La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie cet après-midi, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE (suite)
Mercredi 13 mai 2015
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
- Proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d’amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat (texte de la commission, n° 428, 2014-2015)
La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 13 mai matin .)
SEMAINE SÉNATORIALE
Lundi 18 mai 2015
Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (texte de la commission, n° 426, 2014-2015)
Mardi 19 mai 2015
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe CRC :
1°) Proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur l’utilisation et la commercialisation d’armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues (n° 2, 2014-2015)
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 18 mai, à 17 heures ;
- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 19 mai matin .)
2°) Débat sur le rétablissement de l’allocation équivalent retraite
La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe CRC ;
- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 18 mai, à 17 heures.)
À 18 heures 30, le soir et la nuit :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :
3°) Suite du projet de loi relatif à la réforme de l’asile
Mercredi 20 mai 2015
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du conseil national d’évaluation des normes, présentée par MM. Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau (texte de la commission, n° 436, 2014-2015) (demande des groupes UMP et UDI-UC)
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 19 mai, à 17 heures ;
- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin .)
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires (n° 277, 2014-2015) (demande du groupe UMP)
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour le rapport le mercredi 13 mai matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 19 mai, à 17 heures ;
- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin .)
Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :
3°) Suite du projet de loi relatif à la réforme de l’asile
Jeudi 21 mai 2015
De 9 heures 30 à 13 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et apparentés :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales (texte de la commission, n° 441, 2014-2015)
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 20 mai, à 17 heures ;
- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin .)
2°) Proposition de loi relative au parrainage civil, présentée par M. Yves Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés (texte de la commission, n° 443, 2014-2015)
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 20 mai, à 17 heures ;
- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin .)
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)
L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.
À 16 heures 15 et le soir :
Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC :
4°) Proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police, présentée par M. Yves Pozzo di Borgo et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 434, 2014-2015)
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 20 mai, à 17 heures ;
- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin .)
Ordre du jour fixé par le Sénat :
5°) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 416, 2014-2015) (demande du Gouvernement)
La conférence des présidents a fixé :
- à trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 20 mai, à 17 heures ;
- au lundi 18 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 20 mai matin .)
Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :
6°) Suite du projet de loi relatif à la réforme de l’asile
Éventuellement, vendredi 22 mai 2015
Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la réforme de l’asile
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 26 mai 2015
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1056 de Mme Anne-Catherine Loisier à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Baisse programmée des dotations horaires de collèges en Côte -d’Or
- n° 1066 de M. Daniel Chasseing à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
TGV Limousin
- n° 1067 de M. Henri de Raincourt transmise à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Crise économique dans le secteur des travaux publics
- n° 1068 de Mme Sophie Joissains à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
Avenir du pôle judiciaire d’Aix-en-Provence
- n° 1070 de M. Michel Vaspart à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale
Réalisation des schémas de mutualisation et fusion de communautés de communes
Dotation de solidarité rurale et fraction « bourg-centre »
- n° 1072 de Mme Colette Mélot à Mme la ministre de la culture et de la communication
Site des archives nationales de Fontainebleau
- n° 1073 de M. René Danesi transmise à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité
Fin de l’instruction des autorisations du droit du sol par l’État pour le compte des collectivités territoriales
- n° 1074 de Mme Catherine Procaccia à M. le secrétaire d’État chargé du budget
Révision des valeurs locatives des locaux professionnels et logements particuliers
- n° 1076 de M. Gilbert Roger à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Fermeture de l’agence de la caisse primaire d’assurance maladie de Bondy
- n° 1077 de M. Alain Fouché à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire
Gaspillage alimentaire et dates de péremption
Avenir du 31 ème régiment du génie de Castelsarrasin
- n° 1095 de M. Georges Labazée à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Avenir de l’organisme intermédiaire des plans locaux pour l’insertion et l’emploi Sud Aquitaine
- n° 1097 de Mme Anne Emery-Dumas à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement
Recrudescence et surenchère de contrôles en exploitation des agriculteurs
- n° 1100 de M. Dominique Watrin à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire
Milliers de dossiers d’anciens combattants en souffrance à la sous-direction des pensions de La Rochelle
- n° 1102 de Mme Valérie Létard à M. le ministre des finances et des comptes publics
Réorganisation des services des douanes du Valenciennois
Validité prolongée de la carte nationale d’identité comme document officiel de voyage
- n° 1107 de M. Jean-Jacques Filleul à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Avenir de l’établissement français du sang Centre-Atlantique
- n° 1108 de M. Roland Courteau à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
Travaux de régénération de la ligne ferroviaire Carcassonne -Quillan
- n° 1112 de M. Éric Bocquet à M. le ministre des finances et des comptes publics
Information des parlementaires sur la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
À 14 heures 30 :
2°) Explications de vote des groupes sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile
La conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 22 mai, à 17 heures.
De 15 heures 15 à 15 heures 45 :
3°) Vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile
La conférence des présidents a décidé que le scrutin public serait organisé en salle des conférences pendant une durée de trente minutes à l’issue des explications de vote, en application du chapitre XV bis de l’instruction générale du Bureau.
À 15 heures 45 :
4°) Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
5°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 336, 2014-2015)
La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 13 mai matin .
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 22 mai, à 17 heures ;
- au jeudi 21 mai, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 26 mai matin et le mercredi 27 mai matin .)
Mercredi 27 mai 2015
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Jeudi 28 mai 2015
À 10 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
De 15 heures à 15 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques sur la réforme du collège (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)
L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Vendredi 29 mai 2015
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Éventuellement, lundi 1er juin 2015
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 16 heures et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Mardi 2 juin 2015
À 14 heures 30 :
1°) Explications de vote des groupes sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
La conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 1 er juin, à 17 heures.
De 15 heures 15 à 15 heures 45 :
2°) Vote par scrutin public sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
La conférence des présidents a décidé que le scrutin public serait organisé en salle des conférences pendant une durée de trente minutes à l’issue des explications de vote, en application du chapitre XV bis de l’instruction générale du Bureau.
À 15 heures 45 :
3°) Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 16 heures et le soir :
4°) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées (Procédure accélérée) (n° 276, 2014-2015)
§(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 20 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mai, à 12 heures ).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 1 er juin, à 17 heures ;
- au jeudi 28 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 2 juin, en début d’après-midi .)
5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renseignement (n° 424, 2014-2015) et proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, présentée par MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe Bas (Procédure accélérée) (n° 430, 2014-2015)
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La commission des lois se réunira pour le rapport et les deux textes le mercredi 20 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mai, à 12 heures ).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 1 er juin, à 17 heures ;
- au jeudi 28 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 2 juin et le mercredi 3 juin matin .)
Mercredi 3 juin 2015
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif au renseignement et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
Jeudi 4 juin 2015
À 10 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme (texte de la commission, n° 387, 2014-2015)
La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 3 juin, à 17 heures.
2°) Suite du projet de loi relatif au renseignement et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)
L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.
À 16 heures 15 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Suite de l’ordre du jour du matin
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
Mardi 9 juin 2015
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1079 de Mme Sylvie Goy-Chavent à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
Permis de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux
Sécurité routière en Seine-Maritime
- n° 1083 de M. Rémy Pointereau à M. le ministre des finances et des comptes publics
Statut des communes labellisées
- n° 1085 de Mme Élisabeth Doineau à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports
Diminution des moyens financiers des comités sportifs
- n° 1086 de Mme Marie-Hélène des Esgaulx à M. le secrétaire d’État chargé du budget
Révision des valeurs locatives des locaux professionnels
- n° 1087 de Mme Karine Claireaux à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Prix des dispositifs médicaux correcteurs de la vision
- n° 1088 de M. Michel Le Scouarnec à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Situation des centres d’information et d’orientation du Morbihan
Effectifs de la police nationale dans la Drôme
- n° 1092 de M. Jean-François Longeot à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique
Engagements du Gouvernement pour entrer dans le capital d’Alstom et en devenir le principal actionnaire
- n° 1094 de Mme Catherine Troendlé à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Missions exercées par les centres de gestion
- n° 1096 de M. Michel Raison à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
Parc immobilier et avenir de la maison d’arrêt de Lure
- n° 1098 de M. Gilbert Roger à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
Travaux de prolongement du tramway T4
- n° 1101 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Modalités d’élaboration de la carte scolaire pour le premier degré en milieu rural
- n° 1103 de M. François Commeinhes à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité
Devenir du dispositif Malraux et rénovation urbaine
- n° 1104 de M. Olivier Cigolotti à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
Mise en place du compte pénibilité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics
- n° 1110 de M. Patrick Abate à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Réponses du Gouvernement à la crise du logement social étudiant
- n° 1113 de Mme Laurence Cohen à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
Avenir des trains intercités
Dispositions relatives à l’inscription sur les listes électorales spéciales en Nouvelle -Calédonie
- n° 1115 de M. Dominique Bailly à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
Contribution équitable à l’entretien et à l’éducation des enfants dans les situations de résidence alternée
- n° 1116 de Mme Évelyne Didier à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
Application de la loi visant à répartir les responsabilités et charges concernant les ouvrages de rétablissement des voies
À 14 heures 30 :
2°) Explications de vote des groupes sur le projet de loi relatif au renseignement et sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
La conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 8 juin, à 17 heures.
De 15 heures 15 à 15 heures 45 :
3°) Vote par scrutin public sur le projet de loi relatif au renseignement
La conférence des présidents a décidé que le scrutin public serait organisé en salle des conférences pendant une durée de trente minutes à l’issue des explications de vote, en application du chapitre XV bis de l’instruction générale du Bureau.
À 15 heures 45 :
4°) Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi relatif au renseignement et scrutin public ordinaire en salle des séances sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 16 heures :
5°) Débat sur le thème : « les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte » (demande de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation)
La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de dix minutes à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;
- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 8 juin, à 17 heures.)
À 17 heures 30 :
6°) Débat sur le thème : « l’avenir de l’industrie ferroviaire française » (demande de la commission du développement durable)
La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de dix minutes à la commission du développement durable ;
- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 8 juin, à 17 heures.)
Mercredi 10 juin 2015
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Débat sur le thème : « l’avancée des négociations du traité transatlantique (TTIP) suite au 9ème cycle de négociations du 20 au 24 avril et en vue du 10ème cycle du 13 au 17 juillet » (demande du groupe UMP)
La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe UMP ;
- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 9 juin, à 17 heures.)
À 16 heures :
2°) Question orale avec débat n° 11 de Mme Élisabeth Lamure à M. le Premier ministre sur le bilan de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation en ce qui concerne les entreprises (demande de la délégation sénatoriale aux entreprises)
La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 9 juin, à 17 heures.
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du Règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie de leur temps de parole pour répondre au Gouvernement.)
À 17 heures 40 :
3°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur (demande du Gouvernement) (A.N., n° 2656)
§(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 3 juin matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 1 er juin, à 12 heures ).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 9 juin, à 17 heures ;
- au lundi 8 juin, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 10 juin matin .)
Jeudi 11 juin 2015
À 11 heures :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Débat sur le bilan annuel de l’application des lois (salle Clemenceau) (à confirmer)
De 15 heures à 15 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)
L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 16 juin 2015
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 (demande de la commission des affaires européennes)
La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention :
- de huit minutes à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 juin, à 17 heures ;
- puis, respectivement, de huit minutes à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.
À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.)
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (n° 348, 2014-2015)
§(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 27 mai matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 22 mai, à 12 heures ).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 juin, à 17 heures ;
- au jeudi 11 juin, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 16 juin après-midi .)
En outre, de 14 heures 30 à 15 heures :
Scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de M. Jean-René Lecerf
Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, dans la salle des conférences.
Mercredi 17 juin 2015
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Suite de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie
Jeudi 18 juin 2015
De 9 heures 30 à 13 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste et apparentés :
1°) Proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger, présentée par M. Jean-Yves Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 205, 2014-2015)
§(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 10 juin matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 juin, à 12 heures ).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 17 juin, à 17 heures ;
- au lundi 15 juin, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 17 juin matin .)
2°) Proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, présentée par M. Yannick Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 378, 2014-2015)
§(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 10 juin matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 juin, à 12 heures ).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 17 juin, à 17 heures ;
- au lundi 15 juin, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 17 juin matin .)
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)
L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.
De 16 heures 15 à 20 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
4°) Débat sur le thème : « Comment donner à la justice administrative les moyens de statuer dans des délais plus rapides ? »
La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de dix minutes au groupe RDSE ;
- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 17 juin, à 17 heures.)
5°) Proposition de loi organique visant à supprimer les alinéas 8 à 10 de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues (n° 776, 2013-2014)
§(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 10 juin matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 juin, à 12 heures ).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 17 juin, à 17 heures ;
- au lundi 15 juin, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 17 juin matin .)
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?
L’organisation des débats concernant le projet de loi relatif à la réforme de l’asile pose question. Après avoir achevé la discussion générale hier soir et abandonné le texte le reste de la semaine, nous ne commencerons l’examen des articles que le lundi 18 mai. Nous ne reprendrons la discussion du projet de loi qu’en fin d’après-midi mardi, puis nous la poursuivrons mercredi soir, puis jeudi soir, puis, éventuellement, vendredi.
Examiner un sujet aussi majeur – personne ne dira le contraire –, qui est au cœur de l’actualité et qui constitue un véritable enjeu de société, de manière décousue pose un véritable problème de lisibilité de nos travaux. Il est pourtant primordial de donner une cohérence à nos débats pour montrer l’intérêt que porte le Sénat à ce sujet et voir nos idées progresser.
Voilà pourquoi j’adresse ce message en séance publique à destination de la conférence des présidents.
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Le problème a déjà été soulevé en séance publique, au travers d’un certain nombre de rappels au règlement, et il a bien évidemment été longuement évoqué au cours de la conférence des présidents. C’est l’ordre du jour qui nous a été proposé par le Gouvernement.
Y a-t-il d’autres observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, organisé à la demande des groupes UMP et UDI-UC (rapport d’information n° 388).
