La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures quinze, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.
La séance est reprise.
Par lettres en date du 7 mai 2015, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions rendues le même jour par lesquelles le Conseil constitutionnel, s’agissant des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 septembre 2014, a rejeté une requête présentée dans le département des Alpes-Maritimes et une autre requête présentée dans le département du Tarn.
Acte est donné de ces communications.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
TITRE III
TRAVAILLER
CHAPITRE II
Droit du travail
Section 4
Mesures relatives au développement de l’emploi des personnes handicapées et aux contrats d’insertion
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 4 du chapitre II du titre III, à l’article 94 bis A.
La section 1 du chapitre IV du titre III du livre premier de la cinquième partie du code du travail est abrogée.
L'amendement n° 85, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Je vais retirer cet amendement, madame la présidente, non sans avoir relevé qu’un passage du rapport de la commission spéciale nous inquiète particulièrement. Selon les corapporteurs, en effet, l’article 94 bis A traduirait un « premier effort, certes symbolique, pour réduire le volume du code du travail. »
Nous craignons que le discours sur la réduction du volume du code du travail ne masque en réalité une volonté d’aller plus loin et de revenir sur son contenu.
Cela étant, je retire l’amendement.
L'article 94 bis A est adopté.
L'amendement n° 738 rectifié, présenté par MM. Mouiller, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bonhomme, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, de Nicolaÿ, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pointereau, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 6222-7-1 est ainsi modifié :
a) Après la troisième occurrence du mot : « est », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « fixée par commun accord entre l’apprenti, l’employeur et le centre de formation des apprentis. » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas où la durée est inférieure ou supérieure à deux ans, le directeur du centre de formation des apprentis en informe le recteur de l’académie. » ;
2° Les articles L. 6222-8, L. 6222-9, L. 6222-10 sont abrogés.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Cet amendement vise à simplifier la durée du contrat d’apprentissage.
La durée normale d’un contrat d’apprentissage est égale à celle de la formation, qui est en général de deux ans. Pourtant, le code du travail prévoit de nombreuses dérogations. Certes, le système peut être flexible, mais il est également extrêmement complexe.
Afin de faciliter les procédures, cet amendement prévoit que la durée du contrat d’apprentissage est dorénavant négociée par l’apprenti, le centre de formations des apprentis, ou CFA, et l’entreprise accueillante. Dans le cas où la durée n’est pas celle de deux ans, le directeur du CFA informe le recteur d’académie, qui peut procéder à un contrôle a posteriori.
Cet amendement tend à introduire un principe de libre fixation de la durée du contrat d’apprentissage, afin d’offrir plus de souplesse aux entreprises et aux apprentis.
Certes, il y a une norme. Mais une certaine souplesse peut se révéler utile dans certains cas.
La commission émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.
Les auteurs de cet amendement proposent de permettre à l’apprenti, au CFA et à l’entreprise d’accueil de négocier la durée du contrat d’apprentissage.
Ainsi que Mme Pascale Gruny le rappelle à juste titre, le contrat d’apprentissage est un contrat de travail conclu entre l’employeur et l’apprenti, même s’il se caractérise par l’alternance de périodes travaillées et de formations. Le CFA, qui est en l’espèce l’organisme de formation, ne saurait interférer dans la relation contractuelle entre l’employeur et l’apprenti ; il ne lui appartient pas de fixer avec eux la durée du contrat, qui est aujourd'hui déterminée selon les règles légales, en cohérence avec les cycles de formation envisagés.
Il revient au ministère compétent, c'est-à-dire l’éducation nationale, de fixer via un référentiel applicable sur tout le territoire national la durée des cycles nécessaires à l’obtention d’un diplôme ou d’un titre, même préparés par apprentissage dans le cadre d’un contrat de travail.
Je comprends l’objectif de souplesse des auteurs de cet amendement. Mais je trouve ennuyeux de ne prévoir que l’information du recteur d’académie, et non la prise en compte des contraintes pédagogiques. Le risque est que l’employeur ne conclue un accord sur l’organisation du temps de travail qui ne soit pas compatible avec ces contraintes. Cela ne me paraît pas souhaitable pour l’apprentissage.
Il me semble important de conserver la règle actuelle pour assurer une formation de qualité aux apprentis et préserver une cohérence pédagogique nationale ; elle permet déjà des ajustements de durée. Certes, il est possible de fluidifier le système ; peut-être faut-il également réfléchir à d’autres mécanismes. Mais, encore une fois, je crains que l’adoption d’un tel amendement ne permette la conclusion d’accords incompatibles avec les exigences pédagogiques de la formation.
Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement.
Depuis la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, le contrat d’apprentissage peut être conclu pour une durée indéterminée ; dans ce cas, après la période d’apprentissage, il est considéré comme un CDI de droit commun. Certes, il peut évidemment aussi être conclu pour une durée limitée.
Votre amendement me paraît satisfait par le droit actuel, madame Gruny.
Un contrat d’apprentissage, qu’il soit conclu pour une durée limitée, pour la période d’apprentissage ou même pour une durée indéterminée, peut varier de un an à trois ans, en fonction du type de profession et de qualification préparée.
La durée peut être adaptée pour tenir compte du niveau initial de compétences de l’apprenti. Ainsi, la durée du contrat ou de la période d’apprentissage pour la préparation du baccalauréat professionnel est fixée à trois ans. Par dérogation, cette durée est toutefois fixée à deux ans pour les titulaires d’un diplôme enregistré et classé au niveau V dans le Répertoire national des certifications professionnelles.
La durée du contrat ou de la période d’apprentissage peut également varier entre six mois et un an, sans être inférieure à 400 heures, lorsque la formation a pour objet l’acquisition d’un diplôme ou d’un titre de même niveau ou de niveau inférieur.
Il existe ainsi déjà de nombreuses dérogations ; d’ailleurs, les auteurs l’indiquent dans l’objet de l’amendement.
Je ne vois pas en quoi une négociation sur la durée de chaque contrat changerait profondément la situation et renforcerait l’attractivité de l’apprentissage, car là est le cœur du problème.
Certes, nous avons des difficultés en France. Mais considérons le cas allemand, que l’on érige souvent en modèle. Outre-Rhin, le nombre de contrats est revenu à son niveau de 1990 : 522 200, contre 564 000 en 2009. Autrement dit, la crise a pesé sur les employeurs, et l’emploi n’est plus garanti à l’issue de la formation. Le gouvernement fédéral vient d’ailleurs de mettre en place une alliance pour la formation professionnelle avec les Länder, les partenaires sociaux et l’agence pour l’emploi.
Au demeurant, c’est ce qui se passe dans nos régions – j’ai insisté précédemment sur la territorialisation ; le Gouvernement aime le territoire ! – avec les plans régionaux pour la formation ou les partenariats avec les entreprises. Le sujet a été bien analysé en commission des affaires sociales. C’est en nous rapprochant du terrain que nous ferons repartir la formation en alternance !
Il faut le noter, l’aide à l’embauche dans les TPE sera de 1 100 euros par trimestre. Cela permettra de redonner du souffle à l’apprentissage. Nous avons des problèmes, mais nous ne sommes pas les seuls : l’exemple allemand en témoigne.
Le Gouvernement a, je le crois, pris les décisions qui s’imposaient. Il y a aujourd'hui de la souplesse et un encouragement financier.
L'amendement n° 738 rectifié est retiré.
L'amendement n° 737 rectifié, présenté par MM. Mouiller, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bonhomme, Bouchet, Buffet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Forissier, Fouché, Frassa et Genest, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 6222-31 du code du travail, après la deuxième occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « ou par accord de branche étendu ».
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Nous souhaitons que les accords de branche étendus en matière d’apprentissage puissent préciser les métiers pour lesquels les apprentis peuvent accomplir tous les travaux, y compris des travaux dangereux, nécessaires à leur formation. C’est souvent une difficulté pour les entreprises.
Il est proposé d’ouvrir la possibilité pour un accord de branche étendu d’autoriser des apprentis à réaliser des travaux dangereux.
La commission n’y est pas favorable. Pour nous, les règles de sécurité en matière d’apprentissage n’ont pas vocation à être négociées par les partenaires sociaux de la branche, même s’il existe une garantie, à travers l’arrêté d’extension de l’accord, qui implique un contrôle par l’administration.
Surtout, cet amendement nous paraît largement satisfait par deux décrets que le Gouvernement a publiés dernièrement, le 17 avril.
Le premier décret remplace l’autorisation préalable de l’inspection du travail par une simple déclaration, valable trois ans, qui doit être constamment actualisée. L’employeur doit évaluer les risques, mettre en place des actions de prévention, informer et former le jeune apprenti, assurer son encadrement pendant la réalisation de travaux dangereux et disposer d’un avis médical d’aptitude du jeune.
Le second décret autorise les jeunes de moins de dix-huit ans à utiliser des échelles, escabeaux et marchepieds en cas d’impossibilité technique ou si le risque de chute est faible, les travaux sont de courte durée et ne présentent pas un caractère répétitif.
Les établissements de formation des apprentis et les employeurs peuvent bénéficier de cette dérogation s’ils informent et forment les jeunes travailleurs dans les conditions de droit commun prévues par le code du travail.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
L'amendement n° 737 rectifié est retiré.
L’amendement n° 750 rectifié bis n’est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 740 rectifié ter est présenté par MM. Chasseing, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pointereau et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary et Sido, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
L'amendement n° 905 rectifié quater est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon, MM. Cigolotti, Delahaye et Kern, Mme Loisier et MM. Longeot et Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l’article L. 332-3-1 du code de l’éducation est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Au moins deux périodes d'observation en entreprise d'une durée maximale d'une semaine sont proposées durant les vacances scolaires aux élèves des deux derniers niveaux de l'enseignement des collèges en vue de l'élaboration de leur projet d'orientation professionnelle. Ces périodes sont également proposées aux élèves des lycées. »
II. – En conséquence, intitulé de la section 4 du chapitre II du titre III
Après le mot :
handicapées
insérer les mots :
, à l’insertion professionnelle des jeunes
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 740 rectifié ter.
Le présent amendement vise à rendre obligatoires les périodes d’observation en classe de quatrième et de troisième, aujourd’hui facultatives. Tout élève devrait ainsi suivre au moins deux périodes d’observation pendant ses deux dernières années de collège.
L’objectif de ces stages est de permettre une découverte approfondie des métiers et des formations et de faciliter l’orientation des élèves, notamment vers les formations d’apprentissage.
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° 905 rectifié quater.
L’article L.332-3-1 du code de l’éducation permet aux élèves de collège d’effectuer, pendant les vacances scolaires, des stages dans les entreprises. Par cet amendement, nous souhaitons rendre ces derniers obligatoires, de façon à sensibiliser l’ensemble des jeunes élèves aux métiers qui font notre République et l’avenir de nos entreprises.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. En commission, nous avions donné un avis favorable à ces amendements sous réserve d’une réécriture globale, leur dispositif étant de nature réglementaire. Cette rectification ayant été faite, l’avis est favorable.
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Le dispositif de ces amendements, qui prévoient deux périodes d’observation en entreprise d’une semaine chacune pendant les vacances scolaires, me paraît inapplicable, tant pour les élèves et les établissements scolaires que pour les entreprises.
Les entreprises ne sont pas en mesure d’accueillir tous les élèves concernés. Elles peinent déjà à accueillir les élèves de troisième pour leur période d’observation obligatoire ou les élèves de l’enseignement professionnel pour leur période de formation en milieu professionnel obligatoire en cours d’année scolaire. Les établissements scolaires, quant à eux, se retrouveraient dans l’obligation d’assurer un suivi du stage par les enseignants pendant les vacances scolaires, ce qui paraît très difficile à mettre en œuvre.
De plus, la responsabilité du chef d’établissement, engagée par la convention signée entre l’établissement et l’entreprise, ne peut l’être alors que les élèves sont en vacances. Les élèves ont besoin de ces périodes de vacances scolaires pour se reposer.
Le texte en vigueur aujourd'hui prévoit la possibilité d’effectuer des périodes d’observation en entreprise d’une semaine au maximum pendant les vacances, ce qui enlève tout caractère obligatoire ou injonctif à la mesure et permet aux établissements de la proposer aux élèves qui en ont vraiment besoin pour affiner leur projet d’orientation.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Ces deux amendements identiques auraient peut-être mérité un examen plus approfondi. Je pense que la mesure proposée n’est pas tout à fait mature, pour employer un euphémisme.
Le seul fait de prévoir des périodes d’observation durant les vacances scolaires pose déjà question ; rendre ces périodes obligatoires, et non plus facultatives, ne me paraît pas applicable.
Je salue l’intervention de M. le président de la commission spéciale.
Si offrir la possibilité aux élèves de passer un temps d’observation en entreprise pendant les vacances scolaires ne procède pas forcément d’une idée saugrenue et peut même apparaître comme une initiative intelligente, en faire une obligation dans ces conditions-là me semble tout à fait impraticable. Je ne voterai pas cet amendement.
L’initiative est sympathique, mais irréaliste. Il est certes souhaitable que les jeunes puissent apprendre à connaître le monde des entreprises, mais celles-ci ont déjà du mal à accueillir les élèves de la seule classe de troisième durant l’année scolaire. Par conséquent, je vous mets au défi de trouver suffisamment d’entreprises pour proposer des périodes d’observation en entreprise à tous les élèves de quatrième et de troisième pendant les seules vacances scolaires.
Je reconnais donc avoir eu tort de cosigner l’amendement n° 740 rectifié ter. Ne plaçons pas les entreprises, les établissements scolaires et les élèves dans une situation impossible.
L'amendement n° 740 rectifié ter est retiré.
Monsieur Canevet, l'amendement n° 905 rectifié quater est-il maintenu ?
Cet amendement n’a pas pour objet d’instituer l’apprentissage à 14 ans, proposition que je soutiens par ailleurs. Il s’agit simplement ici de permettre la découverte des métiers dans les entreprises.
Cela étant, je m’en remets à la sagesse du président de la commission et je retire l’amendement.
L'amendement n° 905 rectifié quater est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 736 rectifié bis est présenté par MM. Mouiller, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, Fouché, B. Fournier, Frassa et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
L'amendement n° 907 rectifié ter est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern et Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6241-9 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le 2° est complété par les mots : «, ainsi que les autres établissements privés soumis à une évaluation périodique définie par décret » ;
2° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Les établissements privés relevant de l'enseignement supérieur soumis à une évaluation périodique définie par décret ; ».
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 736 rectifié bis.
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 907 rectifié ter.
Ces deux amendements visent à ouvrir aux établissements privés soumis à une évaluation périodique définie par décret la possibilité de percevoir une part de la taxe d’apprentissage.
Depuis la loi du 5 mars 2014, seules trois catégories d’établissements privés d’enseignement sont autorisées à percevoir une part de la taxe d’apprentissage : ceux du second degré sous contrat d’association avec l’État ; ceux relevant de l’enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif ; ceux dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères. En creux, on en déduit qu’un grand nombre d’établissements se trouvent aujourd’hui privés d’une ressource financière importante.
Seules les écoles de production mises en place par de grandes entreprises industrielles françaises, qui sont citées dans l’exposé des motifs des amendements, peuvent bénéficier du barème de la taxe d’apprentissage en vertu des dérogations accordées par l’article L. 6241-10 du code du travail. Les autres établissements privés ne le peuvent pas.
Les amendements prévoient d’élargir le bénéfice de la taxe d’apprentissage aux établissements qui se soumettent à une évaluation périodique, car la question du statut associatif et des organismes à but non lucratif a posé de nombreuses difficultés, qu’une circulaire de novembre 2014 a tenté de résoudre.
La commission a donné un avis favorable à ces deux amendements identiques.
Je suis pour ma part défavorable à ces amendements.
La loi de finances rectificative pour 2014 a précisé la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle en distinguant trois quotités au sein de la taxe d’apprentissage : la fraction régionale, le quota d’apprentissage et le hors quota ou barème, destiné au financement des formations technologiques et professionnelles initiales et fixé à 23 % du produit de cette taxe.
