En ce qui concerne l’amendement n° 1337 rectifié et la définition du licenciement économique, je développerai une argumentation juridique, avant de faire une remarque politique.
Cet amendement vise explicitement à restreindre les motifs de licenciement économique aux cessations d’activité, aux difficultés économiques et aux mutations technologiques. Une entreprise qui verserait des dividendes, donc ne serait pas alors en situation de crise, ne pourrait donc pas procéder à des licenciements.
Or les enjeux et les contraintes auxquels font face les entreprises, qui peuvent être amenées à licencier du fait de multiples facteurs, les conduisent parfois dans cette situation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le juge judiciaire lui-même a élargi la définition du motif économique par le critère de sauvegarde de la compétitivité. C’est cette zone grise que vous viendriez faire disparaître.
J’ajouterai une remarque politique : je comprends parfaitement l’indignation éprouvée lorsqu’une entreprise verse des dividendes et prend simultanément des mesures de licenciement : la semaine dernière encore, une société cotée française annonçait ainsi licenciements et fermetures de sites.
Face à de telles situations, deux réponses sont possibles. Tout d’abord, les dividendes sont souvent versés l’année n au titre de l’année n-1. Telle est la première difficulté à considérer dans la lecture de cette séquence. Je pense donc qu’il faut être vigilant.
Je ne sais pas comment l’exprimer dans le droit, mais partout où l’État est actionnaire, le Gouvernement veillera à ce que nul dividende ne soit versé durant une année d’exercice où un plan collectif serait mis en œuvre et où des efforts seraient demandés aux salariés ; cela serait inconcevable ! C’est un principe fort, que vous avez raison de défendre, mais le décalage dans le temps des exercices rend parfois la chose illisible.
La seconde réponse, qui est cruciale à mes yeux, consiste à trouver la bonne articulation entre l’AME défensif et le PSE. Comme j’ai pu l’expliquer la semaine dernière, lorsque le collectif productif qui réunit les actionnaires, les dirigeants et les salariés engage des efforts, il faut parvenir à ce qu’il y ait le moins de licenciements possible. Il faut travailler dans ce domaine d’abord pour préserver l’entreprise et éviter les licenciements.
Je suis défavorable à cet amendement, parce que le dispositif proposé introduirait dans la loi une rigidité contreproductive. Je pense néanmoins qu’il faut continuer à faire preuve de pédagogie et à être exigeant à l’égard des acteurs au cas par cas. Je ne sais pas comment l’écrire dans la loi, malgré nos efforts, mais je m’engage sur ces deux voies.
D'une part, nous devons d’une part toujours trouver les voies et les moyens d’aboutir à de bons AME défensifs pour ne pas détruire de l’emploi : en effet, c’est de la casse sociale, de la casse de capital humain et de la casse de capital productif ! D’autre part, il faut que les versements de dividendes se fassent de manière responsable.
Je n’ai pas d’ajout à faire sur les amendements n° 1310 et 1311 ; le Gouvernement émet donc le même avis défavorable que la commission sur ces amendements.
Enfin, je partage les préoccupations exprimées lors de la présentation de l’amendement n° 1313 rectifié, qui vise à compléter l’information des salariés. En effet, il est indispensable de s’assurer que les employeurs respectent bien leurs devoirs en matière de licenciement, qu’ils ne contournent pas l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, et qu’ils informent réellement les salariés.
Toutefois, il me semble que l’article 99 du présent texte répond davantage à ce souci, parce qu’il assure l’effectivité du contrôle exercé par l’administration sur les licenciements économiques et sur le respect des obligations de l’employeur, sans alourdir pour autant la procédure de licenciement.
Il serait utile d’améliorer la rédaction de cet amendement, en créant un dispositif renforcé de « codétermination », dont les modalités pourraient être définies dans le cadre du travail qui devra être mené prochainement en matière de représentation des salariés. Cette suggestion renvoie en effet à l’objet de l’amendement défendu la semaine dernière par Mme Assassi, sur lequel j’ai indiqué qu’il conviendrait d’avancer dans les semaines à venir.
Grâce à l’article 99, d’une part, et à une meilleure représentation des salariés dans les conseils d’administration, d’autre part, nous devrions atteindre l’objectif que vous défendez, en évitant de complexifier la procédure de licenciement comme tendrait à le faire votre amendement.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 1313 rectifié, sur quel, à défaut, j’émettrais un avis défavorable.