Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 12 mai 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Proclamation du résultat du scrutin public

Emmanuel Macron :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au texte que la Haute Assemblée vient d’adopter, qui n’est ni celui du Gouvernement ni celui de l’Assemblée nationale, peut-on reprocher de ne pas être ce qu’il n’est pas ? Ce projet de loi n’est pas, il est vrai, une réforme fiscale : un pacte de responsabilité et de solidarité a été instauré. Il n’est pas non plus une réforme des retraites : une telle réforme a été adoptée et d’autres le seront. Ne sombrons donc pas dans le bovarysme parlementaire, en reprochant à un texte déjà trop long de ne pas traiter de tout !

On lui reproche parfois de venir trop tard ; j’accepte nombre de reproches, mais convenez que je ne pouvais pas faire plus vite.

On lui reproche parfois d’être trop long. De fait, certains ont calculé que le total des heures pendant desquelles nous avons débattu au cours des dernières semaines représente quinze fois la durée moyenne d’examen d’un texte de loi. Pourtant, je pense que cette odyssée valait la peine d’être accomplie, parce que ce texte long a permis de porter sur nombre de questions un regard neuf.

Plusieurs ont qualifié le projet de loi de « libéral ». Peut-être a-t-il, en sortant du Sénat, une couleur autre que celle qu’il avait en y entrant : question de dosage ! Je crois surtout que son esprit consiste à réformer un grand nombre de secteurs de manière cohérente.

Si cette entreprise est nécessaire, c’est parce que, dans notre pays, nous avons trop souvent accepté que certains domaines ne fassent pas l’objet de réformes, que des dysfonctionnements s’installent et que certaines activités soient réglementées exclusivement pour celles et ceux qui en vivent, et parfois même par eux. Puis, quand des inégalités ou des difficultés survenaient, les gouvernements, de droite et de gauche, les corrigeaient a posteriori, généralement à coups de dépenses publiques.

La démarche qui fonde ce projet de loi consiste à revisiter, secteur par secteur, nombre de réglementations, de revoir beaucoup de droits installés, d’habitudes qui ont été prises, afin d’instaurer de nouveaux équilibres et de donner des droits à celles et ceux qui n’en ont pas, qui sont en dehors, qui n’ont pas accès à certaines opportunités. Il s’agit de reconnaître que, dans différents secteurs de notre économie et de notre société, l’accumulation de normes n’est pas toujours protectrice, ou du moins qu’elle protège certains en accroissant les barrières qui maintiennent d’autres dehors. Telle est la philosophie de ce texte.

On peut évidemment considérer que, dès lors que des règles sont supprimées, on agit en libéral. Peut-être… Reste que, lorsqu’une règle ne protège pas les plus faibles, mais empêche certaines initiatives, on a le devoir de s’interroger sur son bien-fondé.

Pour autant, je ne considère pas que toutes les règles soient inutiles. Je suis d’ailleurs en désaccord avec la suppression par le Sénat de certaines règles qui ont une portée régulatrice et une vertu sociale ; je souscris, sur ce point, aux propos de Jean Desessard. Il y a de bonnes règles, et c’est lorsqu’on les supprime que l’on passe de l’autre côté de la limite.

Supprimer les mauvaises règles et conserver les bonnes : c’est l’ambition de ce projet de loi, qui n’a pas encore atteint son état définitif.

Je crois que la méthode consistant à passer en revue, l’un après l’autre, les domaines de notre économie et de notre société nous a permis de ne pas être les otages des intérêts en présence, voire des ministères qui les défendent parfois, des habitudes administratives et politiques. Nous avons donc pu envisager certaines réalités d’une manière différente.

Il n’y a pas des secteurs qu’il faudrait réformer systématiquement et d’autres auxquels on n’aurait pas le droit de toucher. Sans doute y a-t-il là l’un de nos sujets de désaccord, car je considère que l’on peut et que l’on doit aller plus loin en ce qui concerne les professions réglementées ou la réforme du permis de conduire, plus loin encore s’agissant de la réforme des transports, comme le Sénat a décidé d’aller plus loin sur certaines réformes sociales.

Pour chaque réforme, nous devons nous poser cette question : jusqu’où faut-il aller pour accroître l’activité, pour engendrer de la croissance, tout en protégeant celles et ceux qui ont moins d’opportunités que les autres ? C’est en suivant cette démarche équilibrée que nous pourrons progressivement reconstruire le pays. Tel est l’esprit qui anime le projet de loi et dans lequel il a été examiné.

Au terme d’un débat au cours duquel nous avons abordé de nombreuses questions, nous avons des sujets d’accord et des sujets de désaccord. Si ce projet de loi était un tissu, ce ne serait pas le velours rouge sur lequel nous sommes assis, mais plutôt une moire, où chacun voit briller les couleurs qui lui conviennent. Une chose est sûre, en tout cas : il ne s’agit pas d’un tissu terne, et les débats l’ont montré !

De manière évidente, les équilibres du texte adopté par le Sénat ne sont pas ceux qui constitueront le texte final. Néanmoins, à n’en point douter, la version définitive du projet de loi, qu’elle résulte de la commission mixte paritaire ou des discussions parlementaires qui suivront, devra prendre en compte les débats qui se sont tenus au Sénat et les sensibilités qui s’y sont exprimées.

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