et la pertinence des aides publiques accordées aux entreprises. En effet, il n’est pas acceptable qu’une entreprise ayant bénéficié d’aides importantes cesse ses activités à seule fin de préserver la rentabilité financière du groupe auquel elle appartient. Il convient que les pouvoirs publics exercent la plus grande vigilance.
Même si ce projet de loi comporte, je vous l’accorde, des dispositions extrêmement variées, il n’a pas pour objet de réformer les mécanismes d’aide à l’emploi dont bénéficient les employeurs ultramarins.
À tout le moins, cet amendement n’a pas sa place dans un article qui traite du redressement judiciaire.
Sur le fond, cet amendement pose de toute façon de sérieuses difficultés : quelle situation juridique vise-t-on exactement lorsque l’on cible les entreprises qui « cessent leur activité, alors que leur situation financière est saine » ? Il s’agit là d’un concept juridique entièrement nouveau ! Que recouvre précisément la notion d’« aides à l’embauche » ? Qui sera chargé de déterminer si la situation financière de l’entreprise est saine ou si des possibilités de développement existent ? Qui contrôlera qu’il en est bien ainsi ?
La rédaction aurait probablement été beaucoup plus précise s’il ne s’était agi d’un amendement d’appel… En l’état, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 70 est adopté.
(Supprimé)
L'amendement n° 1599, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au dernier alinéa de l’article L. 653-8 du code de commerce, après le mot : « omis », il est inséré le mot : « sciemment ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, veuillez excuser mon absence de quelques heures.
Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
M. Emmanuel Macron, ministre. Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Sourires.
Cet amendement vise à rétablir l’article 70 bis limitant la sanction d’interdiction de gérer une entreprise aux cas où le débiteur a délibérément omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans les quarante-cinq jours suivant la cessation des paiements. En effet, une telle sanction est manifestement excessive dans les autres cas.
La commission spéciale a souhaité laisser au tribunal le soin d’apprécier s’il faut ou non interdire à un dirigeant d’entreprise qui a omis de bonne foi de déclarer la cessation des paiements de gérer une entreprise.
Le Gouvernement considère pour sa part que cette sanction doit être uniquement appliquée quand l’omission est délibérée. Pour autant, il existe des personnes de parfaite bonne foi, pourvues de grandes qualités, qui sont malheureusement incapables de gérer une entreprise. C’est pourquoi il faut selon nous laisser au juge la possibilité, même dans l’hypothèse où le dirigeant est de bonne foi, de prononcer l’interdiction de gérer une entreprise. Il saura la signifier avec tact et délicatesse.
J’ajoute que les dispositions de l’article 70 bis ont été très critiquées par les praticiens durant les auditions conduites par la commission spéciale.
L'amendement n'est pas adopté.
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :
1° Rapprocher le régime applicable au gage des stocks défini au chapitre VII du titre II du livre V du code de commerce du régime de droit commun du gage de meubles corporels défini au chapitre II du sous-titre II du titre II du livre IV du code civil, pour le clarifier et rendre possible le pacte commissoire, en vue de favoriser le financement des entreprises sur stocks ;
2° Modifier le régime applicable au gage de meubles corporels et au gage des stocks dans le cadre du livre VI du code de commerce en vue de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
L'amendement n° 1601, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
le pacte commissoire
insérer les mots :
et le droit de rétention fictif
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
en vue de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement vise à préciser l’habilitation sollicitée en vue de rapprocher le régime du gage des stocks, défini dans le code de commerce, du régime de droit commun du gage de meubles corporels, défini dans le code civil, afin de rendre possibles non seulement le pacte commissoire, mais également le gage avec dépossession.
Je confesse avec modestie que je vous serais reconnaissant, mes chers collègues, de bien vouloir limiter vos demandes de précisions sur cet amendement particulièrement technique…
Sourires.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
L'article 70 ter est adopté.
TITRE III
TRAVAILLER
CHAPITRE IER
Exceptions au repos dominical et en soirée
Les articles 71 à 82 bis ont déjà été examinés dans la journée du lundi 4 mai.
CHAPITRE II
Droit du travail
Section 1
Justice prud’homale
I. – La première partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Le chapitre Ier du titre II du livre IV est complété par un article L. 1421-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1421 -2. – Les conseillers prud’hommes sont des juges. Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions.
« Ils sont tenus au secret des délibérations.
« Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie. » ;
2° À l’intitulé de la section 4 du chapitre III du même titre II, après le mot : « conciliation », sont insérés les mots : « et d’orientation » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1235-1, au premier alinéa de l’article L. 1454-2 et à l’article L. 1454-4, les mots : « de conciliation » sont remplacés par les mots : « de conciliation et d’orientation » ;
3° bis Après le quatrième alinéa de l’article L. 1235-1, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d’État.
« Ce référentiel fixe le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée, en fonction notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.
« Si les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel. » ;
4° L’article L. 1423-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande et au moins une fois par an, le juge départiteur mentionné à l’article L. 1454-2 assiste à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes. » ;
5° À l’article L. 1423-8, les mots : « ou ne peut fonctionner » sont supprimés et les mots : « un tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel » ;
5° bis À l’article L. 1423-9, les mots : « un tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel » ;
6°
Supprimé
7° Après l’article L. 1423-10, il est inséré un article L. 1423-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1423 -10 -1. – En cas d’interruption du fonctionnement du conseil de prud’hommes ou de difficultés graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales, le premier président de la cour d’appel désigne un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes. Il fixe la date à compter de laquelle les affaires sont provisoirement soumises à ces juges.
« Lorsque le premier président de la cour d’appel constate que le conseil est de nouveau en mesure de fonctionner, il fixe la date à laquelle les affaires seront portées devant ce conseil. » ;
7° bis À l’article L. 1423-12, les mots : « d’un nombre égal d’employeurs et de salariés » sont remplacés par les mots : « de deux conseillers prud’hommes employeurs et de deux conseillers prud’hommes salariés » ;
8° L’article L. 1423-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1423 -13. – Le bureau de conciliation et d’orientation, la formation de référé et le bureau de jugement dans sa composition restreinte se composent d’un conseiller prud’homme employeur et d’un conseiller prud’homme salarié. » ;
9° L’article L. 1442-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les conseillers prud’hommes suivent une formation initiale à l’exercice de leur fonction juridictionnelle et une formation continue. La formation initiale est commune aux conseillers prud’hommes employeurs et salariés et placée sous la responsabilité de l’École nationale de la magistrature.
« Tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire. » ;
10° Le premier alinéa de l’article L. 1442-2 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les besoins de leur formation prévue à l’article L. 1442-1, les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise membres d’un conseil de prud’hommes des autorisations d’absence, qui peuvent être fractionnées, dans la limite de :
« 1° Cinq jours par mandat, au titre de la formation initiale ;
« 2° Six semaines par mandat, au titre de la formation continue. » ;
11° L’article L. 1442-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -11. – L’acceptation par un conseiller prud’homme d’un mandat impératif, avant ou après son entrée en fonction et sous quelque forme que ce soit, constitue un manquement grave à ses devoirs.
« Si ce fait est reconnu par les juges chargés de statuer sur la validité des opérations électorales, il entraîne de plein droit l’annulation de l’élection de l’intéressé ainsi que l’interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de dix ans.
« Si la preuve n’en est rapportée qu’ultérieurement, le fait entraîne la déchéance du mandat de l’intéressé dans les conditions prévues aux articles L. 1442-13-2 à L. 1442-14 et L. 1442-16-1 à L. 1442-16-2. » ;
12° L’article L. 1442-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -13. – Tout manquement à ses devoirs dans l’exercice de ses fonctions par un conseiller prud’homme est susceptible de constituer une faute disciplinaire. » ;
13° Après l’article L. 1442-13, sont insérés des articles L. 1442-13-1 à L. 1442-13-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 1442 -13 -1. – En dehors de toute action disciplinaire, les premiers présidents de cour d’appel peuvent rappeler à leurs obligations les conseillers prud’hommes des conseils de prud’hommes situés dans le ressort de leur cour.
« Art. L. 1442 -13 -2. – Le pouvoir disciplinaire est exercé par une commission nationale de discipline qui est présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation, et qui comprend :
« 1° Un membre du Conseil d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
« 2° Deux magistrats du siège des cours d’appel, désignés par le premier président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers présidents des cours d’appel, chacun d’eux arrêtant le nom d’un magistrat du siège de sa cour d’appel après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel ;
« 3° Deux représentants des salariés, conseillers prud’hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud’homme, désignés par les représentants des salariés au Conseil supérieur de la prud’homie en son sein ;
« 4° Deux représentants des employeurs, conseillers prud’hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud’homme, désignés par les représentants des employeurs au Conseil supérieur de la prud’homie en son sein.
« Les désignations effectuées tiennent compte de la nécessité d’assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes.
« Des suppléants en nombre égal sont désignés dans les mêmes conditions. Les membres de la commission nationale de discipline sont désignés pour trois ans.
« Art. L. 1442 -13 -3. – La commission nationale de discipline peut être saisie par le ministre de la justice ou par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le conseiller prud’homme siège, après audition de celui-ci par le premier président. » ;
14° L’article L. 1442-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -14. – Les sanctions disciplinaires applicables aux conseillers prud’hommes sont :
« 1° Le blâme ;
« 2° La suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois ;
« 3° La déchéance assortie d’une interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de dix ans ;
« 4° La déchéance assortie d’une interdiction définitive d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme. » ;
15° L’article L. 1442-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -16. – Sur proposition du ministre de la justice ou du premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le conseiller prud’homme mis en cause siège, le président de la commission nationale de discipline peut suspendre un conseiller prud’homme, pour une durée qui ne peut excéder six mois, lorsqu’il existe contre l’intéressé, qui a été préalablement entendu par le premier président, des faits de nature à entraîner une sanction disciplinaire. La suspension peut être renouvelée une fois par la commission nationale pour une durée qui ne peut excéder six mois. Si le conseiller prud’homme fait l’objet de poursuites pénales, la suspension peut être ordonnée par le président de la commission nationale jusqu’à l’intervention de la décision pénale définitive. » ;
16° Après l’article L. 1442-16, sont insérés des articles L. 1442-16-1 et L. 1442-16-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1442 -16 -1. – La commission nationale de discipline ne peut délibérer que si quatre de ses membres au moins, y compris le président, sont présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Art. L. 1442 -16 -2. – Les décisions de la commission nationale de discipline et celles de son président sont motivées. » ;
17° L’article L. 1453-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1453 -4. – Un défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale.
« Il est inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national, dans des conditions définies par décret. » ;
17°bis (nouveau) L’article L. 1453-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « la section ou, lorsque celle-ci est divisée en chambres, devant la chambre à laquelle » sont remplacés par les mots : « le conseil de prud’hommes auquel » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
18° Le chapitre III du titre V du livre IV est complété par des articles L. 1453-5 à L. 1453-9 ainsi rédigés :
« Art. L. 1453 -5. – Dans les établissements d’au moins onze salariés, le défenseur syndical dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions, dans la limite de dix heures par mois.
« Art. L. 1453 -6. – Le temps passé par le défenseur syndical hors de l’entreprise pendant les heures de travail pour l’exercice de sa mission est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations d’assurances sociales et aux prestations familiales ainsi qu’au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l’entreprise.
« Ces absences sont rémunérées par l’employeur et n’entraînent aucune diminution des rémunérations et avantages correspondants.
« Les employeurs sont remboursés par l’État des salaires maintenus pendant les absences du défenseur syndical pour l’exercice de sa mission ainsi que des avantages et des charges sociales correspondants.
« Un décret détermine les modalités d’indemnisation du défenseur syndical qui exerce son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou qui dépend de plusieurs employeurs.
« Art. L. 1453 -7. – L’employeur accorde au défenseur syndical, à la demande de ce dernier, des autorisations d’absence pour les besoins de sa formation. Ces autorisations sont délivrées dans la limite de deux semaines par période de quatre ans suivant la publication de la liste des défenseurs syndicaux sur laquelle il est inscrit.
« L’article L. 3142-12 est applicable à ces autorisations. Ces absences sont rémunérées par l’employeur. Elles sont admises au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle, dans les conditions prévues à l’article L. 6331-1.
« Art. L. 1453 -8. – Le défenseur syndical est tenu au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication.
« Il est tenu à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation.
« Toute méconnaissance de ces obligations peut entraîner la radiation de l’intéressé de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative.
« Art. L. 1453 -9. – L’exercice de la mission de défenseur syndical ne peut être une cause de sanction disciplinaire ou de rupture du contrat de travail.
« Le licenciement du défenseur syndical est soumis à la procédure d’autorisation administrative prévue au livre IV de la deuxième partie. » ;
19° La section 1 du chapitre IV du même titre V est ainsi modifiée :
aa) L’intitulé est ainsi rédigé : « Conciliation, orientation et mise en état de l’affaire » ;
a) L’article L. 1454-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1454 -1. – Le bureau de conciliation et d’orientation est chargé de concilier les parties.
« Dans le cadre de cette mission, le bureau de conciliation et d’orientation peut entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité. » ;
b) Sont ajoutés des articles L. 1454-1-1 à L. 1454-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 1454 -1 -1. – En cas d’échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d’orientation peut, par simple mesure d’administration judiciaire :
« 1° Si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, renvoyer les parties, avec leur accord, devant le bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13. La formation restreinte doit statuer dans un délai de trois mois ;
« 2° Renvoyer les parties, si elles le demandent ou si la nature du litige le justifie, devant le bureau de jugement mentionné à l’article L. 1423-12 présidé par le juge mentionné à l’article L. 1454-2.
« À défaut, l’affaire est renvoyée devant le bureau de jugement mentionné à l’article L. 1423-12.
« La formation saisie connaît de l’ensemble des demandes des parties, y compris des demandes additionnelles ou reconventionnelles.
« L’article L. 1454-4 n’est pas applicable lorsque l’affaire est renvoyée devant les formations de jugement mentionnées aux 1° et 2° du présent article.
« Art. L. 1454 -1 -2. – Le bureau de conciliation et d’orientation assure la mise en état des affaires.
« Lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée devant le bureau de jugement, celui-ci peut assurer sa mise en état.
« Un ou deux conseillers rapporteurs peuvent être désignés pour que l’affaire soit mise en état d’être jugée. Ils prescrivent toutes mesures nécessaires à cet effet. À ce titre, ils peuvent notamment adresser des injonctions aux parties, fixer un calendrier de mise en état et prévoir la clôture des débats.
« Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 communiquent aux conseillers rapporteurs, à la demande de ceux-ci et sans pouvoir opposer le secret professionnel, les renseignements et documents relatifs au travail dissimulé, au marchandage ou au prêt illicite de main-d’œuvre dont ils disposent.
« Art. L. 1454 -1 -3. – En cas de non-comparution d’une partie ou de son représentant, sauf motif légitime, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.
« Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13. » ;
20° L’article L. 1454-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « tribunal de grande instance » et les mots : « ou le juge d’instance désigné par le premier président en application du dernier alinéa » sont supprimés ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les juges chargés de ces fonctions sont désignés chaque année, notamment en fonction de leurs aptitudes et connaissances particulières, par le président du tribunal de grande instance. » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé.