Les auteurs de ces amendements proposent de modifier l’article L. 6241-9 du code du travail, qui fixe les principes d’attribution de la part hors quota de cette taxe, en intégrant dans son champ les établissements privés du second degré hors contrat avec l’État, ainsi que les établissements privés d’enseignement supérieur gérés par des organismes à but lucratif.
Les exemples cités dans l’objet des amendements, tels que les écoles de production de Michelin ou de Schneider, sont éligibles au quota d’apprentissage à titre dérogatoire : c’est l’article L. 6241-10 du code du travail.
Ainsi, le CAP de conducteur d’installations de production préparé en apprentissage à l’école Michelin peut être financé par la part relevant du quota d’apprentissage. L’école des métiers de l’énergie de Schneider est inscrite sur la liste préfectorale qui est établie annuellement au titre du hors quota.
Par ailleurs, affecter une part de la taxe d’apprentissage à des établissements privés du supérieur gérés par des organismes à but lucratif revient à assurer un financement public dans le secteur concurrentiel privé. Ces établissements ne peuvent pas être considérés comme prioritaires par rapport aux autres établissements du supérieur qui allouent l’ensemble de leurs ressources à la réalisation de leurs actions de formation ou, en tout cas, passent un contrat.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 736 rectifié bis et 907 rectifié ter.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 94 bis A.
L'amendement n° 906 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Kern, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 6222-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Toutefois, les jeunes âgés d’au moins quinze ans au cours de l’année civile peuvent souscrire un contrat d’apprentissage s’ils justifient avoir accompli la scolarité du premier cycle de l’enseignement secondaire ou avoir suivi une formation prévue à l’article L. 337-3-1 du code de l’éducation. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Section….
Mesures relatives à l’insertion professionnelle des jeunes
La parole est à M. Michel Canevet.
Aux termes de l’’article L. 6222-1 du code du travail, l’apprentissage ne peut commencer qu’à 15 ans révolus. Sans demander que l’on abaisse fortement l’âge de l’entrée en apprentissage, nous considérons qu’il n’y a pas de raison de maintenir un tel effet de seuil. Il faut permettre aux élèves d’accéder à l’apprentissage dès lors qu’ils atteindront l’âge de 15 ans durant l’année.
Il importe de tout mettre en œuvre pour favoriser l’emploi. Or on sait bien que, aujourd’hui, l’apprentissage est une voie royale vers l’emploi.
Cet amendement tend à ouvrir la possibilité aux jeunes qui atteindront l’âge de 15 ans dans l’année civile de conclure un contrat d’apprentissage, s’ils ont achevé leur scolarité au collège.
Or, depuis la loi du 5 mars 2014, les jeunes qui atteignent l’âge de 15 ans avant le terme de l’année civile peuvent être inscrits sous statut scolaire dans un centre de formation d’apprentis et y débuter leur formation avant de basculer dans l’apprentissage à 15 ans. Il semble donc que cet amendement soit très largement satisfait. La commission en demande le retrait.
L’amendement n° 906 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 1268 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2016, les rémunérations mentionnées à l’article L. 6222-27 du code du travail des personnes embauchées en qualité d’apprentis sont revalorisées de 5 %.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
L’objet de cet amendement est de revaloriser la rémunération des apprentis de 5 % à compter du 1er janvier 2016.
Le Gouvernement s’est fixé comme objectif le développement massif de l’apprentissage. Si ce choix peut être discuté, nous considérons que l’apprentissage doit être attractif non seulement pour les entreprises, mais aussi pour les apprentis.
Les entreprises qui embauchent un apprenti bénéficient d’un nombre important d’aides. Ainsi, pendant toute la durée du contrat, l’employeur est exonéré des charges sociales, à l’exception de la cotisation patronale au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ; la contribution sociale généralisée, la CSG, et la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, ne sont pas dues. L’exonération peut être totale, pour les entreprises de moins de onze salariés, ou partielle.
En outre, une prime régionale à l’apprentissage pour les contrats conclus depuis janvier 2014 peut être perçue par les entreprises de moins de onze salariés. Le bénéfice de cette prime peut être élargi aux entreprises employant jusqu’à 249 salariés qui recrutent pour la première fois un apprenti ou embauchent un apprenti supplémentaire entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2015.
Un crédit d’impôt est prévu pour l’entreprise soumise à un régime réel d’imposition qui emploie un apprenti pendant plus d’un mois. Est également allouée une déduction de la créance « bonus alternant » pour les entreprises de plus de 250 salariés, tous établissements confondus, redevables de la taxe d’apprentissage qui emploient plus de 4 % de jeunes en apprentissage, dans la limite de 6 % d’alternants.
En revanche, rien pour les apprentis, dont les difficultés pour se loger, se soigner, se déplacer entre le lieu de leur formation et celui de leur apprentissage sont pourtant réelles : leur rémunération s’établit entre 25 % et 78 % du SMIC. On voit bien les limites de la démarche tendant à présenter l’apprentissage comme une « voie d’autonomisation financière » des jeunes !
Les apprentis sont des étudiants en formation. C’est donc pour améliorer les conditions de vie de ces jeunes travailleurs que nous proposons, avec cet amendement, de revaloriser leur rémunération de 5 %. C'est une mesure de justice sociale.
La commission est défavorable à cet amendement.
Sous réserve de dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables, l’apprenti perçoit un salaire déterminé en pourcentage du SMIC, dont le montant varie en fonction de l’âge du bénéficiaire et de sa progression dans son cycle de formation. Il passe ainsi de 25 % du SMIC pour un jeune de moins de 18 ans en première année de contrat à 78 % pour un jeune de plus de 21 ans en troisième année.
Les salaires des apprentis sont donc indexés sur l’évolution du SMIC. La commission n’a pas souhaité prévoir une règle spécifique pour ces salaires. Même si l’on peut entendre les arguments en faveur de leur augmentation, une telle mesure risquerait de freiner un peu plus l’embauche d’apprentis, alors que l’objectif du Gouvernement d’atteindre le chiffre de 500 000 apprentis en 2017 semble, hélas, aujourd'hui hors de portée.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 148 rectifié quater, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne, Tandonnet, Médevielle et Pozzo di Borgo, Mme Férat, MM. Gabouty, Bockel, D. Dubois, Namy, Marseille, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Pour attribuer le marché public au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :
« 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, du nombre d’apprentis et de l’effort de formation de jeunes, le coût global d’utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d’exécution, la sécurité d’approvisionnement, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché ;
« 2° Soit, compte tenu de l’objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. »
2° Au premier alinéa du II, les mots : « du I » sont remplacés par les mots : « du présent article ».
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Notre collègue Françoise Gatel promeut avec énergie le développement de l’apprentissage, dont les effectifs ne sont peut-être pas aussi importants que l’on pourrait le souhaiter.
Cet amendement tend à favoriser le recours à l’apprentissage par les entreprises en prévoyant la prise en compte des apprentis au titre des clauses d’insertion insérées dans les marchés publics. Cette mesure donnerait ainsi un petit avantage aux entreprises faisant l’effort de recruter des apprentis.
Cet amendement a déjà été examiné par la commission, qui en comprend l’esprit et en partage l’objectif, à savoir favoriser l’apprentissage pour les plus bas niveaux de qualification. Toutefois, il n’est pas acceptable juridiquement sous cette forme, pour plusieurs raisons.
Dans le cadre de la réforme en cours du code des marchés publics, une ordonnance est en préparation, en vertu d’une habilitation conférée par l’article 42 de la loi du 20 décembre 2014. Elle devrait rationaliser les règles relatives à la passation des marchés.
Ensuite, la réglementation européenne de la commande publique encadre très strictement le recours à de telles clauses sociales : un jeune en apprentissage peut-il vraiment être considéré comme une personne éloignée de l’emploi, au même titre qu’un chômeur de longue durée ou une personne handicapée ?
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.
(Non modifié)
L’article L. 6332-6 du code du travail est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Les modalités de prise en charge par les organismes collecteurs paritaires agréés de la rémunération des salariés en formation dans le cadre du plan de formation des entreprises de moins de dix salariés. » –
Adopté.
L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson et Delattre, Mme Deseyne, MM. de Nicolaÿ, Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, M. César, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas, Gruny et Duchêne, M. Doligé, Mme Cayeux, MM. Mandelli et Bignon, Mme Imbert, MM. Mayet et B. Fournier, Mme Canayer, MM. Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest, Charon et Milon, Mme Lamure, MM. Gremillet, Laménie, Grand, Houpert et Grosdidier et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 1271-1 du code du travail est complété par les mots : « ou du personnel employé au sein de monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques et faisant l’objet d’une ouverture au public ».
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
Il s’agit d’étendre le champ de l’utilisation du chèque emploi-service universel pour encourager l’embauche dans le secteur touristique des monuments historiques ouverts au public. Fortement pourvoyeur d’emplois, celui-ci se heurte à des difficultés en matière d’embauche, notamment pour des raisons administratives. J’ajoute que cette mesure de simplification ne coûterait rien.
Le CESU est un dispositif de déclaration et de rémunération simplifié à destination des particuliers employeurs pour leurs salariés occupant des emplois entrant dans le champ des services à la personne.
Étendre son champ d’application susciterait des difficultés de gestion importantes et diminuerait l’efficacité du dispositif, qui repose notamment sur le fait que, à l’heure actuelle, une seule convention collective est concernée, celle du particulier employeur, pour les tâches de la maison à caractère familial ou ménager non lucratif.
Par ailleurs, il n’est pas précisé à quels types d’activités les salariés des particuliers employeurs propriétaires d’un monument historique seraient employés. Seraient-ils chargés de l’accueil des visiteurs ou de l’entretien du bâtiment, par exemple ?
Lors de l’examen, en décembre 2010, de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, le Sénat avait adopté un amendement similaire, après avis favorable du gouvernement de l’époque. Toutefois, lors de la seconde lecture à l’Assemblée nationale, le même gouvernement avait déposé un amendement de suppression de ces dispositions.
La commission a des réserves sur ces dernières : ne va-t-on pas ouvrir la voie à des demandes émanant de nombreux autres secteurs ?
Les propriétaires de monuments historiques disposent déjà d’outils adaptés à leur activité.
Ils peuvent recourir au TESE, le titre emploi-service entreprise, ou au CEA, le chèque emploi associatif, à condition de se constituer sous forme associative et de remplir les conditions d’utilisation de ces deux dispositifs simplifiés de recouvrement, qui permettent justement de faciliter l’embauche pour les petits employeurs.
Le CESU, qui joue un rôle central dans le domaine des services à la personne, comme Mme la rapporteur vient de le dire, est fortement ciblé.
Ma réserve à l’égard de cet amendement est double.
D’une part, l’objet du CESU est l’emploi à domicile. Si on commence à l’étendre à d’autres catégories d’employeurs gestionnaires, on risque d’ouvrir la voie à des demandes reconventionnelles dans tous les secteurs.
D’autre part, comme je l’ai déjà indiqué, il existe d’autres outils adaptés aux besoins des propriétaires de monuments historiques, tels le TESE ou le CEA.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
Monsieur de Montgolfier, l'amendement n° 136 rectifié est-il maintenu ?
Les employeurs concernés ne sont pas forcément constitués en forme associative ou d’entreprise. Je maintiens l’amendement.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement n° 134 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Revet, Husson et Perrin, Mme Deseyne, MM. de Nicolaÿ, Longuet, Pierre, Paul, Karoutchi, Calvet, Raison et Commeinhes, Mme Des Esgaulx, M. César, Mme Lopez, MM. Leleux et Legendre, Mmes Deromedi, Micouleau, Primas, Gruny et Duchêne, M. Doligé, Mme Cayeux, MM. Mandelli et Bignon, Mme Imbert, MM. Mayet, B. Fournier, Lefèvre, Darnaud, Morisset, Genest et Milon, Mme Lamure, MM. Charon, Gremillet, Laménie, Grand, Houpert et Grosdidier et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 94 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 5134-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les propriétaires d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques faisant l’objet d’une ouverture au public. » ;
2° L’article L. 5134-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les propriétaires d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques faisant l’objet d’une ouverture au public. » ;
3° L’article L. 5134-111 est ainsi modifié :
a) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les propriétaires d’un monument inscrit ou classé au titre des monuments historiques faisant l’objet d’une ouverture au public. » ;
b) Le dixième alinéa est supprimé.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
Dans la même logique que l’amendement précédent, il s’agit ici de favoriser l’emploi dans le secteur des monuments historiques ouverts au public en ouvrant le bénéfice des CUI, les contrats uniques d’insertion, et des CAE, les contrats d’accompagnement dans l’emploi, à des employeurs qui, aujourd'hui, ne peuvent pas employer des personnes en grande difficulté au regard de l’emploi.
Cet amendement a pour objet de permettre aux particuliers propriétaires d’un monument historique ouvert au public d’embaucher des salariés en contrat aidé. Il est en contradiction avec l’une des règles fondamentales du dispositif des contrats aidés, à savoir l’interdiction, pour les particuliers employeurs, d’en bénéficier, c’est-à-dire de recruter des salariés sous ce statut avec une aide de l’État.
Dans le secteur non marchand, les contrats aidés sont destinés aux collectivités territoriales ou aux associations. Ils ont vocation à assurer l’insertion de jeunes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.
Il est ici proposé de permettre à un particulier employeur propriétaire d’un monument historique d’embaucher en emploi jeune – dispositif obsolète que la commission a supprimé –, en contrat d’accompagnement dans l’emploi ou en emploi d’avenir.
Cet amendement soulève plusieurs difficultés.
Tout d’abord, ces contrats doivent comprendre, dans leur déroulement, des actions de formation. Une telle exigence est particulièrement forte pour les emplois d’avenir, qui sont conditionnés à la mise en place d’un tutorat et à l’acquisition de compétences définies au préalable.
De plus, c’est ici le contrat d’accompagnement dans l’emploi, destiné au secteur non lucratif, qui est visé. Or il me semble qu’un particulier employeur qui possède un monument historique et l’ouvre au public poursuit une activité à caractère lucratif, qui relève en principe du CIE, le contrat initiative emploi, dont les particuliers employeurs sont explicitement exclus.
Comme l’a dit M. le ministre, la solution passerait sans doute par la création d’une structure juridique dédiée, telle une association, pour gérer le monument historique.
Il n’est pas possible de garantir que tous les particuliers employeurs seront en mesure d’offrir le suivi renforcé dont ont besoin les bénéficiaires de contrats aidés. Par conséquent, l’état actuel du droit semble justifié. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 134 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 129 rectifié bis est présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Morisset, Bignon et Mouiller, Mme Des Esgaulx, MM. Lefèvre, Chasseing, Milon, Calvet et Longuet, Mme Gruny, MM. Laménie et Saugey, Mme Duchêne, MM. Charon, Trillard, Laufoaulu, Doligé et Vogel, Mme Primas et MM. Husson, Houpert, J.P. Fournier et Malhuret.
L'amendement n° 263 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 94 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans, les mots : « organisations professionnelles de l'artisanat représentatives » sont remplacés par les mots : « organisations professionnelles intéressées ».
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 129 rectifié bis.
L'amendement n° 263 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 129 rectifié bis ?
Cet amendement a pour objet d’adapter le cadre juridique relatif à l’organisation des stages de préparation à l’installation, les SPI, dans le secteur de l’artisanat.
L’article 2 de la loi du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans a institué une obligation de stage pour le futur chef d’entreprise dans ce secteur : le stage de préparation à l’installation.
Par dérogation au régime général de la formation professionnelle, qui est un marché ouvert et concurrentiel, le droit en vigueur réserve l’organisation du SPI à certains établissements, et surtout aux chambres de métiers, « en liaison avec les organisations professionnelles de l’artisanat représentatives ».
Or cette dernière formulation, qui date de 1982, apparaît trop restrictive par rapport à l’évolution ultérieure du droit applicable à l’artisanat. Elle suscite, dès lors, des divergences d’interprétation et des pratiques hétérogènes. La notion d’organisation professionnelle intéressée, que vise à introduire cet amendement, semble plus ouverte et opportune.
