De surcroît, quand un rapport est adopté à l’unanimité, on s’attend à ce que le travail positif qui a été mené soit défendu de façon enthousiaste et avec conviction. Je récuse cependant toute autosatisfaction. Le sujet est trop grave pour cela. La menace est terrible et nous concerne tous.
La commission d’enquête créée par le Sénat aurait évidemment pu procéder à davantage d’auditions et écrire un rapport plus volumineux. Néanmoins, je suis frappé de l’intérêt qu’il suscite. Nous en sommes déjà à la cinquième réimpression, ce qui est assez rare ; cela prouve que le sujet intéresse tout le monde.
Dois-je reprendre tout ce qui figure dans ce rapport ? Dans le temps qui m’est imparti, c’est absolument impossible, car nous avons essayé d’embrasser l’ensemble du sujet. Certes, nous n’avons pas approfondi la question des statistiques ethniques ou de la loi informatique et libertés, qui me passionne, mais il était impossible de développer tous les points. L’important, c’est de ne pas avoir fait d’impasse sur les six axes majeurs autour desquels s’articulent les propositions.
En matière de prévention, par exemple, nous proposons de renforcer les moyens du Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation pour parvenir à un service fonctionnant 24 heures sur 24 et de lancer une campagne de communication visant à faire connaître cet organisme. Il est en effet essentiel que tous les Français puissent faire les signalements nécessaires et disposent d’une plateforme d’écoute.
La déradicalisation n’est pas un processus simple – j’ai participé à de nombreux colloques sur cette question. Un contre-discours ne suffit pas pour faire basculer des convictions et enlever les choses terribles que certaines personnes ont dans la tête. Quand on sait que des centaines, voire des milliers de personnes se préparent à partir, sont déjà sur place ou sur le chemin du retour, on mesure à quel point le travail à réaliser est immense. À cet égard, les cellules de veille préfectorales sont essentielles. Les nombreux maires que nous avons auditionnés, comme le maire de Lunel, qui n’avait pas encore été contacté par les services de l’État, ont souligné l’importance d’un échange d’informations avec la préfecture. Il est surtout nécessaire de désigner un référent chargé de suivre les personnes en voie de radicalisation et de dialoguer avec elles.
En matière de prévention, on pourrait encore évoquer de nombreux autres sujets. Concernant les services antiterroristes, nous faisons ainsi des propositions très précises pour ce qui est du renseignement pénitentiaire. S’agissant du rapport entre la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, et le Service central du renseignement territorial, le SCRT, vous connaissez parfaitement le problème, monsieur le ministre, et vous savez les moyens qui leur sont nécessaires. Les propositions n° 27, 28, 29 et 30 concernant les moyens des services de renseignement vont tout à fait dans le sens du projet de loi relatif au renseignement et suivent les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Pour contrer le djihad médiatique, nous proposons de renforcer les moyens de l’Office central de lutte contre la criminalité et de PHAROS – la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements. Nous proposons également de sanctionner la copie et la diffusion de certains contenus, de pouvoir signaler l’apologie des actes de terrorisme sur internet en un seul clic, de lutter contre les cyber-paradis. Nous faisons aussi des propositions concernant la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
Pour tarir le financement du terrorisme, nous proposons notamment de renforcer les moyens de TRACFIN, qui compte aujourd’hui quinze équivalents temps plein affectés à la lutte contre le financement du terrorisme, ce qui est insuffisant.
En ce qui concerne l’Europe, nous demandons une évaluation de la mesure d’interdiction de sortie du territoire. Nous abordons également la question de la police de l’air et des frontières, du système PARAFE, du fichier SLTD, d’Interpol, du signalement des combattants étrangers dans le dispositif SIS II, du PNR, de la nécessité de créer des gardes-frontières européens ou de ratifier le traité franco-turc signé le 7 octobre 2011, toujours en attente à l’Assemblée nationale.
S’agissant de la réponse pénale et carcérale – je n’approfondirai pas davantage ce point, faute de temps –, alors qu’on nous dit que la question est de savoir s’il faut regrouper les personnes radicalisées ou, au contraire, les disperser, nous proposons des unités de dix à quinze personnes, avec un encellulement individuel.