21° §(nouveau). – Au chapitre Ier du titre VI du livre IV, il est ajouté un article L. 1461-1 ainsi rédigé:
« Art. L. 1461-1. – Devant la cour d’appel, la procédure est essentiellement écrite. Les parties peuvent être entendues par le juge. »
I bis. – Le livre IV de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° Le titre Ier est ainsi modifié :
a) Le chapitre Ier est ainsi modifié :
– l’article L. 2411-1 est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
– est ajoutée une section 14 ainsi rédigée :
« Section 14
« Licenciement du défenseur syndical
« Art. L. 2411 -24. – Le licenciement du défenseur syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. » ;
b) Le chapitre II est ainsi modifié :
– l’article L. 2412-1 est complété par un 15° ainsi rédigé :
« 15° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
– est ajoutée une section 15 ainsi rédigée :
« Section 15
« Défenseur syndical
« Art. L. 2412 -15. – La rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un défenseur syndical avant l’échéance du terme, en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme, lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. » ;
c) L’article L. 2413-1 est complété par un 15° ainsi rédigé :
« 15° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
d (nouveau)) L’article L. 2414-1 est complété par un 13° ainsi rédigé:
« 13° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
2° L’article L. 2421-2 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
3° Le titre III est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :
« CHAPITRE IX
« Défenseur syndical
« Art. L. 2439 -1. – Le fait de rompre le contrat de travail d’un salarié inscrit sur la liste arrêtée par l’autorité administrative mentionnée à l’article L. 1453-4, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative prévues au présent livre, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €.
« Le fait de transférer le contrat de travail d’un salarié mentionné au premier alinéa compris dans un transfert partiel d’entreprise ou d’établissement, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative, est puni des mêmes peines. »
II. – §(Non modifié) L’article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est abrogé.
III. – §(Non modifié) Le code civil est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article 2064 est supprimé ;
2° L’article 2066 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa n’est pas applicable aux litiges en matière prud’homale. »
IV. – L’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles peuvent, dans les mêmes conditions, solliciter l’avis de la Cour de cassation avant de statuer sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. »
IV bis. – §(Non modifié) À l’article L. 147 C du livre des procédures fiscales, la référence : « deuxième alinéa de l’article L. 1454-1 » est remplacée par la référence : « dernier alinéa de l’article L. 1454-1-2 ».
V. – §(Non modifié) Sauf disposition contraire, un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.
Nous abordons le sujet important de la justice prud’homale.
En préambule, monsieur le ministre, permettez-moi de m’étonner de l’absence de Mme la garde des sceaux et de M. le ministre du travail à vos côtés. On peut s’interroger sur l’objectif visé au travers de cet article !
La justice prud’homale est une institution vitale pour la protection des salariés. Si nous partageons le constat de la longueur des délais d’attente, nous ne partageons pas votre analyse et n’approuvons pas les solutions que vous préconisez.
Au lieu d’accroître leurs moyens, qui sont rognés depuis vingt ans, vous proposez de démanteler les conseils de prud’hommes, dont l’utilité est pourtant démontrée.
De fait, les organisations professionnelles, tant de salariés que patronales, rejettent vos propositions. Je tiens à souligner ici l’importance du travail réalisé par les conseillers prud’homaux, qui suivent des formations et acceptent de siéger de manière quasiment bénévole. Cette attitude civique devrait être valorisée par le Gouvernement ; hélas, il n’en est rien !
Au prétexte de délais trop longs et d’un détournement de la mission initiale de conciliation des prud’hommes, le Gouvernement propose de recourir de plus en plus à des juges professionnels. Outre que son efficacité financière et en termes de réduction des délais apparaît très discutable, une telle mesure constituerait un profond désaveu pour les conseillers prud’homaux et une source certaine de démotivation. La démotivation touchera également les salariés, qui risquent de voir les délais de traitement de leur dossier augmenter, empêchant toute compensation et la prise d’un nouveau départ.
Ensuite, le Gouvernement propose l’instauration d’une justice à trois vitesses en rendant possible la modulation de la composition de la formation de jugement. Pour une même situation, le dossier pourra être traité soit par un bureau de conciliation restreint statuant dans un délai de trois mois, soit par un bureau classique composé de quatre conseillers, soit par un bureau où siégera un juge professionnel. Cette démultiplication des possibilités conduira immanquablement à la justice à trois vitesses que j’évoquais, ce qui remettra de fait en cause le principe d’égalité entre les justiciables.
À vous en croire, monsieur le ministre, l’enjeu serait de raccourcir les délais de jugement. Permettez-moi de m’interroger : comment deux personnes dépourvues de moyens pourront-elles statuer plus rapidement que quatre ? En multipliant deux ou quatre par zéro, on obtiendra toujours zéro !
Il existe une autre pierre d’achoppement : la possibilité, pour les juges, de s’appuyer sur un référentiel plus proche de l’évaluation forfaitaire pour déterminer l’indemnité préjudicielle allouée dans le cas d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Avec cette mesure, sous prétexte d’harmonisation – vers le bas, on l’aura compris –, on déshumanise la justice à l’égard de victimes bien souvent fragilisées, qui ont besoin du lien spécifique entre juges et justiciables. En outre, les indemnités versées risquent de ne pas couvrir le préjudice subi. Enfin, on offre aux entreprises désireuses de licencier la possibilité de calculer au préalable combien leur coûterait un licenciement.
Par ailleurs, l’alinéa 5 de cet article particulièrement volumineux vise à limiter les moyens d’action des conseillers prud’hommes. S’il nous paraît naturel que ces conseillers observent, pour le bon fonctionnement de l’institution et de la justice, un certain nombre de devoirs, il ne nous semble pas opportun de demander à des syndicalistes et à des employeurs engagés de restreindre leurs moyens d’expression, car celle-ci constitue la richesse paritaire des prud’hommes.
Pour conclure, j’aimerais revenir quelques instants sur la proposition de supprimer l’alinéa 2 de l’article 2064 du code civil, qui protège le salarié en prévoyant qu’ « aucune convention ne peut être conclue à l'effet de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail ».
Le fondement de cet alinéa est la reconnaissance du lien de subordination existant entre l’employé et l’employeur, notamment au regard de la dépendance économique du premier par rapport au second. Le salarié et l’employeur ne sont pas sur un pied d’égalité, même si la rupture conventionnelle du contrat de travail promue par le Gouvernement occulte cette réalité. Cette mauvaise appréciation de votre part, monsieur le ministre, conduira inévitablement à des situations dramatiques pour les travailleurs de ce pays.
J’ose espérer que vous n’ignorez pas que, chaque année, des cas de pressions exercées par les employeurs sur les salariés sont recensés et condamnés. Si la présence d’un avocat est obligatoire lors des discussions de concertation, celui-ci ne peut pas suivre à la trace le salarié tout au long de sa journée, au travail et en dehors !
L’article 83 s’inscrit dans une réforme globale des juridictions prud’homales. La loi du 14 juin 2013 a ainsi instauré un barème indicatif pour la phase de conciliation. La loi du 1er juillet 2014 a prévu que, dans le cas d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié, le bureau de jugement du conseil prud’homal devait statuer dans un délai d’un mois, sans phase de conciliation préalable. Enfin, la loi du 18 décembre 2014 a autorisé le Gouvernement à remplacer par ordonnance l’élection des conseillers prud’homaux par une simple désignation.
Que fait un tel article dans un projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ?
Alors que les dispositions relatives aux tribunaux de commerce ne figurent plus dans le texte, cette réforme des conseils prud’homaux reste soumise à notre examen, ce qui soulève l’étonnement et l’incompréhension, pour ne pas dire la colère, du Conseil supérieur de la prud’homie. En effet, comment croire que les dispositions relatives à la déontologie des conseillers prud’homaux, désormais juges, favoriseront la croissance ?
L’essentiel de la réforme découle d’un constat : les délais de jugement sont trop longs, le taux d’appel des décisions est élevé et les juridictions prud’homales sont encombrées. Nous sommes d’accord avec ce constat, monsieur le ministre, mais les réponses que vous apportez sont pour le moins contestables.
Évoquer la déontologie des conseillers, créer une commission de discipline, c’est insinuer que les conseillers sont responsables des dysfonctionnements des juridictions prud’homales, c’est instaurer une suspicion à leur égard et un contrôle institutionnalisé, mais ce n’est en aucun cas favoriser la croissance.
Nous savons que les dysfonctionnements, notamment en matière de délais de jugement, s’expliquent d’abord par le manque de moyens des juridictions prud’homales.
Vous proposez de former des bureaux de jugement restreints pour multiplier le nombre d’audiences. Cependant, les acteurs de terrain vous répondront que le nombre de salles ou de greffiers est insuffisant pour permettre la tenue de ces audiences.
Vous proposez d’étendre les prérogatives des juges départiteurs, mais ces derniers ne sont d’ores et déjà pas assez nombreux pour exercer leurs prérogatives actuelles !
Ainsi, la réforme que vous proposez ne permettra pas de traiter les problèmes qui entravent réellement le fonctionnement des conseils de prud’hommes. Par exemple, elle ne revient pas sur le principe de l’unicité d’instance, qui empêche de revenir sur des débats, de poser des questions additionnelles ou de rouvrir un dossier, alors que cela permettrait de réduire le nombre de recours contre les décisions prises par les conseillers prud’homaux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons fermement à l’article 83. À nos yeux, il casse une juridiction sollicitée chaque année par près de 200 000 salariés, qui comptent sur elle pour faire valoir leurs droits, pour la remplacer par une justice expéditive et forfaitaire, permettant à un employeur de déterminer à l’avance ce qu’il lui en coûtera de licencier abusivement un salarié, notamment grâce à l’extension du référentiel indicatif à la phase de jugement.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 75 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 948 rectifié est présenté par MM. Collombat et Bertrand et Mme Malherbe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 75.
L’article 83 est une attaque portée contre la justice prud’homale et son mode de fonctionnement. Il fait la part belle aux juges professionnels en instaurant un échevinage qui ne dit pas son nom. Son seul aspect positif est l’instauration d’une esquisse de statut pour le défenseur syndical.
Alors que l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la prud’homie, représentants du MEDEF compris, ont voté contre votre projet et que des centaines de conseillers prud’hommes ont manifesté leur désaccord avec lui, vous persistez, monsieur le ministre, à vouloir introduire dans un texte pour la croissance et l’activité une réforme complète du système prud’homal.
Outre que nous demeurons convaincus qu’elle aurait eu davantage sa place dans un texte consacré à la justice du XXIe siècle, cette réforme nous inspire de nombreuses critiques de fond.
Ainsi, la création, prévue à l’article 83, d’un barème appelé pudiquement « référentiel indicatif » encouragera les employeurs à provisionner des fonds de réserve en vue de licencier des salariés. Les employeurs n’auront même plus à se soucier de rechercher une cause réelle et sérieuse pour procéder à des licenciements ! Cette simplification de la justice pour les employeurs est complétée par la création d’un bureau de conciliation et d’orientation, dont la formation restreinte risque d’entraîner une justice à deux vitesses pour les salariés.
Par ailleurs, alors que l’objectif affiché de la réforme des conseils de prud’hommes est de réduire les délais de jugement, la formation initiale des conseillers prud’homaux est limitée à cinq jours, et leur formation continue à six semaines. De façon générale, il y a un véritable décalage entre les intentions proclamées et les moyens prévus par cette réforme !
La parole est à M. Alain Bertrand, pour présenter l'amendement n° 948 rectifié.
La réforme de la justice prud’homale prévue à l’article 83 ne sert pas précisément l’intérêt des salariés. À la vérité, cette prétendue modernisation n’a qu’un seul but : limiter le recours aux conseils de prud’hommes. Or ces juridictions paritaires, tout imparfaites qu’elles soient, répondent à ce propos d’Henri Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »
La suppression de l’article, proposée notre collègue Pierre-Yves Collombat, permettrait de renvoyer la réforme des conseils de prud’hommes à un projet de loi spécifique, préparé non seulement par le ministre de l’économie, mais aussi par le ministre du travail et par le garde des sceaux. C’est ainsi qu’il convient, selon nous, de traiter une question aussi importante pour notre économie et aussi lourde de conséquences pour la vie des salariés et des entreprises.
Si nous supprimons l’article 83, nous nous empêchons de débattre de la réforme des conseils de prud’hommes. Celle-ci est-elle nécessaire ? Je constate que les orateurs qui ont pris la parole contre l’article et qui ont défendu les deux amendements tendant à le supprimer l’ont eux-mêmes implicitement admis : si nous ne sommes pas d’accord sur les solutions, nous le sommes entièrement sur le diagnostic.
Permettez-moi de vous faire part des enseignements que j’ai tirés des auditions auxquelles j’ai procédé, étant entendu que la situation n’est pas la même partout : certains conseils de prud’hommes fonctionnent bien, tandis que d’autres fonctionnent mal, voire pas du tout – ce sont souvent, hélas, les plus importants.
Savez-vous, mes chers collègues, quelle mention figure en dessous de la date sur les convocations adressées par le conseil de prud’hommes de Paris pour les audiences de jugement, voire pour les audiences de conciliation ? « Il n’y a pas d’erreur dans la date. » C’est dire si la longueur des délais est institutionnalisée !
Quand une juridiction perd en crédibilité, elle suscite une avalanche de critiques, qui peuvent peut-être aller trop loin.
J’ai auditionné, entre autres personnalités, un universitaire spécialiste du droit prud’homal, qui nous a assurés que la réforme était absolument nécessaire et urgente. Selon lui, c’est la dernière réforme des prud’hommes avant la disparition de cette juridiction !
Devant le constat des dysfonctionnements de la justice prud’homale, la solution presque systématiquement évoquée est de recourir à l’échevinage. Le problème est que, culturellement, l’échevinage est inaudible, aussi bien du côté des syndicats de salariés que de celui des syndicats patronaux. En outre, d’un point de vue pragmatique, il est infinançable.
Par conséquent, ce n’est pas une option praticable, et il nous faut faire preuve d’imagination pour trouver d’autres solutions permettant de pallier les insuffisances de la justice prud’homale actuelle.
Bien entendu, je ne puis émettre un avis favorable sur les amendements identiques n° 75 et 948 rectifié, puisque je fais le constat qu’il nous faut réfléchir à une réforme.
Au demeurant, le Sénat s’est montré particulièrement constructif : de même qu’il n’a pas voulu laisser à la seule Assemblée nationale le soin de réformer les tribunaux de commerce, il n’a pas entendu s’en remettre aux seuls députés pour rénover la justice prud’homale, ce qui aurait été très aisé.
Nous allons donc travailler en vue de trouver des solutions. Sans doute ne plairont-elles pas à tout le monde et ne seront-elles pas totalement efficaces ; je ne prétends pas, en effet, que le dispositif conçu par la commission spéciale résoudra tous les problèmes, mais nous pouvons peut-être améliorer le fonctionnement de la justice prud’homale sur certains points. Vous aurez bien compris, mes chers collègues, que je ne nourris aucune suspicion à l’égard des juges prud’homaux.
La réforme de la justice prud’homale est un volet important du projet de loi ; elle est, en effet, un facteur d’amélioration du fonctionnement de notre économie.
La commission spéciale du Sénat n’a apporté presque aucun changement au dispositif adopté par les députés, ne modifiant le texte que sur deux ou trois points très marginaux. Elle a ainsi emboîté le pas au Gouvernement et à l’Assemblée nationale, dont le rapporteur, Denys Robillard, a largement amendé le projet de loi afin de dissiper toute inquiétude quant à l’instauration d’un échevinage.
Je vais m’efforcer de vous exposer en quelques mots la philosophie et les modalités de la réforme qui vous est proposée.