L’amendement vise à actualiser le cadre juridique de l’organisation des stages destinés aux artisans dans le sens de la diversification et du pluralisme. L’avis de la commission est donc favorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 94 bis.
Section 5
Lutte contre la prestation de services internationale illégale
(Non modifié)
À la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1264-3 du code du travail, le montant : « 10 000 € » est remplacé par le montant : « 500 000 € ».
Cet article, une fois n’est pas coutume, prévoit un renforcement des sanctions contre les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations en matière de détachement de salariés. Le montant total de l’amende à laquelle ils s’exposent passe ainsi de 10 000 à 500 000 euros.
Cette mesure allant dans le bon sens, nous voterons bien sûr cet article. Néanmoins, il me semble important de revenir sur la réalité du travail détaché, véritable catastrophe économique et sociale, réalité à laquelle le projet de loi se garde bien, malheureusement, de s’attaquer.
Le travail détaché consiste à faire travailler des salariés en toute légalité dans un autre pays, tout en payant les cotisations sociales de leur pays d’origine.
En 2005, les partisans du traité établissant une constitution pour l'Europe qualifiaient parfois de racistes ou de xénophobes ceux qui osaient dénoncer la directive Bolkenstein, en s’appuyant sur la fameuse image du « plombier polonais », pour critiquer le modèle antisocial de l’Union européenne. Devant la réaction des peuples et la victoire du « non » au référendum portant sur ce traité, une version moins extrême de cette directive avait été adoptée en 2006.
La première version prévoyait d’obliger les immigrés à travailler dans les conditions de leur pays d’origine ; la suivante a instauré un système que l’on pourrait qualifier de délirant, puisque le salaire et le temps de travail doivent se conformer à la réglementation du pays où est exercée l’activité, tandis que les cotisations sociales continuent de dépendre du pays d’origine ! Par conséquent, dans le marché unique européen, soumis à la concurrence interne des pays à bas coût de l’Est, où le salaire minimum peut être de cinq à dix fois inférieur au nôtre, un nombre grandissant d’entreprises a recours à ces travailleurs détachés.
L’impact de ce mode de travail est calamiteux pour notre pays. Comme le rappelle un rapport d’information sur les travailleurs détachés rédigé par Éric Bocquet et paru en 2013, la directive 96/71/CE a été adoptée pour répondre au défi de l’intégration dans l’Union européenne de pays où le coût du travail était peu élevé.
Selon le principe de l’application du droit du pays d’accueil, les entreprises doivent rémunérer les salariés qu’elles détachent aux conditions du pays dans lequel est exécuté le contrat. Ce principe clair est pourtant contredit par la pratique, ce qui conduit à l’émergence progressive d’un salariat low cost. Ce phénomène est encore plus important depuis les élargissements de l’Union européenne de 2004 et de 2007. Bien qu’il reste difficile à quantifier, on estime à environ 300 000 le nombre de ces salariés low cost détachés en France, très souvent au mépris du droit communautaire. De nombreux secteurs d’activité sont concernés : le bâtiment, le transport, l’agriculture ou encore l’événementiel. C’est principalement l’absence de dispositions concrètes de contrôle dans la directive de 1996 qui cause cette explosion de la fraude au détachement.
On estime que seulement la moitié des salariés détachés seraient déclarés. Cette absence de déclaration s’observe particulièrement dans les secteurs non régis par la directive de 1996, tel le secteur routier. Cela étant, même lorsque les entreprises étrangères respectent les minima salariaux, les travailleurs détachés peuvent être amenés à faire des heures supplémentaires non rémunérées ou à rétrocéder une partie de leur salaire une fois rentrés dans leur pays, pour couvrir les frais de repas ou de logement en France. Tout cela est bien réel, monsieur le ministre, ce n’est pas de la science-fiction !
Votre texte, en confortant l’encadrement et le statut du travailleur détaché, n’aura d’autre effet, en réalité, que de conforter l’existence d’une réserve de main-d’œuvre exploitable à merci par des entreprises qui, du même coup, seront dispensées de cotisations sociales, c’est-à-dire de contribution aux dépenses de la collectivité.
L'amendement n° 488 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'article.
Je voudrais rappeler le travail réalisé, au sein de notre assemblée, par Éric Bocquet et notre ancien collègue Jean Arthuis pour faire adopter une proposition de résolution européenne encadrant le recours aux travailleurs détachés, qui crée une distorsion de concurrence très importante. Le dispositif de cet article me semble donc tout à fait intéressant et bienvenu. Je pense que Jean Arthuis, en tant que député européen, pourra continuer son œuvre à l’échelon communautaire.
L'article 95 est adopté.
L'amendement n° 1505, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 95
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 634-1, il est inséré un article L. 634-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 634 -1 -1. – Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail peuvent transmettre aux agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers d’assurer le contrôle des personnes exerçant les activités privées de sécurité.
« Les agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité peuvent transmettre aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail tous renseignements et documents nécessaires à leur mission de lutte contre le travail illégal. » ;
2° Après le 7° de l’article L. 642-1, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis À l’article L. 634-1-1, les mots : “ à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ aux articles L. 312-5, L. 610-1, L. 610-14 et L. 610-15 du code du travail applicable à Mayotte ” ; »
3° Après le 11° de l’article L. 645-1, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis Àl’article L. 634-1-1 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “ les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ les agents chargés du contrôle du travail illégal en application des dispositions applicables localement ” ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ; »
4° Après le 12° de l’article L. 646-1, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :
« 12° bis À l’article L. 634-1-1 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “ les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ les agents chargés du contrôle du travail illégal en application des dispositions applicables localement ” ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ; »
5° Après le 11° de l’article L. 647-1, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :
« 11° bis À l’article L. 634-1-1 :
« a) Au premier alinéa, les mots : “ les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail ” sont remplacés par les mots : “ les agents chargés du contrôle du travail illégal en application des dispositions applicables localement ” ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ; ».
II. – Le 1° du I du présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
III. – Après l’article L. 8271-6-2 du code du travail, il est inséré un article L. 8271-6-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 8271 -6 -3. – Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 peuvent transmettre aux agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure, tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers d’assurer le contrôle des personnes exerçant les activités privées de sécurité.
« Les agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure peuvent transmettre aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du présent code tous renseignements et documents nécessaires à leur mission de lutte contre le travail illégal. »
IV. – Après l’article L. 313-6 du code du travail applicable à Mayotte, il est inséré un article L. 313-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 313 -7. – Les agents de contrôle mentionnés aux articles L. 312-5, L. 610-1, L. 610-14 et L. 610-15 du présent code peuvent transmettre aux agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure, tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers d’assurer le contrôle des personnes exerçant les activités privées de sécurité.
« Les agents dûment habilités du conseil national des activités privées de sécurité mentionnés à l’article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure peuvent transmettre aux agents de contrôle mentionnés aux articles L. 312-5, L. 610-1, L. 610-14 et L. 610-15 du présent code tous renseignements et documents nécessaires à leur mission de lutte contre le travail illégal. »
La parole est à M. le ministre.
Le chapitre III du titre VI du livre II de la première partie du code du travail est complété par des articles L. 1263-3 à L. 1263-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 1263 -3. – Lorsqu’un agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5 constate un manquement grave, commis par un employeur établi hors de France qui détache des salariés sur le territoire national, à l’article L. 3231-2 relatif au salaire minimum de croissance, à l’article L. 3131-1 relatif au repos quotidien, à l’article L. 3132-2 relatif au repos hebdomadaire, à l’article L. 3121-34 relatif à la durée quotidienne maximale de travail ou à l’article L. 3121-35 du présent code relatif à la durée hebdomadaire maximale de travail, ou qu’il constate des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine sanctionnées par l’article 225-14 du code pénal, il enjoint par écrit à cet employeur de faire cesser la situation dans un délai fixé par décret en Conseil d’État.
« Il en informe, dans les plus brefs délais, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de l’employeur concerné.
« Art. L. 1263 -4. – À défaut de régularisation par l’employeur de la situation constatée dans le délai mentionné à l’article L. 1263-3, l’autorité administrative compétente peut, dès lors qu’elle a connaissance d’un rapport d’un agent de contrôle de l’inspection du travail constatant le manquement et eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, ordonner, par décision motivée, la suspension par l’employeur de la réalisation de la prestation de services concernée pour une durée ne pouvant excéder un mois.
« L’autorité administrative met fin à la mesure dès que l’employeur justifie de la cessation du manquement constaté.
« Art. L. 1263 -5. – La décision de suspension de la prestation de services prononcée par l’autorité administrative n’entraîne ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire pour les salariés concernés.
« Art. L. 1263 -6. – Le fait pour l’employeur de ne pas respecter la décision administrative mentionnée à l’article L. 1263-4 est passible d’une amende administrative, qui est prononcée par l’autorité administrative compétente, sur le rapport motivé d’un agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5.
« Le montant de l’amende est d’au plus 10 000 € par salarié détaché.
« L’autorité administrative applique les dispositions des trois derniers alinéas de l’article L. 1264-3. »
L’article 96 vise à permettre à l’autorité administrative de suspendre temporairement l’activité d’un prestataire de services établi hors de France en cas d’infraction grave à des règles fondamentales du droit du travail.
En effet, le droit actuel a été conçu dans la perspective d’entreprises françaises exerçant sur le territoire national. Or on a assisté, ces dernières décennies, à un développement de l’extraterritorialité des sièges d’entreprises, qui détachent des salariés, souvent pour des durées très courtes. Par conséquent, les sanctions prévues sont inapplicables : comment fermer temporairement une entreprise qui pratique le travail illégal en France alors qu’elle est située à l’étranger ? Comment appliquer des procédures pénales pour des infractions de travail illégal à l’encontre d’entreprises étrangères alors que le droit du travail est territorial ?
Du point de vue législatif, nous avons adopté en juin 2014 la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, qui renforce les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui recourent de manière abusive à des travailleurs détachés. Elle a traduit par anticipation en droit français le compromis européen qui avait été trouvé pour renforcer la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, faisant l’objet de nombreuses fraudes, comme l’a rappelé M. Christian Favier. Nous avons donc accompli un premier pas important.
Aujourd’hui, l’article 96 a pour objet d’introduire quatre nouveaux articles dans le code du travail, afin de permettre à un inspecteur du travail d’enjoindre par écrit à un employeur établi à l’étranger et détachant des salariés en France de faire cesser une situation dans laquelle sont constatées des infractions d’une particulière gravité : non-respect manifeste du salaire minimal légal, dépassement important des limites de durée maximale du travail quotidienne ou hebdomadaire, hébergement collectif indigne des travailleurs, manquement au repos quotidien minimal de onze heures consécutives ou au repos hebdomadaire.
L’employeur disposera d’un délai, qui sera fixé par voie réglementaire, pour présenter ses observations, régulariser la situation constatée et apporter à l’administration les éléments tangibles de la mise en conformité.
Si l’employeur ne réagit pas, l’administration pourra ordonner la cessation d’activité pour un mois, renouvelable si l’infraction persiste. Le non-respect de cette interdiction d’activité vaudra à l’employeur une amende de 10 000 euros par salarié.
Il est important de souligner que la décision de suspension d’activité n’entraîne ni rupture ni suspension du contrat de travail des salariés, qui sont avant tout les victimes de cette situation de fraude et d’exploitation.
Ces dispositions sont complétées par des mesures concernant le transport routier et le transport fluvial, qui instaurent l’obligation d’un contrat de transport écrit. Un nouvel article du code du travail précisera que le destinataire du contrat de transport est clairement le donneur d’ordre. Cette disposition est particulièrement importante, puisqu’elle implique que toutes les obligations de déclaration, de désignation d’un référent, de signalement des infractions à l’encontre des droits des salariés chez un sous-traitant lui incomberont. Il sera ainsi financièrement solidaire du paiement de la rémunération des salariés du prestataire étranger qui n’aura pas respecté nos règles légales et conventionnelles en la matière. En outre, les sanctions financières lui seront applicables.
Dans le secteur du bâtiment, une carte d’identification professionnelle est créée, pour le coût modique de 2 euros par salarié, à la charge des entreprises concernées. On ne saurait donc parler d’une charge excessive ; il s’agit avant tout de protéger les entreprises en situation régulière.
Ce projet de loi poursuit donc notre offensive méthodique visant à une remise en ordre de certains secteurs gangrenés par le travail illégal. C’est une action indispensable, pour les travailleurs étrangers exploités comme pour nos salariés nationaux victimes du dumping social. Elle est salutaire pour nos entreprises, notamment les PME et les très petites entreprises, victimes de cette sous-traitance frauduleuse et de cette concurrence malhonnête qui se répand dans nos territoires.
L'amendement n° 957 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 147 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne, Tandonnet et Médevielle, Mme Férat, MM. Gabouty, Bockel, D. Dubois, Roche, Namy, Marseille, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
mentionné aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5
insérer les mots :
ou au 3° de l’article L. 8271-1-2
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Les articles 96 et 97, relatifs au détachement de travailleurs, tendent au renforcement des dispositions de la loi de juillet 2014.
Au travers de cet amendement, Mme Gatel soulève la question du contrôle sur les chantiers en dehors des horaires et des jours de semaine. La pratique montre en effet que les infractions en matière de détachement de travailleurs s’observent tout particulièrement le soir ou le week-end, quand les inspecteurs du travail ne sont pas disponibles.
L’amendement a donc pour objet de conférer aux agents des douanes – qui sont plus disponibles le soir et le week-end en raison des spécificités de leur charge de travail – le pouvoir d’établir les mêmes constats que les inspecteurs du travail pour ce qui concerne les conditions de travail des salariés détachés. Il s’agit d’une mesure strictement technique, déjà mise en œuvre dans d'autres pays européens.
Cet amendement vise à rendre possible la constatation par un agent des douanes d’un manquement grave d’un prestataire étranger à l’ordre public social. Il se fonde sur une intention louable, puisqu’il s’agit de renforcer la lutte contre la concurrence sociale déloyale en augmentant le champ des agents habilités à relever un tel manquement.
Cela étant, il pose plusieurs difficultés. Si les agents des douanes peuvent intervenir, de manière générale, pour dresser des procès-verbaux en matière de travail illégal – ils sont effectivement mobilisés dans le cadre de la commission nationale de lutte contre le travail illégal –, les procédures prévues à cet article sont spécifiques à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE. Pour des raisons de simplicité juridique, l’agent constatant le manquement doit dépendre des services de la DIRECCTE – le texte ne vise actuellement que les contrôleurs et les inspecteurs du travail –, car seul le directeur de la DIRECCTE est habilité à prononcer ensuite la suspension de l’activité du prestataire ou à lui infliger une sanction administrative s’il n’obtempère pas.
Selon la commission, cet amendement pourrait donc s’avérer contreproductif en suscitant une confusion juridique, alors que nous devons mettre en œuvre des mécanismes simples, rapides et dissuasifs pour lutter contre les détournements du détachement des travailleurs.
La commission demande donc à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1294, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article s’applique à tous les secteurs où les dispositions du code du travail sur les repos minimaux et les durées maximales du travail ont été adaptées au travers de lois et/ou de décrets spécifiques et/ou de dispositions équivalentes à certains secteurs d’activités. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
L’article 96 donne des pouvoirs de contrôle et de sanction renforcés à l’inspection du travail en cas de « manquement grave, commis par un employeur établi hors de France qui détache des salariés sur le territoire national », notamment en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de durée quotidienne maximale de travail et de durée hebdomadaire maximale de travail.
Or, pour certains salariés, comme le personnel navigant du transport aérien, les dispositions du code du travail visées par l’article 96 ne sont pas applicables en l’état et ont fait l’objet d’adaptations par le biais de règles spécifiques incluses dans le code des transports ou le code de l’aviation civile. En raison de sa rédaction limitée aux articles généraux du code du travail, l’article L. 1263-3 du code du travail créé par l’article 96 ne s’applique donc pas à la violation des règles spécifiques à certaines professions en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de durée quotidienne maximale de travail et de durée hebdomadaire maximale de travail.
