Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission examine tout d'abord le rapport de M. Pierre-Yves Collombat et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 375 (2014-2015), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales.
EXAMEN DU RAPPORT
Pour faire simple, l'objet de cette proposition de loi déposée par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, est de permettre la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales afin de permettre à ceux qui, n'ayant pu s'inscrire avant le 31 décembre 2014, et n'entrant pas dans les dérogations prévues à l'article L. 30, sur lequel je reviendrai, ne pourront voter aux élections régionales de décembre 2015, de le faire. J'observe au passage que le choix de cette date est singulier, sachant que pour voter une année donnée, il faut avoir été inscrit sur les listes avant le 31 décembre de l'année précédente.
Une telle proposition est tentante : qui peut refuser de lutter contre l'absentéisme électoral ? Mais, est-ce le bon moyen ? Le premier responsable de l'absentéisme électoral, qui touche toujours davantage notre démocratie, est-il la rigidité des procédures d'inscription sur les listes électorales ? Cela peut certes y participer, mais une mesure ponctuelle, exceptionnelle, est-elle le meilleur moyen d'y remédier ? Au premier tour des élections départementales de mars 2015, l'abstention a représenté 49,8 % des inscrits et les suffrages exprimés 47,7 % seulement des inscrits, ce qui signifie que moins d'un électeur sur deux a participé au choix de ses conseillers départementaux. Là est le vrai problème de notre démocratie. Il ne réside pas dans les non inscrits ou les « mal inscrits », fussent-ils respectivement, selon les estimations, 3 millions et 6,5 millions ; d'autant qu'il n'y a aucune raison pour que leur comportement électoral soit différent de celui du corps électoral tout entier. La procédure d'inscription sur les listes électorales serait « véritablement moyenâgeuse », nous dit, tout en nuance, le directeur du département de sciences politiques de l'université de Montpellier-I dans Libération.
On nous permettra en effet de douter de cette vision du Moyen-Age.
Trop rigide pour être adaptée à la mobilité de la France d'aujourd'hui, cette procédure doit-elle être revisitée comme le propose le rapport d'information de nos collègues députés Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann dont s'inspire la proposition de loi ? Probablement. Mais alors ce réexamen ne peut se limiter, comme ici, a la réouverture exceptionnelle des listes électorales à quelques mois d'une échéance électorale qui ne s'annonce pas forcément sous les meilleurs auspices pour le Gouvernement. Rien ne serait pire qu'une mesure exceptionnelle pouvant, à tort ou à raison, éveiller le soupçon d'une opération d'opportunisme électoral, d'ailleurs vouée à l'échec comme toutes celles du même genre. Après cinq ans de torture du calendrier électoral, de bouleversements répétitifs des institutions départementales et régionales - compétences, modes d'élection, circonscriptions d'élection, etc. -, une modification « exceptionnelle » des conditions d'inscription sur les listes électorales aurait des effets contre-productifs. Remarquons d'ailleurs que si le niveau de participation électorale était la première préoccupation du Gouvernement, il ne serait pas revenu sur la date de mars 2014, puis sur celle de mars 2015, qui avait le mérite de conserver la simultanéité des élections départementales et régionales et d'éviter de convoquer les électeurs au mois de décembre, période de l'année à la météorologie hasardeuse et où les Française pensent plus au Père Noël de leur enfance qu'aux Pères Noëls électoraux.
Le calendrier d'inscription sur les listes électorales, nous dit l'exposé des motifs de cette proposition de loi, est devenu au fil des années « trop contraignant et inadapté au rythme démocratique et à la mobilité des électeurs ». Trop contraignant ? Je viens de répondre : certes, mais une disposition exceptionnelle ne saurait être la solution. Inadapté au rythme démocratique ? Peut-être, mais que peuvent bien avoir de « démocratiques », les bouleversements du calendrier électoral de ces dernières années imposés au forceps ? Surtout, à qui la faute ? « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans », dit le vieil adage.
Faisons un bref retour sur les cinq ans écoulés.
La loi du 16 décembre 2010 institue le conseiller territorial qui se substitue au conseiller général et au conseiller régional. Son article 82 prévoit que le renouvellement général des conseillers généraux et régionaux aura lieu concomitamment en mars 2014. Les conseillers généraux élus en mars 2011 rempliront un mandat de trois ans, ceux élus en 2008 iront jusqu'au terme des six ans habituels. Le mandat des conseillers régionaux, élus en mars 2010, est réduit de deux ans.
La loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral abroge la création du conseiller territorial avant son entrée en vigueur. Son article 47 allonge d'un an les mandats des conseillers départementaux et régionaux mais maintient la concomitance du renouvellement des conseils départementaux et régionaux, repoussée à mars 2015.
Rebelote avec la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Après avoir proposé d'abord le report des élections départementales et régionales en décembre 2015, le Gouvernement optera finalement, à l'article 10, pour un report en décembre 2015 des élections régionales mais un maintien des élections départementales, en mars 2015.
« Inadapté à la mobilité des électeur ? » L'argument est recevable mais le code électoral permet déjà d'y apporter des éléments de réponse. Actuellement, en effet, certains électeurs peuvent être inscrits, au titre de l'article L. 30, en cas d'élection dans l'année, hors période de révision. Il s'agit des fonctionnaires et agents des administrations publiques mutés ou admis à faire valoir leurs droits à la retraite ainsi que les membres de leur famille domiciliés avec eux ; des militaires rendus à la vie civile ; des personnes qui établissent leur domicile dans une autre commune pour un motif professionnel autre que ceux précédemment évoqués ; des Français et Françaises remplissant la condition d'âge exigée pour être électeur, après la clôture des délais d'inscription - l'inscription, dans ce cas, est automatique - ; des Français et Françaises qui ont acquis la nationalité française après la clôture des délais d'inscription ; des Français et des Françaises ayant recouvré l'exercice du droit de vote dont ils avaient été privés par l'effet d'une décision de justice.
Reste tous ceux qui ne changeant pas de commune pour un motif professionnel, ne peuvent être inscrits sur ses listes électorales que l'année suivant leur arrivée. Ce que je vous propose, mes chers collègues, c'est d'y remédier, simplement en donnant la possibilité à toute personne établissant son domicile dans une nouvelle commune, l'année d'une élection, d'y participer. Pour cela, il suffit de supprimer la restriction tenant au motif professionnel au 2° bis de l'article L. 30 du code électoral. Cette solution, qui permet à ceux qui veulent vraiment voter de le faire, a le mérite d'écarter tout soupçon d'électoralisme, parce qu'elle est générale au lieu d'être exceptionnelle, parce qu'elle présente en outre l'avantage de la simplicité et permet de se passer de décret en Conseil d'Etat.
Je vous remercie. Vous nous faites là une proposition créative et constructive.
Ce qui m'étonne, c'est que les auteurs de cette proposition de loi ne savent manifestement pas comment se passe concrètement la révision des listes électorales. Outre que les mairies doivent rester ouvertes jusqu'à la date limite du 31 décembre pour le dépôt des demandes d'inscription, afin de garantir qu'aucun électeur ne sera privé de son droit, il faut ensuite procéder, avant fin février, aux vérifications : une fois que l'Insee s'est assurée que toute inscription est bien assortie d'une radiation, il revient à une commission, composée du maire, d'un délégué de l'administration désigné par le préfet et d'un délégué du tribunal de grande instance désigné par son président, de contrôler la fiabilité de la liste. Rouvrir le délai d'inscription rendra les choses très complexes. Faudra-t-il donc réunir cette commission de trois personnes à tout moment, chaque fois qu'interviendra une modification ?
Je ne vois guère, dans l'histoire récente, qu'un précédent de scrutin ayant eu lieu en décembre.
En effet. Pour l'élection du président de la République au suffrage universel direct, ce qui n'est pas rien. Mais les échéances électorales n'étaient pas, à l'époque, aussi nombreuses qu'aujourd'hui. De deux choses l'une, soit on anticipe la révision, en retenant toutes les conditions prévues en cas de révision, soit on vous suit, mais cela signifie que les listes peuvent changer à tout moment.
Mais les listes électorales sont révisées même quand il n'y a pas d'élections.
S'il n'y a pas d'élection, on restera dans la procédure habituelle - dont on sait, soit dit en passant, que le Gouvernement, à la suite du rapport Pochon-Warsmann, envisage de la revoir. Ce n'est que les années électorales que s'appliquerait la procédure que je vous propose. Le changement n'est pas énorme au regard de la situation actuelle : nombre de personnes qui déménagent bénéficient déjà de ce système, que je vous propose seulement d'élargir.
