De cette augmentation du trafic aérien découlera un accroissement de la flotte, évaluée à environ 30 000 appareils sur cette période, qui profitera très majoritairement au duopole Airbus-Boeing, au moins jusqu’en 2030, compte tenu de la faible maturité de la concurrence émergente.
Pour la France, disposer sur son territoire de l’un des deux seuls acteurs mondiaux du secteur est une véritable chance. Servir le marché mondial permet de capter de manière directe et durable les effets de la croissance économique des zones les plus dynamiques pour en faire bénéficier des implantations industrielles situées sur notre territoire national.
Au-delà de cette conjoncture durablement favorable, la France peut être fière d’être le seul pays au monde, avec les États-Unis, à disposer sur son territoire d’une filière aéronautique complète, riche de très grands constructeurs comme Airbus ou Dassault, bien sûr, mais également d’un ensemble d’équipementiers et grands groupes, comme Zodiac, Safran ou Thales, pour ne citer que ceux-ci, ainsi que d’entreprises de taille intermédiaire et de PME, qui maîtrisent l’ensemble des compétences nécessaires à la définition et à la construction d’un aéronef.
L’aéronautique reste une industrie essentiellement technologique. Dans un avion, le moindre élément structural et la moindre fixation sont poussés à la limite de la technologie. L’exigence d’innovation y est totale, comme celle de qualité et de fiabilité des productions. C’est cette exigence technologique qui est aujourd'hui le meilleur remède aux tentatives de délocalisation. La France propose à toute sa filière, et particulièrement aux PME, l’accompagnement adapté leur permettant de progresser.
S’il convient de rester extrêmement vigilant sur les transferts d’activité, il faut souligner que certains d’entre eux répondent à une véritable logique stratégique. L’exemple du partenariat qu’Airbus a bâti avec la Chine montre à cet égard que des schémas véritablement « gagnant-gagnant » peuvent être bâtis avec des pays majeurs, représentant les principaux marchés de demain.
Grâce à sa coopération avec la Chine, notamment grâce à l’installation d’une chaîne d’assemblage d’A-320 à Tianjin, en 2008, la part de marché d’Airbus en Chine est rapidement passée de 25 % à 50 %, ce qui veut dire que 70 % des avions vendus en Chine ces dernières années ont été des Airbus. Airbus réalise désormais en Chine plus de 20 % de ses ventes totales – quelque 133 avions ont été livrés en 2013 en Chine, sur un total de 626 au niveau mondial.
L’industrie spatiale française, quant à elle, est au meilleur niveau européen et mondial grâce aux efforts consentis par l’État depuis les années soixante, ce soutien ne s’étant jamais démenti depuis lors. Notre industrie spatiale est forte des trois grands groupes que sont Airbus Defence and Space, Thales Alenia Space et Safran, auxquels s’ajoute un tissu de PME et d’entreprises de taille intermédiaire.
La viabilité financière de l’ensemble repose sur un équilibre. La moitié de l’activité de l’industrie spatiale européenne provient des contrats avec des sociétés privées et de l’export.
Au contraire des États-Unis, le marché institutionnel national ou européen ne peut à lui seul assurer à la fois les développements nécessaires, le maintien des compétences clefs et les cadences de production indispensables au maintien des coûts et de la qualité. C’est vrai pour les lanceurs comme pour les systèmes orbitaux.
Dans l’ensemble de la filière aéronautique et spatiale, la décennie en cours doit voir le renouvellement de produits absolument stratégiques pour chacune des gammes des industriels français.
Ces programmes constitueront le moteur de l’activité de toute la filière aéronautique : Airbus A-350, Airbus A-320neo remotorisé, hélicoptères X4 et X6 pour Airbus Helicopters, moteur LEAP-X pour Snecma, évolution de la gamme Falcon de Dassault Aviation. Ces programmes jouent le rôle de locomotives, qui entraînent in fine la majeure partie de l’activité de la filière.
Concernant le spatial, les marchés à l’export sont indispensables à l’équilibre de l’ensemble du secteur européen, tant pour les lanceurs que pour les systèmes orbitaux.
La compétitivité de notre industrie sur la scène internationale est donc un enjeu central, à la fois pour l’existence même de cette industrie et pour la souveraineté de l’Europe dans ce domaine. Or la concurrence internationale a amorcé ces dernières années une très forte évolution, avec l’arrivée de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles économiques.
Ces nouveaux acteurs, issus de l’économie numérique, sont SpaceX et des sociétés comme Google et Apple, qui disposent de capacités massives d’investissement du fait de niveaux de capitalisation et de trésorerie exceptionnels, très supérieurs au reste de l’industrie, ainsi que d’une culture de rupture dans les technologies et dans les modèles économiques.
Ils commencent aujourd'hui à investir dans les services de lancement, de communication internet par satellite, d’observation de la Terre avec des projets qui se démarquent fortement par rapport à l’existant – simplification radicale du lanceur pour SpaceX, constellation d’un millier de petits satellites pour Google-SpaceX et OneWeb-Virgin. Ils ont le soutien de la NASA et de la défense américaine.
Face à cette forte rupture contextuelle, le maintien du statu quo dans le modèle national conduirait rapidement notre industrie à s’étioler, puis à disparaître.