Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de notre présence ici pour discuter de la reconduction et des nouvelles dispositions de l’octroi de mer. Nous savons que les négociations menées par le ministère des outre-mer ont été longues et ardues ; je félicite notre gouvernement de sa ténacité.
Je regrette cependant un manque de concertation entre le ministère et les élus locaux et nationaux sur certains sujets lors du dialogue avec Bruxelles. Cela nous aurait peut-être permis d’anticiper plus en amont les difficultés auxquelles nous avons été confrontés, notamment pour définir les règles organisant le marché unique antillo-guyanais, qui sont énoncées à l’article 5 du projet de loi. Une solution de compromis a finalement pu être trouvée. On peut s’en féliciter dans l’immédiat, mais on ne peut s’en satisfaire durablement.
Le déséquilibre entre le marché antillais et le marché guyanais est réel. Ce n’est donc pas une mesure transitoire de soutien par le biais de l’octroi de mer qui suffira à le réduire. Il faut une véritable politique volontariste de l’État pour soutenir réellement l’économie guyanaise et permettre aux biens produits en Guyane d’irriguer plus fortement le marché local guyanais, voire le marché antillais.
Le dialogue a également fait défaut en ce qui concerne la définition du seuil d’assujettissement à l’octroi de mer pour les entreprises, sur lequel on ne peut désormais plus revenir. De manière générale, la prudence nous invite à ne pas prendre le risque d’affirmer des positions divergentes qui pourraient mettre en péril la décision de Bruxelles.
Dernier regret, et non des moindres : loin d’être pérennisé, le régime de l’octroi de mer n’est reconduit que pour cinq ans, et non dix ans. Cette réduction de la durée de la prorogation est susceptible d’engendrer des difficultés pour tous les acteurs : les collectivités, qui n’ont aucune vision précise de leur avenir proche, mais aussi les entreprises, y compris dans l’arc antillais, qui doutent de la stabilité du régime.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas que le moment est venu d’engager, d’ici à 2020, une réflexion sur la définition d’un système alternatif plus pérenne qui se substituerait à l’octroi de mer ? En plus de son instabilité, l’octroi de mer a un impact sur le coût de la vie dans des collectivités où l’on se bat déjà contre la vie chère. Il pèse aussi, indirectement, sur le taux d’emploi du fait de son double objectif, qui me semble paradoxal. Je m’explique. On assigne à l’octroi de mer deux ambitions difficilement conciliables, voire antagonistes : la première est d’assurer le financement des collectivités locales, la seconde est de stimuler le développement économique.
Plus les importations de biens en provenance de l’Hexagone ou de l’Europe augmentent, plus les ressources financières de nos collectivités augmentent. Cependant, l’augmentation des importations se traduit également par une dégradation de la compétitivité des prix des biens produits au niveau local et entraîne une diminution du taux de couverture de la balance commerciale. Les conseils régionaux tentent alors de relancer la production régionale afin de retrouver des parts de marché, soit au niveau local, soit à l’export, pour soutenir l’emploi. Ils mettent donc en place diverses exonérations partielles ou totales qui génèrent un manque à gagner en termes de recettes budgétaires...
Vous le voyez, il s’agit d’un cercle vicieux auquel il devient urgent de trouver une alternative. En 2009, la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, que je présidais et dont Éric Doligé, déjà, était le rapporteur, avait évoqué l’idée d’une TVA régionale à taux variable selon les départements. C’est l’une des pistes à explorer. Il en existe certainement d’autres. En tout cas, c’est un chantier qu’il faut ouvrir afin de répondre aux objectifs communs à tous les départements ultramarins, à savoir le financement des collectivités et, plus généralement, la défense de nos intérêts et la prise en compte de nos spécificités et de nos contraintes.
Comme j’arrive au terme du temps qui m’est imparti, je m’arrête là. Madame la ministre, je voterai votre projet de loi, et j’espère que l’ensemble de la Haute Assemblée montrera une fois de plus sa compréhension des outre-mer en en faisant de même.