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, le terrorisme est l’affaire de tous et de chacun. Les affaires Merah et Nemmouche, mes différents séjours dans cet Orient compliqué que je connais un peu et la lecture du livre de David Thomson intitulé Les Français jihadistes m’ont convaincue de demander la création d’une commission d’enquête – chacun sur ces travées a cette faculté au nom de son groupe. Il me paraissait en effet nécessaire d’en savoir davantage sur ce phénomène qui semblait en progression sensible et d’évaluer l’adéquation des moyens par rapport à la menace.
En juin 2014, personne ou presque n’évoquait ces combattants étrangers. Aucune décapitation n’avait encore endeuillé l’Occident, à l’exception de celle de Daniel Pearl. En tout cas, de tels actes étaient anciens. J’avais pourtant une idée très précise du travail que je voulais mener : il s’agissait pour moi d’aboutir à une meilleure compréhension globale du phénomène et d’élaborer une stratégie pour en venir à bout. Or la commission des lois n’a déclaré recevable la proposition de résolution que nous avions déposée le 4 juin 2014 que le 16 juillet 2014. La commission d’enquête n’a donc pu entamer ses travaux qu’après le dernier renouvellement sénatorial. Bien avant ses premières réunions, l’été meurtrier de l’année 2014 m’a évidemment donné de très nombreuses occasions de m’exprimer sur le sujet et d’approfondir mes connaissances sur cette réalité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ma déception est grande aujourd’hui. Certes, la commission d’enquête a adopté à l’unanimité de ses membres son rapport – aucune mesure spécifique n’est vraiment mauvaise et aucune recommandation n’est vraiment inutile –, mais ce document ressemble davantage à un rapport élaboré par la commission des lois qu’à un rapport de commission d’enquête. Ce n’est pas ainsi que j’envisageais les choses. Je me trouve en quelque sorte dans la situation d’une femme accouchant de sa sixième fille, alors qu’elle attendait un garçon.En définitive, on finit par trouver quelques qualités à son bébé...
De fait, nous n’avons pas visité de banlieue, et les auditions que nous avons tenues ont été extrêmement institutionnelles, à l’exception de celles de Farhad Khosrokhavar et de Mourad Benchellali, qui ont marqué nos esprits et nous ont tirés de notre torpeur tout institutionnelle. Ces lacunes sont d’autant plus regrettables que le problème du djihadisme ne faisait l’objet d’aucun contentieux politique entre les membres de la commission d’enquête, qui tous sont absolument déterminés, comme vous-même, monsieur le ministre, à lutter contre le terrorisme ; dans ce combat, le Gouvernement et les parlementaires ne font qu’un.
De surcroît, l’actualité a quasiment siphonné, au sens propre, le rapport que nous préparions. En effet, de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme jusqu’à l’après-Charlie, le Gouvernement n’a eu de cesse, fort légitimement, de faire des annonces et de prendre des mesures qui, à mesure qu’elles sont intervenues, ont dégonflé le travail que la commission d’enquête se proposait d’accomplir. Les éléments du débat ont peu à peu été rendus publics, comme il est tout à fait normal dans des situations dramatiques, de sorte que le dossier a fini par devenir entièrement public. Il n’est pas un journal qui n’ait fait ses gros titres sur le terrorisme ni consacré à ce sujet des articles de fond. Le terrorisme est ainsi devenu l’affaire de chacun et de tous.
Tel est le contexte dans lequel la commission d’enquête a travaillé et mis au point ses 110 propositions.
Le rapport qu’elle a adopté est, à mon sens, frappé d’une carence grave, qui explique ma déception : nous n’avons pas entendu une seule famille touchée par le terrorisme, et il a même fallu lutter un peu pour entendre des spécialistes de géostratégie, alors que l’importance des aspects géostratégiques pour comprendre le djihadisme n’échappe à personne ; quant aux auditions plus inédites, nous n’en avons pas tiré les conséquences dans nos propositions.
Les propositions qui ont été adoptées n’en forment pas moins un catalogue intéressant, et j’espère que le Gouvernement donnera suite à un certain nombre d’entre elles ; du reste, plusieurs ont déjà été mises en place ou sont à l’étude au ministère de l’intérieur.
Je déplore que la question de la prévention n’ait fait l’objet, après négociation, que d’un simple encadré en fin de rapport, sous le prétexte que le président du Sénat allait remettre au Président de la République son rapport intitulé La nation française, un héritage en partage. Il est regrettable que celui-ci ait servi d’alibi pour écarter l’ensemble des amendements visant à inclure dans le rapport des mesures de prévention.
De même, nous avons manqué une occasion d’aborder le problème de l’islam de France, de l’islam en France, des islams de France – enfin, vous m’avez comprise. Personne n’a envie de stigmatiser, encore moins de procéder par amalgames. Reste que les personnes qui partent faire le djihad ou qui se convertissent avant de partir en Syrie n’agissent pas au nom de Bouddha, mais d’un islam totalement dévoyé. Or il me semble que nous n’avons pas suffisamment travaillé sur cette question.
Comment prévenir la radicalisation, comment concevoir un contre-discours et le rendre crédible et accessible, ce qui est un objectif capital sur lequel M. le ministre et l’ensemble du Gouvernement travaillent sans relâche, si nous n’avons pas de partenaire ? Chacun d’entre nous sait que le Conseil français du culte musulman n’est pas considéré comme représentatif. Dès lors, avec qui discuter ? Dire que la commission d’enquête n’a même pas entendu un imam !
Faut-il que l’État intervienne dans l’organisation de l’islam de France ? Faut-il seulement un islam de France ? Autant de questions qui, si nous nous les étions posées, auraient probablement ouvert le débat. Au demeurant, ouvrir un débat n’est pas arrêter des solutions, et poser des questions n’est pas définir des réponses. De la même façon, nous aurions dû lancer le débat sur la Fondation pour les œuvres de l’islam de France.
Ces lacunes expliquent que le groupe UDI-UC, d’accord avec le groupe UMP, ait déposé une motion divergente pour faire valoir l’importance de ces questions, qui auraient dû être davantage abordées.
Les Américains et les Britanniques ont su trouver des ponts et des relais. Ainsi, aux États-Unis, la communauté musulmane dispose d’un représentant spécial, comme toutes les communautés. Quant au Home Office, il a engagé au sein de ses services plusieurs responsables religieux. Évidemment, notre société n’est pas fondée sur le communautarisme ; reste que nous aurions pu nous interroger sur ces pratiques.
Monsieur le ministre, notre pays si prompt à organiser des états généraux de tout et de rien serait bien inspiré d’organiser au niveau national, et sûrement aussi au niveau régional, des états généraux destinés à faire émerger de la société civile des associations désireuses d’œuvrer, à l’instar de Mourad Benchellali, en faveur de la déradicalisation et à les mettre en réseau.
La commission d’enquête n’a pas non plus tiré les conséquences de l’audition extrêmement intéressante de M. El Alaoui Talibi, aumônier national musulman des prisons. Vous connaissez, monsieur le ministre, les dégâts de la radicalisation en prison, et vous savez que nous manquons d’aumôniers. Or il ne suffit pas de dire qu’il en faut trois ou quatre fois plus ; il faut encore les former, leur donner un statut et les payer.
Il se trouve que M. El Alaoui Talibi nous a suggéré une piste que j’aurais voulu voir suivie : elle consiste à assurer une plus grande transparence des réseaux de produits halal. Ce n’est pas nous qui avons avancé cette idée, mais l’aumônier national musulman lui-même. Il a fait valoir que ce flux financier devrait probablement être rendu plus transparent et qu’un prélèvement opéré sur lui pourrait servir à la formation et à la rémunération des aumôniers, que la loi de 1905 empêche absolument l’État de financer.
Je répète que nous avons, selon moi, manqué une occasion d’examiner certaines questions, liées en particulier aux radicalisations et, surtout, à la prévention. Ouvrir un débat n’est pas le trancher, et une commission d’enquête a vocation à enquêter pour ouvrir un certain nombre de pistes. Je regrette que nous ne l’ayons pas fait.
Le Président Sadate avait l’habitude de dire : « Je préfère me brûler en essayant d’allumer une flamme que de rester dans le noir à maudire l’obscurité ». Ce rapport est, à mon avis, un bon rapport de la commission des lois ; malheureusement, ce n’est pas un rapport de commission d’enquête.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pas un jour ne passe sans que l’actualité nous rappelle la nécessité du débat de ce soir. Le terrorisme est assurément une guerre du troisième type : invisible au sein de nos sociétés, il peut frapper à tout moment n’importe qui et n’importe où ; ses agents sont des individus le plus souvent organisés, mais quelquefois isolés et parfois même échappant à tout contrôle. Si la menace à laquelle nous devons faire face est totalement différente des guerres menées naguère par des États nations, elle pèse aussi gravement sur la paix et la sécurité de nos sociétés.
Désormais mondialisé, le phénomène terroriste n’a pas de frontières. Il frappe de manière éparse, tantôt au Danemark, tantôt au Royaume-Uni, tantôt en France, mais aussi sur d’autres continents : les États-Unis sont directement visés, mais aussi l’Australie et l’Afrique.
Les réseaux djihadistes sont complexes à appréhender, tant leurs ramifications sont internationales et variées. Si certaines organisations sont identifiées et « surveillables », des individus surgissent aussi qui ne sont rattachés à aucune obédience et se sont radicalisés seuls, parfois dans nos campagnes ; nous avons tous à l’esprit certains exemples, notamment en Normandie profonde.
Comment connaître et combattre cet ennemi sans queue ni tête, qui peut frapper à tout instant ? Toute la difficulté tient à l’équation éminemment complexe que la France et les pays associés à la lutte contre le terrorisme doivent résoudre.
En France, la solution se trouve au carrefour des compétences de plusieurs ministères : le ministère de l’intérieur, bien évidemment, mais aussi ceux de la défense et de la justice, sans oublier celui de l’éducation nationale. Un important travail de coordination et de transversalité est donc nécessaire pour éviter que chacun n’agisse dans son coin. À cet égard, il est clair qu’il y a eu ces dernières années quelques lacunes, auxquelles il faudra remédier.
Par ailleurs, nous ne pouvons plus agir de manière isolée. La donne étant internationale, les réponses doivent être au moins européennes. Or les moyens dont disposent les différents pays en lutte contre le terrorisme sont extrêmement variables ; on ne peut naturellement pas comparer ceux des pays africains avec ceux des pays occidentaux. À cet égard, monsieur le ministre, vous vous souvenez peut-être que, lors des rencontres internationales des magistrats antiterroristes, organisées par le ministère de la justice à Paris à la fin du mois d’avril dernier, les représentants africains se sont plaints principalement de dysfonctionnements dans leurs lignes téléphoniques.
Enfin, l’équation doit prendre en compte une variable humaine difficile à cerner : comment appréhender ce djihadiste déterminé, endoctriné, imprévisible, auquel l’acte terroriste confère un statut de héros, et comment évaluer la dangerosité d’un individu, entre menace et passage à l’acte ?
Notre pays n’a pris que trop tardivement la mesure de l’ampleur du phénomène. Alors que d’autres pays européens, en particulier l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont quelques années d’avance, sans parler des États-Unis qui ont été si durement frappés en 2001, il a fallu attendre le printemps de 2014 pour qu’un plan anti-djihad soit mis sur pied en France.
Si nous ne rattraperons pas le temps perdu, il importe d’envoyer un signal fort et de donner des moyens d’action importants aux différents acteurs de la lutte antiterroriste. À cet égard, je tiens à rendre un hommage tout particulier à notre collègue Nathalie Goulet, qui, dès le deuxième trimestre de 2014, a proposé au président du Sénat de l’époque la constitution d’une commission d’enquête sénatoriale. Officiellement créée au début du mois d’octobre dernier, cette commission d’enquête a présenté, à l’issue de six mois d’intense travail, 110 propositions – excusez du peu – ordonnées autour de six grands axes. Le premier de ces axes est la prévention de la radicalisation. En effet, comment éradiquer un problème sans s’interroger sur ses origines ?
Les phénomènes de radicalisation sont extrêmement multiformes : si les lieux de radicalisation sont multiples, des mosquées aux prisons, le vecteur essentiel de la radicalisation est assurément internet. De fait, les nouvelles technologies et l’offre d’informations en libre accès rendent possible un « djihad médiatique », qui joue dans la radicalisation un rôle moteur et démultiplicateur. Ces nouvelles technologies rendent la traque difficile, car, même s’il est possible juridiquement, et peut-être même techniquement, de bloquer les sites internet contraires à l’ordre public ou diffusant des propos haineux, les personnes mal intentionnées réussissent toujours à contourner les mécanismes de blocage. Il est donc fondamental que les opérateurs prennent leurs responsabilités en coopérant avec les services de renseignement. Cette préconisation sera d’autant plus efficace si elle émane directement de la société civile.
Les raisons de la radicalisation sont aussi de plusieurs ordres : certains évoquent des frustrations d’ordre social, qui nourrissent une rhétorique fondée sur l’humiliation qui serait faite aux musulmans, tandis que d’autres parlent d’individus fragiles au plan psychologique, et d’autres encore de sensibilité au contexte international – vous voyez de quoi je veux parler.
À phénomène multiforme, réponse multiforme. Aussi le rapport de la commission d’enquête comporte-t-il, en matière de prévention de la radicalisation, des propositions allant de la formation des acteurs de terrain à l’accompagnement des familles confrontées à ce phénomène ; nous préconisons, entre autres mesures, de renforcer le rôle du Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation.
L’éducation nationale a aussi un rôle majeur à jouer : elle doit développer le regard critique porté sur les contenus d’internet, relayer des programmes de contre-discours et permettre l’enseignement du fait religieux dans un cadre scolaire, et non réservé strictement à la sphère familiale, avec bien entendu toutes les précautions d’usage dues à notre État laïque.
