Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 11 mai 2015 à 10h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 101

Emmanuel Macron, ministre :

Il n’y fait référence que pour des questions particulières : au titre de l’obligation de reclassement, on mentionne, par exemple, le comité de groupe.

Les diverses sociétés réunies au sein d’un groupe disposent toutes d’une personnalité morale, assortie de droits et d’obligations qui lui sont propres. A contrario, un groupe n’a pas de personnalité morale. Voilà la véritable différence !

Certes, nous sommes en train de forger de nouvelles dispositions législatives. Mais, en faisant du groupe une entité disposant d’une personnalité morale à la place de ses sociétés, l’on créerait un monstre, sauf à accepter de généraliser le coemploi.

Le groupe n’existe pas juridiquement et n’est pas considéré comme responsable de ses filiales. Voilà pourquoi, en l’absence d’une faute reconnue, la Cour de cassation estime que la responsabilité de la maison mère ne peut être recherchée en droit social.

L’équipementier électronique Molex était considéré comme n’étant pas en situation de coemploi à l’égard de son groupe. On ne lui a donc pas demandé de coopérer au PSE. En revanche, dans le cas de la société Sofarec, le groupe aurait aggravé la situation financière, déjà difficile, de sa filiale française, par des décisions qui n’étaient profitables qu’à son actionnaire unique.

On le constate bien : il faut absolument qu’une ingérence du groupe soit prouvée pour que cette procédure juridique soit mise en œuvre. Mais on ne peut agir par la loi. Il faut passer par la notion de coemploi.

Je le rappelle, le coemploi repose sur le critère économique jurisprudentiel de la triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction, détaché de tout lien individuel de subordination avec la société coemployeur. Ce sujet a suscité un contentieux massif.

Depuis de récents arrêts, la Cour de cassation s’attache à cerner le problème par la notion de responsabilité délictuelle. Les trois arrêts importants rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation les 2 et 8 juillet 2014 ont précisément permis d’aller dans ce sens.

Le dernier de ces arrêts, en date du 8 juillet, précise en toute logique que les salariés ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique peuvent valablement exercer une action en responsabilité extracontractuelle à l’encontre de la maison mère de la société qui les employait, et à laquelle des fautes ayant concouru à la « déconfiture » – je cite l’arrêt en question – de la société et aux licenciements économiques sont reprochées, dès lors que ces fautes supposées ne concernent pas le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ou de l’obligation de reclassement.

Monsieur Vincent, vous le voyez bien : à travers cette jurisprudence, c’est-à-dire par le droit positif, ce qui est recherché, c’est la responsabilité du groupe lorsqu’il a lui-même organisé la « déconfiture » d’une de ses sociétés.

La définition du coemploi a déjà été précisée, en juillet 2014, par les arrêts Molex et Sofarec. Elle me semble désormais satisfaisante. Elle permet d’imposer la mobilisation des moyens du groupe, en cas de coordination des activités économiques ou des flux financiers entre une entreprise et le groupe auquel elle appartient. À mon sens, l’on couvre réellement le risque que vous évoquez, à travers cette jurisprudence récente comme à travers cet article 101. En effet, ce dernier le précise : indépendamment de tout coemploi, c’est-à-dire de cette responsabilité qui peut être exigée du groupe, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, lorsqu’un PSE est déclenché, l’administrateur liquidateur va requérir les moyens du groupe pour faire face aux obligations financières.

À la lumière de ces éléments, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. Le sujet qui vous préoccupe est déjà traité.

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