Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que d’évolutions dans le domaine spatial depuis l’automne 2012, quand Bruno Sido, que je salue ici, et moi-même avons remis au nom de l’OPECST notre rapport sur l’avenir de la politique spatiale ! Ces évolutions ont concerné les lanceurs, les satellites et, surtout, la concurrence des low cost.
À l’époque, en matière de lanceurs, l’Europe et, au premier chef, la France hésitaient entre Ariane 5 ME et Ariane 6. Le premier projet, fortement soutenu par les industriels allemands et français, se proposait de faire évoluer notre actuelle fusée pour en faire un lanceur plus puissant et plus « versatile » grâce à un étage supérieur rallumable.
Le CNES militait, lui, pour un lanceur de nouvelle génération, modulable, qui pourrait régler le problème principal, à savoir l’obligation d’appairage de deux satellites à chaque lancement. Or, compte tenu du poids de ces derniers, qui a doublé en 20 ans, trouver deux opérateurs dont les satellites sont compatibles avec la capacité de la coiffe et le calendrier devient très difficile et, surtout, a un coût : quelque 120 millions d’euros par an !
Même si nous ne doutions pas de la volonté de l’Europe de garder cette autonomie d’accès à l’espace qu’avait voulue le général de Gaulle, nous étions moins sûrs qu’elle veuille et puisse financièrement continuer à soutenir deux projets concurrents en période de crise, tout en maintenant une lourde subvention d’exploitation.
Dix-huit mois après la difficile conférence ministérielle de l’European space agency, l’ESA, à Naples, les conclusions de celle de Luxembourg confirment que l’Europe ne peut pas courir après deux lièvres à la fois.
Sans devenir une fusée low cost, Ariane 6 doit s’en rapprocher si elle veut conserver une part importante du marché commercial des satellites. Je ne puis m’empêcher de regretter que les inquiétudes que Bruno Sido et moi-même avions soulevées quant à la part que pourrait prendre le nouvel intervenant américain SpaceX n’aient à l’époque pas été prises au sérieux. La condescendance à l’égard d’un modèle de fusée considéré comme simpliste a sans doute retardé la prise de conscience que le prix d’un lancement serait bientôt plus important pour un opérateur que la technologie utilisée.
La première version d’Ariane 6 était fondée sur deux étages à poudre. La version retenue à Luxembourg possède un moteur d’étage principal cryogénique, pour satisfaire les industriels. Est-ce vraiment pour se rapprocher de ces objectifs low cost que le système de propulsion est si différent de celui qui avait été présenté comme intangible par le CNES et l’ESA, ou est-ce le poids des industriels, dorénavant réunis dans la joint-venture, qui a fait plier la direction des lanceurs du CNES ?