Il nous a semblé fondamental, avec Mme Goulet, d’aborder la question de la représentativité de la communauté musulmane en France. Nous l’avons fait en annexe du rapport, la commission d’enquête n’ayant pas voulu la reprendre à son compte. Comme l’a rappelé ma collègue, les djihadistes ne revendiquent ni des origines chrétiennes ni des origines bouddhistes, ils se réfèrent bien à l’islam, qu’on le veuille ou non. Aussi est-il essentiel de faire le lien avec cette religion, tout en étant naturellement très attentif à proscrire tout amalgame ou raccourci. Or le Conseil français du culte musulman ne semble plus remplir cette mission de représentativité. C’est pourquoi il nous paraît important qu’une réforme de l’organisation de cette instance puisse être menée, afin que l’État ait le ou les bons interlocuteurs sur ces questions.
Nous souhaiterions également l’ouverture d’un débat sur la mise en place de statistiques ethniques, qui, sans stigmatisation, permettrait d’avoir une meilleure connaissance de notre population et d’adapter, par exemple, le nombre d’aumôniers musulmans dans nos prisons. Alors, nous dit-on, que la population musulmane est la plus nombreuse en prison, elle est proportionnellement la moins bien représentée en termes d’aumônerie ! N’est-ce pas l’exemple de la nécessité de statistiques ethniques ? En tant que sénateur alsacien, je peux donner l’exemple du régime concordataire, qui favorise la bonne connaissance des communautés, qui facilite leur cohabitation et qui permet de créer un dialogue interreligieux riche. La mise en place de statistiques ethniques ne me pose donc aucun problème.
Sur le plan intérieur, les services de renseignement doivent être consolidés, en particulier au niveau territorial. Leur coordination doit être améliorée et de nouvelles compétences doivent leur être attribuées de façon à leur permettre d’accroître l’efficacité de leurs actions.
En ce qui concerne les autres propositions, comme le contrôle aux frontières ou la lutte contre le financement du terrorisme, les défis dépassent très largement notre cadre national. La stratégie doit donc être au moins européenne, notamment s’agissant du contrôle aux frontières externes de l’Europe. Il faut oser le dire : nos frontières sont actuellement des passoires et les contrôles varient d’une zone à l’autre. Il est impératif que l’ensemble des pays de l’espace Schengen soient plus rigoureux et appliquent des règles identiques à chaque frontière.
Concernant notre propre pays, avec ma collègue Nathalie Goulet, nous souhaitons la révision de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, dans la mesure où elle ne nous paraît plus adaptée aux nouveaux enjeux de sécurité. Pour travailler dans de bonnes conditions, les services de renseignement doivent pouvoir accéder à certains fichiers et avoir la possibilité d’opérer parfois des croisements entre fichiers et données.
Nous devons engager une véritable réflexion de fond sur notre arsenal juridique et judiciaire. Celui-ci doit être adapté et complété tout en respectant, bien sûr, le cadre de notre État de droit. En 1986, le législateur avait déjà doté la puissance publique de pouvoirs dérogatoires de droit commun en mettant en place un arsenal législatif spécifique. Même si, en trente ans, ces dispositifs ont déjà été remaniés et renforcés à plusieurs reprises, nous ressentons aujourd’hui l’urgence d’une nouvelle réflexion de fond.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a certes déjà initié cette réflexion, mais nous devons aller plus loin d’une façon globale et plus cohérente. Le projet de loi relatif au renseignement, qui vient d’être voté à l’Assemblée nationale en première lecture et dont l’examen nous sera soumis prochainement, devrait permettre d’accroître les moyens d’investigation des agents du renseignement. Néanmoins, les dispositifs prévus dans le cadre de ce projet de loi ne seront pas suffisants, d’autres démarches et dispositifs nécessitent également d’être engagés et mis en œuvre pour conférer à cette lutte contre le terrorisme une stratégie de guerre totale, ce qui est indispensable.
Les 110 recommandations faites pas la commission d’enquête constituent assurément d’excellentes pistes d’action. Même si certains les qualifieront peut-être de catalogue à la Prévert, cette richesse de propositions permet de conférer à ce travail une cohérence horizontale nécessaire et qui fait aujourd’hui défaut. Le Gouvernement a une vraie responsabilité à cet égard. Il doit sans tarder, me semble-t-il, s’emparer de la totalité de nos recommandations et, au regard de l’unanimité que celles-ci ont recueillie au sein de la commission, veiller à leur concrétisation. Avec ma collègue Nathalie Goulet, nous souhaitons même, comme je vous l’ai dit, que d’autres mesures plus politiques et plus structurelles soient prises. En effet, nous sommes aujourd’hui au pied du mur. Nous avons trop longtemps mésestimé le problème du terrorisme islamique et celui-ci, n’en doutons pas, n’est pas prêt de disparaître. L’urgence est donc déclarée ! Nous sommes condamnés à y répondre rapidement, efficacement et dans la durée.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-Pierre Sueur et Mme Esther Benbassa applaudissent également.
Mes chers collègues, dois-je vous demander de me pardonner d’être trop simple ? Quand je vote un rapport, je le défends. Personne n’est obligé de voter un rapport avec lequel il n’est pas d’accord !
De surcroît, quand un rapport est adopté à l’unanimité, on s’attend à ce que le travail positif qui a été mené soit défendu de façon enthousiaste et avec conviction. Je récuse cependant toute autosatisfaction. Le sujet est trop grave pour cela. La menace est terrible et nous concerne tous.
La commission d’enquête créée par le Sénat aurait évidemment pu procéder à davantage d’auditions et écrire un rapport plus volumineux. Néanmoins, je suis frappé de l’intérêt qu’il suscite. Nous en sommes déjà à la cinquième réimpression, ce qui est assez rare ; cela prouve que le sujet intéresse tout le monde.
Dois-je reprendre tout ce qui figure dans ce rapport ? Dans le temps qui m’est imparti, c’est absolument impossible, car nous avons essayé d’embrasser l’ensemble du sujet. Certes, nous n’avons pas approfondi la question des statistiques ethniques ou de la loi informatique et libertés, qui me passionne, mais il était impossible de développer tous les points. L’important, c’est de ne pas avoir fait d’impasse sur les six axes majeurs autour desquels s’articulent les propositions.
En matière de prévention, par exemple, nous proposons de renforcer les moyens du Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation pour parvenir à un service fonctionnant 24 heures sur 24 et de lancer une campagne de communication visant à faire connaître cet organisme. Il est en effet essentiel que tous les Français puissent faire les signalements nécessaires et disposent d’une plateforme d’écoute.
La déradicalisation n’est pas un processus simple – j’ai participé à de nombreux colloques sur cette question. Un contre-discours ne suffit pas pour faire basculer des convictions et enlever les choses terribles que certaines personnes ont dans la tête. Quand on sait que des centaines, voire des milliers de personnes se préparent à partir, sont déjà sur place ou sur le chemin du retour, on mesure à quel point le travail à réaliser est immense. À cet égard, les cellules de veille préfectorales sont essentielles. Les nombreux maires que nous avons auditionnés, comme le maire de Lunel, qui n’avait pas encore été contacté par les services de l’État, ont souligné l’importance d’un échange d’informations avec la préfecture. Il est surtout nécessaire de désigner un référent chargé de suivre les personnes en voie de radicalisation et de dialoguer avec elles.
En matière de prévention, on pourrait encore évoquer de nombreux autres sujets. Concernant les services antiterroristes, nous faisons ainsi des propositions très précises pour ce qui est du renseignement pénitentiaire. S’agissant du rapport entre la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, et le Service central du renseignement territorial, le SCRT, vous connaissez parfaitement le problème, monsieur le ministre, et vous savez les moyens qui leur sont nécessaires. Les propositions n° 27, 28, 29 et 30 concernant les moyens des services de renseignement vont tout à fait dans le sens du projet de loi relatif au renseignement et suivent les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Pour contrer le djihad médiatique, nous proposons de renforcer les moyens de l’Office central de lutte contre la criminalité et de PHAROS – la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements. Nous proposons également de sanctionner la copie et la diffusion de certains contenus, de pouvoir signaler l’apologie des actes de terrorisme sur internet en un seul clic, de lutter contre les cyber-paradis. Nous faisons aussi des propositions concernant la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
Pour tarir le financement du terrorisme, nous proposons notamment de renforcer les moyens de TRACFIN, qui compte aujourd’hui quinze équivalents temps plein affectés à la lutte contre le financement du terrorisme, ce qui est insuffisant.
En ce qui concerne l’Europe, nous demandons une évaluation de la mesure d’interdiction de sortie du territoire. Nous abordons également la question de la police de l’air et des frontières, du système PARAFE, du fichier SLTD, d’Interpol, du signalement des combattants étrangers dans le dispositif SIS II, du PNR, de la nécessité de créer des gardes-frontières européens ou de ratifier le traité franco-turc signé le 7 octobre 2011, toujours en attente à l’Assemblée nationale.
S’agissant de la réponse pénale et carcérale – je n’approfondirai pas davantage ce point, faute de temps –, alors qu’on nous dit que la question est de savoir s’il faut regrouper les personnes radicalisées ou, au contraire, les disperser, nous proposons des unités de dix à quinze personnes, avec un encellulement individuel.
Nous faisons cette proposition à la suite de nos rencontres avec les personnels pénitentiaires.
On nous objectera que toutes ces propositions ont un coût. C’est vrai ! Nous sommes néanmoins persuadés que, si nous ne les mettons pas en œuvre, le coût sera plus élevé, et pas uniquement financièrement. En effet, la menace est réelle et, comme vous l’avez souligné cet après-midi, monsieur le ministre, elle ne cesse de croître : le nombre de départs depuis la France vers la Syrie a presque doublé en un an !
Monsieur le ministre, si ces 110 propositions peuvent vous aider et être utiles à Mme la ministre de la justice, à M. le ministre de la défense, à M. le Premier ministre, à Mme la ministre de l’éducation nationale – beaucoup se joue en effet à l’école –, nous n’aurions pas travaillé en vain. Nous n’avons pas la prétention d’avoir réglé le problème. D’ailleurs, qui aurait cette prétention ? Soyons donc modestes : nous cherchons à faire avancer les choses de manière pragmatique. Dans le même temps, soyons à la hauteur de l’enjeu : avançons sur ces 110 pistes que nous avons façonnées ensemble, votées à l’unanimité en dépit de notre diversité ! C’est un acte positif face à cette horreur qu’est le terrorisme.
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à remercier notre collègue Nathalie Goulet, qui a pris l’initiative de demander la constitution de cette commission d’enquête bien avant les événements tragiques de janvier et qui en a assuré la présidence, ainsi qu’André Reichardt, coprésident, et Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Ils ont beaucoup contribué à la qualité, à la richesse et aux nombreuses recommandations de ce rapport. Je félicite de même nos administrateurs de tous les efforts qu’ils ont consacrés à la préparation des auditions, puis à la rédaction du texte.
N’aurait-il pas cependant été opportun de faire montre d’un peu plus d’audace ? De tenter, en posant les bonnes questions aux bonnes personnes, de saisir en profondeur le phénomène terroriste tel qu’il se déploie aujourd’hui ? De mieux prendre en considération le contexte moyen-oriental ? De sonder les viviers qui produisent du terrorisme en France ?
Ce rapport, riche et important, a fini par se réduire à une sorte de vade-mecum de la répression, …
… donnant un peu le sentiment d’avoir été produit par la commission des lois, ce qui est déjà pas mal. Pourtant, la composition hétérogène des membres de cette commission d’enquête a quelque peu été gommée.
Nous avions déjà débattu ici même d’un projet de loi contre le terrorisme. Nous avions en outre une idée de ce que serait le projet de loi relatif au renseignement, qui sera bientôt soumis à notre examen. Ne pouvions-nous dépasser quelque peu l’horizon des mesures envisagées par l’exécutif ? Faire en sorte que ce rapport ajoute une véritable plus-value à ce qui était en train de s’élaborer ?
La liste des personnes auditionnées comporte un nombre considérable d’institutionnels, ce qui est bien, mais, curieusement, un seul universitaire, Farhad Khosrokhavar, ainsi qu’Erin Saltman, chercheur associé à un think tank britannique. Aucun expert du Moyen-Orient véritablement digne de ce nom n’a été entendu, alors que nous formons de nombreux scientifiques en la matière, comme Olivier Roy. On leur a préféré des publicistes, compte non tenu de l’importance que revêt pour nous, ici, la situation dans cette région du monde.
Les « analyses » géopolitiques présentées semblent parfois devoir beaucoup à internet, n’offrant guère de consistance scientifique et analytique. Je l’ai dit en commission. Il suffit, pour se convaincre de la nécessité d’aller un peu au-delà de considérations fort convenues en matière de géopolitique, de lire des extraits des documents trouvés chez Haji Bakr – tué en 2014 –, ex-colonel irakien formé sous Saddam Hussein, planificateur de la prise du pouvoir de l’État islamique en Syrie, publiés par le journal allemand Der Spiegel. Pas à pas, méticuleusement, Haji Bakr a bâti l’architecture d’un État policier islamique stalinien. Daech, contrairement à Al-Qaïda, n’a rien de « religieux » dans sa façon d’agir, sa stratégie, ses renversements d’alliances sans scrupule, sa propagande soigneusement mise en scène. La religion est là une façade pour attirer tous ces jeunes en quête d’idéal, elle est un artifice au service du recrutement, non pas l’essence de cet État.
Malgré l’insistance de certains d’entre nous, dont Mme Assassi, il n’y a pas eu un seul déplacement dans les quartiers d’où émergent souvent les futurs djihadistes.
… aucun imam auditionné – juste un aumônier –, aucun éducateur, aucun associatif travaillant dans ces quartiers n’a été entendu, non plus que des policiers appartenant à la police de proximité. Voilà qui rend ce rapport fortement théorique – même si la théorie ne nous fait pas peur – et dangereusement dépendant des analyses à l’emporte-pièce d’une anthropologue-psychologue-déradicalisatrice, qui ne mérite peut-être pas tout le crédit qu’on lui accorde !
