Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer est un texte très important pour nos quatre départements d’outre-mer, car il apportera davantage de ressources aux collectivités territoriales, en particulier aux communes, et favorisera le développement des entreprises locales. Je rappelle que l’octroi de mer est l’une des plus anciennes taxes du régime fiscal français. Il remonte en effet à Colbert : c’est un édit de décembre 1663 qui est à l’origine de sa pérennisation.
Afin que ce système de taxation, assimilable à un droit de douane, ne porte pas atteinte au principe de libre circulation des marchandises introduit par le traité de Rome, il a été aménagé par la décision du Conseil du 22 décembre 1989, qui dispose que l’octroi de mer doit être appliqué indistinctement aux importations et à la production locale, mais autorise les autorités régionales à en exonérer les activités économiques locales pour une période ne dépassant pas dix ans et sous certaines conditions. Le Conseil tenait ainsi compte de l’achèvement du marché unique tout en reconnaissant la réalité régionale spécifique des départements d’outre-mer.
L’octroi de mer représente à la fois la principale ressource des communes d’outre-mer et une protection indispensable pour les économies ultramarines. Il est d’autant plus indispensable au budget des communes d’outre-mer que celles-ci doivent faire face à des surcoûts liés à divers facteurs, comme l’éloignement, l’insularité ou le climat, alors même que leurs recettes fiscales sont inférieures à celles des communes de métropole.
Ce bref rappel historique a, selon moi, le mérite de souligner deux éléments qu’il ne faut jamais perdre de vue. Premièrement, l’Union européenne, tout en reconnaissant les spécificités des départements d’outre-mer, parmi lesquelles leurs handicaps structurels, s’inscrit toujours dans une logique d’intégration. Deuxièmement, les dérogations qu’elle accepte d’accorder à ces départements, comme les aides qu’elle leur apporte au moyen des fonds structurels, ont toujours pour objectif un possible rattrapage du niveau de vie et du PIB moyens européens. Elles sont donc toujours considérées comme transitoires. C’est ce qui explique les remises en cause périodiques de l’octroi de mer.
Cependant, les autorités de Bruxelles savent s’incliner devant les réalités. En fait, toute la difficulté est de parvenir à les leur faire appréhender correctement. C’est la raison pour laquelle des négociations bien menées, qui s’appuient sur ceux qui connaissent parfaitement ces réalités, car ils vivent au plus près d’elles, ont leur importance.
L’octroi de mer, rappelons-le, n’a pas altéré les échanges en défaveur de l’Europe : les importations en provenance des pays de l’Union, France métropolitaine comprise, se sont accrues d’environ 5 % par an, et le déficit de notre balance commerciale continue de s’aggraver, nos exportations couvrant moins de 20 % de nos importations. Cela contredit l’argument selon lequel l’octroi de mer constitue une dérogation indue au principe de libre concurrence.
Cependant, des dispositions dérogatoires successives ne permettront jamais d’inscrire durablement le tissu économique des DOM dans une dynamique de développement. En effet, de dérogation en dérogation, toute stratégie de croissance risque de se voir périodiquement remise en cause, eu égard aux incertitudes que fait nécessairement peser sur les DOM la non-conformité à la législation européenne.
En fait, le véritable défi que nous devons relever est d’éradiquer le mal économique qui ronge l’outre-mer et qui se manifeste notamment dans le chômage massif subi par nos jeunes.
Par sa décision du 17 décembre 2014, le Conseil de l’Union européenne a défini le cadre dans lequel les DOM sont autorisés à exonérer totalement ou partiellement de l’octroi de mer les productions locales sensibles, limitativement énumérées, pour leur permettre de supporter la concurrence des produits similaires importés. Le présent projet de loi modifie la rédaction de la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, afin de transposer les dispositions issues de cette décision du Conseil.