Votre amendement vise à élever au niveau de la loi ce que la jurisprudence reconnaît depuis 1995. Je voudrais toutefois en réponse bien clarifier les termes du débat, car ils sont importants.
Premièrement, des licenciements économiques sont aujourd'hui reconnus par le juge dans le cas de difficultés économiques ou de mutations technologiques auxquelles une entreprise est confrontée. Depuis vingt ans, la jurisprudence considère en effet que la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise peut fonder le caractère économique d’un licenciement. S’il faut être vigilant en la matière, la rédaction de cet amendement ne me semble pas poser de problème, dans la mesure où elle a les mêmes objectifs que la jurisprudence. Il faut en tout cas bien préciser que cet amendement ne vise pas autre chose que la retranscription explicite dans la loi de cette jurisprudence relative au motif légitime de licenciement économique. En tout état de cause, je précise que l’adoption de cet amendement n’apporterait pas de changement substantiel aux cas récents auxquels nous avons assisté – je pense par exemple à celui de Vallourec – puisqu’il s’agit de difficultés économiques déjà reconnues par la jurisprudence.
Deuxièmement, je vois dans cet amendement une articulation entre, d’une part, la définition du champ du licenciement économique et, d’autre part, le recours possible à l’accord de maintien dans l’emploi, ou AME, défensif. Ce dernier a été mis en place par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi et fera l’objet d’une discussion dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux pour en tirer tous les conséquences.
Il est donc primordial, s’agissant de cas de sauvegarde de la compétitivité des entreprises, de bien clarifier le cadre normatif – il me semble que vous le faites en élevant la jurisprudence au niveau de la loi – et de donner les moyens aux entreprises d’éviter autant que possible les PSE pour recourir plutôt à l’AME. L’intention du Gouvernement est de favoriser cette seconde voie, et je crois que ce texte permettra de le faire ; ma lecture de cet amendement est qu’il ne s’agit que d’une clarification et non d’un ajout.
Troisièmement, vous proposez d’apprécier le motif économique du licenciement au regard de la situation de l’entreprise ou, le cas échéant, du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Pour prévenir tout débat ultérieur sur l’application des critères ainsi énoncés, notamment concernant les groupes, je tiens à préciser un dernier point, pour que nous soyons certains d’avoir la même compréhension. Cet amendement précise, selon moi, que la réalité de la situation de l’entreprise ou du secteur d’activité concerné – qu’il soit national ou international – nécessitant des réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l’entreprise peut être constituée dès lors que l’entreprise elle-même le justifie ; la réalité de ces difficultés peut donc résulter d’une appréciation d’ensemble des deux situations. Ma compréhension, c’est que vous voulez éviter une situation dans laquelle une entreprise confrontée à des difficultés réelles mais dont le secteur se trouve dans une situation régionale favorable ne puisse pas faire qualifier d’économiques ses licenciements.
Ces précisions étant apportées – il s’agit d’une simple élévation de la jurisprudence au niveau de la loi et le Gouvernement souhaite favoriser les accords de maintien dans l’emploi –, je m’en remets à la sagesse du Sénat.