Pourquoi ne pas s’être directement adressé à des parents de jeunes radicalisés, pour certains fraîchement convertis à l’islam, pour mieux saisir le rôle que joue la religion dans leur embrigadement ? Des experts confirmés, sociologues, anthropologues, historiens, travaillant sur l’islam, sur le Coran et la Tradition, sur les radicalismes, auraient sans doute été plus utiles.
Rien ne justifie le terrorisme, mais on ne pourra l’éradiquer seulement par la répression. Sans prévention, il n’y a pas de remède. Or aucun des amendements proposés en la matière n’a été retenu. Lutte contre le décrochage scolaire, lutte contre les discriminations à l’éducation, à l’embauche, au logement, au faciès que subissent les jeunes nés en France dans des familles issues de pays musulmans ou du continent africain, mesures destinées aux quartiers difficiles, mesures visant à la réorganisation de l’islam de France, à la formation du personnel du culte musulman : tout cela est tombé au motif que le président de notre assemblée préparait un rapport pour le Président de la République, un rapport fort intéressant qui s’est finalement révélé peu fourni en propositions de cet ordre.
Permettez-moi pour finir, mes chers collègues, de reprendre – en en subvertissant un peu le sens – la célèbre formule de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Moins technique, plus réflexif, nourri de plus de questionnements, ce rapport eût incontestablement été plus utile à ses utilisateurs éventuels. Je souhaite vivement en tout cas qu’il soit utilisé à bon escient, car il a demandé beaucoup d’efforts aux membres de la commission d’enquête.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque les membres du groupe UDI-UC ont demandé la création de cette commission d’enquête, ils étaient alors, comme nous tous, préoccupés par la menace contre notre sécurité et nos libertés que représente l’augmentation des départs de jeunes, Français pour la plupart, qui vont combattre en Syrie ou en Irak. Nos collègues souhaitaient légitimement que les parlementaires puissent prendre toute la mesure du pernicieux malaise que traduisent ces départs, connaître précisément le fonctionnement des réseaux qui les organisent et évaluer la pertinence et l’efficacité des moyens que se donne notre pays pour s’en défendre. Belle mission !
Après les attentats du mois de janvier, les enquêtes menées par les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme n’ont fait que confirmer l’ampleur, la profondeur, la dangerosité surtout de ce phénomène, et par là même l’urgence à le traiter. Un certain nombre d’éléments récents ont montré que le phénomène d’attraction des réseaux terroristes islamistes sur de jeunes Français ne cessait d’augmenter. Bien que les chiffres bruts ne reflètent qu’une partie de la réalité, ce phénomène est assez précisément quantifiable. Ainsi, les services antiterroristes ont rendu public au début du mois de mai un chiffre symbolique et inquiétant : la barre des 100 morts français, partis combattre en Syrie ou en Irak, a été franchie.
De son côté, la garde des sceaux, lors d’un colloque international réunissant des magistrats et des acteurs de la lutte antiterroriste, a révélé le nombre de procédures judiciaires en cours relatives à ces filières : 125 sont actuellement ouvertes. Quelque 166 personnes ont été mises en examen dans ce cadre et 113 d’entre elles placées en détention provisoire. Rien qu’au début de l’année, 39 enquêtes préliminaires ont été ouvertes et elles ont donné lieu à 19 informations judiciaires et à 35 mises en examen.
Ces chiffres sont à mettre en relation avec les 1 462 individus qui seraient suivis par nos services de renseignement pour leur implication, à des degrés divers, dans les filières de combat de l’islam radical. Et depuis le mois de novembre 2014, on compte 200 personnes de plus, si ce dénombrement est exact !
J’évoque à nouveau ces chiffres pour montrer qu’il ne s’agit pas d’un fantasme. Ils permettent de se rendre compte de l’importance et de la rapidité de la progression du phénomène, auquel s’ajoute le fait que, sur près de 6 000 jeunes en provenance de pays européens, 47 % d’entre eux sont français.
Même si je mesure, comme d’autres, l’imperfection du rapport de la commission d’enquête et ses manques évidents que nous sommes plusieurs à avoir soulignés avant même sa publication, l’un des grands mérites de tout ce travail est sans doute d’avoir procédé à une analyse fouillée et lucide de la situation et d’avoir réussi, malgré ses limites, à établir un diagnostic du phénomène, bien que celui-ci soit difficile à percevoir et surtout à expliquer. Il est en effet très compliqué de cerner le profil et de comprendre les motivations des personnes attirées par ce type d’idéologie dangereuse.
Il est en tout cas des idées reçues à bannir, car les chiffres donnés par la cellule antiradicalisation du ministère de l’intérieur ou le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam montrent que les profils sont variés et complexes et que la figure du jeune de cité relève trop souvent du cliché. C’est bien pourquoi il aurait fallu aller dans les quartiers dits « populaires ». On trouve à présent des personnes de tous âges, des hommes et des femmes – 25% sont mineurs, 35 % sont des femmes, chiffre inquiétant – de diverses origines géographiques, sociales, religieuses – 40% des djihadistes français seraient des néophytes et des convertis.
Se pose néanmoins la question du malaise que révèle ce phénomène, des causes de ce malaise et des réponses à lui apporter. C’est peut-être là l’une des faiblesses d’analyse du rapport. Reste que notre groupe s’est prononcé en sa faveur – un choix réfléchi –, car nous partageons à la fois le constat, l’essentiel de l’analyse et la plupart des propositions qui ont été faites, que celles-ci portent sur la prévention de la radicalisation, notamment à travers internet, sur la lutte contre ce que l’on pourrait appeler « le djihad médiatique », le renforcement en moyens humains et matériels des services antiterroristes ou bien encore sur la nécessaire adaptation des réponses pénale et carcérale. En revanche, nous sommes plus réservés vis-à-vis des solutions proposées concernant le contrôle des frontières.
Parmi les 110 propositions, plusieurs ont déjà été adoptées ou sont en voie de l’être, à la suite du renforcement des moyens antiterroristes annoncé par le Gouvernement après les attentats de janvier et dans le cadre du projet de loi relatif au renseignement, que nous examinerons dans peu de temps. L’intérêt de notre débat de ce soir sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête est donc aussi de les resituer dans l’actualité et de les mettre en perspective avec notre actualité législative. Ainsi, l’une des questions auxquelles le projet de loi relatif au renseignement prétend répondre est de savoir comment mettre des terroristes potentiels hors d’état de nuire alors que nous savons désormais qu’ils vivent parmi nous, au sein même de notre société. De ce point de vue, nous pouvons mesurer combien le traitement étroitement sécuritaire de la question djihadiste montre ses limites. Par exemple, le travail de déradicalisation en amont et en aval des départs, qui suppose selon nous une approche interministérielle, reste embryonnaire. Or sans une véritable politique de prévention, les services ne peuvent intervenir que quand le mal est déjà fait. Ce volet préventif est le grand absent des politiques menées par le Gouvernement pour protéger notre société contre le fléau qu’est le terrorisme inspiré par l’islamisme radical.
Telles sont les quelques observations sur les conclusions de cette commission d’enquête dont je souhaitais vous faire part au nom du groupe CRC.
En conclusion, permettez-moi de saluer Mme la présidente de la commission d’enquête, M. le coprésident, Mmes, MM. les vice-présidents, M. le rapporteur, ainsi que l’ensemble de nos collègues qui, dans le respect des choix politiques des uns et des autres, ont participé aux travaux de la commission d’enquête et permis l’élaboration de ce rapport et donc des 110 propositions qu’il contient.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’UDI-UC. – M. André Reichardt applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, dont nous débattons des conclusions ce soir, s’était donné pour objectif de comprendre ce qui poussait un nombre croissant de nos compatriotes à rejoindre les groupes armés islamiques dans les zones de combat irako-syriennes. Ses travaux ont consisté à analyser l’efficacité des mesures prises par les pouvoirs publics afin d’endiguer cet afflux de départs d’une ampleur inédite. Il faut en effet rappeler que ce sont près de 1 500 ressortissants français qui sont concernés par ce phénomène, classant, hélas ! la France en tête des pays européens « pourvoyeurs » de combattants étrangers.
Si l’évolution de la menace terroriste et les attentats meurtriers qui nous ont frappés ont, depuis lors, confirmé la pertinence de la création d’une telle commission d’enquête, ils ont aussi contribué à ce qu’une partie de nos préconisations soient à ce jour déjà mises en œuvre ou en passe de l’être. Pour ne prendre que deux exemples de nature législative, la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a permis, entre autres mesures, la mise en place d’interdictions administratives de sortie du territoire ou d’entrée sur le territoire. Le projet de loi relatif au renseignement, qui nous sera bientôt soumis, permettra, quant à lui, de résoudre les dysfonctionnements constatés et donnera aux services des moyens légaux pour travailler.
Aussi, s’agissant de nos recommandations, vous pouvez avoir l’impression, mes chers collègues, que l’on vous sert un peu du « réchauffé ». Cependant, il faut rendre justice à la commission en soulignant son travail sérieux et en indiquant qu’elle a, en l’espace de quelques mois seulement, abouti à la formulation de pas moins de 110 propositions. Celles-ci concernent des champs très divers – le milieu carcéral, la propagande sur internet, le financement du terrorisme… – et alimentent donc une stratégie globale qui s’étend de la prévention à la répression. Jugées par certains trop techniques, ces propositions ont néanmoins le mérite de constituer des pistes d’amélioration opérationnelles pour combler les lacunes du dispositif de lutte contre le terrorisme d’inspiration djihadiste dont notre pays s’est doté.
Enfin, je tenais encore à nous féliciter de la bonne intelligence dans laquelle nous avons travaillé et qui a conduit à l’adoption de ce rapport à l’unanimité.
Je souhaiterais revenir à présent sur les aspects qui m’apparaissent prioritaires et sur lesquels les recommandations de la commission me semblent de nature à permettre des avancées concrètes. En effet, ce qui fait l’intérêt de ce rapport, me semble-t-il, c’est l’importance accordée au volet « prévention, détection, déradicalisation ». Sur ce point, notre pays a, par rapport à ses voisins européens, un peu de retard à rattraper. Une chose est pour moi certaine : seule la mobilisation de toutes les composantes de la société permettra d’y parvenir.
L’une des urgences, pour prévenir les départs de candidats au djihad, c’est d’abord d’aider et d’orienter les familles qui y sont confrontées. Ces dernières étaient, jusqu’à la mise en service du numéro vert, privées d’interlocuteurs compétents lorsqu’elles constataient la radicalisation d’un proche. Cette plateforme téléphonique, gérée par le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, n’a rien d’anecdotique dans la mesure où tout signalement permet ensuite le déclenchement d’un dispositif de suivi individualisé. La commission a estimé que la gravité de la situation exigeait que ce numéro vert fonctionne dorénavant 24 heures sur 24, tant il constitue une porte d’entrée pour pouvoir, à temps, stopper le processus de radicalisation.
De la même façon, la commission a proposé, à destination des acteurs de terrain, particulièrement des acteurs éducatifs et des personnels chargés de missions d’accompagnement social, la mise en place d’actions obligatoires de formation à la détection de la radicalisation. La méconnaissance de l’islam est telle qu’il nous est apparu indispensable de former ces agents afin qu’ils soient en mesure de différencier ce qui relève de la pratique de cette religion d’un embrigadement par un réseau djihadiste. C’est tout à fait primordial en ce que cela permet de contrer plus facilement la « contamination des esprits » que nous observons aujourd’hui.
Bien sûr, l’école a là un rôle crucial à jouer. Elle doit renouer avec son ambition de former des citoyens et se faire un devoir de développer leur sens critique, base de la rationalité. Une formation à la réception des contenus diffusés sur internet ainsi qu’un enseignement laïque du fait religieux ont été proposés. Ce dernier me semble opportun pour que la religion ne soit plus uniquement abordée dans la sphère privée, au risque d’être laissée dans les seules mains de ceux qui en ont une lecture radicale.
En outre, j’en suis convaincu, il faut sans cesse promouvoir la laïcité en martelant qu’elle est tout sauf une atteinte envers les croyants. C’est au contraire un synonyme de liberté et un indispensable outil du vivre ensemble dans une société multiconfessionnelle, en deux mots un « bien commun » qu’il nous faut à tout prix préserver. Ceux qui se sont attachés à la faire prévaloir ces dernières années, témoins de la montée de la pression communautaire, ont été parfois bien seuls et, pis, injustement accusés de racisme ou d’islamophobie. J’en sais quelque chose pour avoir, lorsque j’étais maire de Conflans-Sainte-Honorine, apporté mon soutien à la crèche Baby Loup, en proposant de l’accueillir sur la commune pour mettre le personnel à l’abri des menaces quotidiennes qu’il subissait à la suite de la saga judiciaire déclenchée par le licenciement d’une salariée voilée.
Si cette thématique ne constitue par le cœur du rapport, je la relie pourtant directement en ce qu’elle est emblématique des « batailles » que notre société doit désormais impérativement gagner. Il y va de même s’agissant du délitement du sentiment d’appartenance républicaine, sur lequel notre collègue et président Gérard Larcher a travaillé.
À cet égard, nous ne pouvons plus ignorer qu’une partie de notre jeunesse rejette le modèle de société que nous avons à lui proposer. Je fais référence ici non pas uniquement à ceux qui sont prêts à partir pour la Syrie, mais plus largement à tous ceux qui, en janvier dernier, ne se sont pas « sentis Charlie ». En effet, la République ne peut plus se contenter d’être une agglomération d’individus, un simple corpus de règles juridiques leur permettant de coexister, sans partager aucun autre projet, aucune finalité. Pourtant, ce projet n’est pas à inventer. Il peut, selon moi, se résumer par « Liberté, Égalité, Fraternité ». Nous devons aujourd’hui trouver les moyens de le faire vivre et de l’inscrire dans les esprits et les cœurs desquels il se serait effacé.
