La crise entamée en 2008 se poursuit selon un scénario encore plus catastrophique, laissant la filière dans une impasse. Dans le département du Morbihan – dont vous êtes également les élus, chers Odette Herviaux et Michel Le Scouarnec –, premier département français en termes de surfaces concédées, 40 entreprises ont mis la clef sous la porte depuis 2006.
Face aux surmortalités des juvéniles, la profession n’a eu d’autre choix que d’intensifier encore la production : multiplication des collecteurs de naissains, multiplication du naissain d’écloserie, mise en élevage de lots de plus en plus nombreux d’huîtres triploïdes, surcharge des parcs. On aboutit actuellement à une surproduction – un paradoxe ! –, pourtant bien inférieure à la production d’avant 2008, et donc à une baisse dramatique des cours, qui sont soumis aux diktats de la grande distribution.
Nous assistons notamment à un engorgement des stocks d’huîtres de gros calibre, qui sont difficilement commercialisables, et déséquilibrent le marché, principalement en raison des huîtres triploïdes non vendues pendant l’été.
Au-delà des problèmes de production et de commercialisation, les ostréiculteurs deviennent de plus en plus dépendants des écloseries, à l’image des agriculteurs au regard des semenciers. La production de triploïdes relève bien de cette logique de privatisation du vivant, maintes fois abordée dans cet hémicycle.
Quant aux ostréiculteurs ayant choisi de poursuivre la culture de l’huître traditionnelle – il y en a ! –, s’ils sont moins affectés par la crise des mortalités, ils subissent à la fois la concurrence déloyale due à la commercialisation plus rapide des huîtres triploïdes et l’effondrement des cours.
D’un point de vue purement socio-économique, nous voyons bien que la profession paie aujourd’hui un lourd tribut à cette révolution biotechnologique, dont les conséquences n’ont pas été anticipées ou ont été pour le moins sous-évaluées.
J’en viens aux conséquences environnementales de l’exploitation des huîtres triploïdes. Celles-ci devraient retenir toute notre attention à quelques semaines de l’examen dans notre hémicycle du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Les huîtres triploïdes ne sont pas des OGM, des organismes génétiquement modifiés : ce sont des OVM, des organismes vivants modifiés.
Jean-Patrick Le Duc, délégué aux relations internationales du Muséum national d’histoire naturelle, s’exprimait en ces termes dans une interview accordée à l’hebdomadaire Le Point en 2012 : « Aujourd’hui, [les OVM] ne sont pas assez évalués ni encadrés alors que l’on n’a aucun recul. Les cas des huîtres triploïdes ou du saumon transgénique [...] sont emblématiques : on les a introduits massivement au risque de déséquilibrer complètement les écosystèmes, sans appliquer le principe de précaution. [...] l’huître triploïde constitue un danger pour la biodiversité et l’hécatombe ostréicole qui sévit depuis 2008 pose la question de la fragilité de ces organismes modifiés. » Tout est dit, ou presque...
La généralisation de ces mollusques stériles entraîne un risque non négligeable d’affaiblissement du patrimoine génétique des huîtres et ainsi de leur résistance aux bactéries et aux virus, du fait des sélections intensives qui sont réalisées.
Quant aux risques de contamination du milieu, ils ont longtemps été occultés, mais ils sont réels. Les huîtres triploïdes sont en théorie stériles. En pratique, qu’en est-il ? La fertilité des triploïdes de seconde génération, huîtres issues du croisement entre des géniteurs tétraploïdes mâles et des femelles diploïdes, a tout de même été estimée à 13, 4 % par l’IFREMER !
Face à l’inquiétude grandissante de la profession sur ces questions, l’État a désigné en 2009 un groupe d’experts pour examiner cette question de l’impact écologique. Dans son rapport, M. Chevassus-au-Louis relativisait le risque, mais appelait à la biovigilance.
Qu’en est-il aujourd’hui de cette biovigilance ? Les conditions de sécurité sont-elles optimales ? Un contrôle efficace et rigoureux est-il réalisé à chaque rouage de la filière ? Autant de questions que l’on doit se poser !
J’aborderai très rapidement la question de l’usage des antibiotiques. Un reportage récemment diffusé sur France 5 révèle que les antibiotiques sont encore utilisés par les écloseries, dans un manque total de transparence vis-à-vis des ostréiculteurs.