Intervention de Yves Détraigne

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 12 mai 2015 à 16h00
Parrainage civil — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur :

En effet. Le déroulement de la cérémonie est également précisé : la cérémonie se déroulerait devant un officier d'état-civil de la commune où a été enregistré la demande du ou des parents, lequel lirait le nouvel article du code civil relatif aux obligations des parrains et marraines ainsi que l'article 371-1 qui définit l'autorité parentale et ses modalités d'exercice par les parents, puis recueillerait les consentements des parents et des parrain et marraine, après quoi serait signé l'acte de parrainage. C'est, en fait, très proche de ce que font les mairies qui acceptent déjà de procéder aujourd'hui à ces parrainages, à ceci près que la valeur en reste pour l'heure symbolique.

Ce n'est pas la première proposition de loi ayant cet objet qui est déposée devant le Parlement, et notre assemblée avait eu l'occasion de se prononcer sur cette question à propos d'un amendement déposé par notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt dans le cadre du débat sur la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale. L'amendement avait reçu un avis défavorable de la commission des lois qui avait considéré qu'il n'était « pas souhaitable de rendre obligatoire cette institution, qui n'a pas de conséquences juridiques et ne doit pas en avoir ». Le Gouvernement de l'époque, représenté par Mme Ségolène Royal, s'en était remis à la sagesse du Sénat, qui avait rejeté cet amendement.

Faire d'une simple coutume un acte d'état-civil créant de véritables obligations pour les parrain et marraine n'est pas sans risque au regard de certaines dispositions en vigueur du code civil. Les parrain et marraine, s'étant engagés à suppléer les parents de l'enfant au cas où ils « viendraient à lui manquer », pourraient ainsi voir leur mission entrer en conflit avec celle des parents. Que faut-il entendre, en effet, par « manquement des parents » ? Et qu'adviendrait-il des dispositifs actuels du code civil apportant une réponse adaptée à ces manquements, qu'ils résultent de défaillances - mesures d'assistance éducative, délégation ou retrait d'autorité parentale - ou de la disparition des parents - désignation d'un tuteur par testament ou par le juge de tutelles ? Dans ces hypothèses, le juge peut d'ailleurs, actuellement, estimer que le parrain ou la marraine est la personne la mieux à même de s'occuper de l'enfant et la désigner tuteur de l'enfant ou membre du conseil de famille mais cela relève de son appréciation. En consacrant le rôle particulier des parrain et marraine dans le code civil, ce texte pourrait avoir pour effet de contraindre le juge dans son appréciation au détriment de l'intérêt supérieur de l'enfant, ce qui n'est pas souhaitable.

Il me semble donc inopportun de faire du parrainage républicain, qui est un engagement moral d'ordre privé, un acte d'état civil. D'autant plus que l'engagement qui en découlerait pourrait avoir un effet dissuasif alors qu'il a aujourd'hui un véritable sens moral et civique : celui d'accompagner un enfant dans son apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines. Au surplus, faudrait-il donner au maire la faculté de refuser de célébrer le parrainage s'il estime que le parrain ou la marraine n'est pas en mesure d'assurer cette transmission de valeurs ?

Afin de permettre à tous les parents qui le souhaitent de demander le parrainage républicain de leurs enfants tel qu'il existe aujourd'hui, je vous proposerai donc d'inscrire cette pratique dans la loi, mais sans en faire un acte d'état civil susceptible d'avoir des effets juridiques. Parce qu'il s'agit d'abord d'une adhésion à l'accompagnement dans l'apprentissage des valeurs républicaines, je vous proposerai de retenir les termes de « parrainage républicain » pour désigner cette démarche, de préférence à d'autres, comme celui de baptême.

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