Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 12 mai 2015 à 14h30
Débat sur l'avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite de ce débat et remercie le groupe CRC de cette initiative, qui nous permet d’aborder, ensemble, des sujets fondamentaux pour l’industrie française.

En tant que parlementaires, nous devons en effet être conscients que l’avenir de cette filière, dont l’histoire est en réalité une véritable épopée, représente un enjeu majeur pour notre pays. Les enfants que nous étions ont grandi au rythme de la conquête spatiale ! Les derniers retentissements des connexions de la sonde Rosetta avec l’atterrisseur Philae nous rappellent que cette aventure, mondiale et européenne, ne peut être délaissée, même si les budgets nationaux sont en baisse.

L’agence spatiale américaine, la NASA, fut un marqueur incroyable de la puissance des États-Unis. Néanmoins, l’Europe, rappelons-le, n’est pas en reste. Depuis cinquante ans, elle est impliquée dans cette conquête, dont les retombées industrielles, économiques et scientifiques sont vitales pour toutes les filières civiles et militaires.

L’année dernière, l’Agence spatiale européenne, l’ASE, a fêté un demi-siècle d’existence. Les États membres financent 50 % des dépenses spatiales publiques en Europe, et nous gagnons des parts de marché dans les services liés aux lancements, aux satellites et aux télécommunications. La communauté scientifique européenne bénéficie d’une renommée mondiale et attire la coopération internationale. Les centres de recherche et d’innovation détiennent une crédibilité internationale indiscutable. Enfin, les opérateurs européens du secteur spatial comme de l’aéronautique affichent une belle réussite.

Pourtant, la concurrence est rude, nous le savons, et, en dépit des apparences, elle n’est pas nouvelle. Après une période d’assoupissement dans le domaine commercial, les États-Unis reviennent en force avec SpaceX, une entreprise soutenue par des commandes institutionnelles qui permettent d’offrir un véritable rapport qualité-prix. Les prix proposés dans ce cadre, précisément, rythmeront les deux décennies à venir et nous ont déjà obligés à réagir au niveau du secteur spatial européen. J’y reviendrai ultérieurement.

Après ce bref tour d’horizon international, je voudrais être plus concret et évoquer la dimension nationale. En effet, le secteur de l’aéronautique et du spatial est l’un des éléments de notre puissance.

Cette industrie duale constitue un moteur et un vecteur extraordinaire de croissance, que nous devons soutenir en dépit des restrictions budgétaires. Comme vous le savez, mes chers collègues, le secteur de la défense en est l’un des premiers investisseurs, comme partout ailleurs dans le monde. Nous savons parfaitement qu’Ariane n’aurait pas vu le jour sans les missiles balistiques. Les investissements militaires sont à l’origine des avancées technologiques et font souvent office d’aiguillon dans le domaine civil.

En 2014, le chiffre d’affaires total de l’industrie s’élève à 50, 7 milliards d’euros, dont près d’un tiers dans le domaine militaire. Le secteur est le premier contributeur de notre balance commerciale, avec 33, 1 milliards d’euros d’exportations et un niveau de commandes de 73 milliards d’euros, soit six années de production. Voilà un made in France qui fonctionne !

Ce savoir-faire est inestimable, et les bureaux d’études – on n’insistera jamais assez sur leur importance - doivent être alimentés. Il faut donc que la commande publique, notamment en matière de défense, soit au rendez-vous pour sauvegarder ces emplois hautement qualifiés, présents sur notre sol, le tout reposant sur un réseau de formation technologique et universitaire que nous devons absolument maintenir et faire fructifier.

S’agissant du domaine de la défense, il faut saluer les succès du Rafale à l’export, mais nous devons aussi préparer l’avenir et investir dans des projets innovants, comme l’avion du futur – le FCAS, pour Future combat aircraft system – et le drone de combat – Unmanned combat aerial vehicle, ou UCAV - avec les Britanniques. Nous devons aussi travailler avec les Allemands et les Italiens sur le drone de moyenne altitude et longue endurance, dit « drone MALE », européen, ainsi que sur les satellites optiques, radars et électromagnétiques.

Dans le domaine civil aéronautique et spatial, l’installation du siège d’Airbus à Toulouse et l’inauguration des nouveaux sites de Turbomeca et Thales en Aquitaine sont des gages contre la fracture technologique territoriale.

Le carnet de commandes d’Ariane 5, en attendant Ariane 6, le succès du dernier né d’Airbus, l’A-350, ou les commandes du nouvel avion d’affaires de Dassault, le Falcon 8X, montrent que nous restons parmi les leaders dans un secteur extrêmement concurrentiel.

En ce qui concerne Ariane 6 - sujet précédemment abordé - pour faire face à la concurrence de SpaceX et à ses prix d’appel, Airbus Defence and Space et Safran viennent de créer Airbus Safran Launchers. Les deux entreprises proposent, par ce biais, de s’engager industriellement et commercialement sur le développement d’Ariane 6 et d’assumer la responsabilité de l’ensemble du programme.

C’est certainement un « plus » indéniable, mais il faudra veiller, monsieur le secrétaire d’État, à ce que les capacités d’études et d’analyses du Centre national d’études spatiales, le CNES, ne soient pas diluées et perdues pour autant. En effet, cet institut est le pivot du secteur national de l’espace et le garant de son existence. De même, l’État doit réfléchir à la place qu’il entend donner à Arianespace dans cette nouvelle organisation.

Pour la défense, la recherche et développement en matière d’équipements est indispensable, et nous devons faire un effort supplémentaire. J’ai défendu cette position lors de l’étude et du vote de la dernière loi de programmation militaire ; je la défendrai encore en juin prochain, à l’occasion de son actualisation.

Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons être fiers de ce qui est réalisé dans le domaine aéronautique et spatial. Nous devons investir dans l’intelligence pour préparer le futur et faire en sorte que, demain, la France et l’Europe conservent leur place dans ce domaine essentiel.

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