Cela est regrettable à plusieurs titres : d’une part, cela institue une entorse à l’égalité des entreprises et des citoyens devant la loi ; d’autre part, et plus concrètement, les salariés dont les professions sont régies par ces dispositions spécifiques comptent parmi ceux qui, en raison de conditions particulières de travail souvent pénibles, ont justement le plus besoin des protections relatives aux durées maximales de travail et aux durées minimales de repos.
De plus, les salariés des entreprises de transport, dont l’organisation du travail fait souvent l’objet, dans notre pays, de décrets particuliers, sont parmi les plus susceptibles d’être détachés en France par une entreprise étrangère, en raison de leur mobilité. Cette situation est spécifiquement visée par l’article 96. Il serait donc paradoxal, sinon incompréhensible, qu’ils soient exclus du champ des dispositions protectrices de cet article.
La commission comprend l’intention des auteurs de l’amendement, qui souhaitent que les dispositifs prévus à l’article 96 s’appliquent à tous les secteurs d’activité, sans exception, y compris ceux qui ne sont pas couverts par les règles générales en matière de repos et de durée maximale du temps de travail mentionnées à l’alinéa 2.
Toutefois, il faudrait que les secteurs d’activité spécifiques et leurs bases légales soient cités précisément, car on ne peut pas prononcer l’arrêt d’activité d’un prestataire ou une sanction administrative sans des références juridiques claires et incontestables.
En outre, le dispositif de l’article 96, qui constitue une avancée décisive, pourra être amélioré ultérieurement.
Pour l’heure, la commission sollicite le retrait de l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1295, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
ne pouvant excéder un mois
par les mots :
indéterminée
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Afin de lutter efficacement contre la concurrence sociale déloyale, une suspension pour une durée indéterminée des prestations dont bénéficient les entreprises concernées apparaît plus dissuasive. Une durée d’un mois nous semble insuffisante.
Certes, nous le savons, les pénalités sont appliquées en cas de retards ou de non-résiliation du contrat, mais des arrangements sont souvent trouvés. De fait, la suspension de la prestation pour une durée d’un mois n’aurait pas suffisamment d’effet.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’indication de durée qui figure à l’alinéa 4 de l’article 96.
L’amendement soulève une question intéressante.
L’arrêt d’un chantier du BTP en cas de risque de chute de hauteur, d’ensevelissement ou lié à l’amiante, tel que défini à l’article L. 4731-1 du code du travail, peut être à durée illimitée si l’employeur ne sollicite pas de reprise.
Les auteurs de l’amendement souhaitent implicitement aligner les deux dispositifs sur ce point.
Toutefois, en pratique, tout prestataire étranger s’efforcera de régulariser au plus vite sa situation s’il fait l’objet d’une décision d’arrêt d’activité prévue à l’article 96. D'ailleurs, le donneur d’ordre fera pression sur lui en ce sens.
En outre, si le prestataire est récalcitrant, ce qui peut arriver, la DIRECCTE prendra une amende de 10 000 euros par salarié, dont le montant n’est pas plafonné et peut être très élevé. Au reste, rien ne l’empêchera de prendre une seconde décision d’arrêt d’activité, en modifiant ses visas et considérants afin d’éviter qu’on ne l’accuse d’imposer une double peine pour un même comportement fautif.
Enfin, le plafond de durée d’un mois pourrait être perçu par la Commission européenne comme une garantie juridique essentielle, à même d’empêcher que l’on puisse reprocher à notre pays d’entraver la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne.
La commission est donc défavorable à l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1296, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
l’autorité administrative compétente, sur le rapport motivé d’un agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné aux articles L. 8112–1 et L. 8112–5
par les mots :
les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112–1 et L. 8112–5, sur la base d’un rapport motivé
II. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
L’autorité administrative
par les mots :
L’agent de contrôle
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Selon la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail, il revient aux agents de contrôle indépendants de prononcer une amende envers un employeur qui n’aurait pas respecté une décision administrative. Cette convention s’adresse aussi bien au secteur de l’industrie qu’à celui du commerce.
Pour rappel, le système d’inspection du travail est chargé d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession, telles que les dispositions relatives à la durée du travail, aux salaires, à la sécurité, à l’hygiène et au bien-être, à l’emploi des enfants et des adolescents et à d’autres matières connexes, dans la mesure où les inspecteurs du travail sont chargés d’assurer l’application desdites dispositions.
De plus, le système d’inspection du travail fournit des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales.
Enfin, l’inspection du travail porte à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.
Par conséquent, comme ladite convention le prévoit, il revient aux inspecteurs du travail de prononcer les amendes. En effet, on ne peut pas considérer que l’autorité administrative soit complètement indépendante.
C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, que seuls les agents de contrôle puissent dresser amende.
Le partage des rôles entre les agents de contrôle et le directeur de la DIRECCTE a semblé équilibré à la commission : les premiers opèrent les constatations, le second prononce la sanction. On évite ainsi que les agents soient juges et parties.
La commission est donc défavorable à l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1297, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de manquement à ces obligations, les contrats concernés par ces manquements seront réputés avoir été conclu directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Afin de responsabiliser les entreprises en matière de respect des droits des travailleurs détachés, nous pensons qu’il est indispensable de renforcer les sanctions auxquelles sont soumis les contrevenants.
D’un côté, nous mesurons à quel point le recours à la sous-traitance peut obéir à une logique financière. En effet, plus le degré de sous-traitance est important, plus les coûts sont réduits, et, mécaniquement, plus les marges sont grandes.
D’un autre côté, une partie des consommateurs sont de plus en plus sensibles aux comportements « éthiques » des entreprises. D’ailleurs, ils sont de plus en plus sensibilisés aux risques qu’ils encourent en consommant ou en utilisant des produits dont le prix est toujours plus bas.
Dans ces conditions, nous pensons qu’il est nécessaire de responsabiliser au maximum les entreprises. Si certains progrès sont enregistrés, ils restent trop timides. Lorsque le recours à la sous-traitance est abusif, il semble opportun de prévoir une sanction plus lourde, et donc plus dissuasive.
L’employeur risque de voir les contrats de travail concernés requalifiés de telle sorte qu’ils soient réputés avoir été conclus directement entre le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.
En outre, plus la sanction est visible, plus il apparaît difficile, pour les entreprises, de se placer en situation illégale.
J’ai ainsi défendu l’amendement n° 1297, ainsi que l’amendement n° 1298, madame la présidente.
L’amendement n° 1297 prévoit que les salariés d’un prestataire étranger ne respectant pas l’ordre public social et les dispositions de l’article 96 deviennent automatiquement salariés du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.
Cette proposition a semblé sévère à la commission, car il existe déjà beaucoup de dispositifs pour responsabiliser les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.
Je pense notamment au dispositif de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage en cas de non-paiement du salaire minimum au salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non.
La commission a estimé qu’il fallait appliquer les dispositifs votés avant d’en créer de nouveaux, d'autant que le décret d’application relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal n’a été pris que le 30 mars dernier.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1298, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de cinq années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Depuis la loi relative à la sécurisation de l’emploi, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit trois ans après le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il n’a pas semblé utile à la commission de relever ce délai de prescription pour les salaires non payés à des travailleurs détachés, car les prestataires étrangers sont très mobiles et se déplacent vite sur le territoire. Le véritable enjeu, c’est que les agents de contrôle puissent intervenir rapidement sur les chantiers où interviennent des prestataires indélicats.
En outre, l’adoption de cet amendement créerait une inégalité de traitement permanente entre les salariés détachés et ceux qui ne le sont pas.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1299, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au second alinéa de l’article L. 2323-70 du code du travail, après les mots : « les relations professionnelles », sont insérés les mots : « le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis ».
La parole est à M. Christian Favier.
Nous pensons que, pour être plus efficace en matière de lutte contre les fraudes et les abus liés au détachement de salariés ou à l’accueil de personnel détaché, le dispositif de l’article devrait s’accompagner de mesures volontaristes de transparence.
De ce point de vue, le bilan social, obligatoirement réalisé par les entreprises employant plus de 300 salariés, constitue un document de grande valeur informative pour les salariés et les représentants du personnel. Il récapitule les principales données chiffrées qui permettent d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social. Il compile des informations concernant l’emploi, les conditions de travail, de santé et de sécurité, la formation ou encore les relations professionnelles.
Il peut aussi être un outil supplémentaire d’encadrement des détachements. En effet, sur le fond, ces travailleurs étrangers détachés ne doivent surtout pas être considérés comme des « salariés fantômes » au sein de l’entreprise donneuse d’ordre ou sous-traitante. On le sait, la pratique du détachement, couplée à cette situation de quasi-clandestinité, incite en elle-même les entreprises à la fraude et à la dissimulation, en contradiction avec la législation sociale nationale et aux dépens de ces travailleurs détachés, qui ne disposent que de peu de possibilités de recours : souvent, ils ne parlent même pas la langue du pays d’accueil.
Par ailleurs, les salariés « permanents » de l’entreprise donneuse d’ordre, qui prennent part à la vie de l’entreprise et à sa gestion, via les représentants du personnel, doivent, selon nous, pouvoir être informés de l’emploi de travailleurs détachés par leur entreprise et être ainsi en mesure de le contrôler.
Aussi, de manière à donner aux inspecteurs du travail les moyens et les outils nécessaires pour lutter efficacement contre la fraude et le dumping social, nous souhaitons, à des fins de transparence, que l’accueil comme l’envoi de travailleurs détachés soient mentionnés dans le bilan social de l’entreprise.
La commission a jugé que l’amendement était satisfait par l’article 3 de la loi relative à la concurrence sociale déloyale. Cet article est d’ailleurs issu de l’adoption au Sénat, en séance publique, d’un amendement du groupe CRC, le 2 mai 2014…
Sourires.
L'amendement n° 1299 est retiré.
L'amendement n° 1300, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Au dernier alinéa de l’article L. 8224-5 du code du travail, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
La mise en place d’une « liste noire » d’entreprises condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal permettra de mieux identifier les entreprises qui fraudent et de les sanctionner plus sévèrement.
Néanmoins, une entreprise ne peut figurer sur une telle liste que pour une durée maximale de deux ans. Il nous semble que cette durée n’est pas suffisamment dissuasive.
Si nous voulons lutter efficacement contre la prestation de services illégale et la concurrence déloyale, il faut renforcer certaines mesures. C’est pourquoi nous proposons de faire passer la durée d’inscription sur la « liste noire » de deux à cinq ans.
Concernant l’amendement précédent, il semble que les décrets d’application de la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale n’avaient pas encore été pris lorsque nos collègues du groupe CRC l’ont déposé.
L’amendement n° 1300 tend à relever de deux à cinq ans la durée d’inscription sur une « liste noire » d’une entreprise condamnée pour travail dissimulé.
Le Sénat s’est déjà exprimé sur ce point lors de l’examen de la proposition de loi relative à la concurrence sociale déloyale. Ce texte n’étant entré en vigueur que très récemment, nous estimons qu’il faut attendre avant d’en modifier le dispositif.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 96 est adopté.
L'amendement n° 1303 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1111-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° Pendant la durée de leur détachement, les travailleurs titulaires d’un contrat de détachement employés par une entreprise, y compris dans le cadre d’une sous-traitance par une autre entreprise, sont intégrés dans l’effectif de l’entreprise ;
« 5° Une même entreprise ne peut faire appel, directement, à des prestataires de services, si le nombre de salariés ainsi détachés excède le nombre de salariés employés par le donneur d’ordre dans des proportions définies par la loi. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Cet amendement, comme le suivant n° 1304, est selon nous un amendement de justice sociale.
Il vise à encadrer et à limiter l’usage du détachement de travailleurs dans les entreprises, pratique qui a connu un effet d’aubaine ces dernières années, en raison des effets conjugués de la crise, des écarts de conditions salariales et sociales entre pays et de l’élargissement de l’espace Schengen.
Dans ces conditions, plutôt que de renvoyer à un décret la fixation du nombre de travailleurs détachés autorisés, nous proposons de fixer dans la loi un encadrement précis, visant à limiter fraudes et abus.
Cet amendement est contraire au droit européen, et l’avis est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1304, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 1262-1 du code du travail est complété par les mots : « et que la rémunération prévue pour les travailleurs en situation de détachement correspond à la grille des salaires et des qualifications pratiquées au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Cet amendement tend à ce que les protections offertes aux salariés détachés en matière de rémunération correspondent à la grille des salaires et des qualifications pratiquées au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.
En effet, les travailleurs détachés sont exclus du bénéfice des protections et des avantages dont disposent les salariés de l’entreprise, notamment des acquis des conventions collectives, qui, parfois, ont participé de la négociation des grilles de salaires. Il n’est pas normal que ces travailleurs ne profitent pas des acquis sociaux résultant de la négociation au sein de l’entreprise.
En outre, il apparaît comme normal que les travailleurs détachés soient comptabilisés dans l’effectif et inscrits dans le registre unique du personnel, même dans le cadre d’une sous-traitance. Cela permettrait de responsabiliser les entreprises donneuses d’ordre, de renforcer la transparence sur les emplois au sein de l’entreprise et de faciliter les contrôles.
Cet amendement est également contraire au droit européen, et la commission spéciale émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1301, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1261-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, n’est pas reconnu travailleur détaché, la personne de nationalité française salariée d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Même si, à titre personnel, j’ai toujours pensé que politique et pragmatisme étaient antinomiques, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un amendement pragmatique, visant à rendre impossible en France une pratique scandaleuse et abusive consistant, ni plus ni moins, à faire travailler en France des travailleurs détachés de nationalité française.
En effet, cette pratique est légale, en ce sens qu’elle n’est interdite ni par la loi ni même par les directives. Il s’agit pourtant là d’un dévoiement réel d’une directive européenne reposant sur la seule logique de l’optimisation sociale et fiscale, de la réduction artificielle d’un coût du travail prétendument trop important en France.
Cette fraude légale n’est pas minime puisque, comme le révélait une chaîne d’information continue, la seconde communauté de travailleurs détachés en France est de nationalité française ! Ces salariés empruntent les mêmes chemins que l’évasion fiscale : un travailleur français s’inscrit dans une agence de travail temporaire luxembourgeoise, qui le place sur un chantier en France, par exemple dans l’Est, près de la frontière.
Comme le soulignent avec raison les journalistes, « au final, l’agence d’intérim et l’entreprise utilisatrice sont gagnantes, contrairement à l’employé, qui pendant ce temps-là ne cotise pas en France, ni pour sa retraite, ni pour son assurance maladie, ni pour le chômage ». Au rang des grands perdants de cette situation ubuesque, il convient d’ajouter l’État et la sécurité sociale, pour qui cette absence de cotisation représente des pertes non négligeables.
Afin d’éviter cet abus manifeste, il convient donc de limiter le statut des travailleurs détachés au seul cas des salariés recrutés dans un autre pays membre et non titulaires de la nationalité française, de telle sorte que nos concitoyens ne soient pas pris en otages par la forme d’organisation du travail que des employeurs tentent de leur imposer.
L’avis est défavorable, cet amendement étant contraire au droit européen et discriminatoire à l’égard de nos concitoyens établis à l’étranger.
En effet, il crée une interdiction générale et absolue pour eux d’être détachés en France, comme si tous nos concitoyens établis en Angleterre, en Allemagne ou hors de l’Union européenne voulaient abuser des règles du détachement de travailleurs.
Pourtant, tel qu’il est rédigé, cet amendement aurait cette conséquence.
Il y a tout de même beaucoup de logique dans cet amendement. L’intention de ses auteurs n’est pas de viser les Français établis hors de France, dont on peut imaginer qu’ils travaillent dans leur pays d’accueil. L’amendement est peut-être mal rédigé, mais un décret d’application pourrait imposer à l’entreprise de justifier que le travailleur détaché n’est pas domicilié en France. Madame la rapporteur, il me semble que l’on ne peut pas balayer un tel sujet d’un revers de main. Il s’agit de pratiques non seulement exorbitantes, mais tout à fait illégales. Je voterai cet amendement.
