Intervention de François Pillet

Réunion du 6 mai 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 83, amendement 1255

Photo de François PilletFrançois Pillet, corapporteur :

En vertu de l’article 931 du code de procédure civile, d’autres personnes que les avocats peuvent assurer la représentation des parties devant la cour d’appel en matière prud’homale ; elles doivent toutefois présenter au juge un mandat spécial pour ce faire. La modification proposée permettra seulement de dispenser le défenseur syndical d’avoir à exciper d’un tel mandat spécial conféré par le justiciable.

Il serait singulier de contester au défenseur syndical la compétence de représenter une partie en appel alors que cette compétence est reconnue au conjoint, aux autres salariés et aux délégués syndicaux.

J’ajoute que le texte ne prévoit pas d’instaurer de représentation obligatoire en appel.

Enfin, à mon sens, le caractère particulier de la juridiction prud’homale justifie la place qui est faite, par exception, au défenseur syndical.

La commission est donc défavorable aux amendements identiques n° 208 rectifié et 498 rectifié ter.

S’agissant de l’amendement n° 1255, compte tenu du statut juridique conféré au défenseur syndical, il est nécessaire de s’assurer que l’association qui le désigne est suffisamment représentative. Le projet de loi fait le choix suivant lequel les organisations compétentes pour procéder à cette désignation sont des organisations représentatives au niveau national.

Les auteurs de l’amendement remettent en cause ce choix, préférant renvoyer au décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles d’autres organisations pourraient procéder à cette désignation.

Il me semble que l’on ne peut pas étendre indéfiniment le nombre d’organisations susceptibles de désigner les défenseurs syndicaux et le nombre de ces défenseurs. Retenir la représentativité au niveau national plutôt qu’au niveau local semble, de ce point de vue, plus pertinent pour éviter un éparpillement des défenseurs, lequel irait d’ailleurs à l’encontre de leur spécialisation.

En outre, les délégués syndicaux conserveront la possibilité de représenter ou d’assister les salariés devant la juridiction prud’homale.

Pour ces différentes raisons, j’émets un avis défavorable.

La précision apportée par les amendements identiques n° 497 rectifié quater et 1479 ne me semble pas nécessaire. En effet, par définition, la représentativité nationale s’apprécie au regard des critères fixés à l’article L. 2121-1 du code du travail.

En outre, ne viser que cet article reviendrait à interdire d’inclure les syndicats représentatifs multiprofessionnels comme la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, ou l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL.

Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements.

L’amendement n° 1256 vise à supprimer la prise en charge par l’État des salaires maintenus pendant l’absence du défenseur syndical. La charge en incomberait donc aux entreprises, qui seraient fondées à agir contre l’État pour rupture d’égalité devant les charges publiques puisque seules celles dont un salarié deviendrait défenseur syndical auraient à s’acquitter de ce surcoût.

Il n’y a pas lieu de supprimer ce financement qui, pour une fois, constitue un engagement fort de l’État en faveur de la défense des salariés. En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.

Les amendements n° 496 rectifié septies et 1480, qui sont très proches, visent à imposer aux défenseurs syndicaux ou à leur structure syndicale de conclure une assurance responsabilité civile, afin de protéger le salarié contre les fautes éventuelles de son défenseur, sur le modèle de ce qui existe pour les avocats.

Je fais observer que l’avocat agit à titre onéreux : il se fait payer pour sa prestation. Au contraire, le défenseur syndical agit à titre gratuit, sans percevoir de rémunération de la part de celui qu’il défend. Ce faisant, il échappe aux règles de la responsabilité civile ordinaire pour relever de la responsabilité atténuée du mandataire à titre gratuit, prévue au deuxième alinéa de l’article 1992 du code civil. Bien sûr, cela ne vaut que si le défenseur syndical agit effectivement à titre gratuit ; s’il prétend à une rémunération, qui sera généralement reversée au syndicat, cela change complètement la donne. Mon raisonnement ne s’applique donc qu’aux cas où il n’y a pas de rémunération.

En outre, il est difficile d’imposer au défenseur syndical, pour une prestation qu’il accomplit gratuitement, une charge qu’il devra supporter sans être remboursé par l’État. Et le même problème se poserait si l’assurance était acquittée par le syndicat de l’intéressé. De surcroît, dans ce dernier cas, on pourrait légitimement s’interroger sur la dépendance, que l’on créerait du fait de cette affiliation assurantielle par personne interposée, entre le syndicat et le défenseur syndical.

Enfin, je rappelle aux auteurs de ces deux amendements que, d’ores et déjà, d’autres salariés, des délégués syndicaux ou les conjoints des justiciables concernés peuvent les représenter et les assister sans qu’ils soient contraints de souscrire une assurance responsabilité civile.

En conséquence, j’émets un avis défavorable sur les amendements n° 496 rectifié septies et 1480.

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