L’article 96 vise à permettre à l’autorité administrative de suspendre temporairement l’activité d’un prestataire de services établi hors de France en cas d’infraction grave à des règles fondamentales du droit du travail.
En effet, le droit actuel a été conçu dans la perspective d’entreprises françaises exerçant sur le territoire national. Or on a assisté, ces dernières décennies, à un développement de l’extraterritorialité des sièges d’entreprises, qui détachent des salariés, souvent pour des durées très courtes. Par conséquent, les sanctions prévues sont inapplicables : comment fermer temporairement une entreprise qui pratique le travail illégal en France alors qu’elle est située à l’étranger ? Comment appliquer des procédures pénales pour des infractions de travail illégal à l’encontre d’entreprises étrangères alors que le droit du travail est territorial ?
Du point de vue législatif, nous avons adopté en juin 2014 la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, qui renforce les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui recourent de manière abusive à des travailleurs détachés. Elle a traduit par anticipation en droit français le compromis européen qui avait été trouvé pour renforcer la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, faisant l’objet de nombreuses fraudes, comme l’a rappelé M. Christian Favier. Nous avons donc accompli un premier pas important.
Aujourd’hui, l’article 96 a pour objet d’introduire quatre nouveaux articles dans le code du travail, afin de permettre à un inspecteur du travail d’enjoindre par écrit à un employeur établi à l’étranger et détachant des salariés en France de faire cesser une situation dans laquelle sont constatées des infractions d’une particulière gravité : non-respect manifeste du salaire minimal légal, dépassement important des limites de durée maximale du travail quotidienne ou hebdomadaire, hébergement collectif indigne des travailleurs, manquement au repos quotidien minimal de onze heures consécutives ou au repos hebdomadaire.
L’employeur disposera d’un délai, qui sera fixé par voie réglementaire, pour présenter ses observations, régulariser la situation constatée et apporter à l’administration les éléments tangibles de la mise en conformité.
Si l’employeur ne réagit pas, l’administration pourra ordonner la cessation d’activité pour un mois, renouvelable si l’infraction persiste. Le non-respect de cette interdiction d’activité vaudra à l’employeur une amende de 10 000 euros par salarié.
Il est important de souligner que la décision de suspension d’activité n’entraîne ni rupture ni suspension du contrat de travail des salariés, qui sont avant tout les victimes de cette situation de fraude et d’exploitation.
Ces dispositions sont complétées par des mesures concernant le transport routier et le transport fluvial, qui instaurent l’obligation d’un contrat de transport écrit. Un nouvel article du code du travail précisera que le destinataire du contrat de transport est clairement le donneur d’ordre. Cette disposition est particulièrement importante, puisqu’elle implique que toutes les obligations de déclaration, de désignation d’un référent, de signalement des infractions à l’encontre des droits des salariés chez un sous-traitant lui incomberont. Il sera ainsi financièrement solidaire du paiement de la rémunération des salariés du prestataire étranger qui n’aura pas respecté nos règles légales et conventionnelles en la matière. En outre, les sanctions financières lui seront applicables.
Dans le secteur du bâtiment, une carte d’identification professionnelle est créée, pour le coût modique de 2 euros par salarié, à la charge des entreprises concernées. On ne saurait donc parler d’une charge excessive ; il s’agit avant tout de protéger les entreprises en situation régulière.
Ce projet de loi poursuit donc notre offensive méthodique visant à une remise en ordre de certains secteurs gangrenés par le travail illégal. C’est une action indispensable, pour les travailleurs étrangers exploités comme pour nos salariés nationaux victimes du dumping social. Elle est salutaire pour nos entreprises, notamment les PME et les très petites entreprises, victimes de cette sous-traitance frauduleuse et de cette concurrence malhonnête qui se répand dans nos territoires.