Le nombre d'électeurs qui changent de commune n'est pas négligeable. Dans les communes périurbaines, en particulier, où la mobilité est forte, cela peut aller jusqu'à 10 % par an.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale a ceci de détestable qu'elle crée une mesure exceptionnelle - le mot même figure dans son intitulé. Cela me paraît d'autant moins justifié que le problème est récurrent. Il se pose, au-delà des rendez-vous nationaux, pour d'autres élections. Tous les citoyens doivent pouvoir voter. Je pense aussi aux Français de l'étranger. La majorité d'entre eux - et les Français sont de plus en plus nombreux à partir travailler à l'étranger - ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Notre devoir de législateur est donc bien plutôt de déconnecter la question de l'inscription sur les listes de la survenance exceptionnelle d'une élection liée à une modification de calendrier. Je suis donc assez favorable à ce que propose M. Collombat. Pour répondre à l'objection de M. Hyest, nous pourrions prévoir que la commission électorale se réunit deux mois avant une élection pour arrêter la liste des électeurs. Dans un premier temps, l'électeur s'inscrit ; dans un second temps, la commission arrête la liste. Car pour mener leur campagne, il faut aussi que les candidats connaissent cette liste.
Le Président de la République a annoncé à l'automne dernier la mise en place d'une liste électorale flottante, au titre de la simplification. Au-delà des difficultés techniques que l'on peut soulever, une telle solution, qui présente beaucoup d'intérêt, mériterait d'être soutenue.
Il est vrai que le caractère exceptionnel de la mesure contenue dans cette proposition de loi peut poser problème, mais je m'interroge sur la généralisation proposée. Les Français établis hors de France ne sont pas inscrits sur une liste unique, mais sur plusieurs. Ils peuvent être inscrits dans une commune française, selon un schéma à différentes options que j'estime complexe - et j'ai déposé une proposition de loi organique pour y remédier. De fait, lors de la dernière élection présidentielle, 25 000 personnes n'ont pas pu voter, parce qu'elles croyaient être inscrites sur les listes électorales mais ne l'étaient, en fait, que pour les élections locales. Je m'interroge sur les conséquences qu'auraient, si nous suivons le rapporteur, notre vote, sachant que les dispositions relatives, en la matière, aux Français établis hors de France, sont de nature organique. J'estime donc qu'autant le caractère chirurgical de la proposition de loi permettra à un maximum de gens de voter, autant la proposition que nous fait le rapporteur entre en conflit avec le caractère organique de la liste électorale consulaire.
Les députés ont voulu faire en sorte que le plus d'électeurs possible participent à cette élection régionale. Pierre-Yves Collombat nous propose une solution élégante, grâce à une disposition à caractère général qui règle le problème de manière pérenne. Je voudrais seulement être sûr qu'elle couvre bien l'ensemble des cas de figure et que tous ceux qui voudront voter le pourront.
Je rappelle qu'un toilettage de la procédure a été annoncé, qui donnera l'occasion d'ajuster, si nécessaire, le dispositif que je propose. Encore une fois, il est à mon sens détestable de devoir en permanence faire des lois pour régler les dégâts collatéraux des lois antérieures. J'ai tout à l'heure récapitulé ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années : le calendrier électoral a été mis à la torture. Quand on prend si peu de précautions avec le suffrage universel, il est fort de café de s'insurger ensuite parce que des gens ne pourront pas voter en décembre. En revanche, si l'on a envie de permettre à des gens qui ne peuvent pas voter à une élection parce qu'ils sont arrivés trop tard dans la commune, pourquoi pas ? Il y a bien une catégorie de personnes qui ne sera pas couverte : ceux qui étaient déjà dans la commune, et qui n'ont rien fait. Ceux-là, s'ils veulent voter, ne le pourront pas. Mais j'ai la faiblesse de penser que s'ils n'ont rien fait avant, ils ne feront rien, quoi qu'on leur permette. Et c'est bien pourquoi je suis défavorable au vote obligatoire. En revanche, ceux qui déménagent, ceux qui quittent l'Alsace pour aller vivre dans le Var, par exemple...
doivent pouvoir s'inscrire. La solution que je vous propose répond à l'attente de nos collègues de l'Assemblée nationale, sans prêter le flanc à la critique, puisqu'il ne s'agit pas d'ajouter à la loi une mesure exceptionnelle de plus.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 2
L'amendement de coordination n° COM-3 est adopté, et l'article 2 est supprimé.
Intitulé de la proposition de loi.
L'amendement de conséquence n° COM-4 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission examine ensuite le rapport de M. Yves Détraigne et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 390 (2014-2015), présentée par M. Yves Daudigny et plusieurs de ses collègues, relative au parrainage civil.