Une bonne justice est d’abord une justice qui fonctionne bien pour toutes les parties. Or la justice prud’homale est aujourd’hui trop lente, puisque les procédures durent en moyenne vingt-sept mois, et n’aboutit à une conciliation que pour 6 % des affaires. Il en résulte des incertitudes pesant de manière particulière sur les salariés les plus modestes, qui voient parfois un jugement de première instance favorable remis en cause plusieurs mois, voire plusieurs années plus tard, et se trouvent alors souvent dans l’incapacité de rembourser les sommes perçues, ainsi que sur les petits patrons, qui renoncent à embaucher dans l’attente de l’issue d’une affaire. Le raccourcissement des délais de jugement profitera donc avant tout aux salariés les plus modestes et aux plus petits patrons.
Il y a deux façons de procéder. La première consiste à recourir à l’échevinage, c’est-à-dire à des juges professionnels.
Nous n’avons pas choisi cette option. De fait, nous n’avons à aucun moment considéré que les dysfonctionnements que je viens de décrire étaient le fait des juges prud’homaux.
Il serait injuste de le prétendre. À la vérité, c’est la procédure telle qu’elle est conçue actuellement qui entraîne les longueurs que nous déplorons. Les délais sont mal encadrés et, dans le climat de défiance collective dans lequel nous vivons, il y a toujours un avocat ou un intermédiaire pour promettre que l’on obtiendra davantage en recourant à telle ou telle procédure. Il existe, en somme, une incitation collective à multiplier les procédures parfois inutiles, sans compter les manœuvres dilatoires de certains, qui ne se rendent pas aux audiences pour gagner six mois. Ce sont souvent les mêmes qui se plaignent de la longueur de la justice prud’homale.
Les responsabilités sont donc partagées. Chacun des problèmes que je viens de signaler est corrigé dans le texte qui vous est soumis.
M. Emmanuel Macron, ministre. Si, madame la sénatrice ; c’est seulement que vous ne l’avez pas lu.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le ministre, vous nous avez demandé hier d’éviter les caricatures : faites donc de même !
Une forme d’échevinage aurait pu être instaurée si nous avions prévu la saisine du juge départiteur sur l’initiative de l’une des deux parties. Cette disposition figurait d’ailleurs dans la rédaction initiale du projet de loi, mais l’Assemblée nationale ne l’a pas conservée. Le paritarisme de la justice prud’homale est donc parfaitement préservé.
Afin de faciliter la conclusion de compromis, il faut qu’un travail plus poussé soit mené à l’échelon du bureau de conciliation, qui est une instance paritaire. C’est pourquoi nous avons prévu que ce dernier devrait obligatoirement procéder à la mise en état du dossier. Ce point est fondamental : trop souvent, en effet, le dossier n’est pas prêt lors de la phase de conciliation, ce qui amène son renvoi immédiat au bureau de jugement. Désormais, les parties devront constituer leur dossier, et donc établir les faits, dès cette phase, qui s’en trouvera indéniablement facilitée, comme tous les professionnels en conviennent.
Le bureau de jugement, lui aussi paritaire, pourra ensuite passer à l’étape suivante de manière accélérée si cela apparaît nécessaire.
Surtout, il est proposé de mettre en place un référentiel indicatif au niveau du bureau de jugement restreint. Cela me paraît être l’un des apports les plus fondamentaux de ce projet de loi en termes de procédure, car ce référentiel aidera les parties à se mettre d’accord. Aujourd’hui, on fait trop souvent croire aux uns ou aux autres qu’ils pourront obtenir beaucoup plus en passant à l’étape suivante. La pratique montre pourtant que l’on finit par converger sur des peines en fonction de l’ancienneté du salarié et de la nature du litige.
Le bureau de jugement restreint disposera d’un délai de trois mois pour statuer et de la possibilité de recourir plus rapidement à la formation de départage. Le référentiel indicatif permettra de déterminer, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant des sommes susceptibles d'être allouées, en fonction notamment de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l'emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.
L’un des apports principaux de ce projet de loi réside donc dans cette visibilité offerte au niveau du bureau de jugement, qui permettra, nous en sommes convaincus, de favoriser un fonctionnement meilleur et plus rapide de la justice prud’homale.
Le référentiel indicatif sera établi, après avis du Conseil supérieur de la prud'homie, à partir de l’analyse de la jurisprudence, des procès-verbaux de conciliation et des transactions dont l’homologation est sollicitée. Il vise donc à une harmonisation progressive de la jurisprudence. Le juge sera tenu de l’appliquer lorsque les deux parties le demanderont.
Des dispositions réglementaires viendront préciser cette mesure, qui constitue une innovation particulièrement importante.
Le texte prévoit aussi la création d’un statut du défenseur syndical. Les défenseurs syndicaux seront inscrits sur une liste nationale sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés, seront tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations reçues des parties et auront le statut de salariés protégés. Ce dispositif permettra de combler un vide, car aujourd’hui de nombreux salariés ne font pas appel à un avocat.
Enfin, nous proposons de professionnaliser la fonction de conseiller prud’homal, en renforçant les obligations déontologiques, en mettant en place un cadre disciplinaire applicable aux personnes participant à l’exercice de la justice prud’homale et en instaurant une obligation de formation initiale. Nous reconnaissons ainsi pleinement le rôle des conseillers prud’homaux. On ne peut donc pas nous accuser de ne pas leur faire confiance et de vouloir recourir à l’échevinage.
Bien au contraire, nous reconnaissons la force et la qualité de cette justice paritaire, et nous souhaitons la rendre meilleure encore. Ce projet de loi vise ainsi à lui faire gagner en rapidité, à faciliter la conciliation et le travail du bureau de jugement grâce au référentiel indicatif, et à éviter les manœuvres dilatoires. En effet, il sera désormais possible de procéder au jugement en l’absence d’une des parties. Il s’agit là d’un autre point important.
Telle est l’économie de ce texte, qui a été préservé par la commission spéciale du Sénat. Cette réforme de la justice prud’homale est partagée par mes collègues les ministres du travail et de la justice. Nous cherchons à moderniser cette justice en lui gardant son caractère paritaire, spécificité française dont nous sommes fiers. Elle protégera encore mieux le faible, grâce à une plus grande visibilité et à un meilleur encadrement des délais. La justice prud’homale sera ainsi plus lisible et plus efficace. Ce sera bon pour notre économie.
En conclusion, le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements ; à défaut il émettra un avis défavorable.
Nous maintenons bien sûr notre amendement de suppression de l’article.
Monsieur le ministre, vous nous invitiez hier, lors du débat sur les tribunaux de commerce, à ne pas caricaturer vos propositions. Dès lors que l’on n’est pas d’accord avec vous, on tombe dans la caricature, semble-t-il ! Or, de votre côté, vous affirmez que nous n’avons pas lu le texte, ou que nous l’avons mal lu… Voilà de la caricature !
Sur le fond, il en va de la réforme des conseils de prud’hommes comme de celle des tribunaux de commerce.
Nous ne disons pas que la justice prud’homale n’a pas besoin d’être réformée, mais, encore une fois, vous nous présentez un certain nombre d’évolutions sans avoir pris la peine de véritablement consulter les principaux intéressés, en l’espèce les salariés, les employeurs et les conseillers prud’homaux.
Là est bien le fond du problème : il n’y a pas eu de débat préalable et vous nous expliquez aujourd’hui que vous avez trouvé la bonne solution. Vous proposez votre réforme en prenant prétexte de la longueur des procédures. À cet égard, il doit y avoir un problème de sources, car vous évoquez une durée moyenne de vingt-sept mois, alors que, pour notre part, nous l’estimons à treize mois.
Cette réforme fait suite, il ne faut pas l’oublier, à la suppression de l’élection des conseillers prud’homaux. Elle marque une étape supplémentaire vers la disparition de la prud’homie : c’est une certitude !
Nous vous faisons aujourd’hui d’autres propositions pour désengorger les conseils de prud’hommes. Il faut d’abord leur donner des moyens suffisants, en particulier en renforçant les greffes. Ensuite, nous sommes prêts à travailler avec vous sur certaines pistes de réflexion pour réduire les délais. Il serait peut-être bon, avant tout, de préparer un texte visant à limiter le recours aux contrats de travail atypiques et à la flexibilité, qui sont sources de conflits et de litiges. Enfin, il faut redonner à l’inspection du travail, que l’on n’a eu de cesse d’affaiblir jusqu’à présent, les moyens d’exercer pleinement ses missions, en particulier en direction des très petites entreprises et des PME.
Je le répète, nous sommes prêts à discuter d’une réforme des conseils de prud’hommes, mais à condition que les salariés, les employeurs et les conseillers prud’homaux soient consultés et qu’un véritable débat de fond puisse s’engager.
Si je me suis permis tout à l’heure de dire que vous aviez mal lu le texte, c’est parce que vous avez prétendu qu’il ne permettrait pas d’empêcher les manœuvres dilatoires de certaines parties, qui ne se présentent pas devant le bureau de jugement afin de gagner six mois supplémentaires. Or l’alinéa 92 de l’article prévoit qu’en cas de non-comparution d’une partie ou de son représentant, sauf motif légitime, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire.
Le motif légitime, comme la maladie, est reconnu partout en droit.
Il s’agit là d’une véritable avancée, et je m’étonne d’ailleurs que votre amendement n° 1259 tende à supprimer cet alinéa. Cela tient sans doute à une démarche systématique de suppression de chacun des alinéas…
L’alinéa 92 prévoit qu’il sera désormais possible de juger en l’absence d’une des parties. Je vous invite donc par anticipation à retirer l’amendement n° 1259. C’est une question de cohérence !
Le groupe socialiste votera contre ces amendements de suppression. Je pense que nous sommes tous d’accord sur le diagnostic : une réforme est nécessaire. On ne peut se réfugier derrière l’argument selon lequel il serait préférable qu’elle soit présentée par Mme la garde des sceaux. Le Gouvernement a arbitré. M. le rapporteur a lui-même insisté sur l’urgence d’une telle réforme.
On ne peut non plus se réfugier derrière l’argument du manque de moyens. Le ministère de la justice fait partie des ministères prioritaires, notamment en termes d’effectifs. Il lui appartient de répartir ses forces en fonction des besoins.
On peut envisager cette réforme dans une perspective comptable : 15 000 conseillers prud’hommes traitent chaque année de 200 000 affaires dans 210 conseils. De ce point de vue, je peux comprendre l’argumentation de M. Bosino, même si je ne la partage pas.
On peut aussi appréhender la réforme d’une autre manière, en mettant l’accent sur son importance considérable pour la vie économique de notre pays. Il s’agit ici de dizaines de millions de salariés et d’employeurs.
Il faut en moyenne quinze mois pour obtenir un jugement lorsqu’il n’y a pas de départage, et jusqu’à trente mois en cas de départage. Le taux d’appel s’élève à 67 % pour les jugements qui ne sont pas rendus en dernier ressort compte tenu du montant demandé. Cette situation pénalise l’activité économique, car elle freine l’ensemble des acteurs, salariés comme employeurs, notamment en matière d’embauche. La réforme est donc nécessaire et urgente.
Le projet de loi apporte des solutions. La commission spéciale a introduit des corrections, mais les divergences ne sont pas insurmontables. J’ajoute que ce texte ne sort pas de nulle part : il a été précédé de nombreux rapports, notamment celui de M. Lacabarats, président de chambre à la Cour de cassation, dont la compétence est incontestable. C’est le moment de faire cette réforme. Elle ne sera certainement pas parfaite, mais, grâce à notre travail collectif, je pense qu’elle peut être excellente.
Je retire l’amendement n° 948 rectifié, en comptant que M. le ministre tiendra ses engagements en termes d’amélioration de l’efficacité de la justice prud’homale. La réforme doit permettre que les salariés soient bien protégés.
L'amendement n° 948 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 75.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 171 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1651, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La première partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Le chapitre Ier du titre II du livre IV est complété par un article L. 1421-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1421 -2. – Les conseillers prud’hommes exercent leur mandat en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions.
« Ils sont tenus au secret des délibérations.
« Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie. » ;
2° À l’intitulé de la section 4 du chapitre III du même titre II, après le mot : « conciliation », sont insérés les mots : « et d’orientation » ;
3° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1235-1, au premier alinéa de l’article L. 1454-2 et à l’article L. 1454-4, les mots : « de conciliation » sont remplacés par les mots : « de conciliation et d’orientation » ;
3° bis Après le quatrième alinéa de l’article L. 1235-1, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d’État.
« Ce référentiel fixe le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée, en fonction notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.
« Si les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel. » ;
4° L’article L. 1423-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande et au moins une fois par an, le juge départiteur mentionné à l’article L. 1454-2 assiste à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes. » ;
5° À l’article L. 1423-8, les mots : « ou ne peut fonctionner » sont supprimés et les mots : « un tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel » ;
5° bis À l’article L. 1423-9, les mots : « un tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel » ;
6° Après l’article L. 1423-10, il est inséré un article L. 1423-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1423 -10 -1. – En cas d’interruption du fonctionnement du conseil de prud’hommes ou de difficultés graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales, le premier président de la cour d’appel désigne un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes. Il fixe la date à compter de laquelle les affaires sont provisoirement soumises à ces juges.
« Lorsque le premier président de la cour d’appel constate que le conseil est de nouveau en mesure de fonctionner, il fixe la date à laquelle les affaires seront portées devant ce conseil. » ;
7° À l’article L. 1423-12, les mots : « d’un nombre égal d’employeurs et de salariés » sont remplacés par les mots : « de deux conseillers prud’hommes employeurs et de deux conseillers prud’hommes salariés » ;
8° L’article L. 1423-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1423 -13. – Le bureau de conciliation et d’orientation, la formation de référé et le bureau de jugement dans sa composition restreinte se composent d’un conseiller prud’homme employeur et d’un conseiller prud’homme salarié. » ;
9° L’article L. 1442-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les conseillers prud’hommes suivent une formation initiale à l’exercice de leur fonction juridictionnelle et une formation continue.
« Tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire. » ;
10° Le premier alinéa de l’article L. 1442-2 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les besoins de leur formation prévue à l’article L. 1442–1, les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise membres d’un conseil de prud’hommes des autorisations d’absence, qui peuvent être fractionnées, dans la limite de :
« 1° Cinq jours par mandat, au titre de la formation initiale ;
« 2° Six semaines par mandat, au titre de la formation continue. » ;
11° L’article L. 1442-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -11. – L’acceptation par un conseiller prud’homme d’un mandat impératif, avant ou après son entrée en fonction et sous quelque forme que ce soit, constitue un manquement grave à ses devoirs.
« Si ce fait est reconnu par les juges chargés de statuer sur la validité des opérations électorales, il entraîne de plein droit l’annulation de l’élection de l’intéressé ainsi que l’interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de dix ans.
« Si la preuve n’en est rapportée qu’ultérieurement, le fait entraîne la déchéance du mandat de l’intéressé dans les conditions prévues aux articles L. 1442-13-2 à L. 1442-14 et L. 1442-16-1 à L. 1442-16-2. » ;
12° L’article L. 1442-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -13. – Tout manquement à ses devoirs dans l’exercice de son mandat par un conseiller prud’homme est susceptible de constituer une faute disciplinaire. » ;
13° Après l’article L. 1442-13, sont insérés des articles L. 1442-13-1 à L. 1442-13-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 1442 -13 -1. – En dehors de toute action disciplinaire, les premiers présidents de cour d’appel peuvent rappeler à leurs obligations les conseillers prud’hommes des conseils de prud’hommes situés dans le ressort de leur cour.
