Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 11 mai 2015 à 10h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 101, amendement 91

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

L’amendement n° 91 du groupe CRC me semble important. Il est l’illustration d’une question qui est au départ uniquement technique et juridique qui se transforme, y compris à l’extérieur de nos hémicycles, en problème politique.

Nous avons tous lu ou entendu que les dispositions prévues par cet article constituaient une régression sociale. Mon collègue Desessard s’est, à l’instant, exprimé en ce sens, même s’il n’a pas utilisé tout à fait les mêmes termes. Il s’agit donc de savoir quels sont les moyens dont dispose le législateur face à cette situation juridique compliquée.

La Cour de cassation rappelle que tout PSE doit être établi en fonction des moyens du groupe auquel appartient l’entreprise, et elle précise aussi que l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur ne concerne pas le groupe. En revanche, ce dernier n’est pas tenu d’abonder le plan, sinon l’employeur ne peut pas se conformer à son obligation de reclassement.

Le problème se pose pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation, puisqu’elles ne disposent pas des moyens financiers pour répondre aux obligations d’un PSE, notamment en matière de reclassement. En résumé, l’administrateur judiciaire est légalement tenu de construire un PSE qui prend en compte les moyens du groupe, mais il ne peut obliger le groupe à abonder le PSE. Par conséquent, l’obligation légale est difficilement applicable, voire impossible à appliquer.

Cette situation a des conséquences très graves pour les salariés. En effet, l’AGS doit prendre en charge les rémunérations, à condition d’avoir été saisie dans un délai d’un mois. Or, comme l’a souligné notre corapporteur, ce n’est jamais le cas et les salariés se retrouvent ainsi dans une situation difficile.

Au sein de cette question technique, un autre débat s’insère, qui est non moins négligeable. Pour être tout à fait honnête intellectuellement, je dois dire d'ailleurs que nous l’avons eu au sein du groupe socialiste.

La mise délibérée en liquidation d’entreprises qui ont été rachetées, notamment dans le cadre d’un leverage buy-out, ou LBO, à seule fin de les vider de leur substance, est une opération purement financière que nous condamnons. Certes, ces cas sont marginaux, mais ils ont un retentissement considérable, et c’est légitime.

La recherche de responsabilités devant les tribunaux est une procédure longue et coûteuse ; examiner les flux financiers, rechercher les actes anormaux de gestion dans d’autres pays prend des mois, voire des années.

La question technique principale – le ministre s’en est expliqué à l’instant – est celle des liens entre le groupe et l’entreprise, entre la mère et la fille. Évidemment, le juge appréciera la véritable intégration ; le cas échéant, les moyens du groupe peuvent être recherchés.

L’exemple qui me vient à l’esprit, que j’ai cité lors de la réunion de la commission spéciale, c’est l’exemple allemand. À la suite du crash de l’avion de Germanwings, la compagnie low cost de la Lufthansa, la direction de cette dernière a immédiatement assumé la responsabilité de ce drame. C’est là l’exemple parfait d’une intégration totale, ce que la théorie juridique – d’application restreinte en pratique – appelle le coemploi des salariés.

Il nous revient à nous, législateur, de préserver les droits des salariés et de sortir par le haut de cette situation. À cette fin, le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements sur cet article.

Finalement, nous voulons parvenir à ce que l’administration n’homologue un PSE qu’après s’être assurée de la recherche des moyens du groupe pour financer les actions d’accompagnement, de reclassement et de formation auxquelles les salariés ont droit dans le cadre d’un plan de redressement.

C’est pour cette raison que nous ne voulons pas que soit supprimé l’article 101 ; nous souhaitons au contraire qu’une solution soit trouvée, afin que les salariés ne soient pas privés de leur droit et qu’il ne soit pas fait appel indûment aux finances de l’État pour régler les salaires en lieu et place de l’entreprise ou de l’AGS.

Je le répète, nous voulons vraiment pouvoir défendre les amendements que nous avons déposés sur cet important article.

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