En l’occurrence, je serai un peu plus longue car c’est un amendement auquel notre ami Paul Vergès, sénateur de La Réunion, tient beaucoup et dont il est le premier signataire.
Il s’agit d’accroître le rôle de Pôle emploi pour le recrutement dans le secteur privé dans le but de ne recourir à une main-d’œuvre dite « extérieure » qu’après constat avéré de carence sur le bassin d’emploi concerné.
En effet, dès lors que les compétences existent, il est préférable que les postes soient pourvus par des personnes implantées dans le bassin d’emploi, notamment dans ceux où le taux de chômage est important. Sinon on arrive parfois à des situations ubuesques et, surtout, inacceptables.
Je donnerai des exemples pour illustrer ces propos : cela s’est passé à La Réunion.
Dans les années quatre-vingt-dix, 110 Indiens sont recrutés pour la construction des chaudières de l’usine de canne à sucre de Saint-André. Pas besoin d’une haute technicité pour la construction.
En 2005, La Réunion voit arriver 150 soudeurs thaïlandais pour travailler sur le chantier de l’extension de la centrale thermique de Gol, à Saint-Louis. Cela a, bien évidemment, provoqué un véritable tollé. La direction du travail avait pourtant souligné que 650 soudeurs réunionnais étaient au chômage.
En 2009, l’État lance la construction d’une nouvelle centrale thermique au Port Est. Coût de l’opération : 500 millions d’euros. En tant que maître d’œuvre, EDF choisit son entreprise. Selon l’évolution du chantier, entre 150 et 300 travailleurs sont présents sur le site, le plus souvent pour des tâches ne nécessitant pas de compétences particulières. Des compétences qui existent à La Réunion. Une entreprise avait même envisagé de faire venir des peintres italiens.
Les syndicats avaient légitimement parlé de « provocation », de « dumping social » et, dans certains cas, de non-respect de la durée légale de travail. Leur indignation était légitime, le taux de chômage à La Réunion étant l’un des plus forts de France. Il n’était pas question de protester contre la venue de travailleurs européens, mais de se battre pour l’emploi des Réunionnais.
Sur le plan économique, on peut aussi se demander à quel salaire étaient payés les ouvriers, puisqu’il a fallu que les entreprises paient également leur billet d’avion et leur hébergement sur place. Le chiffre de 200 euros par mois était avancé.
Ces trois exemples se situent dans le domaine du BTP. Mais c’est aussi le cas dans la fonction publique où, malgré leurs compétences, les Réunionnais voient des postes – à responsabilité ou non – leur échapper, ce qui a fait l’objet d’une séquence télévisée ce week-end.
Nous reprenons l’affirmation des syndicats : il n’est pas question de dénoncer les travailleurs européens ou étrangers, seulement de se battre pour l’emploi des Réunionnais. Rappelons que La Réunion compte plus de 155 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi.
Pour lutter contre ce chômage de masse, des décisions politiques ont été prises. La région Réunion, alors présidée par le sénateur Vergès, avait signé une convention-cadre pour la construction de la route des Tamarins, avec Pôle emploi, le Carif-Oref et l’État. Il s’agissait de définir les besoins sur les chantiers et de mettre en œuvre des formations adéquates pour que les Réunionnais occupent les postes créés.
L’idée de cet amendement est donc simple : il faut ajouter une nouvelle compétence à Pôle emploi afin qu’il puisse répondre à des préoccupations locales. Tout poste mis sur le marché doit passer par Pôle emploi. C’est lorsque, dans le bassin d’emploi concerné, il n’y a pas les compétences que la zone de recrutement s’élargit. Tel est le sens de cet amendement.