Intervention de Annie David

Réunion du 11 mai 2015 à 10h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 98 a nouveau suite

Photo de Annie DavidAnnie David :

Je souhaite, en quelques mots, confirmer notre désaccord profond avec cet article, inséré par la commission spéciale.

Tout d'abord, l’argument du faible nombre d’accords signés, développé par notre corapporteur, est inopérant dans la mesure où ce dispositif doit, par nature, rester exceptionnel. La mesure qui nous est proposée dévoie le principe des accords de maintien dans l’emploi, qui nous apparaît déjà contestable.

Rappelons que l’employeur, en signant un accord de maintien de l’emploi, s’engage seulement à ne pas licencier pour motif économique les salariés visés par l’accord, sans pour autant s’engager à maintenir le niveau de l’emploi dans l’entreprise. Dès lors, restent autorisés les ruptures conventionnelles, les plans de départs volontaires, les départs anticipés à la retraite, les licenciements pour motifs personnels, les licenciements économiques des salariés de l’entreprise non visés par l’accord et les licenciements économiques des salariés ayant refusé l’accord, sans obligation de remplacer les salariés partis.

Par cet article, il ne s’agit ni plus ni moins que de permettre à l’entreprise de payer moins, ou de faire travailler plus, n’importe quand et pour n’importe quel motif ! Vous évoquez des accords « offensifs », madame la corapporteur. On ne saurait mieux dire, tant ils permettent d’opérer une véritable offensive contre le droit du travail, en dérogeant aux droits des salariés quand l’employeur le souhaite et pour une durée illimitée, puisqu’elle est fixée dans l’accord lui-même.

La disposition autorisant des représentants du personnel à négocier ces accords même en présence de syndicats représentatifs, selon des conditions de majorité qui sont très loin de permettre le respect de l’avis des salariés, constitue une atteinte manifestement disproportionnée à leur liberté contractuelle.

La validation de ces accords par simple référendum est également inappropriée. Les salariés ne bénéficiant pas, contrairement aux organisations syndicales et aux représentants du personnel, de données fiables sur la situation économique de l’entreprise, le chantage à l’emploi s’en trouve facilité, au bénéfice de l’employeur.

Une mesure non négociée, décidée unilatéralement par l’employeur et soumise à plébiscite salarial ne peut être qualifiée d’accord collectif, comme le prétend ce texte, qu’au prix d’un changement profond du sens de cette expression et de la nature de ce qu’elle recouvre.

De surcroît, madame la corapporteur, les dirigeants de l’entreprise pourront voir leur rémunération augmenter et les actionnaires percevoir des dividendes en hausse, puisque vous proposez de supprimer l’obligation qui leur était faite de contribuer en proportion aux efforts demandés aux salariés.

Selon vous, il serait donc indispensable à la viabilité d’une entreprise de réduire les rémunérations de salariés aux faibles revenus, mais ni les rémunérations élevées des dirigeants ni les dividendes des actionnaires. En sus, les salariés qui refuseraient cet accord pourront être licenciés pour motif économique, alors même que le dispositif pourrait être mis en œuvre même si l’entreprise n’était pas confrontée à des difficultés économiques.

Une attitude si décomplexée face à l’injustice faite aux salariés en matière de droit du travail nous apparaît tout simplement indécente.

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