Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la fiscalité ultramarine est un sujet à la fois très technique et très politique. Il a d’ailleurs beaucoup occupé les travaux au sein de la délégation sénatoriale à l’outre-mer. La question de sa mise en conformité avec les règles communautaires en est une autre, non moins complexe, à laquelle nous voici ici confrontés.
Le fait que le taux de l’octroi de mer soit différent entre les produits locaux et les produits importés est en effet assimilable à une aide d’État au sens de l’Union européenne et rend donc nécessaire un processus régulier d’approbation pour que la taxe soit reconduite.
On pourrait longuement débattre de ce que doit être une fiscalité juste, pour les consommateurs, pour les collectivités locales, pour la justice sociale, pour la lutte contre les inégalités entre les territoires, pour la stimulation de l’économie locale, pour la protection de l’environnement ou encore contre la vie chère – un sujet important. La vérité, c’est que nous sommes aujourd’hui placés dans le court terme absolu, puisqu’il nous faut avoir trouvé une solution qui entre en vigueur au plus tard au 1er juillet 2015, sous peine de voir l’ensemble du dispositif remis en question par l’Union européenne, avec toutes les conséquences économiques que cela engendrerait immanquablement pour les collectivités d’outre-mer.
Que l’on soit pour ou contre l’octroi de mer tel qu’il est mis en œuvre aujourd’hui, pour ou contre les ajustements d’exonérations et de seuils prévus par ce texte, la priorité est donc, pour les membres du groupe écologiste au Sénat, de s’assurer que cette « exception française » puisse être, sur le principe, pérennisée avant l’été. C’est pourquoi nous voterons le projet de loi, de même que les amendements déposés par le Gouvernement.
Cela étant, l’examen du projet de loi doit bien sûr également être l’occasion de tenter d’améliorer les modalités de mise en œuvre de l’octroi de mer, qui souffre de dysfonctionnements, comme l’a très bien décrit notre collègue Georges Patient dans son rapport. Parmi ces dysfonctionnements, on peut rappeler la sensibilité de cette taxe à la conjoncture, déstabilisante pour les collectivités territoriales, l’impact des taux d’octroi de mer sur la formation des prix, qui met de fait en contradiction les ressources des collectivités territoriales et la lutte contre la vie chère, ou encore la prépondérance du critère démographique dans la répartition des recettes de l’octroi de mer, au détriment des petites communes rurales.
Pour notre groupe, le système de l’octroi de mer, ressource très importante des outre-mer, doit donc continuer d’être débattu, y compris après l’adoption du projet de loi, sans pour autant mettre en danger la situation financière déjà fragile de ces collectivités. Parmi les pistes qui nous tiennent à cœur, notons déjà la nécessaire poursuite du dialogue avec l’Union européenne, afin de réfléchir aux moyens de pérenniser cette ressource au-delà de 2020 sans pénaliser les collectivités ultramarines.
Cependant, il nous semble que nous ne pouvons pas éviter le débat sur la nécessité absolue, selon les écologistes, de trouver par ailleurs d’autres initiatives pour renforcer le développement économique local. C’est pourquoi, au-delà du débat d’aujourd’hui – dont je rappelle encore une fois qu’il se conçoit dans un cadre très contraint et à très court terme –, nous souhaitons et nous demandons de nouveau avec force que soit mise en place par le Gouvernement une réflexion pour aboutir à des propositions qui encouragent l’investissement public et privé dans des filières économiques locales, innovantes et fortes, par exemple en agriculture, éco-agriculture, aquaculture, pêche, transformation des produits locaux, éco-tourisme, services aux personnes et énergies nouvelles – solaire, éolien, biomasse, etc.
Pour que ces filières se développent, il faut à la fois renforcer ou créer de la recherche-développement, de la formation initiale et continue ainsi qu’un fort encouragement à l’investissement dans les réseaux locaux de PME, PMI et TPE. Seul le développement volontariste d’une telle économie locale peut permettre de répondre, sur le fond, structurellement, à la grave crise sociale actuelle en créant des emplois durables tout en respectant et en valorisant l’existence dans ces territoires d’extraordinaires ressources en biodiversité terrestre et marine. Ce patrimoine naturel, fragile, parfois menacé, constitue non seulement une richesse qu’il ne faut bien entendu ni massacrer ni piller, mais aussi une formidable opportunité pour envisager structurellement un développement économique local beaucoup plus fort et durable.
Nous espérons donc que le Gouvernement marquera fortement sa volonté que ce débat ne soit pas toujours repoussé. Nous attendons une impulsion forte en ce sens. Il y en a besoin rapidement.