« Art. L. 1442 -13 -2. – Le pouvoir disciplinaire est exercé par une commission nationale de discipline qui est présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation, et qui comprend :
« 1° Un membre du Conseil d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
« 2° Un magistrat et une magistrate du siège des cours d’appel, désignés par le premier président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers présidents des cours d’appel, chacun d’eux arrêtant le nom d’un magistrat du siège de sa cour d’appel après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel ;
« 3° Un représentant et une représentante des salariés, conseillers prud’hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud’homme, désignés par les représentants des salariés au Conseil supérieur de la prud’homie en son sein ;
« 4° Un représentant et une représentante des employeurs, conseillers prud’hommes ou ayant exercé les fonctions de conseiller prud’homme, désignés par les représentants des employeurs au Conseil supérieur de la prud’homie en son sein.
« Des suppléants en nombre égal sont désignés dans les mêmes conditions. Les membres de la commission nationale de discipline sont désignés pour trois ans.
« Art. L. 1442 -13 -3. – La commission nationale de discipline peut être saisie par le ministre de la justice ou par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le conseiller prud’homme siège, après audition de celui-ci par le premier président. » ;
14° L’article L. 1442-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -14. – Les sanctions disciplinaires applicables aux conseillers prud’hommes sont :
« 1° Le blâme ;
« 2° La suspension pour une durée ne pouvant excéder six mois ;
« 3° La déchéance assortie d’une interdiction d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme pour une durée maximale de dix ans ;
« 4° La déchéance assortie d’une interdiction définitive d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme. » ;
15° L’article L. 1442-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442 -16. – Sur proposition du ministre de la justice ou du premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le conseiller prud’homme mis en cause siège, le président de la commission nationale de discipline peut suspendre un conseiller prud’homme, pour une durée qui ne peut excéder six mois, lorsqu’il existe contre l’intéressé, qui a été préalablement entendu par le premier président, des faits de nature à entraîner une sanction disciplinaire. La suspension peut être renouvelée une fois par la commission nationale pour une durée qui ne peut excéder six mois. Si le conseiller prud’homme fait l’objet de poursuites pénales, la suspension peut être ordonnée par le président de la commission nationale jusqu’à l’intervention de la décision pénale définitive. » ;
16° Après l’article L. 1442-16, sont insérés des articles L. 1442-16 1 et L. 1442-16-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1442 -16 -1. – La commission nationale de discipline ne peut délibérer que si quatre de ses membres au moins, y compris le président, sont présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Art. L. 1442 -16 -2. – Les décisions de la commission nationale de discipline et celles de son président sont motivées. » ;
17° L’article L. 1453-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1453 -4. – Un défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale.
« Il est inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national, dans des conditions définies par décret. » ;
18° Le chapitre III du titre V du livre IV est complété par des articles L. 1453-5 à L. 1453-9 ainsi rédigés :
« Art. L. 1453 -5. – Dans les établissements d’au moins onze salariés, le défenseur syndical dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions, dans la limite de dix heures par mois.
« Art. L. 1453 -6. – Le temps passé par le défenseur syndical hors de l’entreprise pendant les heures de travail pour l’exercice de sa mission est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations d’assurances sociales et aux prestations familiales ainsi qu’au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l’entreprise.
« Ces absences sont rémunérées par l’employeur et n’entraînent aucune diminution des rémunérations et avantages correspondants.
« Les employeurs sont remboursés par l’État des salaires maintenus pendant les absences du défenseur syndical pour l’exercice de sa mission ainsi que des avantages et des charges sociales correspondants.
« Un décret détermine les modalités d’indemnisation du défenseur syndical qui exerce son activité professionnelle en dehors de tout établissement ou qui dépend de plusieurs employeurs.
« Art. L. 1453 -7. – L’employeur accorde au défenseur syndical, à la demande de ce dernier, des autorisations d’absence pour les besoins de sa formation. Ces autorisations sont délivrées dans la limite de deux semaines par période de quatre ans suivant la publication de la liste des défenseurs syndicaux sur laquelle il est inscrit.
« L’article L. 3142-12 est applicable à ces autorisations. Ces absences sont rémunérées par l’employeur. Elles sont admises au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle, dans les conditions prévues à l’article L. 6331-1.
« Art. L. 1453 -8. – Le défenseur syndical est tenu au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication.
« Il est tenu à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation.
« Toute méconnaissance de ces obligations peut entraîner la radiation de l’intéressé de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative.
« Art. L. 1453 -9. – L’exercice de la mission de défenseur syndical ne peut être une cause de sanction disciplinaire ou de rupture du contrat de travail.
« Le licenciement du défenseur syndical est soumis à la procédure d’autorisation administrative prévue au livre IV de la deuxième partie. » ;
19° La section 1 du chapitre IV du même titre V est ainsi modifiée :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Conciliation, orientation et mise en état de l’affaire » ;
b) L’article L. 1454-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1454 -1. – Le bureau de conciliation et d’orientation est chargé de concilier les parties.
« Dans le cadre de cette mission, le bureau de conciliation et d’orientation peut entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité. » ;
c) Sont ajoutés des articles L. 1454-1-1 à L. 1454-1-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 1454 -1 -1. – En cas d’échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d’orientation, par simple mesure d’administration judiciaire :
« 1° Peut, si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, renvoyer les parties, avec leur accord, devant le bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13. La formation restreinte doit statuer dans un délai de trois mois ;
« 2° Peut renvoyer les parties, si elles le demandent ou si la nature du litige le justifie, devant le bureau de jugement mentionné à l’article L. 1423-12 présidé par le juge mentionné à l’article L. 1454-2.
« À défaut, l’affaire est renvoyée devant le bureau de jugement mentionné à l’article L. 1423-12.
« La formation saisie connaît de l’ensemble des demandes des parties, y compris des demandes additionnelles ou reconventionnelles.
« L’article L. 1454-4 n’est pas applicable lorsque l’affaire est renvoyée devant les formations de jugement mentionnées aux 1° et 2° du présent article.
« Art. L. 1454 -1 -2. – Le bureau de conciliation et d’orientation assure la mise en état des affaires.
« Lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée devant le bureau de jugement, celui-ci peut assurer sa mise en état.
« Un ou deux conseillers rapporteurs peuvent être désignés pour que l’affaire soit mise en état d’être jugée. Ils prescrivent toutes mesures nécessaires à cet effet.
« Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 communiquent aux conseillers rapporteurs, à la demande de ceux-ci et sans pouvoir opposer le secret professionnel, les renseignements et documents relatifs au travail dissimulé, au marchandage ou au prêt illicite de main-d’œuvre dont ils disposent.
« Art. L. 1454 -1 -3. – En cas de non comparution d’une partie, sauf motif légitime, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.
« Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13. » ;
20° L’article L. 1454-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « tribunal de grande instance » et les mots : « ou le juge d’instance désigné par le premier président en application du dernier alinéa » sont supprimés ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les juges chargés de ces fonctions sont désignés chaque année, notamment en fonction de leurs aptitudes et connaissances particulières, par le président du tribunal de grande instance. » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé.
II. – Le livre IV de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° Le titre Ier est ainsi modifié :
a) Le chapitre Ier est ainsi modifié :
– l’article L. 2411-1 est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
– est ajoutée une section 14 ainsi rédigée :
« Section 14
« Licenciement du défenseur syndical
« Art. L. 2411 -24. – Le licenciement du défenseur syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. » ;
b) Le chapitre II est ainsi modifié :
– l’article L. 2412-1 est complété par un 15° ainsi rédigé :
« 15° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
– est ajoutée une section 15 ainsi rédigée :
« Section 15
« Défenseur syndical
« Art. L. 2412 -15. – La rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un défenseur syndical avant l’échéance du terme, en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme, lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. » ;
c) L’article L. 2413-1 est complété par un 15° ainsi rédigé :
« 15° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
2° L’article L. 2421-2 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4. » ;
3° Le titre III est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :
« CHAPITRE IX
« Défenseur syndical
« Art. L. 2439 -1. – Le fait de rompre le contrat de travail d’un salarié inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative prévues au présent livre, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 €.
« Le fait de transférer le contrat de travail d’un salarié mentionné au premier alinéa compris dans un transfert partiel d’entreprise ou d’établissement, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative, est puni des mêmes peines. »
III. – L’article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est abrogé.
IV. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article 2064 est supprimé ;
2° L’article 2066 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa n’est pas applicable aux litiges en matière prud’homale. »
V. – L’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil de prud’hommes, le tribunal d’instance ou la cour d’appel statuant en matière prud’homale peut, dans les mêmes conditions, solliciter l’avis de la Cour de cassation avant de statuer sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. »
VI. – À l’article L. 147 C du livre des procédures fiscales, la référence : « deuxième alinéa de l’article L. 1454-1 » est remplacée par la référence : « dernier alinéa de l’article L. 1454-1-2 ».
VII. – Sauf disposition contraire, un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.
La parole est à M. le ministre.
Je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 1651 est retiré.
Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 949 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Cet amendement de notre collègue Pierre-Yves Collombat, le premier d’une longue série, vise à supprimer les alinéas 2 à 5, qui témoignent d’une suspicion à l’encontre des conseillers prud’hommes, qui, quoi qu’on en pense, exercent leur charge dans un esprit de responsabilité. Cette suspicion ne manquera de s’étendre à l’institution prud’homale elle-même.
Ce rappel à l’ordre sans grande portée juridique se borne à édicter des règles de comportement déjà respectées par les conseillers prud’hommes, qui n’ont pas attendu ces alinéas pour avoir un comportement intègre !
L'amendement n° 623, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 1421-2. – Les conseillers prud’hommes exercent leurs mandats en toute…
II. – Alinéa 35
Remplacer les mots :
ses fonctions
par les mots :
ses mandats
La parole est à Mme Nicole Bricq.
La commission spéciale a adopté un amendement visant à préciser que les conseillers prud’hommes sont des juges, qui exercent par conséquent une fonction, et non un mandat.
Cette modification n’est pas que de pure forme. L’institution des conseils – et non pas des tribunaux – de prud’hommes répond à l’idée que les conflits du travail sont d’une nature spécifique. Elle est une traduction de la spécificité du droit du travail, qui s’est construit peu à peu, au fil de l’industrialisation de notre pays et de la mise en place d’un statut du salarié, ainsi que de celle du contrat de travail, qui définit les rapports entre l’employeur et le salarié.
La deuxième idée qui a présidé à la création des conseils de prud’hommes est que le monde du travail doit régler ses conflits par la conciliation, dans l’intérêt tant des employeurs que des salariés, avant d’en venir à des contentieux judiciaires. Cela a amené la mise en place des bureaux de conciliation, qui tiennent une place centrale dans la procédure.
Qualifier les conseillers prud’homaux de juges, c’est méconnaître leur spécificité. Le contentieux du travail ne doit pas être banalisé. Veillons à ne pas préparer un recours à l’échevinage qui n’est pas prévu par le texte.
Ce dernier contient par ailleurs deux mesures très importantes : le renforcement de la formation des conseillers prud’hommes et la création d’un statut du défenseur syndical, dont le projet de loi fait un salarié protégé.
Préférer l’appellation de conseillers à celle de juges permettra d’éviter bien des querelles.
L'amendement n° 1247, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
La déontologie et la discipline des conseillers prud’hommes ne relèvent pas d’une loi visant à promouvoir l’activité et la croissance économique. Bien que sachant lire, nous ne voyons pas de lien. Mais sachez que, pour notre part, nous ne méprisons jamais ceux qui expriment une opinion différente…
Alors que nous ne disposons d’aucune statistique démontrant l’existence d’un lien entre la déontologie et la discipline, d’une part, et l’amélioration des délais de justice, d’autre part, c’est par ce biais que vous allez limiter le pouvoir des défenseurs syndicaux, et donc porter atteinte à la justice.
La rédaction actuelle des deux premières phrases de l’alinéa 3 suffit : « Les conseillers prud’hommes sont des juges. Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à exclure tout doute légitime à cet égard. » Il n’est pas nécessaire d’ajouter « qu’ils s’abstiennent, notamment, de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions ». Cette phrase est redondante avec ce qui est dit précédemment dans l’alinéa, d’autant que l’article L. 1442-11 du code du travail prévoit déjà l’interdiction du mandat impératif pour les conseillers prud’hommes.
L'amendement n° 1248, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Le secret des délibérations est déjà prévu à l’article D. 1442-13 du code du travail, qui précise que, lors de leur prise de fonctions, « les conseillers prêtent individuellement le serment suivant : Je jure de remplir mes devoirs avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations. »
Nous ne voyons pas l’intérêt de rappeler ce devoir de secret des conseillers prud’homaux à l’alinéa 4, dont nous demandons donc la suppression.
Si les dispositions de l’article D. 1442-13 du code du travail n’étaient ni reconnues ni respectées par les conseils prud’homaux et la justice, nous aurions été favorables à ce qu’elles soient rappelées, plutôt que réinscrites dans ledit code. Cependant, la question ne se pose pas, dans la mesure où la jurisprudence est suffisamment étoffée et ancienne pour permettre que ce secret des délibérations soit respecté.
Je citerai, à titre d’exemples, les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 janvier 1964 et du 20 janvier 1972, qui ont été suivis d’autres du même ordre, jusqu’à aujourd’hui. Ils affirment, encore et toujours, que garder le secret des délibérations est un devoir absolu pour les conseillers prud’homaux.
Il s’agit ici d’un amendement de cohérence : recodifier des dispositions existantes ne mène à rien. Quand bien même le secret des délibérations ne serait pas respecté, c’est à la justice de prendre les mesures nécessaires. Nous ne pouvons accepter l’argument selon lequel ce rappel vise à valoriser l’action des conseillers prud’homaux. S’il n’y a aucune suspicion à leur égard, pourquoi inscrire une nouvelle fois dans la loi l’obligation de respecter le secret des délibérations ?
L'amendement n° 1249, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
L’alinéa 5 interdit aux conseillers prud’homaux « toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie ».
Très sincèrement, la rédaction de cet alinéa est plus que sujette à interprétation, s’agissant notamment des conséquences « manifestement excessives » et de l’impact que l’action concertée peut avoir sur le fonctionnement du conseil prud’homal.
La nuit dernière, nous avons fort légitimement rendu hommage au travail des juges des tribunaux de commerce, à ces hommes et à ces femmes qui exercent bénévolement leurs fonctions. Ne jetons pas la suspicion sur les conseillers prud’homaux, qui sont tout aussi intègres et assument pleinement leur mission.
S’il nous paraît justifié de chercher à garantir le bon fonctionnement des juridictions et le bon déroulement de l’examen des affaires, d’autres dispositions prévues dans ce projet de loi suffisent à cette fin, notamment la possibilité d’avoir recours à des juges professionnels du ressort de la cour d’appel quand le conseil prud’homal ne fonctionne plus.
Non justifiée, cette disposition est également néfaste, car elle entrave la liberté d’action des conseillers prud’hommes, notamment leur droit de grève et leur capacité à protester contre des réformes mettant justement en cause la prud’homie.
Nous savons que l’action collective est l’un des principaux moyens à la disposition des citoyennes et des citoyens pour se faire entendre. Il serait parfaitement injuste d’empêcher les conseillers prud’hommes de pouvoir agir, eux aussi, quand ils sont menacés dans leurs fonctions.
L'amendement n° 897 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
juridictions
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Olivier Cadic.
L’une des dispositions introduites dans le nouvel article L. 1421-2 du code du travail interdit aux conseillers prud’hommes toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions.
Les travaux de la commission ont réduit la portée de cette interdiction en la restreignant aux cas où le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie.
Au moment où se manifeste la volonté de rapprocher le statut des conseillers prud’hommes de celui des magistrats professionnels, ce texte heurte le principe rappelé par l’article L. 111-4 du code de l’organisation judiciaire, selon lequel « la permanence et la continuité du service de la justice demeurent toujours assurées ».
