Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 12 mai 2015 à 14h30
Débat sur l'avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, moi aussi, à remercier le groupe CRC d’avoir demandé l’organisation de ce débat.

Mon intervention portera sur la contribution des territoires ruraux au développement de l’industrie aéronautique, et mon point de vue sera développé à partir des réalités de mon département, le Gers, dont quinze PME, employant 1 600 salariés, font, entre autres entreprises, partie de la chaîne des fournisseurs d’Airbus. Ils ont pour noms Latécoère, Lauak, Cousso, etc.

Ce constat, qui vaut non seulement pour le Gers, mais aussi pour d’autres départements de Midi-Pyrénées, permet de mesurer combien est importante la manière dont Airbus et l’aéronautique en général irriguent l’ensemble des territoires ruraux de cette région.

Cette situation est aussi emblématique des coopérations à caractère économique qui peuvent être instaurées entre la métropole et les territoires ruraux qui lui sont associés. Autrement dit, l’aéronautique démontre en Midi-Pyrénées, avec Airbus, que la dynamique industrielle localisée sur la métropole sert le développement économique, social et territorial du reste de la région.

Cette réalité procède d’une logique économique qui sert également l’industrie mère. Cela s’explique par plusieurs facteurs, que je veux ici évoquer.

Tout d’abord, du point de vue de l’entrepreneur, il y a de réels avantages comparatifs : le coût de l’immobilier d’entreprise est très sensiblement inférieur dans les départements ruraux à ce qu’il est en métropole ; la productivité du salariat est liée à la qualité de vie en milieu rural ; le turn-over des personnels est sensiblement inférieur à celui des entreprises de la métropole, ce qui entraîne une plus grande fidélisation et facilite le management.

Ensuite, du point de vue du salarié, on relève un coût de la vie en zone rurale très sensiblement inférieur à ce qu’il est en métropole et une qualité de vie n’ayant rien à envier à celle des métropolitains.

Tous ces éléments contribuent à la performance de la chaîne des fournisseurs et servent la compétitivité de l’ensemble de la filière.

À partir de ce constat, plusieurs questions doivent être posées et traitées. À quelles conditions peut-on garder ces entreprises sur ces territoires ruraux et les voir se développer encore davantage ? Quelles sont les conditions à remplir ou les processus à engager pour en accueillir d’autres, dans le contexte annoncé de forte croissance d’activité, estimée au niveau mondial à 5 % par an pendant les dix ans à venir ?

Sans prétendre à l’exhaustivité, je soumets à notre débat quelques pistes d’amélioration.

En ce qui concerne les entreprises elles-mêmes, il faut aider leur structuration, parfois leur rapprochement, pour les faire accéder à des tailles critiques suffisantes de type ETI, permettant de fiabiliser la production en qualité et en délais, d’accéder plus facilement au financement des stocks de matière première, du besoin en fonds de roulement, ou BFR – celui-ci augmente, on le sait, avec le volume des commandes – et des investissements de production.

Aujourd’hui, je le rappelle, l’investissement moyen par machine dans ce secteur d’activité est de l’ordre de 1, 3 million d’euros. Au passage, je me demande si notre pays n’est pas en train de prendre un retard préjudiciable dans le domaine de l’impression en trois dimensions, ou 3D, qui va constituer, en soi, une révolution technologique.

C’est dans les moments favorables du cycle économique – nous y sommes ! – que l’avenir se prépare. L’État stratège que nous appelons de nos vœux doit aussi faciliter l’accès au crédit bancaire des PME et des ETI sous-traitantes localisées en milieu rural.

En résumé, sur ce point, la question du financement de leur bas de bilan est aujourd’hui problématique dans la perspective des programmes A320 et A350 qui seront à honorer dans les années prochaines. C’est une réelle difficulté pour nos PME, et je souhaiterais que vous nous indiquiez, monsieur le secrétaire d’État, la position du Gouvernement.

En ce qui concerne les personnels, les pistes de progrès pourraient consister à renforcer l’attractivité de ces métiers pour les jeunes, à traiter l’accueil des stagiaires, qui pose, entre autres, la question de l’habitat, à adapter la formation aux techniques émergentes par la formation continue, notamment, comme par la voie de l’apprentissage qu’il faut développer jusqu’au plus haut niveau de qualification – on le sait, c’est un point faible de notre pays.

Pour conclure provisoirement sur ce thème, dans cette filière européenne, Airbus est une fierté et une chance pour la France, pour la métropole de la région Midi-Pyrénées, mais aussi pour ses territoires ruraux. Comme le dit à juste titre un responsable d’Airbus, « il ne faut pas voir les territoires ruraux comme des lieux de low cost, mais bien plutôt de best cost ».

Depuis de nombreuses décennies, la très forte productivité agricole affecte profondément la démographie des territoires ruraux, créant les difficultés que l’on sait pour maintenir les services publics, et la vie tout court, sur ces territoires. La sous-traitance aéronautique peut leur permettre d’opérer une transition vers le secteur industriel, créateur d’emplois et producteur de valeur ajoutée. Il ne s’agit pas de jouer l’un ou l’autre, l’industrie ou l’agriculture, mais bien entendu l’un avec l’autre, au bénéfice des deux et de tout le territoire, sans dégradation aucune de l’environnement et en concourant aux objectifs de transition énergétique et de croissance verte que notre pays s’est fixés.

À la lumière de l’expérience, gersoise par exemple, voyons l’avenir positivement ! La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République nous donnent le cadre institutionnel et les outils pour penser l’aménagement économique des territoires ruraux. L’élaboration prochaine des schémas régionaux de développement économique devra se faire avec tous nos partenaires industriels, Airbus en premier lieu, et les sous-traitants de nos territoires.

Aucune fatalité ne condamne les territoires ruraux à vivre de plus en plus, le temps passant, sous perfusion de métropoles qui concentrent toujours plus la croissance économique de notre pays ; Airbus et sa sous-traitance aéronautique en font la démonstration. Sachons donc, avec nos partenaires industriels, l’État et les collectivités locales, saisir les occasions de développement qui se présentent à nous !

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