Cette huître ne se trouve pas à l’état naturel dans le milieu. Elle est obtenue par un croisement naturel entre un individu diploïde et un individu tétraploïde. Ses gènes ne sont donc pas modifiés. De nombreux aliments que nous consommons régulièrement possèdent eux aussi plusieurs génomes de base.
Concernant les risques de contamination de l’environnement, je souhaite revenir sur quelques réalités scientifiquement reconnues.
La triploïdie perturbant fortement la formation des cellules sexuelles, elle entraîne une réduction de la fertilité. Et s’il est attesté depuis plusieurs années que les huîtres triploïdes peuvent parfois produire des gamètes en très faible quantité, rien ne permet à ce jour d’établir une reproduction dans le milieu naturel, comme l’a indiqué Bernard Chevassus-au-Louis dans son rapport en mai 2009.
Ces éléments viennent confirmer les conclusions du précédent rapport de M. Chevassus-au-Louis daté de 1998 et sont de nature à rassurer les plus sceptiques. Il considérait à l’époque qu’un échappement accidentel, même massif, serait insuffisant pour entraîner l’éventuel développement d’une population de tétraploïdes et que la mise en place d’une biovigilance était suffisante pour le détecter et mettre fin si nécessaire à l’utilisation de tétraploïdes par les écloseries.
De surcroît, les quelques centaines de reproducteurs tétraploïdes fournis par l’IFREMER aux écloseries sont anecdotiques par rapport au stock de reproducteurs diploïdes présent dans les bassins de production.
Les recherches qui y ont été effectuées ont toujours montré l’absence de reproduction de l’huître triploïde et d’individus triploïdes ou tétraploïdes dans le milieu naturel. À cet égard, le rapport du réseau Biovigilance réalisé à la suite de la campagne scientifique de 2012 visant à mesurer le niveau de ploïdie des naissains d’huîtres creuses captés dans les pertuis charentais, le bassin d’Arcachon et la baie de Bourgneuf confirme que, comme pour les autres années, « les analyses ne mettent pas en évidence la présence d’animaux polyploïdes, triploïdes, et a fortiori tétraploïdes, dans les naissains issus du captage naturel ».
Le bon sens commanderait peut-être de ne consommer que des produits de saison, mais il serait vain de vouloir empêcher nos concitoyens, qui en général n’aiment pas les huîtres dites « grasses », de déguster des huîtres toute l’année. Préférons-nous donc importer plus de produits étrangers ou maintenir des activités productives et des emplois sur nos façades littorales ? Cette question ne peut être balayée d’un revers de la main. Pour rappel, les importations d’huîtres ont enregistré une progression croissante de 168 % entre 2006 et 2010.
Pour autant, et je suis d’accord avec ce qui a été dit tout à l’heure, il serait dangereux d’ignorer les attentes citoyennes en matière de traçabilité, ainsi que les exigences des consommateurs sur la provenance et la qualité des produits alimentaires qu’ils consomment.
Il n’est ainsi pas compréhensible qu’il ait fallu attendre 2010 pour contrôler les écloseries afin de prévenir la diffusion des agents pathogènes. Cependant, il est bon de rappeler que l’IFREMER n’avait pas en charge la politique des écloseries, ni celle du contrôle sanitaire, et encore moins le pouvoir de contrôler les politiques de vente de naissains, même si le rapport d’expertise judiciaire d’avril 2014 de Jean-Dominique Puyt pointe de sa part des « défauts de surveillance, de prophylaxie sanitaire et d’informations apportées à la profession ostréicole ». L’évaluation de l’IFREMER par l’AERES, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, en août 2009 a également mis en lumière un défaut de travaux dans le domaine de l’épidémiologie, notamment en ce qui concerne les infections virales herpétiques.
J’ai souvent tiré la sonnette d’alarme, monsieur le secrétaire d’État, en particulier lors des débats budgétaires, sur les moyens et la stratégie de l’État en matière de connaissance des milieux marins et de prévention des risques. Ces constats inquiétants doivent conduire à revoir les priorités et à allouer les ressources nécessaires au bon fonctionnement de services essentiels pour l’emploi et pour l’environnement. Une forme de transparence devra aussi être trouvée sur les transferts interbassins et interzones afin de faciliter à l’avenir l’identification rapide de tout nouvel agent pathogène. J’en veux pour preuve l’article paru dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Le Marin.
Nous devons apporter des réponses concrètes à ces problèmes, car l’ostréiculture demeure extrêmement vulnérable face à l’émergence de pathogènes nouveaux.
Comme d’autres, M. Chevassus-au-Louis rappelle ainsi l’étroite corrélation « entre les paramètres climatiques endurés par les huîtres au cours de l’hiver de l’année n-1 et les mortalités subies à l’année n », des évolutions auxquelles il faut associer l’acidification des océans. La richesse trophique des milieux et la reconquête de la qualité des eaux demeurent aussi une exigence et une urgence de premier ordre, tant les pollutions chimiques ou microbiologiques favoriseraient l’hypodiploïdie.
Il nous faut aussi favoriser la pérennité des exploitations et encourager les signes de qualité, dont les avantages comparatifs doivent faire l’objet d’une communication spécifique et d’une pédagogie appropriée.
Monsieur le secrétaire d’État, je crois beaucoup plus aux messages positifs et à la force de l’exemple qu’à la stigmatisation, d’autant que les professionnels ne souhaitent pas de moratoire, car il pourrait fortement compromettre la viabilité de la filière en la déstabilisant brutalement. Au contraire, il nous paraît essentiel d’encourager le développement de signes officiels de qualité dans le cadre d’une démarche volontaire afin de permettre aux professionnels de répondre efficacement aux attentes des consommateurs.
Nous disposons d’outils concrets pour y parvenir et structurer une offre hautement qualitative et écoresponsable, notamment dans le cadre du FEAMP, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche.
Malgré tout, monsieur le secrétaire d’État, je conclurai mon intervention sur une note plus optimiste en saluant un certain nombre d’expérimentations en cours sur l’ensemble de notre territoire visant à valoriser la filière et à réduire les mortalités. Nous voulons et nous devons encore croire en l’avenir de l’ostréiculture !