En autorisant, dans certains cas, des actions concertées de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des conseils de prud’hommes, pouvant donc aller jusqu’à la remise en cause des audiences, le texte proposé tend à instituer une sorte de droit de grève qui n’a pas sa place ici et porte tort aux justiciables, ainsi qu’à l’institution prud’homale en renforçant les positions de ses détracteurs.
En outre, il est inapplicable en pratique, car il méconnaît les conditions de fonctionnement de la juridiction dont le rôle comporte de nombreuses affaires inscrites à chaque audience et entre lesquelles on ne saurait prétendre opérer un tri selon que leur renvoi aurait ou non des « conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie », notion sujette de surcroît à des interprétations multiples.
Les critiques portant sur la longueur des délais de jugement rendus par les conseils soulignent que cette longueur est d’autant plus regrettable qu’elle affecte un contentieux concernant les litiges du travail dont le règlement ne doit pas souffrir de longs délais.
La disposition qui autoriserait un renvoi à plusieurs mois des affaires pour permettre des actions concertées des conseillers prud’hommes va directement à l’encontre de cet impératif de rapidité, qui justifie par ailleurs les dispositions du projet de loi. C’est pourquoi nous proposons de la supprimer.
L'amendement n° 950 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 34 et 35
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 37
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéas 46 à 51
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Modifier l’actuelle hiérarchie des sanctions renforce l’idée selon laquelle la justice prud’homale est rendue par des hommes et des femmes dont les écarts déontologiques seraient généralisés. Notre collègue Pierre-Yves Collombat estime que l’on fait ainsi douter de la qualité de la justice prud’homale et de la probité des conseillers prud’hommes.
Le professeur de philosophie qu’il fut s’interroge sur les problèmes rencontrés par cette juridiction. Proviennent-ils réellement des manquements des conseillers à leurs devoirs ? Ne tiendraient-ils pas plutôt à la pénurie de moyens affectés à cette justice ?
Sourires.
Avant de m’exprimer sur chacun de ces amendements, qui recueilleront tous un avis défavorable de ma part, …
Oui, hélas !
… je souhaite formuler quelques remarques d’ordre général.
Tous ces amendements concernent des dispositions ayant, d’une certaine façon, un objet précis : empêcher que l’on puisse imaginer un seul instant que le juge du conseil des prud’hommes n’est pas un juge.
Chaque fois que nous avons avancé, qu’il s’agisse du Gouvernement ou de la commission spéciale, sur ces dispositions, cela a toujours été dans la direction du statut de juge.
J’attire l’attention de ceux d’entre vous qui ne veulent pas entendre parler de l’échevinage : le jour où, dans l’esprit de tout le monde, les conseillers prud’hommes seront des juges, plus personne ne vous parlera d’échevinage !
Je citerai un exemple. Quel est le tribunal le plus « écheviné », si j’ose dire, le plus typique en ce domaine ? C’est le tribunal paritaire des baux ruraux, composé du juge d’instance, assisté de quatre juges, deux représentant les bailleurs et deux représentant les fermiers. Dans l’esprit populaire, ces bailleurs et ces fermiers sont en quelque sorte des conseillers techniques du juge, lequel arbitre, dit le droit. Voilà un tribunal avec échevinage !
Il doit s’agir de juges.
Le jour où, dans l’esprit de tout le monde, le conseiller prud’homme sera un juge, vous n’entendrez plus parler d’échevinage puisqu’il ne sera plus nécessaire de prévoir la présence d’un juge.
Si j’ai donné ces explications liminaires, c’est parce que je veux vous faire comprendre, mes chers collègues, que des amendements ne doivent pas éloigner le conseiller prud’homal de la notion et du statut de juge.
J’en viens maintenant aux différents amendements en discussion commune.
L’amendement n° 949 rectifié vise à supprimer le nouvel article du code du travail reconnaissant aux conseillers prud’hommes la qualité de juge. Compte tenu de la conception que je viens d’exposer, il va de soi que j’y suis défavorable.
Je comprends parfaitement la position des auteurs de cet amendement : elle s’inscrit dans une cohérence que je respecte. Mais il sera difficile de trouver un consensus entre nous, car ce n’est pas ma conception du conseiller prud’homme.
L’amendement n° 623, madame Bricq, soulève exactement le même problème.
Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que le projet initial du Gouvernement employait non pas le terme de « mandats » mais bien celui de « fonctions », beaucoup plus adapté selon moi, puisqu’il s’agit de désigner les actes judiciaires ou juridictionnels accomplis par les conseillers prud’hommes. Votre proposition tend donc à revenir sur le texte initialement proposé par le Gouvernement.
Ma position ne comporte aucune ambiguïté : le juge détient un mandat, puisqu’il a été élu. Merveilleux juge ! Qu’est-ce qui rend plus légitime que l’élection ?
Par conséquent, nous avons un juge absolument parfait ! Sauf que, quand il devient juge, il exerce non plus un mandat, mais des fonctions. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 897 rectifié bis porte aussi sur le statut de juge des conseillers prud’hommes. Il vise à interdire l’exercice du droit de grève s’il a pour conséquence d’arrêter ou d’entraver le fonctionnement des juridictions.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, le texte prévoit un équilibre entre l’absence de limitation et les exigences plus contraignantes qui pèsent sur des magistrats professionnels. C’est un équilibre raisonnable.
L’amendement n° 950 rectifié tend à supprimer les modifications apportées par le texte au dispositif disciplinaire. Là encore, nous avons la volonté de nous aligner sur les fonctions et le statut habituels du juge.
Les modifications que nous avons apportées ne visent pas à instaurer une plus grande sévérité ; elles tendent seulement à assurer plus de clarté et d’efficacité dans l’application des règles disciplinaires. Les premiers présidents de cour d’appel pourront rappeler les conseillers prud’hommes à leurs obligations, comme tout premier président de cour d’appel à l’égard du juge qui se trouve placé sous son autorité hiérarchique.
En revanche, les sanctions elles-mêmes ne pourront être prononcées que par la Commission nationale de discipline. Cette mesure vise à apporter une garantie aux intéressés.
L’amendement n° 1247 vise à supprimer la précision selon laquelle les conseillers prud’hommes doivent s’abstenir de tout acte public incompatible avec leurs fonctions. Or un tel rappel est nécessaire, car cette règle s’applique à tous les juges et ne se limite pas à la prohibition du mandat impératif : un conseiller prud’homme ne doit pas critiquer publiquement une décision rendue par la juridiction ; c’est la déontologie élémentaire du juge.
Les auteurs de l’amendement n° 1248 entendent supprimer l’alinéa aux termes duquel les conseillers prud’hommes gardent le secret des délibérations, au motif que cette obligation est prévue dans le serment qu’ils prêtent avant leur entrée en fonction. Certes, mais pourquoi ne le préciserions-nous pas dans la loi ? Le texte du serment figure à l’article D. 1442-13 du code du travail, donc dans sa partie réglementaire. Le texte élève cette règle au niveau de la loi, afin de renforcer l’image ou plus exactement l’âme du juge, qui va pénétrer le conseiller prud’homme.
Enfin, l’amendement n° 1249 tend à supprimer l’interdiction, pour les conseillers prud’hommes, de toute grève susceptible d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie. Cette interdiction, très fortement encadrée dans la mesure où elle ne vise que certains faits de grève bien précis, est justifiée compte tenu de la mission juridictionnelle des conseillers prud’hommes.
Je rappelle à cet égard que l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 interdit aux magistrats judiciaires toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. Le régime proposé pour les conseillers prud’homaux est donc, en l’espèce, un peu moins rigoureux, puisqu’il est seulement destiné à sauvegarder les droits des justiciables.
En conclusion, j’insiste sur le fait que tous les amendements qui tendraient à diminuer la force que nous voulons donner au caractère de juge du conseiller prud’homme recevront un avis défavorable de ma part. Je protège ainsi l’absence pour toujours d’échevinage dans les conseils de prud’hommes.
L’avis du Gouvernement rejoint celui qui a été exprimé par M. le corapporteur sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 623.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous entendons, par ce texte, protéger la juridiction prud’homale de tout échevinage, en n’introduisant pas un nouveau juge professionnel et en ne modifiant pas, dans la procédure, l’intervention du juge professionnel existant.
En revanche, si nous voulons maintenir le paritarisme de la justice prud’homale, il ne faut pas transformer les conseillers prud’hommes en juges. C’est le seul point de désaccord que nous avons avec la commission.
Si ces conseillers deviennent des juges, ce ne sont plus des salariés mandatés par leurs organisations. Précisément, l’amendement n° 623 permet de conserver la nature paritaire de la justice prud’homale et cette spécificité des conseillers. Ils seront formés et soumis à une déontologie, précisée par ce texte.
Néanmoins, l’appartenance de ces conseillers aux organisations syndicales ne doit pas être effacée. En effet, si l’on exige d’eux la neutralité dans le cadre de leurs fonctions et si la composition paritaire des formations est maintenue, ils sont bien mandatés par leurs organisations. Cela est constitutif du paritarisme de cette justice prud’homale. Si l’on ôtait cet élément, on dénaturerait ce principe.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 623 et, pour les raisons que j’ai déjà évoquées tout à l’heure, un avis défavorable sur les amendements n° 949 rectifié, 1247, 1248, 1249, 897 rectifié bis et 950 rectifié.
Je voudrais juste apporter une petite précision sémantique. Il n’existe aucune ambiguïté : nous avons la même vision des choses. Seulement, il faut donner aux mots leur vrai sens. Quand je parle de « juge », je ne parle pas de « magistrat ».
Le juge consulaire est artisan, entrepreneur, mais il n’est pas magistrat. Et le conseiller prud’homme, s’il peut être juge, n’est pas magistrat.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 623.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 172 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1247.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 1248.
Monsieur le corapporteur, je l’entends bien, les dispositions dont il s’agit figurent déjà dans la partie réglementaire du code du travail. De surcroît, j’en conviens tout à fait, les dispositions de nature législative ont plus de poids que les dispositions de nature réglementaire.
Il reste que, dans la pratique, les conseillers prud’homaux, qui deviendront peut-être demain des juges prud’homaux, prêtent déjà serment. À mon sens, le fait d’écrire dans ce projet de loi pour la croissance – un projet de loi dont nous avons maintes fois dit ce que nous pouvions en penser – qu’ils sont tenus au secret des délibérations, alors que cela fait partie du serment qu’ils prêtent, engendre une sorte de doute.
J’entends bien votre volonté de renforcer le rôle des conseillers prud’homaux, monsieur le corapporteur, mais je ne partage pas votre analyse quant à la nécessité de faire « remonter » cette obligation de secret dans la partie législative du code du travail. En conséquence, nous maintenons notre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je retire également l’amendement n° 950 rectifié, monsieur le président !
Les amendements n° 897 rectifié bis et 950 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 495 rectifié sexies est présenté par Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Frassa, Mme Kammermann, MM. Calvet, Charon et Commeinhes, Mme Gruny, MM. Laufoaulu et Magras, Mme Mélot et M. Milon.
L'amendement n° 951 rectifié est présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier.
L'amendement n° 1250 est présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1478 est présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 8 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° 495 rectifié sexies.
Les alinéas dont nous proposons la suppression visent à l’instauration d’un référentiel indicatif pour la fixation judiciaire des indemnités dues par un employeur à un salarié.
Sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à permettre aux juges de prendre en compte un référentiel indicatif établi après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon des modalités définies par un décret en Conseil d’État.
Ce référentiel fixerait le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée, indépendamment des autres indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, à raison du licenciement intervenu, en fonction de l’ancienneté du salarié, de son âge et de sa situation par rapport à l’emploi. À moins que les parties n’en conviennent, il ne s’imposerait pas au juge, dont la liberté d’appréciation doit être respectée.
Certes, ce référentiel est indicatif, mais son application risque, sur la base de la jurisprudence, de conduire à la création de fait d’un barème obligatoire, voire à un plafonnement des indemnités.
En outre, le Conseil supérieur de la prud’homie n’est pas compétent pour fixer ce référentiel d’indemnisation. Son rôle est de donner son avis sur la compétence, l’organisation et le fonctionnement des conseils de prud’hommes, l’élection et la formation des conseillers de prud’hommes ainsi que les procédures suivies devant le conseil des prud’hommes.
Enfin, il n’est pas nécessaire de conférer à un tel référentiel un caractère législatif : rien n’empêche le Gouvernement de le proposer par le biais d’une simple circulaire, pour mieux souligner son caractère non obligatoire et sa valeur indicative.
Telles sont les raisons qui nous ont conduits à présenter cet amendement de suppression des alinéas 8 à 11.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 951 rectifié.
Aux yeux de notre collègue Pierre-Yves Collombat, la barémisation prévue par les alinéas 8 à 11 aura d’abord pour effet de développer les stratégies de recours aux prud’hommes, en fonction d’un calcul coûts-avantages.
Ensuite, ce dispositif constitue une forme de déjudiciarisation de l’institution. En effet, cette automaticité réduit considérablement le rôle du juge, qui devrait apprécier l’indemnité au cas par cas.
Enfin, le texte ne précise pas comment sera constitué ce référentiel, puisqu’il sera établi après avis du Conseil supérieur de la prud’homie et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
On le pressent, l’objectif sous-jacent est la réduction du recours aux prud’hommes. Tel est le choix qu’a fait le Gouvernement. Mieux vaudrait pourtant augmenter le budget de cette juridiction, qui en a bien besoin !
Nous souhaitons également supprimer ce barème indicatif, introduit par la loi du 14 juin 2013 pour la phase de conciliation, et par lequel les parties peuvent mettre fin à leur litige, moyennant une contrepartie forfaitisée d’un montant très faible.
En 2013, les organisations syndicales avaient obtenu que cette barémisation soit limitée à la phase de conciliation. Désormais, le présent projet de loi étend ce dispositif à la phase de jugement…
Le référentiel ainsi introduit est défini par le Conseil d’État, selon des critères d’ancienneté, d’âge, et en fonction de la situation du demandeur.
Avec ce référentiel, a priori indicatif, mais dont l’usage pourrait se généraliser au point de le faire apparaître comme prescriptif, les juridictions prud’homales se voient donc dépossédées de leur rôle d’individualisation des sanctions. En effet, cette espèce de forfait n’assure pas la réparation du préjudice dans sa totalité. Celui-ci ne peut qu’être évalué au cas par cas, par le juge.
De surcroît – Françoise Laborde vient de le souligner –, ce référentiel a pour effet de décourager les parties, notamment les salariés. Pour des personnes subissant des contraintes financières, la tentation peut être forte d’accepter une indemnisation, même faible, plutôt que de faire valoir ses droits, d’autant que les procédures sont bien souvent longues et éprouvantes !
Pour résumer, l’employeur s’acquitte d’une somme qui, pour lui, est dérisoire, et qu’il peut, grâce au barème, provisionner, tandis que le salarié, découragé, accepte une solution « moins-disante ».
Surtout, avec une telle mesure, on envoie un message fort aux employeurs : ces derniers peuvent anticiper ce qu’il leur en coûtera s’ils ne respectent pas le code du travail, par exemple en cas de licenciement abusif d’un salarié.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 1478.
L’instauration d’un référentiel d’indemnisation, puis la jurisprudence qu’il suscitera risquent de créer un barème, voire un plafonnement des indemnités, ce qui contrevient à la liberté de jugement des juges – je dis bien « juges » – prud’homaux.