J’ai l’impression d’être revenue plusieurs mois en arrière, lorsque nous examinions le projet de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. En effet, à l’époque, nous avions eu le même débat, sur le même amendement.
Le ministre du travail nous avait alors tenu exactement le même discours que Mme Deroche aujourd’hui, et notre assemblée avait souscrit à ses arguments en rejetant l’amendement. Il serait bon que le Sénat ne change pas de position tous les six mois…
La remarque de Nathalie Goulet me semble frappée au coin du bon sens.
En Lorraine, de nombreuses personnes habitant près de la frontière vont se faire enregistrer au Luxembourg. Il ne s’agit pas de golden boys ! Il existe sans doute des situations très diverses, mais nous soulevons une vraie question, que l’on ne peut pas écarter d’un revers de main.
Je peux admettre que notre amendement soit mal rédigé, mais cela intéresse-t-il le Gouvernement et nos collègues de savoir que certains de nos compatriotes se trouvent placés dans des situations où ils sont corvéables à merci ? À la fin de leur carrière, ces personnes, ayant cotisé pour une protection sociale réduite au minimum, seront à la charge de la société française.
Il s’agit en effet d’un vrai sujet.
Toutefois, comme vient de le souligner notre collègue Anne Emery-Dumas, nous avons déjà rejeté un amendement identique à l’occasion de l’examen d’un précédent texte, car l’interdiction générale et absolue qu’il prévoit pose de réels problèmes juridiques. Vous avez eu six mois pour élaborer un dispositif plus satisfaisant. Il ne suffit pas que votre objectif soit louable !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1302, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1262-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun autre contrat de détachement ne peut être conclu entre un donneur d’ordre ou un maître d’ouvrage et l’employeur mentionné à l’article L. 1262-1, s’il n’est observé une période de carence d’un mois entre la fin du précédent contrat et le détachement d’un nouveau salarié. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
En l’état actuel du droit, un employeur peu scrupuleux a la possibilité de recourir au « détachement à la chaîne ».
Ainsi, les travailleurs étrangers étant détachés pour accomplir des missions souvent courtes, il existe, notamment sur les chantiers du BTP, un turn over assez important de personnel détaché. De ce fait, il est plus difficile de faire respecter le droit du travail par le biais du contrôle, la courte durée du détachement ne correspondant pas à celle, plus longue, de l’action de l’inspection du travail ou du traitement administratif.
Cette situation s’explique tout simplement par l’absence de disposition légale réglementant la durée entre deux détachements.
Par ailleurs, une entreprise peut détacher un travailleur sur le sol français alors même que les formalités ne sont pas officiellement finalisées : les entreprises n’hésitent pas à envoyer le travailleur réaliser sa mission dans un pays étranger sans que le formulaire de détachement ait été retourné. Le travailleur commence alors sa mission sans être entièrement ni officiellement protégé par le droit du travail français.
C’est pourquoi, afin de lutter efficacement contre la prestation de services illégale, nous souhaitons introduire dans le code du travail une disposition tendant à ce qu’un délai d’un mois soit imposé à toute entreprise entre deux détachements.
Même si nous comprenons l’intention de ses auteurs, nous sollicitons le retrait de cet amendement contraire aux règles européennes. À défaut, l’avis sera défavorable.
Je rappelle que la loi du 10 juillet 2014 a renforcé l’obligation de déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail, afin de régler ces problèmes de délai entre deux détachements.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1305, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 96
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 131-39 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le 12° est complété par les mots : « ainsi que de bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales tel que la loi l’autorise à l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale » ;
2° Après le 12°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’obligation, pour une durée maximale de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques durant la période du contrat incriminé. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Je respecte bien entendu le vote du Sénat, mais je voudrais tout d’abord revenir brièvement sur l’amendement n° 1301, relatif aux travailleurs français détachés en France. J’aurais aimé obtenir une réponse un peu plus explicite sur le fond de la part du Gouvernement.
S’agissant du présent amendement, les différentes formes de fraudes au droit du travail et au financement de la protection sociale auxquelles ont recours des employeurs peu scrupuleux relèvent incontestablement de comportements antisociaux qui portent atteinte à notre pacte social, à la confiance que nous accordons, en tant qu’élus, aux employeurs, ainsi qu’à celle que les salariés placent en leur direction.
Voilà peu, l’ancienne présidente du MEDEF déclarait ne pas comprendre la méfiance de certains parlementaires à l’encontre du patronat, au prétexte qu’ils exigeaient des contreparties précises et chiffrées aux milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis aux entreprises.
Si nous sommes vigilants, c’est parce que nous ne connaissons que trop bien la situation. Nous savons par exemple qu’un rapport de la Cour des comptes a mis en lumière que la fraude aux prestations sociales était très inférieure à la fraude aux cotisations sociales, due notamment au travail dissimulé, qui représente au bas mot 50 milliards d’euros.
C’est pourquoi, nous en sommes persuadés, il faut aller plus loin que ce projet de loi, qui prévoit seulement que les entreprises n’étant pas en règle ne peuvent prétendre au versement d’une aide publique. Or cette rédaction n’exclut pas le versement d’aides sociales, prenant la forme d’exonérations de cotisations sociales, qui, de fait, ne sont pas des aides publiques.
Par ailleurs, au-delà de la question de l’attribution ou non de ces aides, il nous semble fondamental que ces comportements délictueux soient sanctionnés. La meilleure des sanctions nous paraît être le remboursement de ces aides.
En effet, bénéficier d’une aide au titre d’une obligation alors que celle-ci n’est pas respectée constitue une forme d’enrichissement sans cause, inadmissible dans le contexte actuel de raréfaction des fonds publics.
Par ailleurs, de telles aides manquent cruellement pour financer des projets réellement porteurs, réellement créateurs de richesses ou réellement protecteurs pour les salariés.
Aussi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous invitons le Sénat à voter cet amendement, de telle sorte que, si certains employeurs venaient à abuser de la confiance que le Gouvernement leur témoigne à travers ce projet de loi, ils soient réellement sanctionnés.
Sur le 1° de l’amendement, qui est une mesure de rationalisation des sanctions, la commission émet un avis favorable.
En revanche, le dispositif du 2° ne peut être appliqué qu’avec beaucoup de prudence, car le Conseil constitutionnel censure les sanctions et les peines appliquées rétroactivement. Selon nous, le 2° ne pourrait s’appliquer que pour les aides publiques reçues après la promulgation de la loi.
La commission sollicite l’avis du Gouvernement sur ce point.
Je voudrais d'abord revenir sur l’amendement n° 1301.
Madame Assassi, il ne s’agit nullement, de ma part, d’un refus de répondre sur le fond au problème que vous avez soulevé, mais nous sommes confrontés sur ce sujet à une difficulté transversale. Le Gouvernement souhaite renforcer les sanctions, traiter au mieux le problème, qui a fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires, mais le droit communautaire nous empêche d’aller dans le sens de votre proposition.
Il est néanmoins nécessaire de rechercher, comme le Président de la République a commencé à le faire, un nouvel équilibre en matière de travail détaché. C’est un point particulièrement sensible pour de nombreux pays. Nous sommes aujourd'hui au maximum de ce qui est possible en matière de régime de sanctions du travail dissimulé et du recours illégal au détachement de travailleurs. Si l’on veut aller plus loin, comme vous proposez de le faire, on se heurte au droit européen. Disant cela, il ne s’agit pas pour moi de me défiler, mais nous sommes à la limite juridique de ce que nous pouvons faire. Je partage cependant votre insatisfaction. La réflexion continue. Je n’exclus pas que, dans les prochaines semaines, le Premier ministre et le ministre du travail proposent des dispositions additionnelles en la matière, car le Gouvernement a la volonté de répondre de manière plus globale et systématique au problème du travail dissimulé et du recours illégal à des travailleurs détachés.
L’amendement n° 1305 vise à obliger les entreprises à reverser l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques en cas de condamnation pour travail illégal. Je comprends l’objectif, mais il me semble que plusieurs dispositions permettent déjà de l’atteindre.
Tout d'abord, en cas d’infraction en matière de travail illégal, la loi prévoit une sanction administrative de remboursement de tout ou partie des aides publiques perçues au cours des douze mois précédant l’établissement du procès-verbal.
En outre, la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a renforcé cette logique, puisqu’elle a donné au juge la possibilité de prononcer à l’encontre des entreprises frauduleuses une peine d’interdiction de percevoir toute aide publique attribuée par l’État ou toute autre personne morale de droit public pour une durée maximale de cinq ans.
Vous souhaitez que les entreprises fautives puissent être condamnées à rembourser l’intégralité des sommes perçues sur une période pouvant atteindre cinq ans et, surtout, qu’elles ne puissent bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales. En allant ainsi au-delà des sanctions, déjà massives, que nous avons prévues, on risquerait de mettre en péril les entreprises concernées.
J’estime que nous avons trouvé un équilibre, et j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
Le titre III du livre III de la première partie du code des transports est ainsi rédigé :
« TITRE III
« LUTTE CONTRE LA CONCURRENCE SOCIALE DÉLOYALE
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 1331 -1. – I. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles une attestation établie par les entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code qui détachent des salariés roulants ou navigants se substitue à la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1 du code du travail.
« II. – Un décret en Conseil d’État fixe la période pendant laquelle est assurée la liaison entre les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail et le représentant sur le territoire national désigné, en application du II de l’article L. 1262-2-1 du même code, par les entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code qui détachent des salariés roulants ou navigants.
« Art. L. 1331 -2. – Pour l’application aux entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code des articles L. 1262-4-1, L. 1264-2, L. 3245-2, L. 4231-1 et L. 8281-1 du code du travail, le destinataire du contrat de transport est assimilé au donneur d’ordre.
« Art. L. 1331 -3. – Les modalités particulières d’application du titre VI du livre II de la première partie du code du travail aux entreprises mentionnées à l’article L. 1321-1 du présent code sont définies par décret en Conseil d’État. »
L'amendement n° 1306, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes David et Cohen, MM. Watrin, Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Au début de cet article :
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au premier alinéa de l’article L. 1321-1 du code des transports, après le mot : « routier », est inséré le mot : «, aérien ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’objet de l’article 96 bis est d’améliorer les mesures du code du travail destinées à lutter contre le travail dissimulé ou la concurrence sociale déloyale et de favoriser leur application à l’ensemble du secteur des transports.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, à l’Assemblée nationale, que votre objectif était de « renforcer les contraintes et le dispositif juridique qui permet de mieux contrôler les abus du travail détaché et de mettre en place un dispositif adapté au secteur des transports ». Dont acte.
Cependant, en dépit de cet objectif déclaré, un large pan du secteur des transports, à savoir le secteur aérien, se trouve écarté.
L’article 96 bis vise à créer un titre III, intitulé « Lutte contre la concurrence sociale déloyale », dans le livre III de la première partie du code des transports. L’exemption du secteur aérien serait contraire à l’équité – il y aurait une rupture d’égalité devant la loi – et nuirait à l’efficacité de la lutte contre le travail illégal et la concurrence sociale déloyale. Elle serait d’autant plus dommageable qu’il s’agit d’un secteur important de l’économie nationale et que l’extrême mobilité de ses salariés – en particulier les personnels navigants – facilite grandement le contournement de la législation sociale du pays où s’exerce leur activité principale.
Pourtant, les dispositions de l’article 96 bis font systématiquement référence aux entreprises de transport mentionnées à l’article L. 1321-1 du code des transports, ce qui exclut de fait les transporteurs aériens.
Cet amendement vise à prendre en compte le transport aérien dans la lutte contre la concurrence sociale déloyale.
Le rapport d’information « Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens », publié le 10 avril 2014 par Éric Bocquet au nom de la commission des affaires européennes, a mis en exergue l’existence de stratégies de contournement des règles de détachement par de nombreuses compagnies aériennes.
Le 11 mars 2014, la Cour de cassation a rendu deux arrêts confirmant les condamnations pour travail dissimulé de deux compagnies ; elle a notamment contesté la validité de leurs certificats de détachement. Comme le rappelle Éric Bocquet dans son rapport, « en dépit de l’existence de succursales sur le territoire français, ces deux compagnies ont en effet fait jouer la directive n° 96/71 relative au détachement des travailleurs pour s’exonérer des charges sociales qu’elles auraient dû verser pour des personnels qui exerçaient pourtant principalement leur activité depuis la France ».
Il s’agit donc, pour certaines compagnies, de choisir artificiellement des bases d’affectation dans des pays où le coût du travail est peu élevé, même si ce choix est incompatible avec la réalité des trajets effectués et le lieu de résidence des personnels navigants.
L’amendement vise à modifier l’article L. 1321-1 du code des transports, qui porte sur le champ d’application de la législation en matière de durée du travail, de travail de nuit et de repos des salariés des entreprises de transport, afin d’y intégrer le secteur aérien à côté du transport routier et fluvial. Le Gouvernement serait ainsi obligé de fixer, par le biais du décret en Conseil d’État mentionné à l’article 96 bis, des règles spécifiques pour lutter contre la concurrence sociale déloyale dans le secteur aérien. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
Dans le secteur du transport aérien, la notion de contrat de transport se matérialise sous la forme du billet de passage, pour le transport de personnes, et de la lettre de transport, pour le transport de marchandises. L’un et l’autre désignent la convention conclue entre un transporteur contractuel et un passager ou un expéditeur de marchandises, ou pour leur compte, en vue d’assurer leur déplacement par voie aérienne d’un point à un autre. L’objectif n’est pas de faire porter sur les passagers ou l’expéditeur les vérifications liées au détachement des salariés.
En outre, le décret du 21 novembre 2006, qui a introduit dans le code de l’aviation civile l’article R. 330-2-1, est venu préciser le régime juridique applicable aux transporteurs aériens étrangers exerçant une activité en France. Les entreprises de transport aérien s’organisent et gèrent leur activité économique autour des bases d’exploitation. Aux termes de l’article R. 330-2-1, « une base d’exploitation est un ensemble de locaux ou d’infrastructures à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle ». Sur le plan juridique, cela constitue un établissement.
Les règles relatives au détachement ne peuvent pas trouver à s’appliquer aux salariés rattachés à une base d’exploitation. L’entreprise est assujettie, pour ce qui concerne cette base, au droit social applicable à toute entreprise établie sur le territoire national. Cette clarification juridique a servi d’assise pour reconsidérer la situation de nombreux salariés abusivement considérés comme détachés et faciliter les contrôles auxquels sont soumis les transporteurs.
Par conséquent, le dispositif est d'ores et déjà sécurisé pour la catégorie de salariés visés par l’amendement. Je demande donc, à la lumière de ces explications, le retrait de celui-ci ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1776, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer le mot :
particulières
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
À nos yeux, ce n’est absolument pas une modification de forme, mais bien une modification de fond, dans un sens défavorable aux salariés concernés.
En effet, si le mot « particulières » était supprimé, il ne s’agirait plus seulement de fixer par décret des points particuliers, donc limités à ce qui est spécifique aux secteurs concernés, d’application des dispositions du code du travail relatives au détachement des salariés par une entreprise étrangère, mais de soumettre l’application effective de l’ensemble de ces dispositions aux limites et conditions fixées par de futurs décrets.
Quelles en seraient les conséquences ? J’en vois trois. La première est que les dispositions du titre VI du livre II de la première partie du code du travail ne s’appliqueraient pas tant que les décrets n’auraient pas été publiés. La deuxième est que le droit des salariés concernés à être effectivement protégés contre des abus en matière de détachement serait soumis à la seule appréciation du Gouvernement et de l’autorité administrative. La troisième est que la valeur juridique des dispositions retenues pour les secteurs visés se trouverait affaiblie, car elles ne seraient plus d’origine législative, mais seulement d’origine réglementaire. Or on connaît la propension de certains employeurs étrangers à contester le droit du travail français au nom de principes de libre concurrence de niveau européen. La compagnie Ryanair, pour ne citer qu’elle, a ainsi attaqué le décret du 21 novembre 2006 relatif aux bases d’exploitation des entreprises de transport aérien et modifiant le code de l’aviation civile.