EXAMEN DU RAPPORT
Le parrainage civil, également appelé parrainage républicain, baptême civil, ou baptême républicain, tire son origine de la Révolution Française et est lié au contexte de laïcisation des actes, établis par l'Église, qui marquaient les grandes étapes de la vie : naissance, baptême, mariage, enterrement. Il n'a pas, formellement, de fondement juridique établi. Il s'agit donc d'une coutume qui ne présente aucun caractère obligatoire pour l'officier d'état-civil et qui, de ce fait, et inégalement mise en oeuvre sur le territoire et est dénuée d'effets juridiques. Le document établi lors de la cérémonie en mairie n'a pas la valeur d'un acte d'état-civil et, bien que les parrain et marraine s'engagent à subvenir aux besoins de l'enfant au cas où les parents viendraient à lui manquer, cet engagement n'a qu'une valeur morale.
La proposition de loi qui nous est soumise par notre collègue Yves Daudigny et les membres du groupe socialiste entend consacrer cette pratique dans la loi pour permettre aux parents qui le souhaiteraient de demander le parrainage civil de leur enfant dans toute commune de France d'une part, et propose de faire de ce parrainage un acte d'état civil, créateur d'obligations matérielles et morales pour le parrain et la marraine, d'autre part. Il s'agit donc de changer la nature du parrainage républicain qui, de simple coutume, deviendrait un acte de l'état civil enregistré par un officier d'état civil, à la demande de l'un ou des deux parents, dans un registre côté et paraphé tenu par chaque commune, la mention du parrainage et des noms des parrain et marraine, devant être apposée en marge de l'acte de naissance de l'enfant.
Un nouveau chapitre intitulé « Du parrainage républicain » serait créé dans le code civil, prévoyant que les parrains et marraines « s'engagent à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer », et les investissant d'un devoir moral consistant à « développer en l'esprit de l'enfant les qualités indispensables qui lui permettront de devenir un citoyen dévoué au bien public et animé des sentiments de fraternité, de compréhension, de solidarité et de respect de la liberté à l'égard de ses semblables », formule qui s'inspire de celle que l'on trouve dans certains modèles de discours utilisés aujourd'hui en ces occasions, qui n'ont évidemment rien d'officiel.
En effet. Le déroulement de la cérémonie est également précisé : la cérémonie se déroulerait devant un officier d'état-civil de la commune où a été enregistré la demande du ou des parents, lequel lirait le nouvel article du code civil relatif aux obligations des parrains et marraines ainsi que l'article 371-1 qui définit l'autorité parentale et ses modalités d'exercice par les parents, puis recueillerait les consentements des parents et des parrain et marraine, après quoi serait signé l'acte de parrainage. C'est, en fait, très proche de ce que font les mairies qui acceptent déjà de procéder aujourd'hui à ces parrainages, à ceci près que la valeur en reste pour l'heure symbolique.
Ce n'est pas la première proposition de loi ayant cet objet qui est déposée devant le Parlement, et notre assemblée avait eu l'occasion de se prononcer sur cette question à propos d'un amendement déposé par notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt dans le cadre du débat sur la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale. L'amendement avait reçu un avis défavorable de la commission des lois qui avait considéré qu'il n'était « pas souhaitable de rendre obligatoire cette institution, qui n'a pas de conséquences juridiques et ne doit pas en avoir ». Le Gouvernement de l'époque, représenté par Mme Ségolène Royal, s'en était remis à la sagesse du Sénat, qui avait rejeté cet amendement.
Faire d'une simple coutume un acte d'état-civil créant de véritables obligations pour les parrain et marraine n'est pas sans risque au regard de certaines dispositions en vigueur du code civil. Les parrain et marraine, s'étant engagés à suppléer les parents de l'enfant au cas où ils « viendraient à lui manquer », pourraient ainsi voir leur mission entrer en conflit avec celle des parents. Que faut-il entendre, en effet, par « manquement des parents » ? Et qu'adviendrait-il des dispositifs actuels du code civil apportant une réponse adaptée à ces manquements, qu'ils résultent de défaillances - mesures d'assistance éducative, délégation ou retrait d'autorité parentale - ou de la disparition des parents - désignation d'un tuteur par testament ou par le juge de tutelles ? Dans ces hypothèses, le juge peut d'ailleurs, actuellement, estimer que le parrain ou la marraine est la personne la mieux à même de s'occuper de l'enfant et la désigner tuteur de l'enfant ou membre du conseil de famille mais cela relève de son appréciation. En consacrant le rôle particulier des parrain et marraine dans le code civil, ce texte pourrait avoir pour effet de contraindre le juge dans son appréciation au détriment de l'intérêt supérieur de l'enfant, ce qui n'est pas souhaitable.