En outre, on peut s’interroger sur les critères proposés pour l’élaboration de ce référentiel, à savoir l’ancienneté, l’âge et la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. Ces critères sont subjectifs, et leur application créerait une inégalité de traitement devant la loi, contraire à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Enfin, il est prévu que le Conseil supérieur de la prud’homie fixe le référentiel d’indemnisation. Or cette instance n’est pas habilitée à remplir cette mission : son rôle est simplement de donner son avis sur la compétence, l’organisation et le fonctionnement des conseils de prud’hommes, l’élection et la formation des conseillers prud’hommes ainsi que sur les procédures suivies devant le conseil des prud’hommes.
M. François Pillet, corapporteur. Mes chers collègues, comment les choses se passent-elles dans la « vraie vie » ?
Mme Annie David s’exclame.
Dans les affaires simples, un salarié ou un employeur saisissant les prud’hommes et disposant d’un conseil, c’est-à-dire soit un délégué syndical, soit un avocat, se voit généralement indiquer, dès le début de la procédure, une fourchette approximative d’indemnisation ; il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un barème, mais c’est une indication qui est, dans la pratique, donnée à ceux qui ont la chance d’avoir un conseil. A contrario, celui qui se présente seul, il ignore totalement ce que pourrait être l’indemnisation.
Bien sûr, le drame, ce serait qu’un barème strict soit établi et qu’il s’applique de manière automatique.
M. Jean Desessard acquiesce.
Selon moi, ce référentiel indicatif est une avancée, notamment pour ceux qui ne disposent pas d’un conseil : il offre une prévisibilité aux parties. De plus, le dispositif permet éventuellement d’accélérer la procédure. Mais surtout, il comporte des garanties, notamment le caractère indicatif du référentiel fait que celui-ci ne lie pas le juge.
Le jour où nous sera proposé, dans cet hémicycle, d’établir un barème automatique, là, oui, nous devrons être unanimes à le refuser !
En l’état actuel du texte, nous disposons de garanties et le référentiel peut donner des idées aux parties comme aux juges. Pourquoi empêcher les deux parties, lorsqu’elles sont d’accord, d’accepter l’application d’un barème ou d’une jurisprudence ?
L’instauration de ce référentiel ne paraît donc pas déterminante ni grave à la commission spéciale. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques, à moins que leurs auteurs acceptent de les retirer.
J’ajoute que, dans d’autres domaines du droit, des barèmes de ce type existent, mais que leur application n’a jamais été rendue automatique.
L’amendement n° 495 rectifié sexies est retiré.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l’amendement n° 951 rectifié.
Nous maintenons évidemment notre amendement. M. le corapporteur, qui connaît bien la pratique – mais moi aussi ! –, nous a parlé de la « vraie vie ». Or la création d’un référentiel indicatif que le juge peut prendre en compte n’a rien à voir avec la réalité, avec la « vraie vie » !
Mais non ! De plus, l’alinéa 11 précise que « si les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel ».
Je ne doute pas que vous n’ayez fréquenté les prud’hommes, madame Bricq, mais, quant à moi, je l’ai fait pendant trente-huit ans !
Peut-on imaginer que des parties qui ne sont pas parvenues à se mettre d’accord dans la phase de conciliation vont tomber d’accord pour demander l’application du référentiel ? Cela veut dire, par exemple, que l’employeur donnera son accord pour être condamné. Soyez raisonnables ! Croyez-vous vraiment qu’un employeur va reconnaître qu’il a prononcé un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire abusif, et se mettre d’accord avec le salarié pour fixer le montant de ce qu’il va lui verser ? Vous avez peut-être vu cela dans la « vraie vie », mais c’est vraiment exceptionnel !
Ensuite, vous nous dites que cette disposition facilitera les choses pour les salariés qui n’ont pas de conseil, défenseur syndical ou avocat. Il faut quand même rappeler que les textes fixent déjà un plancher minimal d’indemnisation, notamment en cas de licenciement sans motif réel ni sérieux. Considérer que l’on va pouvoir fixer un plafond d’indemnisation n’a rien à voir non plus avec la « vraie vie » !
Enfin, on ne peut pas affirmer que le salarié qui n’a pas de défenseur ne peut pas modifier sa demande : la loi le permet, en matière prud’homale, jusqu’au dernier moment. Cela aussi, c’est la « vraie vie » procédurale.
Nous ne retirons pas notre amendement parce que ces dispositions ne vont dans le sens ni de l’intérêt du salarié ni de celui de l’employeur. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi elles figurent dans ce texte, monsieur le ministre. Un certain nombre des alinéas de cet article sont utiles, mais je ne vois vraiment pas ce qui peut justifier la présence de ces trois alinéas.
M. Jean Desessard. J’ai eu, en la personne de M. Mézard, un excellent avocat : je le maintiens donc, monsieur le président.
Sourires.
J’ajouterai un argument à l’appui de la position de la commission spéciale.
J’ai participé à certaines des auditions organisées par M. le corapporteur, au cours desquels nous avons relevé qu’il existait de fortes variations locales.
L’existence d’un référentiel, même indicatif, donne une certaine visibilité aux parties et devrait permettre de réduire les variations entre juridictions. Elle est donc de nature à sécuriser les salariés, tout comme les employeurs.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 951 rectifié, 1250 et 1478.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 952 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
au moins
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Si la coordination entre juge et conseillers mérite d’être améliorée, elle ne doit pas prendre la forme d’une mise sous surveillance des seconds par le premier. La participation du juge départiteur à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes une fois par an est d’autant plus suffisante que d’autres relations, plus ou moins informelles, existent entre ces acteurs.
Cet amendement vise à interdire au juge départiteur d’assister plus d’une fois par an à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes. Vous admettrez que c’est exprimer une méfiance particulière à l’encontre de cette participation, analysée comme une tentative de mise sous tutelle du conseil de prud’hommes.
Cette analyse me semble tout à fait erronée : il faut laisser au magistrat départiteur, qui fait partie de la juridiction prud’homale, la possibilité de participer aux assemblées qui organisent le fonctionnement de la juridiction. Cette participation n’a pas d’autre conséquence que de permettre à ce magistrat de se tenir au courant des décisions prises par le conseil de prud’hommes et du fonctionnement de la juridiction et de présenter ses observations. En outre, elle favorise le dialogue, très utile, entre les magistrats du travail et les conseillers prud’hommes.
J’émets donc un avis défavorable.
L’amendement n° 952 rectifié est retiré.
L’amendement n° 900 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
assemblée générale
par les mots :
audience solennelle
La parole est à M. Olivier Cadic.
Le texte du projet de loi prévoit que le juge départiteur peut, à sa demande, assister à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes. Or l’assemblée générale est destinée à l’élection du président et du vice-président du conseil, à laquelle le juge départiteur ne peut prendre part. C’est pourquoi il est proposé que le juge départiteur puisse assister à l’audience solennelle du conseil, à laquelle il est d’ailleurs généralement invité dans la pratique, et non à l’assemblée générale.
Les auteurs de l’amendement proposent que le juge départiteur participe plutôt à l’audience solennelle du conseil de prud’hommes qu’à ses assemblées générales.
Toutefois, contrairement à ce qu’ils indiquent, le rôle de cette assemblée générale ne se limite pas à l’élection du président et du vice-président du conseil de prud’hommes. L’assemblée générale peut également faire des propositions pour la constitution des chambres au sein du conseil et elle détermine le règlement intérieur du conseil, ainsi que les jours et heures des séances. Il s’agit donc bien d’un organe essentiel de l’administration du conseil de prud’hommes. J’ajoute que l’audience solennelle n’a aucun caractère décisionnel.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur Cadic.
L’amendement n° 900 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 1251, présenté par Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
Les alinéas que nous proposons de supprimer ont pour objet d’instaurer un bureau de jugement restreint pour juger certaines affaires. Ce bureau se composerait de deux conseillers au lieu de quatre. Ces alinéas mettent ainsi en place une justice à deux vitesses : une justice lente, mais impartiale, et une justice rapide, voire expéditive, forcément moins équitable.
La compétence de cette formation restreinte est limitée aux litiges portant sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire. Or ces litiges représentent 92 % des affaires. De ce fait, il est probable que la formation restreinte serait très souvent saisie.
Certes, cette formation restreinte ne peut intervenir qu’en cas d’accord des deux parties. Cependant, les salariés peuvent subir une certaine pression pour accepter que leur affaire lui soit soumise. De plus, leurs moyens financiers sont souvent bien plus restreints que ceux des employeurs. Or les procédures sont coûteuses : temps, déplacements, frais de justice, jours de congé à prendre pour les salariés ayant trouvé un nouvel employeur, etc. Enfin, il ne faut pas négliger le caractère éprouvant que peuvent revêtir les procédures pour des salariés licenciés, qui sont éventuellement encore à la recherche d’un emploi.
Ainsi, le délai de trois mois pour statuer est nécessairement de nature à séduire, du moins dans un premier temps, mais il est indéniable qu’une justice expéditive, en formation restreinte, rendra souvent des jugements encore plus défavorables aux salariés, le temps étant trop court pour apprécier la complexité de l’affaire et entendre suffisamment les parties.
Cet amendement vise à supprimer la formation restreinte de jugement. Or je suis convaincu qu’une formation restreinte de jugement n’est pas forcément moins impartiale qu’une formation plénière ; je rappelle qu’elle est paritaire, conformément à la spécificité de la juridiction prud’homale. J’ajoute que le renvoi vers cette formation n’est possible que pour les contentieux du licenciement ou de la résiliation judiciaire du contrat de travail et avec l’accord des parties.
D’une manière plus générale, j’observe que l’institution du juge unique dans d’autres matières – en l’occurrence, la formation demeure collégiale – ne pose pas de difficulté majeure au fonctionnement de la justice.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 624, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 24, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Cet amendement vise à supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 24 : « La formation initiale est commune aux conseillers prud’hommes employeurs et salariés et placée sous la responsabilité de l’École nationale de la magistrature. »
Je précise d’emblée que cet amendement ne saurait être interprété comme l’expression d’une méfiance ou d’une animosité à l’encontre de l’École nationale de la magistrature.
Ce qui nous conduit d’abord à présenter le présent amendement, c’est que cette disposition n’a pas fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.
De plus, cette deuxième phrase est curieusement rédigée. Tout d’abord, qu’entend-on exactement par « formation commune » ? Est-ce à dire que les conseillers employeurs et les conseillers salariés suivront ensemble la même formation, ou seulement qu’ils suivront le même cursus séparément ? Est-il d’ailleurs opportun qu’ils suivent le même cursus, et avec quel contenu ? On voit bien que la formation se déroulera différemment dans l’un et l’autre cas. Surtout, elle n’aura certainement pas les mêmes résultats.
Par ailleurs, quelle sera la place des organisations syndicales et patronales qui, aujourd’hui, participent à ces formations ? Cette question soulève également celle de la signification exacte de l’expression « sous la responsabilité de l’École nationale de la magistrature ». Quel sera le rôle de celle-ci ? Ses enseignants assureront-ils la partie pédagogique ?
Manifestement, cette phrase a été écrite d’une manière un peu hâtive. C’est pourquoi nous en demandons la suppression, en même temps que nous souhaitons connaître les intentions du Gouvernement sur ce point.
L’amendement n° 1252, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les représentants des organisations syndicales représentatives sont associés dans l’établissement du contenu des formations dispensées par l’école nationale de la magistrature.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
La question de la formation des conseillers prud’homaux est centrale. C’est pour cette raison que l’alinéa 24 de cet article nous paraît aller dans la bonne voie. En effet, les dispositions actuelles des articles L. 1442-1 et L. 1442-2 du code du travail nous semblent insuffisantes et, surtout, ne garantissent pas une vraie formation aux nouveaux conseillers prud’homaux.
Cependant, quelques doutes subsistent. C’est pourquoi le groupe CRC propose un certain nombre d’amendements relatifs à la formation des conseillers.
Ayant déjà souligné l’importance de la durée de cette formation, nous proposons, par cet amendement, que les représentants des organisations syndicales représentatives soient associés au contenu des formations dispensées par l’ENM – École nationale de la magistrature. C’est en effet un point important à nos yeux.
Nous entendons promouvoir ainsi une formation qui ne soit pas seulement juridique, mais aussi pratique. Selon la plupart des observateurs, la richesse de notre justice prud’homale tient à son caractère non professionnel, militant et paritaire. M. le ministre a d’ailleurs, aujourd’hui même, exprimé un semblable point de vue.
Permettre que la période de formation initiale sorte du cadre uniquement juridique peut avoir des effets réellement positifs sur la qualité de cette formation.
Il n’est pas question de mettre en doute la compétence de l’École nationale de la magistrature. Toutefois, le modèle des prud’hommes est si particulier que je ne suis pas certaine qu’une formation exclusivement juridique soit suffisante pour appréhender l’ensemble des enjeux et assurer une compréhension complète de ces derniers.
C’est justement vers ce double objectif que nous souhaitons avancer. Un partenariat entre les représentants syndicaux et l’École nationale de la magistrature permettrait, à coup sûr, d’enrichir cette formation initiale des conseillers prud’homaux. Sur ce point, je le pense, nous pouvons trouver un accord.
Je note l’intérêt porté par nos collègues à la formation dispensée par l’École nationale de la magistrature !
L’amendement n° 624 vise à revenir sur la modification, apportée par la commission spéciale, imposant que la formation initiale des nouveaux conseillers prud’hommes soit commune aux conseillers employeurs et salariés, et placée sous la responsabilité de l’ENM.
La formation initiale devra être une formation à la pratique juridictionnelle, et l’on ne voit pas pourquoi elle ne serait pas commune aux conseillers employeurs et salariés. Je le dis depuis le début, et je n’ai pas changé de philosophie : il s’agit de construire une pratique juridictionnelle commune.
En revanche, je comprends que l’on puisse débattre de l’opportunité de placer cette formation directement sous la responsabilité de l’ENM, et j’ai bien noté l’orientation qui est privilégiée à cet égard.
Ce choix me semble, comme à vous, le meilleur, mais des questions de financement de la formation professionnelle se posent : il faut décider si l’ENM fournira une assistance technique ou si elle assumera l’entière responsabilité de cette formation. À quel budget cette formation doit-elle émarger ? Celui de la justice ou celui du ministère du travail ? Ce point doit, sans doute, être tranché par le Gouvernement.
Afin de parvenir à un accord, je vous propose, madame Emery-Dumas, de rectifier votre amendement de manière qu’il tende seulement à supprimer le dernier membre de la phrase visée, celui qui prévoit que la formation initiale commune est placée sous la responsabilité de l’ENM. Serait ainsi conservée l’idée d’une formation initiale commune – cela ne signifie pas une formation totale ! –, qui correspond à l’inspiration de la réforme et aux préconisations du rapport Lacabarats.
Sous réserve de cette rectification, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement n° 624.
L’amendement n° 1252 vise à prévoir que les associations syndicales sont associées à la définition de la formation initiale commune assurée par l’ENM. Si cette formation ne devait pas être assurée par l’ENM, nous le regretterions avec vous ; mais tel sera peut-être le cas...
L’idée est intéressante, mais, comme je l’ai dit à propos de l’amendement précédent, la définition de l’organisme chargé de la formation initiale commune relève sans doute du plutôt pouvoir réglementaire – mais peut-être est-ce là une manière de me défausser.
Dans la droite ligne de l’avis de la commission sur l’amendement n° 624, rectifié dans le sens que nous préconisons, je vous demande donc, madame Prunaud, de bien vouloir retirer l’amendement n° 1252, au bénéfice des explications du ministre et des engagements qu’il prendra sur ce point.