Vous l’aurez compris, ce que je propose, c’est finalement « d’actionner toutes les manettes ». Il faut agir sur tous les plans : améliorer la coordination des services antiterroristes et renforcer leurs prérogatives, s’allier aux opérateurs d’internet pour contrer le « djihad médiatique », tarir les sources de financement du terrorisme et travailler sans relâche à une coopération internationale forte et resserrée. Toutefois, j’en suis persuadé, toutes ces mesures resteront vaines si nous ne faisons pas le travail de fond qui consiste à « réhabiliter la nation française », c’est-à-dire, pour reprendre les mots d’Ernest Renan qu’il a si justement exprimés, « le consentement, ce désir clairement exprimé de continuer la vie commune ».
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’UDI-UC.
Mes chers collègues, vos conclusions sur les filières djihadistes sont révélatrices de l’absence dramatique de vision politique qui est la vôtre et qui vous conduit tout bonnement à envisager une certaine « soumission » aux revendications islamistes qui se développent dans notre société.
Dans la première partie du rapport, sont passés en revue différents aspects du phénomène djihadiste, revenant au passage sur certaines légendes qui ont envahi la sphère publique ces derniers mois. Je pense notamment à la thèse du « loup solitaire » qui se radicaliserait tout seul sur internet, alors qu’il est au contraire rappelé dans le rapport qu’internet est « un catalyseur plutôt qu’un déclencheur de la radicalisation ». Il est également rappelé dans le rapport que « la radicalisation s’effectue […] au sein des réseaux de sociabilité locale […] ou encore au sein d’associations de nature philanthropique » et que « les lieux de culte […] demeurent en effet un espace de rencontre pour les islamistes radicaux [et] un lieu de visibilité pour les structures associatives collectant des fonds ».
Le rapport montre aussi le danger de leur retour en France : « […] la plupart d’entre eux ne renient pas leur engagement et restent extrêmement déterminés ; endoctrinés, aguerris et entraînés au maniement des armes, ils présentent une menace directe sur le territoire français. Cette menace est cependant difficile à évaluer, dans la mesure où la plupart d’entre eux adoptent une stratégie de discrétion et de dissimulation – la taqîya », d’où « le risque que le djihadisme amateur que l’on observe aujourd’hui laisse place à un nouveau terrorisme plus professionnel ».
Il est enfin admis dans le rapport que les réponses apportées depuis un an « peinent à répondre à l’ampleur du défi », avec des forces de sécurité aux limites de leurs capacités humaines et techniques, des services débordés par le nombre de signalements et de cibles à suivre.
Las, si votre rapport pose de bonnes questions, il apporte surtout de mauvaises réponses. En effet, vous cédez à ce chantage à l’islamisation, le véritable objectif commun à toutes les mouvances islamistes. On reste pantois en découvrant la liste de vos préconisations : « Éviter les départs et prendre en charge les retours » – vous parlez bien de ces mêmes personnes qui, lit-on ailleurs, « présentent une menace directe sur le territoire français » – et, à leur retour, leur donner accès à « un programme français de réinsertion des individus engagés dans un processus de radicalisation djihadiste ». Tout ce à quoi le Français lambda n’a pas ou pratiquement pas droit, vous voulez le donner à ceux qui sont nos ennemis déclarés !
Il s’agit également de « Favoriser la construction d’un islam de France », ce qui veut dire financer un ensemble de formations et d’activités islamiques... Mais en quoi serait-ce à nous de le faire ? Si l’islam ne s’acclimate pas et ne s’assimile pas à notre pays et à ses traditions, est-ce à nous, élus d’une république laïque, de porter, de sponsoriser l’islam pour qu’il devienne un jour peut-être national
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Enfin, « votre rapporteur se félicite de la signature, le 12 mars 2015, d’une convention de partenariat entre la Direction de l’administration pénitentiaire et l’Institut du monde arabe, ayant pour but de “favoriser l’accès des personnes [...] détenues à la culture et à la civilisation du monde arabe” ». Vous rendez-vous seulement compte de l’aberration de cette inversion totale de l’assimilation ?
C’est toute notre politique d’assimilation, d’immigration et de nationalité qu’il faut changer…
… si nous voulons assurer au mieux la protection de l’ensemble de nos compatriotes. En effet, chaque jour, des prédicateurs attisent chez nous la haine de la France et prêchent le djihad de façon à peine voilée.
Ces ennemis de la liberté, ces ennemis de la France n’ont rien à faire chez nous : s’ils sont étrangers, expulsons-les ; s’ils ont la nationalité française, qu’on la leur retire et, s’ils sont partis, empêchons-les de revenir !
… et réclamées par les Français que nos dirigeants se perdent et nous perdent avec eux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moi aussi je suis quelqu’un de simple : lorsque je ne suis pas contente, je le dis, et lorsque j’ai des observations à faire, je les fais. Il convenait de voter les conclusions de la commission d’enquête puisque nous sommes tous d’accord pour lutter contre les filières djihadistes, même si nous ne partageons pas l’ensemble des objectifs et des moyens pour y parvenir. Reste que le problème n’étant pas apparu en un jour, il ne se réglera pas non plus en un jour.
Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur un seul sujet : le financement.
Lors du débat budgétaire sur les crédits de votre ministère, nous avions souligné que le mot « terrorisme » ne figurait sur aucun document. J’en ai parlé avec Alain Lambert, qui m’a indiqué tout à fait doctement que le Gouvernement pouvait créer une mission budgétaire pour suivre les flux financiers liés à la lutte contre le terrorisme. Il serait en effet intéressant pour le Parlement de suivre l’évolution de ces dépenses, par exemple celles décidées dans le cadre du projet de loi relatif au renseignement.
Par ailleurs, je préconise la création d’un ambassadeur dédié. Chacun sait ici que je fais la guerre aux ambassadeurs thématiques, qui ne servent à rien. Or un ambassadeur dédié, tel que celui qui existe aux États-Unis, pour assurer les liaisons et la coordination de toutes les forces qui travaillent sur ce sujet, serait extrêmement intéressant.
Je recommande également de créer une délégation ou une commission permanente au Parlement. Le Congrès des États-Unis n’en compte pas moins de trois liées à la sécurité. Il s’agit, là aussi, d’un travail de longue haleine, sur lequel nous allons devoir nous pencher.
Je voudrais concentrer mon intervention sur les flux financiers.
Lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014, j’avais déposé un certain nombre d’amendements sur le sujet, mais le rapporteur Alain Richard m’avait alors conseillé d’attendre les conclusions du rapport de la commission d’enquête. Je pensais notamment au crowdfunding : sachant qu’il faut moins de 500 euros pour acheter une kalachnikov, il serait intéressant que ces opérations, qui ne sont absolument pas surveillées, puissent faire l’objet d’une déclaration préalable, laquelle serait extrêmement simple, pour ne pas freiner leur développement, et se ferait sur un portail hébergé, par exemple, par le ministère de l’économie et des finances. Veillons également au problème du financement des billets d’avion, dont j’avais également parlé à l’automne dernier.
Monsieur le ministre, je voudrais surtout appeler votre attention sur le trafic d’armes. Il circule énormément d’armes dans tout notre pays. Le trafic d’armes représente une source de financement commune aux délinquants de droit commun et aux terroristes, au même titre que les réseaux de blanchiment et de fraude fiscale. Il est difficile de mesurer l’importance de ce commerce illégal, mais il est certain qu’à chaque fois que nous livrons des armes à l’opposition syrienne, que nous versons de l’argent pour l’armée libanaise ou que nous lui fournissons pour 3 milliards d’euros d’armement, nous courons le risque que ces armes se retrouvent entre de mauvaises mains. Il faut être extrêmement prudent en la matière et probablement rehausser le contrôle sur ces flux d’armes.
Un point n’a pas été évoqué, ce qui est normal, dans la mesure où il peut paraître accessoire, même s’il est essentiel en matière de financement du terrorisme, je veux parler du trafic d’œuvres d’art. La destruction d’œuvres d’art inestimables a récemment suscité l’attention des médias, mais le trafic de ces objets doit tout autant nous préoccuper. Je le répète, il s’agit d’un sujet que l’on évoque peu, même s’il existe des conventions internationales et que l’UNESCO y travaille. En la matière, nos contrôles aux frontières doivent être renforcés, car l’art suscite de nombreux intérêts. Certes, la France est moins concernée que les États-Unis et le Japon, qui comptent un nombre de collectionneurs très important. Néanmoins, il convient de s’intéresser au sujet.
Tous les problèmes liés au maniement de fonds posent de nombreuses questions. À cet égard, Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, a pris un certain nombre de décisions qui ne sont pas encore aujourd’hui entrées dans les faits. Il s’agit notamment de la réduction du montant maximum des paiements en espèces. Nous sommes nombreux à penser que l’assèchement des flux financiers sera une arme tout aussi importante que l’arsenal répressif et de renseignement que vous mettez en place.
Je ne connais pas encore aujourd’hui les dispositions qui seront adoptées, mais j’espère que vous pourrez nous donner un calendrier de mise en œuvre des mesures concernant le contrôle financier, qui doivent être corrélées avec celles liées à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, pour lesquelles le groupe CRC, en particulier Éric Bocquet, s’est beaucoup mobilisé. À mes yeux, ces deux sujets ne font qu’un. Aussi, je forme le vœu que vous puissiez nous apporter un éclairage dans votre réponse sur ces aspects très précis du financement.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport dont nous discutons aujourd’hui porte sur un sujet d’une exceptionnelle gravité, qui n’était peut-être par encore identifiée comme telle au moment de la création de la commission d’enquête en octobre 2014. À cette date, en effet, il était difficile de se douter de l’importance qu’allaient revêtir ces travaux. Même si beaucoup étaient inquiets, peu d’entre nous imaginaient qu’un événement tragique viendrait secouer la France, poussant notre pays à entrer en guerre contre le terrorisme, le fanatisme religieux et l’extrémisme, pour défendre notre démocratie contre les menaces pesant sur nos libertés.
Pourtant, dès le mois de juin 2014, deux sénateurs sonnaient l’alarme et écrivaient qu’il était « indispensable que la représentation nationale soit pleinement informée […] des filières qui permettent le recrutement de ces apprentis djihadistes » et qu’elle puisse mesurer leur influence au sein de nos établissements pénitentiaires. Leur intuition s’est révélée tragiquement bonne ! C’est pourquoi je veux saluer le travail important réalisé par la commission d’enquête, qui présente aujourd’hui un rapport plus précis de la situation et 110 propositions adoptées à l’unanimité, dois-je le rappeler ?
Avant d’en venir aux propositions formulées par la commission d’enquête, un chiffre mérite d’être rappelé, celui du nombre de textes législatifs examinés par le Parlement ces dix dernières années. J’ai recensé pas moins de six textes visant à étoffer le cadre pénal ou à donner aux services de police ou de renseignement des moyens d’action plus efficace contre le terrorisme, sans compter les réformes relatives aux services de renseignement.
Nous ne pouvons donc nier la réalité : malgré la qualité de nos services de renseignement et de police, leurs limites, tant humaines que techniques, ont été atteintes. La commission d’enquête l’a d’ailleurs mis en évidence sans détour. Nous devons donc nous mobiliser pour que ces propositions viennent pallier nos difficultés, alors même que le pouvoir d’attraction des organisations terroristes ne cesse d’augmenter. Ces propositions doivent être appliquées avec fermeté, sans se préoccuper des minorités agissantes.
En janvier dernier, dans cet hémicycle, j’affirmais que la démocratie se défendait distraitement. Depuis lors, rien n’a changé dans les comportements. Au contraire, les leçons des événements de janvier semblent déjà oubliées par un certain nombre d’organisations bien pensantes.
Certaines propositions peuvent nous surprendre non pas par leur caractère innovant, mais au contraire par leur bon sens, ce qui nous oblige à nous interroger sur les raisons pour lesquelles elles ne sont pas encore mises en place sur notre territoire. Ainsi, je pense à la proposition n° 110, qui préconise d’enregistrer dans un fichier les personnes condamnées pour des actes de terrorisme, sur le modèle des dispositifs existant en matière d’infractions sexuelles. Un tel fichier, dont l’intérêt est incontestable, n’existe pourtant toujours pas. C’est aussi le cas de la proposition n° 4 sur l’échange d’informations entre les maires et les cellules de veille préfectorales ou encore de la proposition n° 29 sur l’accès aux fichiers de police et de justice pour les services de renseignement. Ces pratiques relèvent à l’évidence du bon sens.
La proposition n° 58, quant à elle, tend à instaurer des contrôles systématiques aux frontières de l’espace Schengen. C’est bien le minimum que l’on puisse mettre en œuvre pour atteindre nos objectifs...
Enfin, je pense surtout à la proposition n° 73, qui préconise l’adoption, « le plus rapidement possible » de la directive européenne sur le PNR, le rapport ajoutant qu’il s’agit là d’un « outil essentiel dans le domaine de la prévention du terrorisme ».
Que de temps perdu depuis l’affaire Merah et le drame qui a frappé l’école juive à Toulouse et les militaires à Montauban en 2012 ! Que de temps perdu depuis qu’un rapport d’information relatif aux premiers systèmes d’exploitation de grande ampleur des données des dossiers passagers, dits PNR, a été examiné à l’Assemblée nationale ! Que de temps perdu, surtout, depuis les attentats du 11 septembre 2001 ! Le PNR voyait alors le jour, et les États-Unis exigeaient de disposer des données relatives aux passagers décollant ou atterrissant sur leur territoire.
Pourtant, par la voix de l’actuel président de la République, l’opposition de l’époque refusait catégoriquement l’hypothèse, et même le débat.
Enfin, une proposition a particulièrement retenu mon attention. Il s’agit de la proposition n° 9, qui, au premier abord, peut apparaître anecdotique et gadget, alors qu’elle est au contraire, à mon sens, fondamentale. Je la rappelle : introduire un programme d’enseignement laïque du fait religieux dans le cadre scolaire. Cette proposition répond avec force au principe de laïcité pris dans son acception la plus équilibrée.
