Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 12 mai 2015 à 14h30
Risques inhérents à l'exploitation de l'huître triploïde — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’a fort opportunément rappelé Odette Herviaux, la production ostréicole est l’une de nos fiertés nationales. C’est aussi, malheureusement, une filière qui connaît régulièrement de grandes difficultés, et sur laquelle nous devons veiller avec une attention toute particulière.

De 1996 à 2007, la production nationale se chiffrait entre 130 000 et 140 000 tonnes par an. En 2008, elle a chuté à 80 000 tonnes, du fait de l’apparition d’un variant de l’herpès virus de l’huître s’attaquant aux coquillages juvéniles puis d’une bactérie décimant les huîtres creuses adultes. En 2012, pour la première fois depuis cette crise, les résultats nationaux ont repassé la barre des 100 000 tonnes ; cette tendance s’est confirmée en 2013.

Pourtant, selon le Comité national de la conchyliculture, cette embellie est trompeuse car, si les ostréiculteurs se sont adaptés pour tenter de stabiliser la situation, leurs stocks sont à zéro et des risques pèsent sur leur trésorerie et leurs investissements. L’État n’a pas abandonné les ostréiculteurs, puisque l’exonération des redevances domaniales est en place depuis plusieurs années, et que le Fonds d’allégement des charges, dont la dotation a été augmentée, a vu ses missions renforcées.

L’IFREMER s’est saisi du problème. L’une de ses missions est en effet d’améliorer les souches d’huîtres françaises et de trouver des souches d’huîtres résistantes aux maladies. Il a ainsi mis au point en 1997 une huître possédant non pas deux chromosomes, comme l’huître diploïde, dont chaque chromosome est apparié avec son homologue, mais trois chromosomes. Cette huître est donc appelée triploïde. Il n’est pas inutile de rappeler, comme l’ont fait d’autres orateurs, qu’elle n’est pas un organisme génétiquement modifié.

En France, les huîtres triploïdes sont commercialisées depuis quinze ans, et elles représentent actuellement environ 30 % des huîtres vendues. Elles présentent essentiellement deux intérêts majeurs, l’un pour les consommateurs et l’autre pour les producteurs. La principale différence entre les huîtres diploïdes et les huîtres triploïdes est la stérilité des huîtres triploïdes. De ce fait, elles ne sont pas laiteuses – ni donc boudées par les consommateurs – en été, au moment de la production de gamètes. Leur second intérêt est également une conséquence de leur stérilité. Dans la mesure où elles ne dépensent pas d’énergie pour la reproduction, elles poussent donc plus vite que les autres : leur cycle de production est de deux ans au lieu de trois.

Enfin, les huîtres triploïdes seraient plus résistantes, selon les données fournies par l’IFREMER : en moyenne, la mortalité de mai à juillet se situe entre 50 % et 70 % dans les élevages d’huîtres diploïdes, alors que, dans les mêmes conditions d’élevage en milieu naturel, les huîtres triploïdes présentent une mortalité globale de l’ordre de 10 %.

Malgré ces avancées, qui semblent positives pour la profession, l’huître triploïde a des détracteurs. L’un des éléments de discorde est la modification de l’huître en laboratoire. Je tiens à rassurer les consommateurs sur ce point : dès la commercialisation de l’huître triploïde, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a conclu, dans un avis rendu en 2001, que, concernant les risques potentiels de ce nouveau produit, « le caractère polyploïde des huîtres ne [paraissait] pas constituer en lui-même un facteur de risque sanitaire au regard de l’existence de ce phénomène à l’état naturel dans les règnes animal et végétal ». Elle ajoutait que « les huîtres triploïdes [étaient] consommées depuis de nombreuses années sans qu’aient été rapportés d’incidents liés à leur consommation ».

Pour autant, afin d’assurer l’entière information des consommateurs, je me permets d’évoquer le souhait d’un étiquetage des huîtres exprimé par de nombreux comités régionaux de la conchyliculture. Selon le Comité national de la conchyliculture, l’absence de réglementation spécifique aux huîtres triploïdes est logique, car elles ne sont pas considérées comme un « nouveau produit ». Cependant, si la Société atlantique de mariculture indique bien, sur les lots de naissains qu’elle vend, le caractère triploïde ou non des huîtres, cette information est absente des étals des commerçants. Il serait donc souhaitable de préciser aux consommateurs si les huîtres sont nées en mer ou en écloserie.

La demande d’étiquetage est formulée depuis de nombreuses années par l’association « Ostréiculteur traditionnel », qui défend l’huître née en mer. Toutefois, plutôt qu’une obligation, l’encouragement à l’étiquetage, en vue d’une généralisation, qui serait moins lourd à mettre en œuvre, peut assurer un haut niveau d’information aux consommateurs. C’est vers cette idée que je me dirigerai.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite par ailleurs connaître votre position face à la polémique qui agite les producteurs ostréicoles ces derniers temps, tout particulièrement depuis que cette association a saisi, en octobre dernier, le tribunal administratif de Rennes.

Ladite association accuse l’IFREMER d’avoir découvert le virus en écloserie en 1991 et de n’avoir rien fait pour en stopper la progression.

Il est donc indispensable d’y voir plus clair sur ce sujet. À cette fin, pouvez-vous nous détailler l’ensemble des missions menées par l’IFREMER, afin d’éteindre, si possible, cette polémique ?

Enfin, mes chers collègues, je tiens à insister sur l’importance du secteur ostréicole pour notre économie, en particulier pour nos territoires littoraux.

Depuis 2008, la mortalité des huîtres de moins d’un an affecte 60 % à 90 % de la production dans la plupart des sites ostréicoles français.

Des recherches ont démontré que cette hécatombe n’était pas entièrement due au variant de l’herpès virus de l’huître, que j’ai évoqué au début de mon intervention. Ces mêmes recherches indiquent que ce phénomène a pu être accentué par des facteurs environnementaux, comme la pollution et l’utilisation de produits chimiques, l’élévation de la température de l’eau de mer ou des concentrations plus fortes des jeunes huîtres dans les parcs. L’ensemble de ces facteurs ont pu concourir à affaiblir les huîtres du milieu naturel.

Nous devons rassurer la profession et garantir le maintien de la compétitivité des entreprises françaises ostréicoles, dont la production figure au premier rang européen.

Cette action doit se traduire par le soutien aux investissements productifs, la promotion de l’innovation et le renforcement de la qualité des produits.

Notre collègue Joël Labbé a posé, à très juste titre, un ensemble d’interrogations.

Monsieur le secrétaire d’État, vous devez apporter les explications qui s’imposent, rassurer et convaincre à la fois les producteurs et les consommateurs, dans un esprit avant tout rationnel et empreint d’objectivité. Je sais pouvoir compter sur vous pour le faire.

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