L’enquête à laquelle je me suis référé tend à montrer que les buts visés par les parents sont en réalité divers et pluriels. Il peut s’agir, à la fois, et pour chacun d’eux à divers degrés, d’exprimer des valeurs – républicaines, laïques, citoyennes –, de perpétuer une forme de tradition baptismale, de renforcer l’unité de la famille ou de conférer un statut au parent électif.
L’étude de ces motivations met également au jour un déplacement sur l’aspect plus sociétal de la parentalité, mais qui répond à deux modèles de représentation, entre une parenté de simple complément, les parrain et marraine choisis ayant pour rôle d’accompagner l’autorité parentale, et une parenté de substitution, propre à suppléer les parents empêchés ou disparus.
Apporter enfin par la loi une réponse claire impose donc, au-delà des implications juridiques plus ou moins complexes, mais non insurmontables, de faire sien, au préalable, l’un ou l’autre de ces paradigmes. Celui qui vous est proposé aujourd’hui n’était pas initialement le nôtre. Tout bien pesé, je m’y rallie pour les raisons que j’ai exposées, en termes d’utilité sociale et d’égalité de traitement.
Toutefois, nombre de parents interrogés recourent au parrainage républicain avec la conviction que la cérémonie confèrera une réalité juridique à cette parentalité de secours. Et il est vrai qu’en l’inscrivant dans le code civil, sous le titre II du livre Ier, consacré aux actes de l’état civil, on pourrait entretenir cette confusion. C’est ce que m’a signalé l’historienne anthropologue et spécialiste de la parenté Agnès Fine. Elle-même est très favorable à la légalisation du parrainage républicain, et je saisis cette occasion pour la remercier vivement de l’entretien qu’elle m’a accordé.
Les amendements déposés par M. le rapporteur tendent à écarter ce risque.
Les conditions en termes de capacité et de commune de rattachement, également ajoutées au présent texte, ne soulèvent pas d’objection majeure.
Je tiens à émettre une réserve, au sujet de l’accord requis des deux parents lorsqu’ils exercent tous deux l’autorité parentale. En effet, la loi du 4 mars 2002 a supprimé la condition de communauté de vie pour conférer l’autorité parentale conjointe lorsque l’enfant, reconnu par l’un des parents, l’est par l’autre dans l’année de sa naissance. Rechercher cet accord pour des parents séparés peut se révéler problématique et source de litige. Ce point pourra être considéré au cours de la navette.
J’aurais également souhaité que le texte de cette proposition de loi conserve cette belle formule, selon laquelle les parrain et marraine sont chargés de « concourir à l’apprentissage par l’enfant d’une citoyenneté dévouée au bien commun, animée de sentiments de fraternité, de solidarité et de respect de la liberté à l’égard de ses semblables ». Ces mots traduisent les valeurs de la République, que nous avons tous à cœur de faire vivre et de transmettre. À mon sens, ils assuraient, en l’espèce, ce supplément d’âme qui nous fait souvent défaut.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, toutes et tous s’accordent sur les effets bénéfiques de la présence de parrain et marraine auprès des enfants. Tel que modifié par M. le rapporteur, le présent texte, qui fait du parrainage républicain un simple engagement moral, a fait l’unanimité au sein de la commission des lois et recueille notre accord. Il est simple, clair et utile. Telles sont les raisons qui, je l’espère, vous convaincront de l’approuver !