On nous disait : « Vous allez faire couler l’ensemble de la profession ! » Il faut pourtant regarder le problème en face, sans accuser personne. Des procédures existent pour cela, qui ne sont pas de notre ressort. En revanche, il nous revient de soulever la question et de rendre le débat public, afin de parvenir à des décisions politiques. Ainsi, nous sommes dans notre rôle.
Nous n’entendons ni stigmatiser une profession ni griller les étapes pour prendre des décisions à la volée. Ce que nous voulons, c’est que les choses soient dites et que nous parvenions à travailler avec la profession. Celle-ci ne peut pas décider seule et attendre que les politiques suivent : nous devons travailler ensemble. La profession réunit des acteurs divers : les écloseurs, l’IFREMER, les ostréiculteurs, dont certains revendiquent de travailler de manière traditionnelle et sont regroupés au sein de l’Association Ostréiculteur traditionnel, et le Comité national de la conchyliculture, qui représente l’ensemble de l’ostréiculture. Beaucoup d’ostréiculteurs travaillent à la fois avec des naissains naturels et des naissains d’écloserie.
Une des bases de ces travaux devrait être la transparence vis-à-vis des consommateurs. On ne peut plus dire : « Après tout, les consommateurs n’ont pas besoin de savoir car ces produits ne les rendront pas malades. » Le consommateur est de plus en plus exigeant, et c’est une bonne chose.
On m’objectera que si le consommateur a envie de manger des huîtres l’été, on ne l’en empêchera pas. Il faut pourtant que le consommateur sache que la production d’huîtres connaît une saisonnalité, tout comme d’autres productions, d’ailleurs. S’il ne mange pas d’huîtres l’été, il pourra toujours manger autre chose, y compris certains fruits de mer consommables en cette saison.
Un aspect extrêmement important de ce problème est la volonté de chacun de privilégier la compétitivité et la croissance, et de poursuivre l’impératif absolu du développement, quels que soient les dégâts collatéraux. Sans accuser personne, de tels dégâts ont déjà eu lieu dans le secteur conchylicole : certaines écloseries ayant dû fermer leurs portes, nombre de personnes se sont retrouvées durablement au chômage, ce qui est fort regrettable.
On nous pose une autre question sur les conséquences de l’introduction dans le milieu d’huîtres triploïdes plus vulnérables à la bactérie en cause que les huîtres naturelles : cette introduction favorise-t-elle la contamination des autres huîtres adultes par cette bactérie ? La réponse dépend sans doute d’un rapport de force, mais n’étant pas scientifique, je ne me lancerai pas dans une explication scientifique.
En revanche, j’ai tenu à entendre des experts pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre. À les écouter, la question est très complexe : à dire vrai, les scientifiques eux-mêmes n’ont pas de réponse toute faite. Le problème majeur, comme il a été dit à plusieurs reprises, et encore dans mon propos initial, est le manque d’évaluations de l’impact sur le milieu naturel à moyen terme et long termes. Ces études n’ont pas été faites parce que, là encore, on n’a pas pris le temps, obsédé qu’on était par le progrès et la croissance : on verra bien plus tard, on se débrouillera…
Il est temps aussi d’en finir avec cette mentalité. Je suis un élu généralement impatient, vous l’aurez compris. Quand on m’interpelle en me demandant : « Qu’attendez-vous donc ? », je me pose la même question.
Heureusement, nous jouissons de l’initiative parlementaire par le biais de propositions de loi, mais aussi de la possibilité d’organiser des colloques, qui sont autant de temps forts pour faire entendre les gens qui ont à s’exprimer.
Je vous donne rendez-vous, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 10 juin, pour un colloque organisé au Sénat. Nombre d’acteurs du débat interviendront à la table : les ostréiculteurs traditionnels, qui sont demandeurs d’étiquetage ; le Comité national de la conchyliculture, qui représente la profession ; l’IFREMER ; les écloseurs ; les scientifiques, qu’ils soient spécialistes du milieu naturel littoral ou de l’huître elle-même ; enfin, les consommateurs, lesquels, comme je le disais, ont eux aussi leur mot à dire.
Je n’ai pas encore décidé comment au mieux prolonger ce débat : ce pourrait être par une proposition de loi, par une résolution européenne, qui pourrait s’avérer nécessaire sur la question de l’étiquetage, ou encore par des amendements au projet de loi relatif à la biodiversité. Il faudra en tout cas prendre le chemin de la clarification et de la réduction des risques : on n’a pas le droit de faire prendre des risques aux milieux naturels. Tout le monde y gagnera, la profession en premier.
Pour conclure, je veux vous remercier de la tenue de ce débat et vous donner des rendez-vous successifs. En effet, monsieur le secrétaire d’État, vous avez donné la balle aux parlementaires. Eh bien, que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques se saisisse aussi de la question, c’est une très bonne chose. Ainsi, nous pourrons avancer en toute transparence dans le bon sens.