Je le répète, il s’agit non pas d’un amendement de forme, mais d’un amendement de fond, et nous voterons contre.
L'amendement est adopté.
L'article 96 bis est adopté.
L'amendement n° 809, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon, Bouchet, Buffet, Cambon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Houel, Mmes Hummel et Imbert, M. Joyandet, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. de Legge, Leleux, P. Leroy, Magras, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, Pellevat et Pierre, Mme Procaccia, MM. Raison, Reichardt, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, Savin, Vogel et Perrin, est ainsi libellé :
Après l’article 96 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du troisième alinéa du I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat est complétée par les mots : «, ainsi que le nombre de salariés détachés mentionnés aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du code du travail ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Cet amendement vise à obliger le candidat à un contrat de partenariat à mentionner dans son offre le nombre de salariés détachés auxquels il compte recourir. La personne publique devra pondérer ou hiérarchiser ce critère avant d’arrêter le choix du titulaire du contrat.
Je souhaite d'abord répondre à l’intervention de Mme Cohen à propos de l’amendement n° 1776. Si nous avons proposé la suppression du mot « particulières », c’est uniquement pour éviter une redondance. L’objet de l’amendement était bien exclusivement rédactionnel. Il n’y avait aucune intention masquée de modifier quoi que ce soit sur le fond.
J’en viens à l’amendement n° 809, auquel M. Retailleau tient particulièrement.
L’ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat dispose que le contrat est attribué au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, selon les critères définis par la personne publique. Parmi ces critères figurent obligatoirement le coût global de l’offre, des objectifs de performance, en particulier en matière de développement durable, définis en fonction de l’objet du contrat et la part d’exécution du contrat que le candidat s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises et à des artisans.
Le présent amendement vise à ajouter à ces critères obligatoires la mention du nombre de salariés détachés auxquels compte recourir le candidat.
La commission émet un avis favorable, car cette disposition permettrait d’améliorer la transparence de la commande publique. Nous souhaiterions d'ailleurs qu’elle s’applique à l’ensemble des outils de la commande publique. Cependant, le code des marchés publics étant de nature réglementaire, seul le Gouvernement peut le modifier.
Les dispositions du code du travail qui encadrent le recours aux travailleurs détachés s’imposent à tous les contrats, y compris ceux qui relèvent de la commande publique et les contrats de partenariat, qui ne présentent aucune spécificité à cet égard. Rien ne justifie à nos yeux la création d’un critère particulier d’attribution relatif au nombre de salariés détachés.
Du reste, le critère envisagé dans l’amendement présenterait un caractère discriminatoire. Tout d’abord, il s’imposerait à toute entreprise candidate, quelle que soit sa nationalité, alors que seules les entreprises étrangères sont susceptibles de détacher des travailleurs dans le cadre de l’exécution d’un contrat de partenariat. Ensuite, il serait contraire, nous semble-t-il, au principe constitutionnel d’égalité de traitement des candidats et de libre accès aux contrats de commande publique. Enfin, il violerait les directives européennes relatives aux marchés publics, qui interdisent le recours à des critères d’attribution fondés sur la nationalité.
Par ailleurs, en pratique, les opérateurs économiques ne sont pas en mesure d’indiquer dans leur offre le nombre précis de salariés détachés auxquels ils auront recours, ce qui est tout à fait décisif sur le plan de l’application concrète.
Au moment où nous sommes en train de simplifier les règles concernant la commande publique, de mettre en place des critères d’allotissement propres à faciliter l’accès des PME-TPE aux marchés publics, voter cette disposition reviendrait de fait à élever une barrière supplémentaire vis-à-vis de ces entreprises.
Il me semble que nous nous retrouvons dans la même impasse que celle que j’ai évoquée tout à l’heure dans ma réponse à Mme la présidente Assassi à propos de l’amendement n° 1301 : le dispositif que vous proposez, madame Procaccia, me paraît soulever différents problèmes de droit et d’application. Aussi, je vous invite au retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 809.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 173 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 96 bis.
Le livre II de la huitième partie du code du travail est complété par un titre IX ainsi rédigé :
« TITRE IX
« DÉCLARATION ET CARTE D’IDENTIFICATION PROFESSIONNELLE DES SALARIÉS DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 8291 -1. – Une carte d’identification professionnelle est délivrée par un organisme national désigné par décret en Conseil d’État à chaque salarié effectuant des travaux de bâtiment ou de travaux publics pour le compte d’une entreprise établie en France ou pour le compte d’une entreprise établie hors de France en cas de détachement. Elle comporte les informations relatives au salarié, à son employeur, le cas échéant à l’entreprise utilisatrice, ainsi qu’à l’organisme ayant délivré la carte.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de déclaration des salariés soit par l’employeur établi en France, soit, en cas de détachement, par l’employeur établi hors de France, soit par l’entreprise utilisatrice qui recourt à des travailleurs temporaires, aux fins de délivrance de la carte.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modalités d’application du dispositif national de délivrance de la carte, ainsi que les informations relatives aux salariés figurant sur la carte d’identification professionnelle.
« Art. L. 8291 -2. – En cas de manquement à l’obligation de déclaration mentionnée à l’article L. 8291-1, l’employeur ou, le cas échéant, l’entreprise utilisatrice est passible d’une amende administrative.
« L’amende administrative est prononcée par l’autorité administrative compétente, après constatation du manquement par un des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5.
« Le montant maximal de l’amende est de 2 000 € par salarié et de 4 000 € en cas de récidive dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l’amende ne peut être supérieur à 500 000 €.
« L’autorité administrative applique les dispositions des trois derniers alinéas de l’article L. 1264-3. »
« Art. L. 8291 -3. – (Supprimé)
L'amendement n° 1777, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
délivrance de la carte
rédiger ainsi la fin de la phrase :
d'identification professionnelle, ainsi que les informations relatives aux salariés y figurant.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 146 rectifié ter, présenté par Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne, Tandonnet et Médevielle, Mme Férat, MM. Gabouty, Bockel, D. Dubois, Roche, Namy, Marseille, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
ou au 3° de l’article L. 8271-1-2
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Cet amendement, présenté sur l’initiative de Mme Gatel, relève de la même inspiration que l’amendement n° 147 rectifié ter. Il s’agit de proposer une solution pour faire en sorte que les contrôles puissent être effectués lorsque l’inspection du travail n’est pas disponible, en particulier pendant les week-ends. Nous proposons de recourir à l’assistance des agents des douanes, qui ont l’habitude de travailler sur des horaires décalés.
Cet amendement est motivé par les mêmes raisons que celles que nous avons avancées précédemment. Certes, une objection juridique nous a été opposée quant aux pouvoirs des agents des douanes, mais, en l’occurrence, il s’agit simplement de constater si la personne détient ou non la carte d’identité professionnelle obligatoire. Donner cette possibilité à l’administration des douanes ne nous paraît pas créer une quelconque incertitude juridique et n’est donc pas de nature, nous semble-t-il, à susciter l’opposition de la commission spéciale.
Monsieur Bonnecarrère a bien précisé que cet amendement se situait dans le même esprit que l’amendement n° 147 ter. La réponse de la commission sera donc la même : les agents des douanes, à nos yeux, n’ont pas vocation à contrôler les chantiers du BTP, sauf exception. Je reconnais toutefois que l’intention des auteurs de l’amendement est louable, les effectifs de l’inspection, déjà peu importants, étant accaparés par de nombreuses missions.
Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 97 est adopté.
L'amendement n° 270 rectifié bis, présenté par Mmes Duranton et Deromedi, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. Milon, César, B. Fournier, Chasseing, P. Leroy et Trillard, Mmes Morhet-Richaud et Primas, MM. Mayet, Vogel et Revet, Mme Bouchart, MM. Kennel, Laménie et de Nicolaÿ, Mme Lamure et M. Vaspart, est ainsi libellé :
Après l'article 97
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement rend l’évaluation de la première année de mise en œuvre de la convention nationale de lutte contre le travail illégal en agriculture et de ses déclinaisons locales.
Dans le cadre de cette évaluation, il émet des propositions innovantes visant à lutter contre le travail illégal en agriculture et dans le secteur agroalimentaire.
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Les actions prônées par la convention nationale de partenariat relative à la lutte contre le travail illégal en agriculture du 24 février 2014 reposent principalement sur le préalable essentiel, mais non exclusif, d’une meilleure information et d’une meilleure coordination entre les parties prenantes du secteur agricole pour mener à bien cette lutte.
Par le présent amendement, il s’agit de faire en sorte que cette réflexion soit étendue aux bonnes pratiques mises en place dans d’autres secteurs professionnels, comme ceux du bâtiment et du transport, eux aussi durement touchés par le travail illégal : identification professionnelle, actions de suivi, contrôles d’exploitations spécifiques, en totale coordination avec les membres du comité de suivi de la convention.
Je suis désolée pour ma collègue Nicole Duranton, mais il s’agit là encore d’une demande de rapport : l’avis est donc défavorable.
Après l’article L. 1262-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1262-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1262 -2 -2. – Les conditions dans lesquelles les employeurs mentionnés aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 sont tenus de transmettre, par voie dématérialisée, la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1 sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » –
Adopté.
(Non modifié)
Le livre IV de la quatrième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre V est complété par un article L. 4451-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 4451 -7. – Dans le cas du contrat de voyage, le contrat de transport conclu entre les parties fait l’objet d’une confirmation approuvée de l’entreprise de transport fluvial et de son cocontractant.
« Le cocontractant de l’entreprise de transport fluvial est tenu, préalablement à la présentation de l’unité fluviale au chargement, de transmettre à celle-ci, par écrit ou par tout autre moyen électronique de transmission et de conservation de données, les informations nécessaires à l’exécution du contrat.
« La confirmation de contrat de transport doit se trouver à bord de l’unité fluviale ainsi que dans l’entreprise du cocontractant et être présentée immédiatement aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 4461-1, par écrit ou par tout autre moyen électronique de transmission et de conservation de données.
« La forme et les informations contenues dans la confirmation de transport sont fixées par arrêté du ministre chargé des transports. » ;
2° Après le 2° de l’article L. 4461-1, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° La confirmation de contrat de transport prévue à l’article L. 4451-7. » ;
3° À l’article L. 4463-1, les références : « deuxième, troisième et quatrième alinéas » sont remplacées par les références : « 1° à 3° et à l’avant-dernier alinéa ». –
Adopté.
(Non modifié)
Le même livre IV est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV du titre V est complété par un article L. 4454-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4454 -3. – La location d’un bateau de marchandises avec équipage par une entreprise établie en France auprès d’une entreprise non établie en France est interdite. » ;
2° L’intitulé de la section 3 du chapitre II du titre VI est complété par les mots : « et à la location transfrontalière » ;
3° L’intitulé de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre VI est complété par les mots : « et à la location transfrontalière » ;
4° L’article L. 4463-5 est complété par les mots : « et de l’article L. 4454-3 relatives à la location transfrontalière ». –
Adopté.
(Non modifié)
L’article L. 5542-6-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À bord des navires effectuant une navigation maritime commerciale, soumis à la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail, le capitaine tient, le cas échéant par voie électronique, à la disposition des gens de mer, un exemplaire de l’accord conclu le 19 mai 2008 par les associations des armateurs de la Communauté européenne et la Fédération européenne des travailleurs des transports concernant cette convention. » –
Adopté.
Section 5 bis
Simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité
(Division nouvelle)
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre VI du livre Ier de la quatrième partie est abrogé.
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 4162-2, les mots : « à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 » sont remplacés par les mots : « au travail de nuit, au travail en équipes successives alternantes ou à des activités exercées en milieu hyperbare » et les mots : «, consignée dans la fiche individuelle prévue au même article » sont supprimés ;
3° L’article L. 4162-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : «, sur la base de la fiche mentionnée à l’article L. 4161-1 du présent code, » sont supprimés ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
4° La deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 4162-12 est supprimée ;
5° La deuxième phrase de l’article L. 4162-13 est supprimée ;
6° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 4162-14 et au premier alinéa de l’article L. 4163-2, la référence : « L. 4161-1 » est remplacée par la référence : « L. 4162-2 ».
II. – Au 2° du III de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 4161-1 » est remplacée par la référence : « L. 4162-2 ».
III. – Au 2° du III de l’article L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime, la référence « L. 4161-1 » est remplacée par la référence : « L. 4162-2 ».
Le compte personnel de prévention de la pénibilité, créé le 1er janvier 2015, permet à tout salarié exposé à des facteurs de pénibilité dans le cadre de son travail d’accumuler des points, qui pourront être convertis en périodes de formation, en temps partiel avec maintien de la rémunération et/ou en trimestres de cotisations, ce qui les autorise à partir à la retraite avant l’âge légal.
Les syndicats ont bataillé pour que ce compte pénibilité soit mis en œuvre, notamment lorsque l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé à 62 ans.
Or la mesure prise par le Gouvernement a déçu. D’abord, le compte pénibilité permet de partir en retraite au mieux à 60 ans, quand les syndicats défendaient un départ à 55 ans, beaucoup plus adapté aux salariés ayant eu et continuant d’avoir un travail pénible.
Ensuite, des dix critères adoptés, seuls quatre sont entrés en vigueur au 1er janvier 2015 : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail posté, en équipes successives, et le travail en milieu hyperbare. Pour les six autres critères, la mise en application est reportée au 1er janvier 2016.
Le choix des critères peut également être contesté. L’exposition aux poussières et fumées, par exemple, n’a pas été retenue par le Gouvernement, de même que les longs déplacements fréquents.
Enfin, le compte pénibilité n’est pas rétroactif : il s’applique à compter du 1er janvier 2015, et même du 1er janvier 2016 pour certains des critères. Certes, pour les personnes proches de la retraite, le nombre de points acquis est doublé, mais, à raison de 8 points par an au lieu de 4, il faut tout de même cinq ans pour gagner une année de cotisations de retraite. Ainsi, un salarié de 57 ans effectuant un travail pénible devra finalement continuer à travailler jusqu’à 62 ans.
Cette réforme, qui est en deçà des attentes des salariés et de leurs représentants, est pourtant remise en cause, notamment par la droite sénatoriale, qui juge ces mesures trop difficiles à mettre en œuvre et estime que ce dispositif engendre « trop de tracasseries administratives ». Soit, mais je répondrai qu’un travail pénible entraîne la mort anticipée de nombreux salariés !
Un cadre vit ainsi six ans de plus qu’un ouvrier – l’écart est de trois ans entre une femme cadre et une femme ouvrière. Ces six années de vie, mes chers collègues, ne peuvent pas être négligées !
Lutter pour qu’on ne perde plus sa vie en la gagnant, pour que les ouvriers puissent aussi profiter de leur retraite en étant en bonne santé, pour qu’ils puissent, durant leur carrière, évoluer vers un métier moins pénible et ainsi gagner des années de vie, cela justifie bien quelques tracasseries administratives !
Nous rejetons en bloc cet article, qui supprime la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité et qui, sous couvert de simplification, supprime des facteurs de pénibilité.
Il réduit en effet la pénibilité à trois facteurs estimés mesurables : le travail de nuit, le travail en équipes successives et le travail en milieu hyperbare. Non seulement ce choix n’est pas acceptable, mais sa justification laisse à désirer : l’exposition au bruit, le port de charges lourdes ou le travail dans des températures extrêmes ne sont-ils pas mesurables ? Permettez-moi de vous faire remarquer que, depuis longtemps, dans le BTP, pour mesurer les températures, on se contente d’utiliser un thermomètre…
Vous l’aurez compris, avec cet article ajouté par la commission spéciale du Sénat, c’est bien le compte pénibilité qui est remis en cause. C’est pourquoi nous nous y opposons fermement.
Compte tenu des explications fournies par ma collègue, je serai brève, mais je tiens à exposer au moins deux raisons fondamentales qui justifient notre opposition à cet article, introduit par la commission spéciale.
