M. le ministre a avancé deux types d'arguments : le premier est relatif au motif de licenciement, le second au respect du droit communautaire.
En ce qui concerne le motif du licenciement, l'idée qui est la vôtre, monsieur le ministre, et qui, à vous entendre, est partagée par le Conseil d'Etat, est qu'il faut laisser aux personnes publiques le soin de se situer sur le terrain du motif personnel ou sur celui du motif économique. Cependant, en droit du travail, le refus même par le salarié d'accepter la modification de son contrat ne constitue ni un motif personnel ni un motif économique de licenciement.
Si elles devaient opter pour une qualification économique, les personnes publiques se trouveraient confrontées à une difficulté inextricable, tenant à l'obligation préalable de reclassement. Je tiens à rappeler que toute défaillance de l'employeur à cet égard, en cas de contentieux prud'homal, serait immédiatement sanctionnée par la requalification du licenciement en licenciement abusif, quelle que soit par ailleurs la réalité du motif économique avancé.
S'agissant du droit communautaire, la directive du 12 mars 2001 sur le maintien du droit des travailleurs en cas de transfert d'entreprise garantit la continuité du contrat de travail. Or cette directive pose le principe du transfert automatique des contrats de travail du cédant vers le cessionnaire, ce dernier se substituant au précédent pour l'exécution des droits et obligations nées du contrat de travail, ainsi que l'interdiction de faire du transfert lui-même une cause de licenciement, que ce soit par le cédant ou par le cessionnaire.
Toutefois, la directive, en son article 4, admet que des modifications substantielles puissent, le cas échéant, être apportées au contrat de travail pour des raisons propres au nouvel employeur, qu'elles soient d'ordre économique, technique ou d'organisation du service. Elle précise simplement que, dans ce cas, la résiliation du contrat de travail qui interviendrait par suite de telles modifications serait considérée comme étant de la responsabilité de l'employeur ; je pense, par exemple, à une rupture qualifiée de licenciement.
En conséquence, l'amendement n° 10 ne contrarie en rien les principes communautaires auxquels vous avez fait implicitement référence, monsieur le ministre.
Cela dit, dans la mesure où votre ministère semble s'orienter vers l'idée de circulaire d'interprétation, je retire cet amendement.
Il reste que ce ne sont pas des directives ministérielles qui retiendront le juge, ce dernier considérant qu'il est le seul capable d'interpréter la loi. Au demeurant, le juge administratif n'hésite pas à censurer des directives et des circulaires interprétatives émanant des ministères.
Par conséquent, le mur que vous proposez d'ériger pour nous protéger est un mur de papier, qui ne tiendra pas devant la jurisprudence si le juge ne veut pas s'y conformer.
Je retire donc l'amendement n° 10 en gage de bonne volonté, monsieur le ministre, mais je vous donne rendez-vous : vous verrez que le juge se prononcera dans un sens différent de celui qui a été retenu par le Conseil d'Etat.