Je suis favorable à l’amendement n° 624 initial ; je le serai également à l’amendement rectifié dans le sens proposé par le corapporteur, car il serait alors de nature à répondre à la préoccupation évoquée.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 1252, il est vrai que l’alinéa 24 ne précise plus les modalités de la formation initiale, lesquelles seront désormais définies par voie réglementaire. Quoi qu’il en soit, les organisations syndicales continueront d’enseigner le fond du droit et la formation commune portera sur la déontologie, la procédure, la rédaction de jugements, les méthodes de conciliation. Je veux vous apporter ici, madame Prunaud, toutes garanties à cet égard.
Je demande donc le retrait de cet amendement. Nous partageons la préoccupation que vous portez, mais, quelles que soient les modalités de la formation initiale qui seront retenues, celles-ci seront définies par voie réglementaire.
Madame Emery-Dumas, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 624 dans le sens proposé par M. le rapporteur ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 624 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Alinéa 24, seconde phrase
Après le mot :
salariés
supprimer la fin de cette phrase.
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
Il apparaît que, avec l’adoption de l’amendement n° 624 rectifié, la formation initiale des conseillers prud’hommes demeure commune aux conseillers employeurs et salariés.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous vous engagez à maintenir la situation actuelle : les organisations syndicales vont donc continuer à contribuer à la formation des conseillers prud’hommes.
Dans ces conditions, monsieur le président, nous retirons notre amendement.
Nous venons d’avoir un débat sur l’importance pour les conseillers prud’homaux d’une bonne formation, laquelle sera toujours assurée en collaboration par l’ENM et les organisations syndicales.
Il nous semble néanmoins qu’une durée de cinq jours n’est pas suffisante pour transformer véritablement les conseillers prud’hommes en juges prud’homaux. Nous proposons donc une formation d’une durée de dix jours.
L’argumentaire ne manque pas de finesse !
Cet amendement vise à passer de cinq à dix le nombre d’autorisations d’absence dont pourra bénéficier un conseiller prud’homme pour sa formation initiale.
Vous le savez, ces autorisations d’absence constituent une charge pour l’employeur, certes déduite de ses obligations de cotisations pour la formation professionnelle. Il faut aussi tenir compte du coût supplémentaire pour les organismes de formation continue.
Je sollicite, sur cet amendement, l’avis du Gouvernement, et il est vraisemblable que je m’y tiendrai.
Cette autorisation d’absence s’accompagne, je le rappelle, d’un maintien de la rémunération.
Quant à la durée de cinq jours prévue par le projet de loi, elle constitue une innovation en matière de formation initiale obligatoire. Elle garantira aux conseillers prud’hommes l’accès à une formation leur permettant d’acquérir des bases communes, notamment en matière de procédure et de rédaction de jugements. Ils pourront, par ailleurs, continuer à se former, à travers la formation continue, durant environ six semaines.
Cela me paraît être un premier pas important. Il nous faut avancer par étapes. Je ne souhaite donc pas que soit porté de cinq à dix le nombre d’autorisations d’absence accordées aux salariés dans ce contexte.
L’avis est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 1254, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 30 à 33
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Les alinéas 30 à 33 n’apportent, de notre point de vue, que peu de précisions par rapport au contenu actuel du code du travail, mais jettent une nouvelle fois la suspicion sur l’ensemble de la juridiction prud’homale.
Ces alinéas mettent en avant les notions de mandat impératif et d’impartialité des conseillers prud’homaux. Selon nous, cela revient à ouvrir un procès d’intention.
Je rappelle que nous sommes, en tant que parlementaires, également concernés par le mandat impératif. Figurant au titre IV, relatif au Parlement, l’article 27 de la Constitution dispose clairement : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »
S’agissant de la suspicion qui pèse sur les conseillers prud’homaux, je rappellerai le contenu des vœux adoptés par plusieurs conseils de prud’hommes : « Sur le plan éthique, le conseil de prud’hommes déplore l’insistance insultante consistant à rappeler aux conseillers l’impartialité, la dignité et la probité. Ce rappel des obligations déontologiques et des sanctions disciplinaires encourues traduit l’absence de confiance dans l’impartialité des conseillers, et cela est intolérable. »
Je pense qu’il faut effectivement cesser de penser que les conseillers prud’hommes ne seraient pas des personnes intègres.
Dans ces mêmes vœux, les conseillers s’inquiétaient aussi de la fermeture de soixante conseils en 2008 et du report des élections.
Revenant à notre amendement, je rappelle que la juridiction prud’homale est paritaire. Or on a toujours l’impression que ce sont les conseillers salariés qui sont visés par la suspicion ; après tout, on pourrait aussi s’interroger sur la probité des conseillers employeurs...
Il nous faut considérer, une fois pour toutes, que les conseillers prud’homaux sont intègres !
Les auteurs de cet amendement veulent supprimer les modifications apportées aux dispositions du code du travail qui visent à rappeler la prohibition de tout mandat impératif pour les conseillers prud’hommes au motif que de telles dispositions jetteraient l’opprobre sur les intéressés.
Je crois au contraire qu’il est nécessaire d’afficher la nécessité de respecter toutes les règles déontologiques. Je ne vois pas la situation de la même manière que vous, monsieur Bosino. En l’espèce, votre vision est très négative, la mienne, très positive.
Par ailleurs, le projet de loi n’ajoute que très peu d’éléments au droit en vigueur. Il n’instaure pas la prohibition de tout mandat impératif, il précise seulement que l’acceptation d’un tel mandat est interdite avant ou après l’entrée en fonction de l’intéressé. Je pense que cette précision est utile.
Surtout, le présent article limite la sanction de cette prohibition à une interdiction d’exercice d’une durée de dix ans des fonctions de conseiller prud’homme, ce qui est bien plus conforme au droit que l’actuelle sanction, qui consiste en l’inéligibilité perpétuelle.
Loin d’être plus sévère avec les conseillers prud’hommes ou plus hostile à leur égard, ce texte est donc plus clair, plus protecteur, tout en restant exactement sur la même ligne de prohibition des mandats impératifs.
Si je vous ai convaincu, mon cher collègue, vous suivrez ma suggestion de retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Mais j’insiste : cette disposition est moins sévère !
Je ne fais pas, de ces alinéas, la même lecture que vous, monsieur le corapporteur, et je pense qu’il existe bien une petite musique insistante sur la déontologie et les devoirs des conseillers prud’homaux.
Or ces conseillers prêtent serment, prononçant alors la formule suivante : « Je jure de remplir mes devoirs avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations. » Insister, y compris dans ces alinéas du présent projet de loi, sur la nécessité du respect de ces règles me paraît donc déplacé.
Je voterai cet amendement du groupe CRC. Demande-t-on la même chose aux parlementaires ? Cette exigence de respect de la déontologie ayant été formulée une fois, il est en effet déplacé d’inscrire dans la loi cette liste d’interdictions.
Par ailleurs, que signifie la formule qui figure à l’alinéa 31 : « l’acceptation par un conseiller prud’homme d’un mandat impératif, [...] et sous quelque forme que ce soit [...] ». C’est interprétable de toutes les façons possibles !
Les conseillers prud’hommes exercent leurs fonctions en leur nom et en conscience, certes, mais ils viennent tout de même de quelque part ! Or, avec cet alinéa, on pourra toujours dire que telle décision rendue est en lien avec les options syndicales, par exemple, de tel conseiller. Cette formulation est très dangereuse.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 622, présenté par Mmes Campion, D. Gillot et Génisson, M. Vincent, Mmes Bricq et Emery-Dumas, MM. Guillaume, Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 56
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Après l’article L. 1453-3, il est inséré un article L. 1453-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1453-... - Les délégués des associations de mutilés et invalides du travail reconnues représentatives devant les juridictions de sécurité sociale sont habilités à représenter et assister les parties devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. » ;
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Il s’agit de permettre aux délégués des associations de mutilés et invalides du travail reconnues représentatives devant les juridictions de sécurité sociale de représenter et d’assister les parties devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale.
La réglementation actuelle ne permet pas aux délégués d’associations de victimes du travail les plus représentatives d’accompagner ces dernières devant les juridictions prud’homales. Cette situation est d’autant moins compréhensible que ces mêmes associations peuvent assister et représenter ces victimes devant l’ensemble des juridictions de sécurité sociale pour tout ce qui relève des accidents du travail ou des maladies professionnelles.
Or il arrive malheureusement très souvent que l’accident du travail ou la maladie professionnelle entraîne des conséquences directes dans la situation professionnelle de l’assuré social et que le constat de l’inaptitude définitive découlant de l’accident ou de la maladie conduise au licenciement de l’assuré social.
Dans de telles hypothèses, il arrive que les employeurs commettent des erreurs graves, tant au regard du respect de la procédure consécutive au constat définitif de l’inaptitude que du calcul des indemnités de licenciement.
Pour autant, en l’état de la réglementation, une association qui a accompagné, parfois pendant plusieurs années, une victime du travail dans le long parcours judiciaire de reconnaissance du caractère professionnel de son accident ou de sa maladie, puis, éventuellement, de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ne peut plus poursuivre cet accompagnement dans le volet prud’homal de tels dossiers, alors même que celui-ci est la conséquence directe de l’accident ou de la maladie.
Cette lacune procédurale est d’autant moins justifiée que les organisations syndicales sont, pour leur part, habilitées à assister et représenter les victimes du travail devant l’ensemble des juridictions de sécurité sociale. Il y a là un manque de parallélisme dans les situations.
L’article L. 144-3 du code de la sécurité sociale dispose ainsi clairement : « Devant le tribunal du contentieux de l’incapacité, le tribunal des affaires de sécurité sociale et la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, les parties se défendent elles-mêmes. Outre les avocats, peuvent assister ou représenter les parties :
« Un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives. »
Il existe donc une incohérence entre ces dispositions du code de la sécurité sociale et celles du code du travail, sauf à considérer que les associations les plus représentatives de mutilés et victimes du travail seraient moins compétentes que les organisations syndicales, alors même que certaines d’entre elles disposent d’un nombre d’adhérents, de ressources et de services juridiques spécialisés tout à fait comparables.
Cet amendement vise à autoriser dans la loi la représentation des salariés par des associations de mutilés ou d’invalides du travail. Ces associations pourraient en effet utilement assister devant les conseils de prud’hommes, pour un contentieux relatif à son licenciement, le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle qu’elles ont suivi devant les juridictions sociales.
Cette question mérite d’être examinée. Toutefois, deux problèmes se posent.
D’une part, les organisations syndicales risquent d’être concurrencées par des associations particulières, par exemple, outre des associations de mutilés ou d’invalides du travail, des associations de lutte contre les discriminations. Sur cette question délicate, il faudrait sans doute consulter préalablement les partenaires sociaux.
D’autre part, actuellement, les pouvoirs de représentation et d’assistance sont fixés à l’article R. 1453-2 du code du travail, c’est-à-dire à l’échelon réglementaire.
L’adoption cet amendement aurait pour conséquence d’élever les pouvoirs de représentation reconnus aux associations en cause au niveau de la loi, ce qui les placerait au niveau du défenseur syndical, tout en maintenant au niveau du règlement les pouvoirs reconnus aux organisations syndicales, aux autres salariés, au conjoint, au pacsé et même aux avocats. Nous ne pouvons manifestement pas procéder ainsi.
Il me semble préférable que le Gouvernement prenne l’engagement de consulter les partenaires sociaux sur ce dossier et celui de prendre dans les décrets d’application les mesures nécessaires pour satisfaire la demande exprimée par cet amendement.
C’est la raison pour laquelle, sous le bénéfice de ces observations, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.
Ces dispositions relèvent bien du niveau réglementaire. Qui plus est, les organisations syndicales n’ont pas été consultées. Je m’engage à ce que ce soit le cas et qu’au niveau réglementaire on puisse prendre en compte le problème important soulevé par cet amendement.
À la lumière de ces engagements, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Au regard des engagements que vient de prendre le ministre, je le retire, monsieur le président.
J’appelle toutefois l’attention sur la capacité des associations représentatives à poursuivre l’accompagnement des victimes d’un accident du travail ou de maladie professionnelle jusque devant les tribunaux prud’homaux. Quelquefois, cela entraîne des ruptures d’accompagnement qui peuvent être préjudiciables à la reconnaissance des droits des salariés.
L'amendement n° 622 est retiré.
Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1483 n’est pas soutenu.
Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 184 est présenté par M. Bouvard.
L'amendement n° 208 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
L'amendement n° 498 rectifié ter est présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Charon et Commeinhes, Mmes Gruny et Kammermann, MM. Laufoaulu et Magras, Mme Mélot et MM. Milon et Vasselle.
L'amendement n° 566 rectifié bis est présenté par M. A. Marc.
L'amendement n° 1484 est présenté par Mme Aïchi et M. Labbé.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 58
Supprimer les mots :
et les cours d'appel en matière prud'homale
L’amendement n° 184 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 208 rectifié.
Cet amendement tend à supprimer la possibilité, pour le défenseur syndical, d’exercer les fonctions d’assistance et de représentation dans les cours d’appel en matière prud’homale. S’il paraît légitime que le défenseur syndical, revu et corrigé par le projet de loi, assume cette fonction devant les conseils de prud’hommes, en revanche, devant la cour d’appel, cela ne semble pas opportun.
Pour le comprendre, monsieur le ministre, on peut s’appuyer sur ce qui se passe devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Lorsque a été décidée la représentation obligatoire par des avocats aux conseils en matière sociale, cela a suscité quelque trouble et entraîné des réactions. Aujourd’hui, les représentations devant la chambre sociale de la Cour de Cassation ne posent aucun problème, au premier chef aux syndicats de salariés. Bien plus, le travail réalisé par les avocats aux conseils en matière sociale est très largement reconnu. Il nous semble donc logique de laisser faire les professionnels du droit, c’est-à-dire les avocats.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 498 rectifié ter.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité, pour le défenseur syndical, de représenter le justiciable devant les cours d’appel en matière prud’homale.
La technicité des débats devant les cours d’appel nécessite l’intervention de professionnels du droit présentant toutes les garanties qu’un justiciable peut en attendre. De ce point de vue, le meilleur défenseur syndical, c’est l’avocat. Cela n’interdit évidemment pas aux syndicats d’aider les salariés dans leurs démarches.
Chaque jour, les avocats s’engagent pour l’exercice de la justice prud’homale et pour le droit du travail en représentant les justiciables au titre d’auxiliaire de justice. La représentation obligatoire exercée par l’avocat garantit aux justiciables un déroulement optimal du règlement du contentieux.
La représentation obligatoire par un avocat est une garantie pour les justiciables, qui sont assurés d’être représentés par un professionnel soumis à des obligations strictes de formation initiale et continue, à une déontologie exigeante, à une discipline, contrôlées et mises en œuvre par un ordre professionnel, et qui doivent souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. Un tiers non avocat ne présente évidemment pas l’ensemble des garanties apportées par cette profession.
À cet égard, le projet de loi ne tient pas compte de la généralisation de la dématérialisation des procédures devant la cour d’appel. Il existe actuellement un réseau privé virtuel des avocats, seul réseau virtuel permettant les relations et échanges entre les juridictions et les justiciables, par l’intermédiaire des avocats. Ce réseau ne peut être rendu accessible aux défenseurs syndicaux sans risquer de porter atteinte à son intégrité, qui garantit l’identité des personnes connectées et le respect certifié de la procédure.
Les amendements n° 566 rectifiés bis et 1484 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 1255, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 59
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il est inscrit sur une liste arrêtée au niveau national par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés, dans des conditions définies par décret. » ;
La parole est à M. Patrick Abate.
