Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons inscrit dans notre corpus législatif une coutume héritée des rites issus de la Révolution française : le parrainage républicain.
J’emploie à dessein ce terme – c’est celui qu’a retenu la commission des lois – plutôt que ceux de « parrainage civil », « baptême civil » ou « baptême républicain ». Certes, toutes ces expressions désignent le même acte, mais, à mon sens, les mots de « baptême républicain » correspondent mieux à la réalité dont il est question.
À travers cette pratique coutumière, qui tend à se développer depuis plusieurs années dans différents milieux familiaux, il s’agit de donner symboliquement à un enfant un parrain et une marraine chargés de veiller, chez lui, au développement des valeurs associées à notre République, notamment la liberté, l’égalité et la fraternité, et d’autres, que l’auteur du présent texte vient de citer. Ces trois termes constituent la devise de notre pays, mais, fort heureusement, les valeurs de la République ne s’y limitent pas !
Jusqu’à présent, cette coutume n’a aucun effet de droit, ni base légale ou réglementaire certaine. De plus, elle fait l’objet d’une application inégale sur le territoire, ce à quoi tend à remédier cette proposition de loi.
Dans sa rédaction initiale, le présent texte faisait du parrainage républicain un acte d’état civil, enregistré par un officier d’état civil et consigné sur un registre officiel, coté et paraphé. Cet acte mettait à la charge des parrain et marraine de lourdes obligations.
Outre l’engagement moral de développer chez leur filleul les « qualité indispensables qui lui permettr[aient] de devenir un citoyen dévoué au bien public et animé des sentiments de fraternité, de compréhension, de solidarité et de respect de la liberté à l’égard de ses semblables » – l’auteur de ce texte a rappelé cette phrase à l’instant –, les parrain et marraine s’engageaient officiellement à protéger et « à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer ».
C’est là une belle formule. Mais en transformant une coutume sans effet de droit en véritable acte d’état civil qui produirait des effets juridiques, on bouleverserait en partie les dispositifs de protection des enfants, fixés par le code civil et mis en œuvre en cas de défaillance ou de disparition des parents. Or ces dispositifs fonctionnent bien, et il n’est pas envisagé de les remettre en cause.
Par ailleurs, devenir le parrain ou la marraine d’un enfant âgé d’un ou deux ans parce que l’on est le meilleur ami de ses parents ne garantit pas que, si ces derniers disparaissent quelques années plus tard, l’on sera prêt et apte à les suppléer et à les remplacer auprès de leur enfant.
En conséquence, la commission des lois a souhaité ne pas faire du parrainage républicain un acte d’état civil créateur de droits et de devoirs ayant force juridique. En revanche, soucieuse d’assurer une égalité de traitement de tous les citoyens sur le territoire, elle a approuvé le principe d’une consécration dans la loi de la pratique existante, acte symbole d’adhésion aux valeurs de notre République.
Ainsi, tous les parents qui le souhaiteraient pourraient demander le parrainage républicain de leur enfant, quelle que soit la commune concernée : actuellement, certaines mairies acceptent d’organiser ces célébrations alors que d’autres s’y refusent.
Cet acte serait célébré, à la demande des deux parents titulaires de l’autorité parentale, ou de celui qui l’exerce seul, dans la commune du domicile ou de résidence des parents ou de l’un d’entre eux. L’autorité compétente pour le célébrer serait le maire, l’un de ses adjoints ou un conseiller municipal. Bien entendu, les parrain et marraine devraient ne pas être frappés de déchéance de leurs droits civiques ni avoir failli gravement à leur propre rôle de parents. Un registre signé par l’élu présidant la cérémonie, les parents, les parrain et marraine, serait conservé en mairie.
Mes chers collègues, au bénéfice de ces évolutions, la commission vous propose d’inscrire dans la loi le parrainage républicain.