Le compte personnel de prévention de la pénibilité, créé le 1er janvier 2015, permet à tout salarié exposé à des facteurs de pénibilité dans le cadre de son travail d’accumuler des points, qui pourront être convertis en périodes de formation, en temps partiel avec maintien de la rémunération et/ou en trimestres de cotisations, ce qui les autorise à partir à la retraite avant l’âge légal.
Les syndicats ont bataillé pour que ce compte pénibilité soit mis en œuvre, notamment lorsque l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé à 62 ans.
Or la mesure prise par le Gouvernement a déçu. D’abord, le compte pénibilité permet de partir en retraite au mieux à 60 ans, quand les syndicats défendaient un départ à 55 ans, beaucoup plus adapté aux salariés ayant eu et continuant d’avoir un travail pénible.
Ensuite, des dix critères adoptés, seuls quatre sont entrés en vigueur au 1er janvier 2015 : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail posté, en équipes successives, et le travail en milieu hyperbare. Pour les six autres critères, la mise en application est reportée au 1er janvier 2016.
Le choix des critères peut également être contesté. L’exposition aux poussières et fumées, par exemple, n’a pas été retenue par le Gouvernement, de même que les longs déplacements fréquents.
Enfin, le compte pénibilité n’est pas rétroactif : il s’applique à compter du 1er janvier 2015, et même du 1er janvier 2016 pour certains des critères. Certes, pour les personnes proches de la retraite, le nombre de points acquis est doublé, mais, à raison de 8 points par an au lieu de 4, il faut tout de même cinq ans pour gagner une année de cotisations de retraite. Ainsi, un salarié de 57 ans effectuant un travail pénible devra finalement continuer à travailler jusqu’à 62 ans.
Cette réforme, qui est en deçà des attentes des salariés et de leurs représentants, est pourtant remise en cause, notamment par la droite sénatoriale, qui juge ces mesures trop difficiles à mettre en œuvre et estime que ce dispositif engendre « trop de tracasseries administratives ». Soit, mais je répondrai qu’un travail pénible entraîne la mort anticipée de nombreux salariés !
Un cadre vit ainsi six ans de plus qu’un ouvrier – l’écart est de trois ans entre une femme cadre et une femme ouvrière. Ces six années de vie, mes chers collègues, ne peuvent pas être négligées !
Lutter pour qu’on ne perde plus sa vie en la gagnant, pour que les ouvriers puissent aussi profiter de leur retraite en étant en bonne santé, pour qu’ils puissent, durant leur carrière, évoluer vers un métier moins pénible et ainsi gagner des années de vie, cela justifie bien quelques tracasseries administratives !
Nous rejetons en bloc cet article, qui supprime la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité et qui, sous couvert de simplification, supprime des facteurs de pénibilité.
Il réduit en effet la pénibilité à trois facteurs estimés mesurables : le travail de nuit, le travail en équipes successives et le travail en milieu hyperbare. Non seulement ce choix n’est pas acceptable, mais sa justification laisse à désirer : l’exposition au bruit, le port de charges lourdes ou le travail dans des températures extrêmes ne sont-ils pas mesurables ? Permettez-moi de vous faire remarquer que, depuis longtemps, dans le BTP, pour mesurer les températures, on se contente d’utiliser un thermomètre…
Vous l’aurez compris, avec cet article ajouté par la commission spéciale du Sénat, c’est bien le compte pénibilité qui est remis en cause. C’est pourquoi nous nous y opposons fermement.