L’alinéa 59 semble interdire la possibilité, pour les organisations syndicales non représentatives à l’échelon national, de défendre localement les salariés. Il s’agit donc de rectifier cette rédaction afin de le permettre.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 497 rectifié quater est présenté par Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Frassa, Calvet, Charon et Commeinhes, Mme Gruny, MM. Laufoaulu et Magras, Mme Mélot et M. Milon.
L'amendement n° 1479 est présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 59
Après le mot :
national
insérer les mots :
au sens de l'article L. 2121-1
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° 497 rectifié quater.
Cet amendement vise à encadrer le périmètre des bénéficiaires du statut de défenseur syndical. Cette innovation dans la réforme de la justice prud'homale ne peut bénéficier qu'aux organisations d'employeurs et de salariés reconnues par l'État comme représentatives au titre des critères révisés dans la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. En d’autres termes, seuls les partenaires sociaux devront pouvoir être éligibles au dispositif de défenseur syndical, employeurs comme salariés.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 1479.
L'amendement n° 1256, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 67
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
La mission du défenseur syndical s’exerce dans le cadre du droit du travail inhérent à la structuration et à la taille des entreprises. Par conséquent, il n’est pas justifiable que l’État porte le « coût salarial » découlant de la mission du défenseur syndical ; celui-ci doit incomber à l’entreprise dans laquelle le défenseur travaille.
L'amendement n° 496 rectifié septies, présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mmes Kammermann et Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Charon et Commeinhes, Mmes Deseyne et Gruny, MM. Laufoaulu et Magras, Mme Mélot et M. Milon, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 75
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le défenseur syndical souscrit une assurance responsabilité civile professionnelle. » ;
La parole est à Mme Colette Mélot.
L'article 83 précise le statut du défenseur syndical. Celui-ci exerce des fonctions d'assistance ou de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale ; il bénéficie du secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication.
Ce rôle central donné au défenseur syndical dans la défense des salariés doit nécessairement s'accompagner de la souscription d'une assurance responsabilité civile professionnelle, à l’instar de l’avocat.
En effet, par cette assurance, l'avocat offre au justiciable des garanties qui couvrent les fautes, omissions ou négligences, nécessairement involontaires, commises par lui dans le cadre de l'exercice de sa profession. Elle est un gage nécessaire de sécurité juridique pour tout justiciable et il est légitime de l'appliquer au défenseur syndical, qui a la même charge de défense des salariés que l'avocat.
L'amendement n° 1480, présenté par Mme Aïchi, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé, Placé et Dantec, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 75
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le défenseur syndical ou sa structure syndicale souscrit une assurance responsabilité civile professionnelle. » ;
La parole est à M. Jean Desessard.
Le texte prévoit la possibilité pour le défenseur syndical d’exercer des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale et de bénéficier du secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication.
Ce rôle central donné au défenseur syndical dans la défense des salariés doit nécessairement s’accompagner de la souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle, comme c’est le cas pour l’avocat.
En effet, par cette assurance, l’avocat offre au justiciable des garanties qui couvrent les fautes, omissions ou négligences, nécessairement involontaires, commises par lui dans le cadre de l’exercice de sa profession. Elle est un gage de sécurité juridique pour tout justiciable et il est légitime de l’appliquer au défenseur syndical, qui a la même charge de défense des salariés que l’avocat.
Toutefois, il nous semble normal que le coût de l’assurance responsabilité civile professionnelle ne soit pas supporté par le seul défenseur syndical. Voilà pourquoi nous proposons que cette assurance puisse être prise en charge par la structure syndicale à laquelle appartient le défenseur.
En vertu de l’article 931 du code de procédure civile, d’autres personnes que les avocats peuvent assurer la représentation des parties devant la cour d’appel en matière prud’homale ; elles doivent toutefois présenter au juge un mandat spécial pour ce faire. La modification proposée permettra seulement de dispenser le défenseur syndical d’avoir à exciper d’un tel mandat spécial conféré par le justiciable.
Il serait singulier de contester au défenseur syndical la compétence de représenter une partie en appel alors que cette compétence est reconnue au conjoint, aux autres salariés et aux délégués syndicaux.
J’ajoute que le texte ne prévoit pas d’instaurer de représentation obligatoire en appel.
Enfin, à mon sens, le caractère particulier de la juridiction prud’homale justifie la place qui est faite, par exception, au défenseur syndical.
La commission est donc défavorable aux amendements identiques n° 208 rectifié et 498 rectifié ter.
S’agissant de l’amendement n° 1255, compte tenu du statut juridique conféré au défenseur syndical, il est nécessaire de s’assurer que l’association qui le désigne est suffisamment représentative. Le projet de loi fait le choix suivant lequel les organisations compétentes pour procéder à cette désignation sont des organisations représentatives au niveau national.
Les auteurs de l’amendement remettent en cause ce choix, préférant renvoyer au décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles d’autres organisations pourraient procéder à cette désignation.
Il me semble que l’on ne peut pas étendre indéfiniment le nombre d’organisations susceptibles de désigner les défenseurs syndicaux et le nombre de ces défenseurs. Retenir la représentativité au niveau national plutôt qu’au niveau local semble, de ce point de vue, plus pertinent pour éviter un éparpillement des défenseurs, lequel irait d’ailleurs à l’encontre de leur spécialisation.
En outre, les délégués syndicaux conserveront la possibilité de représenter ou d’assister les salariés devant la juridiction prud’homale.
Pour ces différentes raisons, j’émets un avis défavorable.
La précision apportée par les amendements identiques n° 497 rectifié quater et 1479 ne me semble pas nécessaire. En effet, par définition, la représentativité nationale s’apprécie au regard des critères fixés à l’article L. 2121-1 du code du travail.
En outre, ne viser que cet article reviendrait à interdire d’inclure les syndicats représentatifs multiprofessionnels comme la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, ou l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL.
Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements.
L’amendement n° 1256 vise à supprimer la prise en charge par l’État des salaires maintenus pendant l’absence du défenseur syndical. La charge en incomberait donc aux entreprises, qui seraient fondées à agir contre l’État pour rupture d’égalité devant les charges publiques puisque seules celles dont un salarié deviendrait défenseur syndical auraient à s’acquitter de ce surcoût.
Il n’y a pas lieu de supprimer ce financement qui, pour une fois, constitue un engagement fort de l’État en faveur de la défense des salariés. En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
Les amendements n° 496 rectifié septies et 1480, qui sont très proches, visent à imposer aux défenseurs syndicaux ou à leur structure syndicale de conclure une assurance responsabilité civile, afin de protéger le salarié contre les fautes éventuelles de son défenseur, sur le modèle de ce qui existe pour les avocats.
Je fais observer que l’avocat agit à titre onéreux : il se fait payer pour sa prestation. Au contraire, le défenseur syndical agit à titre gratuit, sans percevoir de rémunération de la part de celui qu’il défend. Ce faisant, il échappe aux règles de la responsabilité civile ordinaire pour relever de la responsabilité atténuée du mandataire à titre gratuit, prévue au deuxième alinéa de l’article 1992 du code civil. Bien sûr, cela ne vaut que si le défenseur syndical agit effectivement à titre gratuit ; s’il prétend à une rémunération, qui sera généralement reversée au syndicat, cela change complètement la donne. Mon raisonnement ne s’applique donc qu’aux cas où il n’y a pas de rémunération.
En outre, il est difficile d’imposer au défenseur syndical, pour une prestation qu’il accomplit gratuitement, une charge qu’il devra supporter sans être remboursé par l’État. Et le même problème se poserait si l’assurance était acquittée par le syndicat de l’intéressé. De surcroît, dans ce dernier cas, on pourrait légitimement s’interroger sur la dépendance, que l’on créerait du fait de cette affiliation assurantielle par personne interposée, entre le syndicat et le défenseur syndical.
Enfin, je rappelle aux auteurs de ces deux amendements que, d’ores et déjà, d’autres salariés, des délégués syndicaux ou les conjoints des justiciables concernés peuvent les représenter et les assister sans qu’ils soient contraints de souscrire une assurance responsabilité civile.
En conséquence, j’émets un avis défavorable sur les amendements n° 496 rectifié septies et 1480.
Le Gouvernement émet les mêmes avis sur l’ensemble de ces amendements.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 208 rectifié et 498 rectifié ter.
L’amendement n° 208 rectifié est incomplet et, comme l’a justement rappelé M. le corapporteur, il ne règle pas la question de la représentation obligatoire. Je le retire donc.
L'amendement n° 208 rectifié est retiré.
Madame Mélot, faites-vous de même avec l'amendement n° 498 rectifié ter ?
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements n° 497 rectifié quater et 1479 sont retirés.
Madame David, l'amendement n° 1256 est-il maintenu ?
Non, je le retire, monsieur le président, ayant été sensible aux arguments de M. le corapporteur sur le fait qu’il s’agit d’un engagement de l’État permettant au défenseur syndical de mener à bien son mandat.
L'amendement n° 1256 est retiré.
Madame Mélot, l'amendement n° 496 rectifié septies est-il maintenu ?
L'amendement n° 496 rectifié septies est retiré.
Monsieur Desessard, l'amendement n° 1480 est-il maintenu ?
Sourires.
Il peut, dans sa manière de conduire la défense, commettre une omission ou une faute qui entraînera des frais. Dans ce cas, à défaut d’assurance, le défenseur syndical peut se trouver attaqué. Selon moi, la question de l’assurance prise en charge par la structure syndicale reste donc posée.
Le dossier n’est sans doute pas mûr, mais je maintiens cet amendement, ne serait-ce qu’à titre d’amendement d’appel.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 625, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 60 à 62
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Cet amendement vise à supprimer la disposition qui étend l’interdiction faite aux conseillers prud’hommes d’exercer une mission d’assistance ou de représentation au-delà de la section à laquelle ils appartiennent.
Nous proposons de revenir au texte transmis par l’Assemblée nationale, qui nous semble comporter toutes les garanties d’impartialité des conseillers prud’hommes.
Le texte actuel de l’article L. 1453-2 du code du travail dispose, dans son premier alinéa : « Les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties en matière prud’homale, si elles sont par ailleurs conseillers prud’hommes, ne peuvent pas exercer une mission d’assistance ou un mandat de représentation devant la section ou, lorsque celle-ci est divisée en chambres, devant la chambre à laquelle elles appartiennent. »
Cette rédaction a, semble-t-il, suffi à garantir jusqu’à présent l’impartialité des conseillers prud’hommes. Élargir cette interdiction d’assistance ou de représentation à l’ensemble d’un conseil de prud’hommes nous paraît excessif, particulièrement pour les conseils importants. Cela reviendrait à empêcher le défenseur syndical d’assister ou représenter les salariés dont il est susceptible d’appréhender les difficultés, dans les entreprises et le territoire qu’il connaît.
De plus, les salariés devraient avoir recours à un défenseur certes compétent, mais éloigné de leur domicile et de leur lieu de travail. Cela représenterait un handicap pour des personnes déjà en difficulté et fragilisées par le conflit avec leur employeur.
Si vous voulez déstabiliser la juridiction prud’homale, ou en tout cas la décrédibiliser, il faut effectivement voter un tel amendement !
La commission spéciale entend interdire aux conseillers prud’hommes d’accomplir des missions d’assistance et de représentation devant le conseil auquel ils appartiennent. Cette interdiction se justifie à nos yeux par la fonction de juge que remplit le conseiller prud’homme.
Comment un justiciable pourrait-il accepter qu’un des membres de la juridiction devant laquelle il est attrait soit le défenseur de son adversaire ? Imaginez la même situation devant le tribunal de grande instance : un juge viendrait plaider devant ses collègues pour un client…
Renoncer à l’interdiction que nous avons prévue, ce serait le meilleur moyen de retirer toute crédibilité à la défense prud’homale !
Nous avons limité le champ de cette interdiction au conseil de prud’hommes dans lequel exerce le juge. Alors, de grâce, si vous ne voulez pas donner une très vilaine image du conseil de prud’hommes et affaiblir la confiance de nos concitoyens envers cette juridiction, ne changez rien !
La commission est très vivement défavorable à cet amendement.
J’émets pour ma part un avis favorable.
S’il convient de ne pas modifier la règle interdisant à un conseiller prud’homme de représenter une partie devant la section, la chambre ou la formation de référé à laquelle il appartient, il n’apparaît en revanche pas nécessaire d’étendre le périmètre de cette interdiction à la totalité des formations des conseils de prud’hommes. L’argument du manque d’impartialité n’est pas fondé.
À mon sens, l’interdiction prévue par le texte de la commission spéciale est trop large. C'est pourquoi les alinéas 60 à 62 me semblent devoir être supprimés. Nous reviendrions ainsi à la rédaction initiale. Il s’agit de permettre aux conseillers prud’hommes d’assister une partie devant le conseil de prud’hommes auquel ils appartiennent sous réserve que ce ne soit pas devant leur section ou leur chambre. Je pense qu’on peut tout à fait leur accorder cette latitude.
J’ai dit que j’étais vivement défavorable à cet amendement et je tiens à m’expliquer de cette vigueur.
Pour quelques cas d’espèce, vous risquez de nuire gravement à l’image des conseils de prud’hommes. Que pensera celui qui verra arriver dans la cour du palais de justice un juge dont il sait qu’il a siégé dans le conseil de prud’hommes et qui se trouvera être le défenseur de son adversaire ? C’est ahurissant !
On peut également se demander si les exigences relatives au droit à un procès équitable, qui s’appliquent aux conseils de prud’hommes, seront bien respectées.
De grâce, ne prenez pas ce risque pour quelques affaires par an ! Je suis certain que plusieurs de mes collègues qui connaissent bien les prud’hommes partageront mon point de vue. Nous avons passé l’après-midi à conforter la juridiction prud’homale dans l’esprit du public, en conférant au conseiller prud’homme un statut, en lui donnant une « allure » de juge. N’allez pas l’affaiblir !
Oui, mais c’est catastrophique !
Je partage totalement l’opinion de M. le corapporteur : c’est un système ahurissant.
J’ai tout de même le droit de m’exprimer ! Vous voulez toujours imposer aux autres votre point de vue !
Je l’ai vu, je l’ai vécu : permettre à un conseiller prud’homme d’assister un salarié devant le conseil de prud’hommes, c’est dénaturer cette institution, c’est lui rendre le plus mauvais service. C’est dégrader dramatiquement son image. Comment accepter qu’un conseiller prud’homme soit un jour en train de juger dans une section et, un autre jour, en train de faire l’avocat devant une autre section ?
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Peut-être cette pratique ne choque-t-elle pas à Paris, si elle se déroule entre la section de l’industrie et la section du commerce, mais, ailleurs, cela donne une image catastrophique des conseils de prud’hommes. Voilà la réalité !
Il ne faut pas mélanger les genres. Ou l’on juge ou l’on défend. On ne fait pas les deux à la fois !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je soutiens, moi aussi, la position du corapporteur. Dans les autres juridictions, les avocats ont la possibilité de récuser un magistrat siégeant dans la formation de jugement s’il a eu à connaître du dossier dans d’autres circonstances, par exemple en tant que magistrat instructeur. Il s’agit de garantir une impartialité et une indépendance absolues de la formation de jugement et d’éviter les conflits d’intérêts.
Si cet amendement est adopté, avec des conseillers prud’hommes qui seront juge et partie, les conflits d’intérêts seront permanents. Or cela serait fatal à l’indépendance de la justice.
Je vous invite vraiment, mes chers collègues, à suivre l’avis du corapporteur et ne pas vous tromper de combat.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures vingt, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.