Tout d’abord, selon nous, la fiche individuelle du compte pénibilité est indispensable pour assurer le bon fonctionnement du dispositif et permettre que les salariés concernés en bénéficient. Nous ne voyons pas comment cela serait possible sans ces fiches personnalisées. Les supprimer, c’est affaiblir le dispositif, voire le remettre en cause, ce qui nourrit tout particulièrement notre inquiétude. Et certains propos tenus ces dernières semaines par des membres du Gouvernement ne sont pas de nature à nous rassurer !
Ensuite, un rapport doit prochainement être rendu sur la question. Nous ne comprenons donc pas la précipitation de la majorité sénatoriale ; en fait, celle-ci ne fait que manifester son opposition initiale au compte pénibilité dans son intégralité.
Si cet article est adopté, il aggravera encore davantage les effets d’un texte qui met à mal les droits des salariés. Nous appelons nos collègues de gauche, en particulier, à être cohérents avec ce qu’ils ont voté il y a quelques années, à savoir le dispositif du compte pénibilité, en votant contre cet article qui tend à supprimer l’un des principaux outils de sa mise en œuvre et de sa réussite.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 86 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 630 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 86.
Chose relativement rare dans le cadre de la discussion de ce projet de loi, nos critiques s’adresseront non pas au Gouvernement, mais à la majorité sénatoriale, puisque cet article a été ajouté par la commission spéciale sur l’initiative de la corapporteur.
La droite saisit ici l’occasion de revenir sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Chacun se souvient des débats passionnés auxquels a donné lieu l’instauration de ce dispositif, pourtant outil de justice permettant à celles et ceux qui ont exercé un métier dit « pénible », de partir plus tôt à la retraite. La droite s’était en effet, à l’époque, fortement mobilisée contre cette mesure.
Il est intéressant de remarquer que les dispositifs se voient reprocher d’être des « usines à gaz », d’être trop difficiles à appliquer quand il s’agit de l’intérêt des salariés et que la question ne se pose pas pour des dispositifs destinés, par exemple, à exonérer les entreprises de cotisations sociales.
Bref, cet article tend à supprimer la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité, au motif que les entreprises ne disposeraient pas des moyens humains pour la remplir et la maintenir à jour.
Cependant, chers collègues, comment envisager le compte pénibilité sans cette fiche individuelle permettant de faire réellement le point sur la situation de chaque salarié ? Sous prétexte de complexité, en supprimant cette disposition, vous affaiblissez évidemment l’ensemble du compte pénibilité.
Vous souhaitez également, par cet article, limiter considérablement la portée du compte en ne retenant que trois facteurs de pénibilité, là encore en arguant que les autres ne seraient pas suffisamment faciles à mesurer.
Je l’ai dit au début de mon propos, nos critiques s’adressent avant tout à la majorité sénatoriale ; du reste, un amendement allant dans le même sens que le nôtre a été déposé par nos collègues socialistes. Néanmoins, des déclarations récentes du ministre du travail et du ministre de l’agriculture nous font éprouver quelques craintes. En effet, le jeudi 9 avril, François Rebsamen, devant les adhérents de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, a tenu des propos laissant entendre qu’il envisageait un abandon partiel du compte pénibilité et, plus précisément, la suppression de la fiche individuelle. On nous a affirmé que c’était un malentendu, mais Stéphane Le Foll a confirmé, quelques jours plus tard, les propos de son collègue.
Nous voudrions donc obtenir quelques précisions, monsieur le ministre, pour connaître la position réelle du Gouvernement. Considère-t-il qu’il faut effectivement supprimer ces fiches individuelles ?
Notre position, quant à elle, est claire et cohérente : nous sommes favorables à ces fiches.
Nous en arrivons à la deuxième bête noire de la droite : le compte pénibilité. La première, je le rappelle, était l’information des salariés en cas de possible reprise de l’entreprise.
Vous avez choisi, avec votre majorité, madame la corapporteur, de supprimer la fiche individuelle et vous avez réduit la prise en compte de la pénibilité à trois facteurs, ainsi que nos collègues du groupe CRC viennent de l’expliquer. Ce faisant, vous ne prenez pas en considération les autres facteurs déjà recensés par le décret du 9 octobre 2014.
Notre amendement vise à supprimer la disposition que vous avez introduite pour deux raisons.
Le Gouvernement a compris que ce compte pénibilité n’était pas facile à mettre en œuvre, trop tatillon, difficile à appliquer par les PME. Il a donc confié à M. Christophe Sirugue, député, et à M. Gérard Huot, chef d’entreprise, une mission sur le sujet. Un rapport sera rendu en juin 2015, donc dans un mois ; il comportera des propositions moins ciblées et plus faciles à mettre en œuvre sur l’exposition à la pénibilité, préservant mieux l’équilibre entre sa définition et son suivi individualisé, tout en prenant en compte les appréciations collectives de la pénibilité.
Il nous paraît donc préférable d’attendre quelques semaines, soit le temps qui nous sépare de la publication de ce rapport, après quoi les partenaires sociaux pourront se prononcer.
Il n’est pas indispensable de recourir à une mesure législative dans ce domaine et je rappelle que le Gouvernement a promulgué un premier décret pour 2015 et qu’un deuxième décret est attendu pour 2016.
Voilà la première raison de notre proposition de suppression.
La seconde, c’est que plusieurs accords ont déjà été conclus dans des secteurs spécialement exposés, notamment aux troubles musculo-squelettiques. Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, il n’est donc pas impossible de conclure des accords.
Dans la filière viande, où les travailleurs sont particulièrement exposés, un accord a été signé en février. Cet accord prend non seulement en compte les contraintes temporelles, mais aussi les efforts physiques, l’exposition au bruit et aux produits de nettoiement et les risques psycho-sociaux. Il comporte également des mesures de prévention, de développement des compétences pour accéder à des fonctions moins pénibles et de compensation de la pénibilité par l’accès au temps partiel.
D’autres secteurs, comme les transports ou la santé, peuvent mettre en place de tels accords.
Ce qui est en jeu, avec ce compte pénibilité, c’est l’adaptation des postes de travail, une meilleure ergonomie, des durées de travail adaptées : les postes de travail doivent évoluer, et c’est possible !
L’avis de la commission spéciale est évidemment défavorable.
Si nous avons souhaité revenir sur le compte de prévention de la pénibilité et sur la fiche individuelle, ce n’est nullement parce que ce serait une obsession de la droite ; c’est parce que, sur le terrain, les chefs de petites ou très petites entreprises et les agriculteurs ont fait valoir que certains critères étaient ubuesques. D’ailleurs, lors de la discussion du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, j’avais défendu, au nom du groupe UMP, la suppression du compte pénibilité.
Depuis, le Gouvernement a réalisé des avancées, après la remise de travaux de réflexion. C’est pourquoi je n’ai pas souhaité supprimer le compte, dans le cadre du présent projet de loi, mais seulement la fiche individuelle, tout en limitant les critères pris en compte à trois, assez simples.
Je rappelle que le compte personnel de prévention de la pénibilité a été institué par le Gouvernement sans qu’aucune concertation préalable avec partenaires sociaux ait été organisée.
Sans remettre en cause le principe même de la prévention et de la compensation de la pénibilité, qui est issu de la loi Woerth de 2010, nous avons, avec cet article additionnel, corrigé deux des principaux défauts de ce dispositif.
Tout d’abord, nous avons supprimé la fiche individuelle de suivi des expositions, formalité bureaucratique impossible à remplir pour le dirigeant d’une PME.
Ensuite, dans l’attente du résultat des travaux de simplification et à titre conservatoire, nous avons recentré le compte sur les trois facteurs de pénibilité pour lesquels des seuils d’exposition opérationnels ont été définis – travail de nuit, travail en équipes successives alternantes et travail en milieu hyperbare. Pour les autres facteurs, les modalités de mesure issues du décret du 9 octobre 2014 sont véritablement ubuesques.
C’est bien le cas quand, par exemple, les postures pénibles sont ainsi définies : « maintien des bras en l’air à une hauteur située au-dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés au moins 900 heures par an ». Lorsque vous expliquez cela à un citoyen lambda normalement constitué, cela le fait beaucoup rire. Les seuls que cela ne fait pas rire, ce sont les chefs d’entreprise !
Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Les gens qui travaillent dans de telles positions, cela ne les fait pas rire non plus, croyez-moi !
Comment voulez-vous qu’un chef d’entreprise puisse compter pendant combien d’heures par an ses salariés effectuent une torsion du torse à 30 degrés ?
Mais non ! Comment vont-ils vérifier que leurs salariés sont le torse fléchi à 45 degrés plus ou moins de 900 heures par an ?
Si le compte de pénibilité est aussi génial que vous le prétendez, pourquoi ne s’applique-t-il pas à la fonction publique ? Appliquez-le donc d’abord aux agents de la fonction publique !
Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Bien sûr que si ! Pourquoi ne s’applique-t-il qu’aux entreprises du secteur privé ?
Pour que ces salariés puissent prendre leur retraite avant les autres !
Mes chers collègues, la parole est à Mme la corapporteur et à elle seule !
Nous n’allons pas recommencer ce débat !
Pour ces autres critères, nous souhaitons que le Parlement soit mis en mesure d’évaluer leur redéfinition avant de les inscrire dans la loi.
Il est vrai que des travaux de réflexion sur le sujet ont été engagés, notamment dans le cadre de la mission confiée à MM. Sirugue et Huot. Cet article 97 quinquies ne marque pas le rejet de principe du compte pénibilité puisque nous ne connaissons pas encore leurs conclusions. Nous serons tout à fait prêts à les examiner lors de prochaines échéances législatives, comme l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, afin que les droits des salariés soient garantis, sans pour autant placer les employeurs devant des difficultés insurmontables et les confronter à un risque contentieux inacceptable.
Nous ne sommes donc pas pressés, mais, à certains moments, des signaux doivent être donnés !
Plusieurs ministres ont d’ailleurs récemment pris publiquement position dans le sens de notre article 97 quinquies, nos collègues du groupe CRC y ont fait allusion. Ainsi, Carole Delga, tout d’abord, a rappelé l’engagement du Président de la République de mettre en place un dispositif « pragmatique et simple ». Puis notre ancien collègue François Rebsamen a laissé entendre que la fiche individuelle de pénibilité et les critères inapplicables pourraient être supprimés. Il ne s’agit pas de personnalités de droite, que je sache ! Enfin, Stéphane Le Foll, porte-parole du Gouvernement, dans une interview à la radio, le 12 avril dernier, a estimé que, « si l’on veut que ce compte s’applique », les fiches individuelles devaient être supprimées.
C’est exactement ce que nous proposons. Alors, pourquoi attendre ?
La création du compte personnel de prévention de la pénibilité est intervenue dans le cadre de la réforme des retraites, ce qui explique d’ailleurs qu’elle ne concerne pas la fonction publique, qui n’entrait pas dans le champ de cette réforme. De toute façon, on le sait, la fonction publique n’est pas soumise au code du travail.
En octobre 2014, un aménagement réglementaire a permis, comme l’a reconnu Mme la corapporteur, d’améliorer plusieurs dispositifs.
La réflexion qui est en cours consiste à rendre applicables des droits qui sont ouverts. C’est pourquoi j’émettrai un avis favorable sur ces amendements de suppression, car il ne faut pas créer d’instabilité dans ce domaine.
La réforme du compte pénibilité a en effet ouvert des droits, parmi lesquels ceux qui concernent les principaux risques, c’est-à-dire les quatre premiers de la liste, sont ouverts depuis le 1er janvier 2015.
La difficulté qui se pose concerne la fiche individuelle. Le Gouvernement a reconnu à plusieurs reprises, ainsi que le Président de la République lui-même, le caractère complexe de ces fiches. Nous avons aussi confirmé que l’objectif de la réforme n’était pas de faire peser sur l’employeur une charge additionnelle, consistant à mesurer la pénibilité.
Il est des secteurs, Mme Bricq vient de le rappeler, où la mesure de la pénibilité est applicable, et certains d’entre eux sont même parvenus à signer des accords. Par ailleurs, des entreprises industrielles ont l’habitude d’effectuer de telles mesures.
Ces éléments ont conduit M. Michel de Virville à donner, dans un rapport commandé l’année dernière, un avis positif sur ces pratiques et à proposer un chemin de faisabilité. En tant qu’ancien directeur des ressources humaines d’une grande entreprise automobile, il sait en effet que la pénibilité est plus facile à mesurer, selon les différents critères définis, lorsque le travail est posté. En revanche, dans d’autres secteurs, comme le BTP ou l’agriculture, c’est beaucoup plus difficile, sans même parler des entreprises de petite taille, à qui ces mesures sont généralement tout à fait étrangères.
Il s’agit donc d’opérer cette transition. Je crois qu’il existe une voie permettant, à la fois, de conserver les droits ouverts pour les salariés dans le cadre de cette réforme et de ne pas faire peser une charge insoutenable sur les employeurs en créant de la paperasse inutile.
C’est le sens de la mission qui a été confiée à MM. Sirugue et Huot. Nous souhaitons, sur la base de leur travail, parvenir à une situation satisfaisante, mais non pas réaménager ces droits. Le Président de la République, le Premier ministre ainsi que tous les ministres l’ont dit, et je veux le rappeler ici : il n’est pas question de revenir sur les droits ouverts depuis cette année, qui ont été consacrés dans la réforme de la pénibilité. Sur ce point, aucun compromis ne sera passé.
La prise en compte de la pénibilité est un droit qui existe et qui est reconnu. Il s’agit, maintenant, de trouver les bonnes mesures pour le faire appliquer. MM. Sirugue et Huot proposeront des solutions dans le rapport qu’ils rendront dans les toutes prochaines semaines. L’objectif est que François Rebsamen puisse, en lien avec Marisol Touraine, trouver les voies et moyens de les mettre en œuvre.
Je souhaitais rappeler les évolutions qui ont d’ores et déjà eu lieu, et surtout la volonté du Gouvernement de préserver ces droits favorables aux salariés, tels qu’ils ont été votés, et de trouver les moyens de les faire appliquer de manière simple par les employeurs.
L’avis est donc favorable sur ces deux amendements.
Mme le corapporteur l’a rappelé, le compte pénibilité tel qu’il avait été défini dans la loi Woerth reposait sur support idéologique tout à fait différent de celui qui sous-tendait la loi défendue par Marisol Touraine. En effet, la loi Woerth reconnaissait simplement l’invalidité consécutive à un travail pénible, ce qui existe depuis longtemps.
Au travers du compte pénibilité tel que nous l’avons défini, il est reconnu qu’un certain niveau de travaux pénibles entraîne une diminution de la vie en bonne santé. C’est totalement différent ! Nous sommes là dans une autre logique, qui doit entraîner des mesures compensatoires : exercice à temps partiel, formation professionnelle continue ou départ à la retraite anticipé.
Vous avez eu raison de dire, madame la corapporteur, que le compte pénibilité ne s’appliquait pas dans les fonctions publiques. Pour autant, en particulier dans la fonction publique hospitalière, des postes particulièrement pénalisants qui induisent une pénibilité, comme le travail d’aide-soignant, donnent droit à un départ à la retraite anticipé par rapport à celui d’autres acteurs de la santé publique.
M. le ministre l’a relevé très justement, pour que ce droit devienne une réalité, il faut prendre des mesures simples. Un certain nombre d’accords ont d’ores et déjà été signés. Il est essentiel d’attendre les conclusions du rapport commandé à MM. Sirugue et Huot afin de trouver les meilleures solutions permettant de reconnaître la pénibilité.
Le compte pénibilité est une avancée sociale remarquable et très importante. Il n’est pas concevable de l’écorner en acceptant les dispositions introduites, sur l’initiative de Mme la corapporteur, par le biais de l’article 97 quinquies.
(Rires sur les travées du groupe CRC.) Mais il faut être raisonnable ! Puisque le travail de nuit nous fait mourir plus jeunes, j’ai préféré préserver la santé de mes collègues présents ce soir.
Sourires.