Dans notre société démocratique et complexe, on ne peut laisser penser que, d’un côté, il y aurait les religieux, qui se référeraient exclusivement aux obligations et interdits de leur culte, et, d’un autre côté, les laïcs et la République, qui ne seraient là que pour énoncer des droits et des libertés. L’équilibre entre ces deux systèmes de valeurs doit être trouvé, car c’est la condition du vivre ensemble. Ainsi, l’enseignement laïque du fait religieux est, dans ce sens, la réponse idoine pour lutter contre un apprentissage approximatif et malhonnête des principes et des traditions de la religion, notamment de l’islam.
Au-delà de toutes ces mesures, n’oublions jamais que notre pays, la France, a des racines chrétiennes, que des siècles d’histoire nous contemplent et que la transmission de ces valeurs au travers de notre histoire commune a forgé notre pays, notre démocratie, parfois dans la douleur. Je souhaite donc mettre en garde celles et ceux qui, au nom de l’intégrisme laïque, souhaiteraient tout effacer, tout interdire. Notre pays ne doit pas s’abriter derrière la laïcité pour choisir ses priorités, car celle-ci ne signifie pas, contrairement à ce que certains veulent nous imposer, la négation du religieux. Tel ne doit pas être le sens de l’histoire commune que nous écrivons, car une société qui abandonne ses valeurs est une société en perdition.
Les propositions de la commission sont entre nos mains, entre les mains du pouvoir exécutif. Elles seront également, et peut-être surtout, entre les mains des collectivités locales, des associations et des différents acteurs de la société, comme le souligne en introduction M. le rapporteur. Toutefois, sans la mise en œuvre de ces propositions par le gouvernement en fonction, la société civile restera démunie. Leurs actes et leurs paroles ne suffiront pas. C’est la raison pour laquelle nous devons légiférer, légiférer vite, et suivre ces recommandations pour une réponse globale et sans faiblesse contre les filières djihadistes.
Mobilisée au lendemain des attentats de janvier, la société civile nous a ordonné d’agir. Il est urgent de répondre à cette injonction. « Seuls la volonté et le courage politique nous permettront […] de redonner […] espoir à des millions de Français », peut-on lire dans le récent rapport du président Gérard Larcher remis au chef de l’État. Désormais parfaitement informés, conscients de la gravité de la situation et du retard de la réponse des pouvoirs publics, nous devons agir avec fermeté pour garantir notre sécurité, nos libertés collectives et redonner cet espoir tant attendu.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport qui fait l’objet du débat de ce soir résulte d’un travail sérieux et approfondi. Il est fondé sur des analyses, des auditions et des déplacements couvrant l’ensemble de la problématique qui nous a été posée.
Je dois avouer que j’ai abordé ces travaux avec quelques idées simples. Les auditions m’ont permis de modifier ma perception. J’avais, comme point de départ, l’idée d’une causalité directe et exclusive entre les phénomènes de discrimination, de ghettoïsation, de stigmatisation et celui de la radicalisation pouvant mener à un parcours de djihadiste. Cette idée simple a vite rencontré ses limites, et j’ai beaucoup appris durant ces quelques mois.
En effet, il apparaît que l’humiliation des musulmans n’est pas une spécialité française : elle est mondiale, elle est ancienne. Beaucoup de musulmans dans le monde attribuent aux stratégies hasardeuses des puissances occidentales la responsabilité des foyers de conflits au sein du monde arabe et musulman, avec l’éclosion soudaine de la rivalité entre sunnites et chiites, qui s’est notamment traduite par la destruction de l’Irak et de la Syrie, pourtant pays laïques et berceaux de la civilisation arabo-musulmane.
Lieux de civilisation et de mémoire, la Syrie et l’Irak représentent des références culturelles mythiques, encore vivaces aujourd’hui pour tout Arabe, musulman ou non. La destruction de Bagdad, notamment, qui fut pendant des siècles le centre politique, économique et culturel du monde médiéval, participe de cette humiliation. Si nous ne pouvons apporter des réponses à ce sentiment d’humiliation aussi fort, aussi ancien, aussi complexe dans ses ressorts, nous pouvons faire en sorte de ne pas l’alimenter.
Force est de constater que la France, à elle seule, représente la moitié du contingent européen des djihadistes. M. le ministre nous a d’ailleurs informés tout à l’heure que ce contingent était en augmentation régulière. Il existe donc un terreau hexagonal qui favorise la disponibilité au djihad et qui s’ajoute à cette humiliation. Cela doit bien évidemment nous conduire à nous interroger sur le regard porté sur nos concitoyens de confession musulmane, sur les discriminations massives qui sont des morts sociales, sur les mises à l’écart, les soupçons, les préjugés alimentés par un discours délétère tenu à longueur d’antenne par une grande partie des médias et certains responsables politiques.
Dans un récent éditorial intitulé Islam, une semaine ordinaire en France, la rédaction du journal Le Monde a demandé à ses lecteurs d’imaginer qu’ils sont des Français de confession musulmane et les invite, à l’aune de cette identité, à suivre l’actualité durant une semaine, concluant ainsi : « obsédantes, répétitives et détestables, ces controverses font le jeu de tous les intégristes ». J’ajouterai : « et des islamophobes ».
Oui, dans notre pays, islamophobes et intégristes se nourrissent l’un de l’autre, dans une mise en scène redoutablement efficace de surenchère et de légitimation mutuelle ! Pour briser ce cercle infernal, j’ai donc proposé modestement quelques amendements, joints en annexe au rapport. Ils n’ont pas tous été retenus, mais ils ont donné lieu à des discussions très stimulantes qui ont fait l’objet d’un avant-propos soulignant que la « commission d’enquête ne méconnaît pas les enjeux liés aux fragilités de la société ».
Par ailleurs, certains membres de la commission ont regretté que le rapport ne fasse pas mention de la nécessaire réorganisation du Conseil français du culte musulman. Connaissant personnellement les faiblesses de la représentation des musulmans de France, je ne peux que souscrire à ce toilettage, mais nous n’avions pas à établir de lien entre ce point et les filières djihadistes. Il est vrai que le CFCM est contesté non pour ce qu’il fait, mais surtout pour ce qu’il ne fait pas, toute corrélation avec le djihadisme aurait donc été grave et tendancieuse.
Pour ce qui concerne les statistiques ethniques, on a pu se rendre compte de l’usage qui pouvait être fait du comptage des enfants musulmans de Béziers, comme si d’autres fichages, en d’autres lieux, d’autres temps et pour une autre communauté, n’avaient pas servi de leçon ! On peut le meilleur et le pire avec les statistiques. Mes collègues veulent le meilleur, mais le pire n’est jamais loin, et nous en avons eu une belle démonstration !
J’ai le sentiment que nous avons fait honnêtement notre travail. Il faut signaler notamment la part importante faite dans ce rapport à l’analyse et à la place à accorder aux variables de nature socio-économique. Le débat n’est pas clos sur le sujet.
Pour conclure, je voudrais dire que le projet de loi relatif au renseignement respecte un équilibre entre sécurité et liberté. Il n’est en rien liberticide et s’inscrit dans la même perspective que nos recommandations. Il représente évidemment une étape importante et indispensable pour lutter plus efficacement contre les réseaux djihadistes et pour mieux nous protéger.
Mme Bariza Khiari. Enfin, en nous penchant sur les causes profondes, il nous restera à assécher par tous moyens le terreau sur lequel se développe cette idéologie mortifère. Surtout, pour « faire France ensemble », il importe de redonner de la dignité à nos concitoyens de confession musulmane, durement éprouvés par cette violence, en rappelant qu’ils sont, dans le monde, les premières victimes du terrorisme.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’on voulait faire le bilan des travaux de cette commission d’enquête, je crois que tous ceux qui y ont participé pourraient dire qu’ils ont beaucoup appris. Chacun d’entre nous est arrivé, comme l’a dit Bariza Khiari, avec ses certitudes initiales, qui se sont trouvées profondément modifiées au cours de nos échanges, mais nous avons tous été choqués, à un moment ou à un autre, par ce que nous apprenions. Je crois que c’est ce sentiment qu’il est important de faire partager.
Mme la présidente de la commission d’enquête a regretté aujourd’hui un certain nombre d’imperfections de nos travaux, mais j’ai tendance à penser que nous aurions pu, si elle l’avait voulu, les améliorer encore. En définitive, nous avons beaucoup appris.
Bariza Khiari le disait, on entend dire que l’échec de l’intégration serait la cause du départ de ces jeunes Français qui quittent le territoire national pour se transformer en terroristes et commettre des actes de barbarie, en Syrie et en Irak. Comment expliquer alors que des milliers de Marocains quittent le Maroc, que des milliers de Tunisiens quittent la Tunisie avec le même objectif ? C’est bien la preuve qu’il ne s’agit pas simplement d’une question d’intégration, mais d’un problème de fragilité des sociétés.
Comment expliquer aussi le nombre de nouveaux convertis qui quittent notre pays ? Ils ne rencontrent pourtant pas de problème d’intégration ! Nous avons pu sentir cette réalité lors des auditions.
Nous avons aussi senti que la connaissance de la religion musulmane, puisque c’est au nom de cette religion que ces crimes sont commis, était un outil fondamental pour permettre à ceux qui ont prêté leur bras et se sont fait piéger de cesser d’être manipulés : connaissant les textes, ils sont alors capables de les interpréter et de constater que ceux qui veulent les manipuler ne sont en rien des musulmans.
Oui, la laïcité mérite d’être défendue et réaffirmée, mais cette nécessité n’est pas contradictoire avec l’affirmation qu’une bonne connaissance de la religion est indispensable ! Les témoignages que nous avons entendus nous l’ont prouvé : à partir du moment où des crimes barbares sont commis au nom d’une religion, il faut que cette religion soit connue de manière à déjouer les manipulations réalisées en son nom.
Nous avons aussi pu mesurer les atouts et les chances de la coopération européenne, ainsi que ses besoins et les difficultés qu’elle rencontre pour progresser. Nous avons parlé du PNR, du contrôle de l’espace Schengen et de la convergence des politiques de visas, toutes perspectives nécessaires qui s’inscrivent dans la continuité d’une coopération européenne qui est une énorme chance et représente un paramètre important de notre sécurité commune.
Enfin, nous avons constaté qu’internet a permis aux terroristes de réaliser un saut technologique, qui exige de nos sociétés qu’elles s’équipent de nouveaux dispositifs pour se renforcer face à cette menace, brandie au nom de l’islam aujourd’hui, mais peut-être au nom d’autres idéologies demain. Tel est l’objet du projet de loi relatif au renseignement que nous serons amenés à examiner prochainement. Cependant, internet ne doit pas être envisagé comme un problème, mais comme une solution, car nous ne pourrons pas inventer la citoyenneté du XXIe siècle sans constater qu’internet est un formidable outil pour faire société, grâce aux réseaux sociaux, à leur capacité de mobilisation et d’échanges.
J’insiste sur ce point : internet n’est pas le problème, internet est la solution ! Notre responsabilité politique de parlementaires nous impose de faire en sorte que nos décisions, nos réflexions ne soient pas considérées comme allant à rebours des évolutions d’internet et de la société : elles doivent accompagner ces évolutions, en tirant le plus possible profit des perspectives offertes par internet.
Lorsque j’ai évoqué à l’étranger les travaux de notre commission d’enquête, un Français qui avait vécu un attentat au Kenya m’a expliqué que le terrorisme représentait une menace absolue pour la démocratie, parce que des individus qui ont peur pour leur vie, soumise à une menace immédiate, cessent d’être rationnels. Si la rationalité disparaît dans la société, celle-ci ne peut plus fonctionner en tant que démocratie. C’est pour cela qu’il est important de se mobiliser, …
M. Jean-Yves Leconte. … mais c’est à chacun qu’il appartient de se mobiliser, car les citoyens ne peuvent pas se contenter de déléguer à l’État la responsabilité de les protéger. Il faut donc que chacun se mobilise pour pallier les fragilités de la société. La sécurité ne saurait être déléguée à l’État, car elle est l’affaire de tous. Comme il n’y a pas de responsabilité sans liberté, il ne faut pas simplement opposer liberté et sécurité : la liberté et la responsabilité de chaque citoyen vont de pair pour assurer la sécurité et la cohésion de la société !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission d’enquête, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le Sénat d’avoir organisé ce débat très important. En effet, le Gouvernement, dans la lutte qu’il mène contre le terrorisme, entend s’appuyer sur les travaux des parlementaires qui contribuent, par les propositions qu’ils formulent, à alimenter sa réflexion et son action.
J’intervenais tout à l’heure devant la commission des lois et la commission des affaires étrangères, et je souhaite répéter devant vous ce que je leur ai dit sur la nature du risque qui se présente à nous.
Notre pays est confronté à une menace d’un niveau très élevé, pour des raisons qui tiennent à son engagement international. Nous sommes membres de la coalition contre l’État islamique, mais nous sommes également engagés au Mali, où nous avons agi pour le compte de l’Union européenne, afin qu’un peuple qui avait commencé à aimer la liberté ne tombe pas sous le joug d’organisations terroristes radicales violentes. Nous sommes également présents en République centrafricaine. Nous sommes donc déterminés à lutter contre le terrorisme à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières et, si notre pays est l’une des cibles privilégiées de ceux qui, par leurs propos, appellent à la haine et au terrorisme, c’est bien en raison de cet engagement international.
Nous sommes aussi particulièrement visés – et c’était vraisemblablement le sens des attentats du mois de janvier dernier – parce que les peuples du monde ont appris à aimer un discours de la France qui défend des valeurs haïssables pour les terroristes, qu’il s’agisse de la liberté d’expression, qu’incarnent des journalistes libres parfois jusqu’à l’impertinence, ou de la laïcité, qui permet à chacun de croire ou de ne pas croire et, pour ceux qui ont fait le choix de croire, de pouvoir exercer librement leur culte dans le respect de la croyance de l’autre. Un tel discours est tout à fait incompatible avec toutes les formes de radicalité religieuse qui prétendent, par l’endoctrinement et le sectarisme, empêcher autrui de penser ce qu’il désire penser. Les actes antisémites répétés perpétrés lors des événements tragiques du mois de janvier dernier témoignent de la propension à la haine qu’occasionnent les enfermements sectaires.
