Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 21 mai 2015 à 9h45
Parrainage civil — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission.

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de la consécration du parrainage civil ou républicain s’est posée à plusieurs reprises, comme en témoignent les diverses propositions de loi déposées sur le bureau de l’une ou l’autre des deux assemblées. Je citerai, à titre d’exemple, celle de notre ancien collègue Michel Charasse, qui, en 2003, proposait d’instaurer une célébration civile à l’occasion de la naissance et du parrainage d’un enfant, mais aussi lors de funérailles ou de la signature d’un PACS.

Pratique d’abord délibérément anticléricale, qui fut instituée durant la période révolutionnaire, alors que l’on procédait à la sécularisation de l’état civil, lequel accompagne les étapes de la vie sociale des citoyens de la naissance au mariage et au décès, le parrainage républicain a désormais pour objet de désigner des adultes proches des parents, chargés de veiller sur l’enfant si ces derniers en étaient empêchés pour diverses raisons ; à l’image du baptême catholique, il confère à la marraine et au parrain une responsabilité morale et spirituelle.

L’absence de conséquences juridiques d’un tel engagement semblait mettre en question l’utilité d’adopter un texte législatif, ce qui a retardé la reconnaissance de cette coutume. Pourtant, notre droit n’est pas étranger aux dispositions sans réelle portée normative, qui ont une fâcheuse tendance à envahir l’ensemble des textes de loi…

Certes, la tutelle des mineurs, régie par les articles 390 et suivants du code civil, répond déjà à la préoccupation qui sous-tend le parrainage républicain. Il appartient au juge de convoquer le conseil de famille et de désigner le tuteur selon son appréciation de la situation. Les parents peuvent, de leur vivant, le nommer par testament ou acte notarié.

Le parrainage civil ne créant pas de droits ou de devoirs, ni pour les parrains ni pour les enfants, on a pu penser que l’inscrire dans la loi ne présentait aucun intérêt. C’était oublier l’intérêt symbolique qu’il revêt pour l’enfant, qui dispose ainsi d’un cercle de proches élargi au-delà de sa seule famille. Cela est d’autant plus bienvenu que la famille a connu des évolutions que le droit a dû progressivement prendre en compte, en dépit des réticences qui s’attachent à ces questions de société.

Alors que les familles se trouvent parfois éclatées, déchirées ou éloignées, l’enfant a plus que jamais besoin de référents lorsque ses parents sont dans l’impossibilité d’assumer leur rôle. Les parrains peuvent alors apporter une aide affective, voire matérielle, à l’enfant.

Quoique le parrainage républicain soit un acte fondamentalement symbolique, il pourrait néanmoins offrir un avantage pratique.

Le juge des tutelles pourrait, en cas de défaillance ou de décès des parents, consulter les registres tenus en mairie et, éventuellement, convoquer la marraine et le parrain pour participer au conseil de famille, si leurs relations avec celle-ci ne se sont pas entre-temps dégradées. Ce point est essentiel : il n’est pas rare en effet que le juge des tutelles rencontre des difficultés lors de la constitution du conseil de famille, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Enfin, en refusant de reconnaître cette pratique, on néglige le fait qu’il existe aujourd’hui une inégalité de traitement entre les familles selon leur commune de résidence. Un maire peut en effet refuser de célébrer les parrainages républicains.

La version initiale de la proposition de loi, faisant du parrainage républicain un acte d’état civil, était source de complexité et de conflits potentiels avec les dispositions du code civil relatives à la protection de l’enfant. Elle était également contestable, dans la mesure où le filleul n’avait d’autre choix que de rester lié à ses parrain et marraine par l’acte de parrainage : le texte ne prévoyait pas la possibilité d’une mise à jour.

En outre, toute reconnaissance juridique d’une responsabilité juridique des parrains à l’égard de l’enfant aurait eu pour effet d’enrayer le recours à cette pratique et de faire tomber celle-ci de nouveau en désuétude. Or l’esprit de cette proposition de loi n’était pas, me semble-t-il, d’accorder au parrainage civil une quelconque valeur juridique, son objet étant surtout de rétablir l’égalité territoriale.

À cet égard, nous ne pouvons que saluer le travail du rapporteur Yves Détraigne et de la commission des lois, qui ont élaboré une rédaction plus réaliste de la proposition de loi. Je pense, en particulier, à la définition des missions incombant aux parrains, qui semblait, dans la version initiale du texte, un peu excessive et déconnectée de la réalité.

Certes, ceux de nos concitoyens qui recourent à cette coutume attendent sans doute des parrains de leur enfant qu’ils fassent de ce dernier un « citoyen dévoué au bien public », mais ils souhaitent avant tout désigner des référents chargés de veiller sur lui jusqu’à ce qu’il puisse exercer pleinement sa citoyenneté.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe RDSE votera cette proposition de loi, qui ne fait qu’entériner une pratique existante, en créant un droit sans venir perturber notre corpus juridique ou obérer nos finances publiques.

Pour conclure, permettez-moi d’évoquer un souvenir personnel.

J’ai célébré mon premier parrainage civil voilà plus de vingt ans, en tant que maire de Martel, dans le Lot, à la suite du bicentenaire de la Révolution française. Il avait fallu faire des recherches pour savoir comment organiser la cérémonie. À l’issue de celle-ci, un ami du grand-père, disparu depuis peu, avait joué à l’accordéon Le Temps des cerises, de Jean-Baptiste Clément, chansonnier montmartrois communard et franc-maçon.

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