Avant toute chose, je tiens à saluer le travail effectué en commission, qui contribue à moderniser le dispositif actuellement en vigueur sans pour autant déstabiliser les collectivités et les entreprises des outre-mer.
Cette taxe méconnue en métropole s’inscrit dans l’histoire commune que nous partageons avec nos compatriotes des Antilles, de la Guyane, de La Réunion et, plus récemment, de Mayotte. Héritier du « droit des poids » introduit par Colbert en 1670 en Martinique, l’octroi de mer est appliqué dans les cinq départements et régions d’outre-mer avec un double objectif : la protection de la production locale et le financement des collectivités. Cette seconde fonction est particulièrement importante pour les communes et les régions d’outre-mer, qui réalisent ainsi 1 milliard d’euros de recettes chaque année. Ainsi, en 2012, l’octroi de mer représentait 38 % des recettes des communes de La Réunion, et même 48 % des recettes de celles de la Martinique.
Toutefois, les règles de libre circulation et de non-discrimination des marchandises introduites par la Communauté européenne dans les années 1990 ont obligé ce dispositif historique à évoluer. Institué par les décisions du Conseil de l’Union européenne de 1989 et 2004 et retranscrites dans la loi de transposition du 2 juillet 2004, l’actuel régime de l’octroi de mer soumet également les productions locales à la taxation. Afin de préserver l’objectif de stimulation de la production locale, les départements et régions d’outre-mer peuvent appliquer des taux de taxation différenciés entre les productions locales et les biens importés, sous la forme d’une surtaxe sur les biens importés avec un écart de taux maximum qui varie, selon les catégories A, B ou C de produit, respectivement de 10 %, 20 % et 30 %, ce qui permet de compenser le déficit de compétitivité. C’est ce régime, en vigueur depuis une vingtaine d’années, avec des taux spécifiques à chaque région, qu’il nous est proposé de reconduire avec quelques modifications.
Le Conseil de l’Union européenne du 17 décembre 2014 a décidé de proroger le dispositif jusqu’à la fin de 2020 avec des modifications applicables à partir du 1er juillet prochain. La principale modification consiste à exonérer de l’octroi de mer toutes les entreprises au chiffre d’affaires inférieur à 300 000 euros. Cette mesure représente une simplification par rapport au régime antérieur – exonération totale et identique dans toutes les régions, suppression de tâches administratives, notamment les déclarations d’existence pour les très petites entreprises – et une protection pour les petits producteurs locaux. En contrepartie, le seuil d’assujettissement des entreprises de production, qui s’élevait jusqu’à présent à 550 000 euros, sera abaissé à 300 000 euros, ce qui dégagera un surcroît de ressources pour les collectivités estimé par l’étude d’impact à 2, 5 millions d’euros.
En plus de la transcription de cette modification décidée au niveau européen, le Gouvernement a proposé plusieurs modifications. D’abord, il clarifie et actualise la rédaction de la loi de 2004. Ensuite et surtout, il propose d’étendre le champ des possibilités d’exonérations aux activités de recherche, d’enseignement et de santé, aux organisations caritatives, aux marchandises destinées à l’avitaillement des aéronefs et des navires, ainsi qu’aux carburants utilisés pour des activités d’agriculture et de pêche. Cela signifie qu’une entreprise assujettie à l’octroi de mer pourra déduire une partie de ses dépenses d’investissement du montant de son impôt. Nous approuvons cette mesure, qui va dans le sens des intérêts des entreprises et des économies d’outre-mer.
Concernant les problèmes liés au régime dérogatoire à l’octroi de mer entre la Guyane et le marché unique antillais, la commission a soulevé à juste titre que le projet de loi n’apportait pas de solution. Le marché guyanais n’a pas la même maturité que le marché unique de Martinique et de Guadeloupe, si bien que les productions guyanaises sont potentiellement désavantagées. Pourtant, en permettant d’appliquer l’octroi de mer sur le lieu de production et non de livraison, la dérogation empêche le département de Guyane de protéger et de développer des filières locales. Sur ce point, nous souhaiterions connaître les résultats de la rencontre du 28 avril dernier entre Mme la ministre et les élus régionaux et départementaux.
Enfin, la discussion sur l’octroi de mer doit nous amener à évoquer le recouvrement de l’impôt dans les départements d’outre-mer. Il faudra un jour remédier aux difficultés pratiques posées en outre-mer par l’absence de cadastre, les insuffisances des infrastructures ou du cadre réglementaire, ou encore les lacunes de recensement.
Ces réserves faites, nous sommes favorables à la reconduction du régime de l’octroi de mer avec les modifications mentionnées. Nous nous félicitons du maintien d’un outil indispensable à l’économie et aux collectivités des départements d’outre-mer et, de ce fait, tous les membres du groupe du RDSE voteront pour le projet de loi.