Enfin, les terroristes ont la volonté de frapper ceux qui incarnent l’État de droit et la force chargée de le faire respecter – je pense aux militaires et aux membres des forces de l’ordre, particulièrement touchés à l’occasion des événements du mois de janvier.
Notre engagement international, les valeurs que nous incarnons, le discours que nous tenons, mais aussi une forme de liberté, de respect et de tolérance dans le fonctionnement de notre société, tous ces éléments sont incompatibles avec le discours des terroristes. Telles sont les raisons pour lesquelles notre pays est particulièrement visé ; telles sont les raisons pour lesquelles, aux yeux des terroristes djihadistes, il doit être touché parmi les premiers et est désigné comme cible privilégiée.
La menace est élevée en France, les événements du mois de janvier le prouvent, comme les attentats déjoués il y a trois semaines à Villejuif. Par ailleurs, l’ensemble des arrestations auxquelles nous procédons, les groupes que nous démantelons et les tentatives d’actes terroristes que le travail de nos services de renseignement permet de déjouer témoignent également, s’il en était besoin, du très haut degré de cette menace.
Nous devons regarder cette menace en face, car elle nous oblige, à l’égard des Français, à un devoir de vérité qui ne saurait se résumer à l’instrumentalisation d’un risque aux fins de dissémination de l’effroi dans la société, pour atteindre d’ailleurs on ne sait quel objectif. La vérité implique la maîtrise et le sang-froid ; elle implique que l’on qualifie le risque pour ce qu’il est, mais que l’on ne cherche pas à l’instrumentaliser à des fins politiques.
D'ailleurs, je constate que lorsque nous avons, au moment de la tentative d’attentat de Villejuif, exprimé la réalité des faits après que ceux-ci aient été établis, les mêmes qui nous ont reproché de communiquer à l’excès nous auraient fait grief d’avoir dissimulé la vérité ou d’avoir voulu cacher un risque si nous n’avions pas qualifié les choses au moment où le risque se présentait à nous.
Face au risque terroriste, il faut que nous soyons dans la maîtrise de la communication. Et c’est aussi une difficulté à laquelle les démocraties sont confrontées que d’avoir la parole maîtrisée, que de trouver les mots justes, et que d’essayer toujours, face au risque terroriste, d’être dans la vérité, avec la part d’exigence qu’elle appelle dans le choix des mots, dans le refus de l’instrumentalisation, dans la réflexion pour prendre la juste décision qui protège sans faire peur, qui assure la sécurité, sans que cela se fasse jamais au détriment des libertés.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait le choix d’agir toujours sans trêve ni pause, mais dans le respect rigoureux des principes du droit qui fondent la République et qui garantit à notre démocratie que le respect du droit la rendra plus forte pour lutter contre le terrorisme.
Il y a, enfin, un point sur lequel je voudrais insister, avant d’évoquer quelques mesures contenues dans votre rapport. Je veux parler de la forme nouvelle de terrorisme à laquelle nous sommes confrontés.
Cette forme nouvelle de terrorisme résulte de la dissémination de groupes nombreux dans la bande sahélo-saharienne et de la volonté de certains d’entre eux de penser une organisation politique en imposant leur logique, leur système, leur pensée, à l’exclusion, d'ailleurs, de toute autre forme d’appartenance. C’est la logique du califat, qui prétend s’implanter et s’imposer en Irak et en Syrie.
Cette forme nouvelle de terrorisme procède, outre de la dissémination des groupes terroristes dans la bande sahélo-saharienne, de la circulation de groupes terroristes à travers des frontières mal contrôlées, notamment en Afrique du Nord. Elle provient aussi des réductions de l’État libyen, qui donnent la possibilité à tous ces groupes de prospérer en Libye, pays à partir duquel ils ont le loisir d’organiser bien des trafics.
Par-delà ce contexte international très particulier, qui rend la menace protéiforme – cela a été souligné par de nombreux orateurs – et, par conséquent, plus difficilement maîtrisable que lorsque des groupes terroristes intervenaient, par exemple, à partir de l’Algérie pour frapper l’Europe et regagner ce pays en essayant de fomenter des opérations funestes à l’intérieur de groupes fermés, nous avons aujourd'hui une dissémination du terrorisme au travers de ces groupes multiples, affiliés ou non à de grandes orientations comme Al-Qaïda. En outre, nous avons aussi, dans nos propres pays, en France, un terrorisme en libre accès.
Quel est ce terrorisme en libre accès ? Il implique des ressortissants de nos pays, souvent jeunes et vulnérables, qui basculent dans des activités terroristes, en s’engageant dans des opérations hautement criminelles, notamment en Irak et en Syrie.
Le nombre de ces ressortissants n’a cessé de croître. Lorsque j’ai été nommé ministre de l’intérieur voilà plus d’un an, j’ai vu immédiatement la réalité et sa potentialité dangereuse : entre 400 et 500 Français étaient engagés dans des opérations de ce type, contre 1 600 à 1 700 aujourd'hui. Parmi ces ressortissants français, des mineurs et des femmes désormais sont sur le théâtre des opérations terroristes en Irak et en Syrie ; 300 d’entre eux ont participé à des opérations et sont revenus sur le territoire national. Cela signifie que 700 Français de tous âges, de tous horizons ont été engagés dans des opérations terroristes en Irak et en Syrie ; ils sont ou en sont revenus. En outre, 300 personnes en France prétendent rejoindre ces groupes ou ont le projet de le faire ; 285 personnes se trouvent quelque part en Europe, entre la France et la Syrie ou l’Irak, sur le chemin de ce parcours funeste.
Il s’agit donc d’un phénomène de grande ampleur, qui n’a cessé de croître, de prendre de la force, de briser des familles, de ruiner des destins et de conduire des jeunes à la mort.
Vous avez indiqué tout à l’heure, madame Assassi, que 100 jeunes sont actuellement sur le théâtre des opérations. Non, ils sont 700 ! Le nombre que vous avez énoncé correspond au nombre de personnes qui y sont mortes. Ils sont 700 aujourd'hui !
Ce terrorisme en accès libre a de multiples causes. On ne saurait analyser ce phénomène sans en avoir une approche multifactorielle.
Il y a l’efficacité d’une propagande diffusée par internet.
Il y a les effets de la numérisation de la société.
Il y a des acteurs terroristes qui, par la sophistication des moyens numériques qu’ils mobilisent, parviennent à endoctriner, à embrigader, à convaincre des jeunes qui n’ont jamais fréquenté une mosquée ni rencontré un imam radicalisé de s’engager dans des opérations à caractère terroriste.
Il y a la porosité de plus en plus grande qui existe – les événements du mois de janvier dernier en témoignent – entre la petite délinquance enkystée dans les banlieues et le grand terrorisme. Je pense à ceux qui ont engagé les opérations du mois de janvier, notamment à Amedy Coulibaly avec les crimes abjects que l’on sait de Montrouge et de l’épicerie Hyper Cacher, qui avait mobilisé autour de lui toute une série d’acteurs, de petits délinquants, présents dans les quartiers, sans nécessairement savoir à quoi ils participaient. Et cette porosité entre la petite délinquance et le grand terrorisme est un phénomène nouveau, qui accélère le processus d’enrôlement et d’embrigadement, ainsi que le basculement, ce qui rend, par conséquent, beaucoup plus « capillaire », si je puis utiliser cette expression, la violence par le trafic d’armes, par l’utilisation des armes à feu après que le trafic a eu lieu, par la mobilisation de l’argent de la drogue pour commettre des actes préparés de longue date.
Enfin, il existe un troisième phénomène, la radicalisation en prison : non pas que la prison soit devenue un lieu de fabrication de terroristes – tel n’est pas le cas –, mais il est incontestable que des terroristes emprisonnés pour avoir commis des actes répréhensibles au début des années quatre-vingt-dix ont pu rencontrer des délinquants qui ont basculé.
D’ailleurs, on a pu constater qu’une cartographie du terrorisme place, dans une espèce de continuum d’actions violentes, ceux qui, dans les années quatre-vingt-dix, avaient agi et ceux qui agissent aujourd'hui. Des connexions se sont nouées entre les uns et les autres : certains ont participé à des tentatives d’évasion ; d’autres à des tentatives de recrutement – la filière du 19e arrondissement pour laquelle ils avaient été emprisonnés –, puis ont rencontré en prison des terroristes. Et des groupes avec des réseaux très organisés, qui représentent un risque et un danger, se sont constitués. Voilà la réalité protéiforme à laquelle nous sommes confrontés.
Pour nous inciter à agir, vous faites des propositions, que j’ai toutes lues avec beaucoup d’attention. Après avoir entendu les orateurs qui se sont exprimés, permettez-moi de vous dire ce que nous faisons au regard de ce que vous proposez.
Une grande partie des propositions que vous formulez sont déjà mises en place. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle je soutiens votre rapport. Le décalage entre ce que vous préconisez et ce que nous faisons est minime. D’après le calcul que j’ai fait, près de 70 % de vos propositions sont déjà en œuvre au travers des textes que nous avons fait adopter.
Que faisons-nous ? Comment agissons-nous ?
D’abord, nous affectons des moyens supplémentaires aux services de police et de renseignement pour leur permettre de répondre à la menace. Monsieur Reichardt, je vous ai entendu expliquer que nous avions perdu deux ans. Pour ma part, je ne souhaite pas faire de polémique sur ces questions. Partout où j’ai eu l’occasion de m’exprimer, j’ai fait en sorte de ne pas céder à la pente de la politique partisane et des clivages qui n’ont pas lieu d’être sur des sujets de cette nature.
Néanmoins, je voudrais tout même vous rappeler, monsieur le sénateur, que ce n’est pas ce gouvernement qui a supprimé 13 000 postes dans la police !
Ce n’est pas ce gouvernement qui a supprimé des postes en nombre au sein du service central du renseignement territorial !
Ce n’est pas ce gouvernement qui a diminué les crédits hors T2 dont les forces de l’ordre avaient besoin pour se moderniser et faire face de façon efficace aux risques qui se présentent à notre société.
Enfin, ce n’est pas non plus ce gouvernement qui, en l’assumant d'ailleurs, a affaibli le service public de la sécurité pour la bonne et simple raison qu’il l’a conforté !
Ensuite, pour vous rassurer totalement sur le fait que nous n’ayons pas perdu deux ans, je veux indiquer que nous avons créé la direction générale de la sécurité intérieure à laquelle nous avons attribué 432 postes.
Par ailleurs, nous avons abondé le budget de la sécurité intérieure à hauteur de 12 millions d’euros de crédits hors T2 par an. Nous avons décidé de créer 500 emplois supplémentaires par an dans la police et la gendarmerie, dont une grande partie a été affectée au renseignement territorial.
Au lendemain des attentats de janvier, nous avons créé 1 500 postes supplémentaires, dont 500 postes à la direction nationale de la sécurité intérieure, qui s’ajoutent aux 432 postes précédemment évoqués, et 500 postes au service central du renseignement territorial.
En effet, comment collecter les signaux faibles et les renseignements sur le terrain, dès lors qu’il y a un lien entre ces signaux faibles et ce qui se passe dans le haut du spectre, si nous n’avons pas les moyens de remplir ces missions ?
C’est ce gouvernement qui a décidé de doter le service central du renseignement territorial de ces 500 postes supplémentaires, avec 350 postes pour la police nationale et 150 pour la gendarmerie nationale.
C’est ce gouvernement qui a décidé de conforter la plateforme PHAROS, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, ainsi que les moyens de la direction centrale de la police judiciaire, en créant près de 120 postes sur trois ans, pour lui permettre, en matière de cybercriminalité, d’être beaucoup plus efficace dans la lutte contre le terrorisme.
Enfin, comme les moyens humains ne valent rien s’ils ne sont pas assortis de moyens numériques, d’infrastructures, de véhicules, d’armes, il a été décidé d’abonder le budget du ministère de l’intérieur à hauteur de 233 millions d’euros sur trois ans, en vue de favoriser la numérisation des forces et la modernisation des infrastructures informatiques, notamment du système CHEOPS, le système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés, indispensable pour identifier les terroristes au moment de leur retour sur le territoire national.
Vous parlez de retard, monsieur le sénateur, mais, moi, je vous parle de ce que nous faisons pour combler les lacunes qui ont largement contribué à affaiblir nos forces de sécurité ! Ces faits sont incontestables. Ils sont d’ailleurs parfaitement compris par les fonctionnaires placés sous ma responsabilité, lesquels savent les efforts que nous réalisons pour permettre à notre pays de faire face à la situation.
Voilà l’effort de modernisation que nous conduisons. C’est une première réponse.
La deuxième réponse consiste à apporter des outils juridiques par-delà les moyens humains et matériels que nous allouons à nos forces. Pour ce faire, nous avons décidé de prendre des dispositions législatives visant à permettre à notre pays d’être à la hauteur du risque et de répondre à la menace.
Ainsi, la loi du 13 novembre 2014, qui contient des mesures puissantes en matière de lutte contre le terrorisme, a été adoptée par le Sénat, comme par l’Assemblée nationale.
Nous avons décidé, par exemple, de réguler internet. Pour ma part, je ne pense pas qu’internet soit une mauvaise chose, mais je n’ai, pour autant, aucune naïveté en la matière. Pourquoi accepter systématiquement sur internet, sur des réseaux sociaux, des appels à la haine, des provocations au terrorisme, des textes, des propos ou des blogs appelant ou provoquant au terrorisme que nous n’accepterions pas de voir proférer dans la rue ?
Que se passerait-il demain si, devant vos mairies, nos ministères, des manifestants brandissaient des pancartes appelant à l’antisémitisme, à la mort de ressortissants français de confession juive à la sortie des synagogues ou de Français de confession musulmane à la sortie des mosquées ? Nous demanderions immédiatement que les personnes à l’origine de ces actes soient sanctionnées. Car appeler au crime, à la haine, au meurtre et à la discrimination à l’égard de l’autre dans un pays républicain comme le nôtre, c’est effectivement un acte qui mérite sanction !