Je me suis demandé, à un moment donné, s’il ne fallait pas lancer maintenant le grand débat sur les retraites... §
Je ne lancerai donc pas de débat sur les retraites, mais je tiens tout de même à signaler que le groupe écologiste votera les amendements identiques n° 86 et 630 présentés par nos collègues communistes, d’une part, et socialistes, d’autre part.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 86 et 630.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 174 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 760 est présenté par Mme Cayeux, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bignon, Bizet, Bonhomme, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, César, Chaize, Chasseing, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, MM. Doligé et Dufaut, Mme Duranton, MM. Forissier, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Paul, Pellevat, Pierre, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.
L’amendement n° 908 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Loisier et M. Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites sont abrogés.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 760.
Dans le cadre de mes activités professionnelles, j’ai eu l’occasion de mettre en place les fiches individuelles de pénibilité prévues dans la loi Woerth. À cette époque, déjà, alors que les critères retenus étaient relativement simples, le dispositif était très compliqué. Je pense notamment au calcul du nombre de fois où le salarié porte des charges supérieures à 20 kilos. J’ai alors fait appel au médecin du travail, qui a rencontré les mêmes difficultés.
C’est non pas la pénibilité que je remets en cause, mais bien ces critères très difficiles à appliquer, y compris pour des professionnels.
Par ailleurs, il nous faut être vigilants, car les critères qui ont été ajoutés, sans être forcément critiquables en soi, posent des problèmes de mesure. Nous devons donc veiller à l’accompagnement des plus petites entreprises, qui ne disposent pas forcément d’un service des ressources humaines. Je le répète, les médecins du travail sont confrontés aux mêmes difficultés !
Cela étant dit, je retire cet amendement, car le texte de la commission spéciale répond globalement à nos souhaits.
L’amendement n° 760 est retiré.
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 908 rectifié bis.
Pour favoriser la croissance, l’activité et l’égalité des chances, il faut faire confiance aux entrepreneurs, comme à tous ceux qui ont envie de diriger des entreprises, et libérer les initiatives. C’est le sens de cet amendement, qui vise à simplifier la vie des chefs d’entreprise, rendue difficile par l’ajout de contraintes supplémentaires.
Je vais cependant retirer mon amendement, à l’instar de Mme Gruny, afin d’accélérer le débat.
L’amendement n° 908 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 97 quinquies.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, cette séance doit être levée à minuit. Nous avons donc le temps de commencer la discussion de l'article 98 A, notamment d’entendre l’intervention sur l'article d’un de nos collègues du groupe CRC, voire d’examiner les amendements de suppression…
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
Je pense qu’il serait préférable de poursuivre nos travaux jusqu’à minuit, comme c’était convenu, mais c’est surtout à Mme la présidente du groupe CRC de nous dire si elle est d’accord pour que son collègue s’exprime dès ce soir sur l’article 98 A. Nous pourrons ensuite, éventuellement, comme vous l’avez suggéré, madame la présidente, examiner au moins les trois amendements tendant à la suppression de cet article.
Je suis tout à fait d’accord pour que nous puissions nous exprimer sur l’article et présenter en même temps notre amendement de suppression, de manière que la séance ne se prolonge pas au-delà, ou guère au-delà de minuit.
Nous poursuivons donc nos travaux.
Section 6
Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi
Le titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé :
« Développement, maintien et sauvegarde de l’emploi » ;
2° L’intitulé du chapitre V est ainsi rédigé :
« Accords de développement et de maintien de l’emploi » ;
3° L’article L. 5125-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
- Au début, les mots : « En cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, » sont supprimés ;
- Après le mot : « maintenir », sont insérés les mots : « ou développer » ;
b) Au second alinéa du I, les mots : « dans l’analyse du diagnostic et » sont supprimés ;
c) Le deuxième alinéa et le 1° et le 2° du II sont supprimés ;
d) La première phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :
« La durée de l’accord est fixée par les signataires. » ;
e) Le second alinéa du III est supprimé ;
4° Le troisième alinéa de l’article L. 5125-2 est supprimé ;
5° Après le II de l’article L. 5125-4, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. - À défaut d’un accord conclu dans les conditions prévues au II, l’accord peut être conclu avec les représentants du personnel, ou approuvé par les salariés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, dans le respect des principes généraux du droit électoral. » ;
6° L’article L. 5125-5 est abrogé ;
7° À l’article L. 5125-6, les mots : « consécutive notamment à la décision du juge de suspendre les effets de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1, » sont supprimés.
Ma collègue Éliane Assassi vient de l’indiquer, cette intervention sur l’article vaudra également présentation de l'amendement de suppression n° 87.
Les accords de maintien dans l’emploi ont pour but de permettre à l’entreprise de passer un cap difficile, en évitant des suppressions d’emplois pour motif économique. Le principe est le suivant : en échange de modifications de leur contrat de travail, principalement en termes de temps de travail et de rémunération, les salariés voient leur emploi maintenu.
Ces accords ne peuvent être acceptables pour les salariés que parce qu’ils revêtent un caractère exceptionnel et sont une réponse à une période particulière pendant laquelle l’entreprise traverse des difficultés économiques conjoncturelles. Aussi, l’argument avancé dans le rapport de la commission spéciale sur le faible nombre d’accords établis ne tient pas : ces accords doivent, par essence, rester exceptionnels.
Il faut surtout souligner que la mesure proposée dans cet article, introduit par la commission spéciale, dévoie le principe des accords de maintien de l’emploi. En effet, les rares accords de maintien de l’emploi conclus ont fait la preuve de leur inutilité sur le maintien de l’emploi, voire de leur contre-productivité. Pour s’en convaincre, il suffit de citer quelques exemples d’entreprises concernées par ces dispositions.
Un accord de maintien de l’emploi a été conclu en 2013 au sein de l’entreprise alsacienne Mahle Behr, filiale d’un groupe allemand. Plus de 1 000 salariés étaient concernés. Après un référendum favorable, un accord est intervenu, prévoyant la suppression de cinq jours de RTT et un gel des salaires pendant deux ans. En échange, l’entreprise s’engageait à investir, à ne supprimer aucun emploi pendant deux ans et à transférer deux contrats en provenance d’autres sociétés du groupe.
La législation en vigueur prévoit que chaque salarié peut, individuellement, refuser l’accord. Dans ce cas, il doit être licencié, sans toutefois bénéficier des avantages d’un plan social. Au sein de l’entreprise alsacienne, désagréable surprise, 162 salariés, au lieu des 50 prévus, ont refusé l’accord et l’entreprise n’a embauché que 57 salariés pour remplacer les partants, tout en imposant de nombreuses heures supplémentaires et en ayant recours à de nombreux intérimaires.
Ainsi, alors que l’accord avait pour avant tout pour objet d’éviter 102 licenciements, l’affaire se termine, pour l’instant, par une réduction de personnel plus importante que celle qui était initialement prévue...
De la même manière, les accords dits de « compétitivité emploi » ont déjà fait la preuve de leur inutilité sur l’emploi. Chez Federal Mogul, la direction a invoqué les accords de compétitivité pour maintenir l’emploi. Bilan : elle a fermé des sites et divisé les effectifs par trois !
Toute la presse s’est fait l’écho de l’accord conclu chez Bosch, à Vénissieux : les effectifs sont passés de 800 à 200 salariés !
L’accord Continental a eu les effets sur l’emploi que chacun connaît : la fermeture définitive de l’usine !
Les exemples similaires se multiplient : General Motors, PSA, Goodyear, Dunlop, etc.
Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que l’employeur, en signant un accord de maintien de l’emploi, s’engage uniquement à ne pas licencier pour motif économique les salariés visés par l’accord. Il ne s’engage pas pour autant à maintenir le niveau de l’emploi dans l’entreprise : les ruptures conventionnelles, les plans de départs volontaires, les départs à la retraite anticipés, les licenciements pour motif personnel, le licenciement économique des salariés de l’entreprise non visés par l’accord, le licenciement économique des salariés ayant refusé l’accord, sont toujours autorisés, et ce sans obligation de remplacement des salariés partis.
Pour toutes ces raisons, la suppression des possibilités de sanction de l’employeur qui ne respecte pas ses engagements en termes d’emploi est très grave. Disparaissent ainsi la clause pénale et la possibilité pour le juge de suspendre l’application de l’accord en cas de non-respect par l’employeur de ses engagements.
Tout cela est, à nos yeux, absolument inacceptable. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 489 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 631 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 87 a déjà été défendu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 489.
M. Jean Desessard. Je constate que la gauche se reconstitue et je salue cette bonne nouvelle ! Le combat recommence !
Sourires.
Cet article, inséré lors des travaux de la commission spéciale, vise à créer des accords « offensifs » de maintien de l’emploi, en remodelant en profondeur le dispositif adopté dans le cadre de la loi sur la sécurisation de l’emploi. L’objectif est simple : déroger aux 35 heures, prétendument pour développer l’emploi dans les entreprises.
Si, dans le droit actuel, les accords de maintien de l’emploi ne peuvent être conclus qu’en cas de « graves difficultés économiques conjoncturelles », cet article supprime cette mention pour en élargir l’application. Il est également prévu que ces accords pourraient être conclus non seulement pour sauvegarder l’emploi, mais également pour le développer.
Le diagnostic préalable avec les organisations syndicales, la durée maximale de l’accord, le recours obligatoire aux délégués syndicaux, la proportionnalité des efforts demandés aux patrons par rapport à ceux des salariés ainsi que la pénalisation des manquements de l’employeur à ses obligations sont tous supprimés.
M. Robert del Picchia s’exclame.
Pour résumer, ce que prévoit cet article, c’est un dispositif complet, clé en main, pour permettre purement et simplement aux dirigeants d’entreprise de ne plus respecter les 35 heures. Il suffira désormais que l’employeur se mette d’accord avec les représentants du personnel pour ne plus appliquer les 35 heures, au prétexte de développer l’emploi, et ce sans limitation de durée.
Le dispositif de la loi de sécurisation de l’emploi est ainsi totalement dévoyé, et cet article est au service d’une tout autre idéologie que les écologistes ne cautionnent pas, parce qu’ils sont attachés à la réduction du temps de travail.
Mes chers collègues, vous avez eu raison de qualifier ces accords d’« offensifs », car c’est une véritable offensive qui est à l’œuvre, non pas pour l’emploi, mais contre le droit du travail, contre le partage du temps de travail et contre le dialogue social !
Réduire les droits sociaux n’a jamais aidé à créer de l’emploi. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Même motif, même punition, si j’ose m’exprimer ainsi. Nous demandons, nous aussi, la suppression de cet article.
Je le répète, nous tenons à la négociation entre partenaires sociaux. Il est vrai que peu d’accords ont été conclus dans le cadre de la législation actuelle. Il serait possible, sur la base de ce constat, de proposer aux partenaires sociaux de négocier une modification qui pourrait ensuite être intégrée dans la loi.
La commission spéciale a décidé d’insérer très abruptement des accords « offensifs ». Ce faisant, madame la corapporteur, vous vous placez dans une perspective que nous ne pouvons faire nôtre.
Des accords de compétitivité, en marge de la loi de 2013, ont été conclus. Le cas de Renault est connu. Récemment encore, l’équipementier Faurecia a conclu un tel accord. Les salariés consentent des efforts en matière salariale, en matière d’intéressement et de durée du travail, en échange d’engagements temporaires de la direction de ne pas lancer de plan de licenciement.
La question des efforts proportionnés des dirigeants et des actionnaires dans le cadre des accords défensifs est absente de ces accords. Il faut donc que cette question soit soumise aux partenaires sociaux. La commission spéciale ne peut pas agir comme elle le fait, d’autorité, en introduisant de telles dispositions dans ce projet de loi, pour faire plaisir à certains qui réclament de telles mesures depuis longtemps. Nous ne partageons pas cette logique.
Nous avons souhaité aller dans le sens de la croissance et de l’activité. Très peu d’accords défensifs ont été conclus, ce qui montre qu’il y a manifestement un problème. Au travers de cet article, nous cherchons à faire sauter les verrous qui existent.
Lors de son audition, M. Rebsamen avait reconnu qu’il s’agissait d’un réel souci et qu’il étudiait cette question. Mais nous n’avons toujours rien vu venir…
Nous avons souhaité ajouter aux accords de maintien de l’emploi des accords de développement de l’emploi, très attendus par certaines entreprises.
Pour ces raisons, la commission spéciale est bien entendu défavorable à ces amendements de suppression.
Il faut en effet distinguer les accords de maintien de l’emploi défensifs des accords de maintien de l’emploi dits « offensifs » ou des accords de développement de l’emploi que vous proposez dans cet article.
Force est de constater que, pour différentes raisons, peu d’accords de maintien de l’emploi défensifs ont été signés. Ces difficultés font actuellement l’objet d’une évaluation qui devrait aboutir dans les tout prochains jours et qui nous conduira, François Rebsamen et moi, à revoir les partenaires sociaux pour tirer les conclusions très concrètes qui s’imposeront, c'est-à-dire les modalités à mettre en œuvre pour rendre plus simple et plus attractive la conclusion d’accords défensifs de maintien de l’emploi, afin que ceux-ci soient plus nombreux.
Je rappelle que ces accords sont utiles. Ils doivent être majoritaires et, lorsqu’ils sont conclus, des règles plus strictes que celles du droit commun s’appliquent au sein de l’entreprise. Ils permettent de trouver des solutions productives dans des cas bien définis. Je crois beaucoup à cette voie.
En vérité, les accords de développement économique que vous proposez, madame la corapporteur, et qui seront sans doute votés par le Sénat, ne serviront à rien. Je pense en effet qu’il n’y aura jamais d’accord majoritaire : quand l’entreprise va bien, aucune majorité ne se dégagera pour décider de réduire le temps le temps de travail ou s’organiser différemment.
Mme Nicole Bricq approuve.
Vous pouvez estimer qu’il s’agit là d’une réforme très importante et même formidable, mais, alors qu’il est déjà compliqué de conclure des accords majoritaires en cas de difficultés économiques – cela demande non seulement beaucoup d’esprit de responsabilité, mais aussi un constat commun, partagé par toutes les parties, sur la difficulté de la situation –, ce sera encore plus compliqué en l’absence de difficultés particulières. Je connais peu d’entreprises en bonne santé, sinon aucune, où seront conclus des accords majoritaires : quand tout va bien, pourquoi se serrer la ceinture ?
Par contre, je pense qu’il nous faut emprunter la voie dont nous parlions voilà quelques instants, celle d’une réflexion sur la hiérarchie des normes conduite de manière ordonnée. Bien plus qu’à ces accords de maintien de l’emploi offensifs, je crois au travail de la mission Combrexelle, qui consiste à maintenir les questions d’ordre public social dans le giron de la loi et à renvoyer aux accords de branche et à des accords d’entreprise majoritaires les éléments qui n’en relèvent pas.
Je crois beaucoup plus à cette philosophie, à cette réflexion systémique sur la hiérarchie des normes, car elle a le mérite de la clarté : dès le début, on sait ce qui relève de la loi et ce qui relève de la concertation. À cet égard, je vous renvoie aux propos qu’a tenus tout à l'heure Mme Procaccia.
Si je comprends et respecte la philosophie de l’accord majoritaire de développement, je pense qu’il s’agit d’une voie décalée. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis favorable aux amendements de suppression.
Par ailleurs, je suis également défavorable à cet article pour des raisons de procédure dont nous pouvons tous convenir : adopter cet article alors qu’aucune négociation n’a encore eu lieu sur ce sujet avec les partenaires sociaux contreviendrait aux principes édictés par la loi dite « Larcher ».
Je serai malheureusement absent la semaine prochaine, en déplacement à Moscou pour le compte de la commission des affaires étrangères. C’est pourquoi je tiens à indiquer dès à présent que je voterai pour ce projet de loi et donnerai une procuration en ce sens.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 87, 489 et 631.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 176 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 84 amendements au cours de la journée ; il en reste 104.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 11 mai 2015 :
À dix heures :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014 2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014 2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
À quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite de l’ordre du jour du matin.
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile ;
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 425, 2014 2015) ;
Texte de la commission (n° 426, 2014 2015) ;
Avis de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances (n° 394, 2014 2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 8 mai 2015, à zéro heure dix.