Il me semble donc inopportun de faire du parrainage républicain, qui est un engagement moral d'ordre privé, un acte d'état civil. D'autant plus que l'engagement qui en découlerait pourrait avoir un effet dissuasif alors qu'il a aujourd'hui un véritable sens moral et civique : celui d'accompagner un enfant dans son apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines. Au surplus, faudrait-il donner au maire la faculté de refuser de célébrer le parrainage s'il estime que le parrain ou la marraine n'est pas en mesure d'assurer cette transmission de valeurs ?
Afin de permettre à tous les parents qui le souhaitent de demander le parrainage républicain de leurs enfants tel qu'il existe aujourd'hui, je vous proposerai donc d'inscrire cette pratique dans la loi, mais sans en faire un acte d'état civil susceptible d'avoir des effets juridiques. Parce qu'il s'agit d'abord d'une adhésion à l'accompagnement dans l'apprentissage des valeurs républicaines, je vous proposerai de retenir les termes de « parrainage républicain » pour désigner cette démarche, de préférence à d'autres, comme celui de baptême.
Pour que la force de cette démarche reste symbolique, il convient, à mon sens, de ne pas inscrire ces dispositions dans le code civil, de ne pas imposer la célébration de cet acte par un officier d'état civil. Je vous proposerai également d'encadrer le choix de la commune où la célébration du parrainage pourrait avoir lieu, pour éviter une sorte de « tourisme du parrainage républicain » ; d'imposer que la demande vienne des deux parents dès lors qu'ils sont tous deux titulaires de l'autorité parentale ; d'encadrer le choix des parrain et marraine qui, par exemple, ne pourraient pas être sous le coup d'une déchéance de leurs droits civiques... Il s'agit, en somme, de permettre à toutes les familles de demander ce parrainage, mais sans y attacher de conséquences juridiques.
Je vous remercie de cette proposition très claire, qui vise à maintenir le sens que la tradition a donné au parrainage républicain, sans apporter de distorsion à la pratique actuelle.
Le propos de notre rapporteur ramène un peu de bon sens dans cette curieuse proposition de loi. Que se passerait-il le jour où les parents estimeraient que le parrain n'est plus digne, sachant que celui-ci aura acquis, si l'on en reste à la proposition de loi telle qu'elle nous est soumise, un droit à le rester ? Quid du jour où l'enfant, devenu majeur, ne voudrait pas de son parrain ? Surtout, j'appelle votre attention sur l'article 3 qui modifie l'article 381-1 du code civil : « Le parrainage républicain place l'enfant sous la protection de ses parrain et marraine qui acceptent librement la charge qui leur est ainsi dévolue et s'engagent à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer. » Le décès des parents n'est pas ici seul visé. Cette rédaction crée une obligation alimentaire. Il faudra prévenir les futurs parrains de ce qui risque de leur arriver.
Je souscris donc pleinement à la position de notre excellent rapporteur, qui vise à maintenir le parrainage sur un plan purement moral. Il est toujours difficile de faire du sacré dans la République. J'espère que ses propositions, qui visent à neutraliser toutes les conséquences légales de cette initiative, seront suivies. Car j'avoue que je n'aurais guère envie d'être parrain dans les conditions qu'instaureraient, en l'état, ce texte.
Je souscris pleinement aux propositions de notre rapporteur. Dans la commune dont je suis maire, il m'arrive une dizaine de fois par an que des parents me demandent de procéder à une telle célébration. Cela m'a d'abord étonné, mais je le fais. Cela dit, j'estime que le terme de parrainage civil, initialement retenu, et mieux approprié que celui de parrainage républicain.
J'avoue que je vois mal ce que peut être un « parrainage républicain ».
Un mot sur l'article 3. Lorsque j'ai voulu rédiger, dans ma commune, un texte donnant forme à l'engagement du parrain, je suis tombé sur un texte réglementaire existant, dont il me semble que cet article s'inspire plus ou moins. Peut-être serait-il bon d'aller y regarder.
Dans la monumentale Histoire de la langue française que Ferdinand Brunot a consacré au vocabulaire de la révolution française, plusieurs centaines de pages sont consacrées au réinvestissement du vocabulaire religieux dans le domaine civil. Nous sommes dans le même cas de figure. Je souscris aux quatre amendements que nous propose le rapporteur, qui évitent à cette proposition de loi d'être, comme cela est trop souvent le cas des textes d'initiative parlementaire, repoussée, et nous permet de l'adopter dans sa mission symbolique, sans qu'elle aille au-delà, ce qui poserait des problèmes juridiques considérables.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er
L'amendement n° COM-1 est adopté.
Article 2
L'amendement n° COM-2 est adopté.
Article 3
L'amendement n° COM-3 est adopté.