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de procéder au blocage des sites et des blogs qui appellent ou provoquent au terrorisme. Et nous l’avons fait non pas parce que nous étions désireux de remettre en cause de quelque manière que ce soit la liberté d’expression sur internet, mais parce qu’il s’agit d’un espace public comme un autre, à l’intérieur duquel chacun doit s’exprimer dans le respect des règles de droit et des principes républicains !
Il n’y a pas de République, il n’y a pas de « vivre ensemble », il n’y a pas d’unité et d’indivisibilité de la République autour de ces valeurs s’il n’y a pas d’altérité. Et qu’est-ce que l’altérité ? C’est la capacité de chacun à se poser la question de savoir si le propos qu’il tient sur l’autre est de nature à susciter de la violence, de la haine ou à le blesser simplement en raison de ce qu’il est.
La République sans l’altérité, cela n’existe pas ! La République sans le respect de l’autre, cela n’existe pas ! La République avec l’appel à la haine, l’apologie du terrorisme, l’appel à l’antisémitisme ou à l’islamophobie, cela n’existe pas ! La République implique que, dans tous les espaces, les règles de la République soient respectées !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé cette disposition.
Pour ma part, je n’ai pas de suspicion à l’égard d’internet, mais je considère que cet espace doit être soumis, à l’instar de tous les espaces où s’exprime la parole publique, à une exigence républicaine en termes de régulation et de respect du droit. Car nous ne combattrons pas le terrorisme si nous ne sommes pas déterminés à faire respecter, à tout prix, le droit.
Nous avons décidé, dans le même esprit, d’interdire à ceux dont nous savons qu’ils vont s’engager dans des opérations terroristes de sortir du territoire. Que n’ai-je entendu à la suite de cette décision !
Certains disaient qu’il fallait les laisser partir, car, dès lors qu’ils seraient parvenus sur le théâtre des opérations terroristes, ils perdraient la vie. Beau discours de la part d’un pays qui a aboli la peine de mort ! Ces paroles étaient non seulement contraires à toutes nos traditions, mais tout à fait stupides au regard du résultat à atteindre.
En effet, les hommes de nationalité française partis sur le théâtre d’opérations terroristes reviendront nécessairement sur le territoire national, dans la mesure où les règles du droit international nous imposent de les recevoir sur notre sol dès lors qu’ils y reviennent.
Or, s’ils sont de retour d’un théâtre d’opérations où l’on décapite, où l’on crucifie, où l’on exécute, où l’on martyrise des hommes et des femmes en raison de leur religion et de leur liberté de penser, de quelles violences seront-ils désormais capables ? C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place l’interdiction administrative de sortie du territoire. Ce sont 60 départs qui ont ainsi été empêchés depuis la publication de ces textes réglementaires, et 50 autres dossiers sont en cours d’instruction.
Par ailleurs, l’interdiction de retour sur le territoire français s’applique à tous ceux qui, ayant résidé en France mais n’étant pas de nationalité française, ont commis des actes criminels sur le théâtre des opérations terroristes et prétendent revenir sur le territoire national. Ceux-là n’ont pas leur place en France ! Nous avons mis en place cette mesure parce que, là encore, le droit doit passer.
En outre, nous avons créé l’incrimination pénale d’entreprise terroriste individuelle et donné de nouveaux pouvoirs à nos services, afin qu’ils puissent intervenir sur internet, procéder à distance à des perquisitions sur le cloud et, ainsi, prévenir la commission d’actes terroristes.
Nous venons également de présenter aux commissions des lois et des affaires étrangères du Sénat un projet de loi relatif au renseignement.
Ce texte prévoit, par des dispositifs ciblés ne s’appliquant qu’à la lutte antiterroriste et non, contrairement à ce que j’ai entendu, par la mise en place d’une surveillance de masse, d’empêcher tous ceux qui seraient tentés de s’engager dans des activités terroristes de le faire. Nous mobilisons, à cette fin, des techniques de renseignement hautement contrôlées par une autorité administrative indépendante, par le Conseil d’État, lequel exercera un contrôle juridictionnel, et par la délégation parlementaire au renseignement, qui aura aussi un droit de regard sur l’activité des services.
Ces mesures de police administrative permettront d’éviter la commission d’actes terroristes plutôt que d’attendre une judiciarisation de ces faits par le juge judiciaire, laquelle intervient lorsque nous nous montrons incapables de prévenir ces actes.
Voilà ce que nous faisons ! Et, non seulement nous agissons sur le plan national en consacrant des moyens supplémentaires à la lutte antiterroriste et en présentant des textes législatifs, mais nous agissons aussi sur le plan européen.
Certains d’entre vous ont appelé de leurs vœux la mise en place de la directive Passenger Name Record, ou PNR, et considéré que les choses avançaient trop lentement. Mais cette proposition a été présentée pour la première fois devant les instances européennes en 2003. En 2012, ce projet n’avait pas avancé d’un iota !
Ce PNR est aujourd’hui en passe d’être adopté avant la fin de l’année 2015, car il y a urgence. Il n’y a pas d’antinomie entre la protection offerte par le PNR et celle des données personnelles, cette garantie, pour ceux qui se rendent dans les aéroports et utilisent les moyens de transport aériens, de voir leur vie privée et leurs données personnelles protégées.
De la même manière, je suis favorable à l’instauration de contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures de l’Union européenne, ainsi que l’ont proposé plusieurs orateurs. Cette mesure garantira la traçabilité du parcours des terroristes lors de leur retour au sein de l’Union européenne, et nous permettra de les arrêter et de procéder à leur judiciarisation. Si nous ne le faisions pas, nous exposerions les ressortissants de nos pays à des risques considérables.
Je suis favorable, j’y insiste, à des contrôles coordonnés et systématiques au sein de l’espace Schengen. C’est d’ailleurs une solution pragmatique, car il n’est point besoin de modifier le code Schengen pour ce faire.
Je suis également favorable à ce que nous engagions avec l’Union européenne des actions puissantes en termes de contre-discours. Nous œuvrons avec le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove. Nous mobilisons les moyens et les financements de l’Union européenne afin de sensibiliser les opérateurs internet.
La France est à la pointe de ce combat. Je me suis ainsi rendu dans la Silicon Valley pour demander à la totalité des opérateurs internet de déterminer, en lien avec notre pays, un code de bonne conduite en matière de lutte antiterroriste. Ils en ont accepté le principe, et nous avons signé ensemble une charte, le 20 avril dernier, par laquelle ils s’engagent à retirer les contenus faisant l’apologie du terrorisme, à faciliter les enquêtes judiciaires lorsqu’il y a une situation d’urgence et à développer avec nous, en participant à un comité permanent, le contre-discours sur internet. En effet, il faut aussi utiliser internet pour informer ceux qui sont embrigadés par des organisations sectaires.
Action sur le plan international, renforcement des services de renseignement et organisation du décloisonnement de l’activité de ces services – contrairement à ce que j’ai lu dans le rapport parlementaire, il y a non pas une guerre entre les services de renseignement au sein du ministère de l’intérieur, mais une coopération renforcée, que j’ai souhaitée et qui se développe ! –, action législative et action européenne, tels sont les axes de notre politique antiterroriste.
J’ajouterai deux points.
Premièrement, je propose que l’on refonde notre relation avec l’islam de France. C’est le sens de l’action dans laquelle nous sommes engagés, et nos objectifs sont extrêmement précis.
À la suite de l’engagement des préfets en faveur d’actions de dialogue interreligieux dans les territoires de leur ressort, je recevrai, demain, les représentants du Conseil français du culte musulman, le CFCM. Nous voulons mettre en place une instance de dialogue autour du Premier ministre, à l’instar de ce que nous faisons avec les catholiques de France.
Notre objectif est de traiter, avec ces interlocuteurs, les grandes questions qui concernent la relation de la République avec la religion musulmane, dans le souci d’assurer la plus grande représentativité des musulmans de France. Ces sujets seront aussi divers que les conditions de la construction et de la gestion des mosquées dans le respect rigoureux des textes qui régissent la laïcité en France ou la formation des aumôniers musulmans.
À cet égard, nous souhaitons qu’il y ait dans nos prisons, nos hôpitaux, nos armées et les services du ministère de l’intérieur des imams qui connaissent de façon très approfondie la religion qu’ils enseignent, parlent français et soient également titulaires de diplômes universitaires, afin de maîtriser parfaitement les principes et les règles de la République. Il ne saurait en effet, dans notre esprit, y avoir d’antinomie entre ces règles et la pratique religieuse. C’est aussi cela, la laïcité !
La laïcité est le toit qui nous est commun, la somme et le creuset de valeurs qui nous sont communes et permettent à chacun de choisir sa religion dans le respect de celle des autres. Car ce qui nous rassemble au bout du compte est plus fort que ce qui peut nous diviser, y compris du fait de nos appartenances religieuses. Ce qui nous rassemble, c’est l’appartenance absolue, totale et sans concession aux valeurs de la République et, parmi celles-ci, à la laïcité.
La formation des imams est donc un sujet fondamental, dès lors que ceux-ci exercent des fonctions d’aumônier. Car si l’État n’a pas à s’occuper de la formation des imams, il doit cependant veiller à ce que les aumôniers qu’il recrute aient reçu une formation de haut niveau.
Nous serons donc très exigeants sur la construction et la gestion des lieux de culte, ainsi que sur le développement des diplômes universitaires. Nous veillerons à la création d’une fondation des œuvres de l’islam, et nous lancerons une réflexion collective sur le sujet fondamental de la religion et de la laïcité.
La laïcité ne doit pas être dévoyée, car c’est une valeur inclusive. La laïcité, c’est le droit de croire et de ne pas croire, et de faire le choix de sa religion, en ayant la garantie de pouvoir exprimer ce choix librement. La laïcité ne peut donc pas être tournée contre une religion.
Ainsi, certains propos tenus sur les repas différenciés dans les écoles ne sont pas une manifestation de la laïcité ;…
… ils visent à instrumentaliser cette valeur républicaine contre la religion musulmane. Le Gouvernement ne soutiendra jamais cette vision, car la laïcité est inclusive. Il ne s’agit pas d’une valeur que l’on peut instrumentaliser à des fins d’exclusion. Dès lors que la laïcité exclut, elle cesse d’être la laïcité.
Deuxièmement, j’évoquerai les valeurs préventives.
J’ai entendu dire que nous faisions beaucoup de répression et peu de prévention. Ce n’est pas exact. Pas du tout !
Nous avons engagé des mesures préventives massives, mais celles-ci sont moins visibles que celles dont nous débattons au Sénat ou à l’Assemblée nationale parce qu’elles ne relèvent pas de la loi. Pour autant, elles n’en sont pas moins puissantes.
Nous avons mis en place une plateforme de signalement, qui reçoit plus de 2 000 appels, soit plus de la moitié du chiffre global des signalements constatés. À la suite de la réception de ces signalements, les préfets mobilisent, sur la base d’une instruction signée par la garde des sceaux et moi-même, l’ensemble des services de l’État. Ainsi, que ces informations concernent la santé mentale, le décrochage scolaire, l’accès à l’emploi, les addictions ou le basculement dans la délinquance, toutes les administrations sont appelées à apporter les solutions les plus en adéquation avec le profil de ceux qui ont décidé de basculer dans le terrorisme.
Nous faisons également de la prévention lorsque nous mobilisons et augmentons les moyens attribués au comité interministériel de prévention de la délinquance, le CIPD. Car nous menons précisément une action interministérielle, madame Assassi !
Lorsque les équipes de Dounia Bouzar, placées auprès du CIPD, mobilisent des équipes pluridisciplinaires pour accompagner l’action des préfets, il s’agit bien de prévention !
Qu’il faille compléter ces dispositifs, je ne le conteste pas. Mais que l’on en déduise, sous prétexte qu’ils doivent être complétés ou accrus, qu’ils n’existent pas, ça, je le conteste !
Il est en effet très difficile, face à un sujet aussi complexe, d’avoir la garantie que les mesures prises seront immédiatement adaptées à la réalité que nous devons traiter. C’est la raison pour laquelle nous adaptons en permanence les dispositifs de prévention.
Je conclurai ce propos en remerciant le Sénat pour les propositions qu’il a formulées et en réaffirmant la très grande détermination du Gouvernement à agir de façon résolue contre le risque terroriste. Il le fera dans le respect rigoureux des principes républicains et dans une relation étroite avec le Parlement, notamment avec les parlementaires qui, au sein des commissions d’enquête, se mobilisent pour lui adresser des propositions utiles.
Nous souhaitons le faire dans un esprit de rassemblement, par-delà les clivages politiques et partisans, avec la volonté de créer les conditions d’un confortement, d’un affermissement des valeurs et des principes républicains face à ceux qui veulent les saper à leur base.
Contrairement à ce que j’entends ou à ce que je lis depuis quelques jours, et même quelques semaines, le formidable élan du 11 janvier était un rassemblement républicain, qui n’avait rien à voir avec une opération politique pensée à l’avance ou avec l’instrumentalisation d’un drame, mais qui, au contraire, montre ce qu’est la France par essence : un pays attaché à ses valeurs de tolérance, de respect et de laïcité, un pays capable, lorsqu’il est atteint au cœur, de se dresser et de demeurer debout pour dire haut et fort ce qu’il est par essence et dans l’histoire.
Parce que les événements du 11 janvier ont été marqués par la spontanéité, celle d’un peuple qui veut demeurer debout lorsqu’il est atteint, ils ont peu de choses à voir avec les critiques formulées à leur encontre. Ce fut un grand moment de l’histoire de notre pays !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Henri Tandonnet applaudit également.
Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France en Europe.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 13 mai 2015, à quatorze heures trente :
Proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d’amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace (n° 380, 2014-2015) ;
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois (n° 427, 2014--2015) ;
Texte de la commission (n° 428, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.