Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, mes propos rejoindront, pour l’essentiel, ceux des orateurs qui m’ont précédé. Je constate, comme beaucoup de mes collègues maires, une augmentation significative, depuis quelques années, des demandes de parrainage républicain.
Il est aujourd'hui impossible de mesurer l’ampleur de cet engouement croissant, car nous ne connaissons pas le nombre de parrainages célébrés à l’échelle du pays. En effet, le parrainage républicain n’est pas pris en compte par les organismes chargés d’établir des statistiques, tels que l’INSEE, ni par les préfectures, du fait de son absence de caractère officiel.
Ainsi, aucun texte législatif n’encadre actuellement la cérémonie, à laquelle aucun caractère légal n’est donc encore reconnu. Le parrainage républicain relève de la coutume. À cet égard, je trouve tout à fait remarquable que cette pratique, organisée autour d’une structure officielle et légitime – la mairie et les élus – puisse exister depuis la Révolution française, sans véritable fondement juridique.
Apprécié comme un complément du baptême religieux ou une alternative à celui-ci, le parrainage civil est destiné à faire entrer l’enfant dans la communauté républicaine et à le faire adhérer de manière symbolique aux valeurs qui nous sont chères. Il consiste à donner un titre officiel, hors du cadre religieux, au parrain et à la marraine en cas de « défaillance » parentale.
Le parrainage est aussi une fête : c’est l’occasion de réunir famille et amis pour un moment de bonheur partagé. À cette cérémonie laïque s’attache une dimension citoyenne.
Néanmoins, depuis une trentaine d’années, le parrainage républicain suscite des interrogations récurrentes de la part des élus, notamment des parlementaires. Quelles sont les instructions officielles en la matière ? Le maire doit-il le célébrer ou peut-il refuser de le faire ? Pourquoi cet acte n’est-il pas reconnu par la loi ? Doit-on parler de baptême civil, de parrainage républicain, de parrainage civil ?
Par ailleurs, cette absence de valeur légale et juridique a des conséquences : les maires qui reçoivent les demandes sont libres d’y donner suite ou de les rejeter, à leur convenance, sans égard pour le principe d’égalité. Le parrainage républicain n’est pas inscrit sur les mêmes registres que les actes d’état civil. Il ne lie pas les parrain et marraine à l’enfant par un lien contractuel. L’engagement qu’ils prennent de suppléer les parents, en cas de défaillance ou de disparition de ces derniers, est purement symbolique : il s’agit d’un simple engagement moral, qui traduit leur attachement particulier à l’enfant.
Dans ces conditions, cette proposition de loi, qui consacre la pratique des parrainages civils ou républicains, héritée de la Révolution française, semble de bon aloi. Elle vient formaliser et encadrer le déroulement de cette cérémonie pour l’ensemble du territoire national.
Toutefois, il serait souhaitable que cette simple coutume ne devienne pas un acte d’état civil. La proposition de loi initiale s’inscrivait dans une logique d’évolution du droit de la famille tendant à élargir, dans l’intérêt de l’enfant, le cercle des adultes référents pouvant contribuer à son éducation et à sa protection.
En effet, il était mentionné dans l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale que les parents pourront, « en cas de défaillance, être suppléés par les parrain et marraine ». Il était également prévu que l’enfant serait placé sous leur protection et qu’ils s’engageaient « à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer ».
Cela suscite des nombreuses questions : que se passe-t-il en cas de divorce des parents ? Le lien avec l’un des parrains peut se distendre avec le temps ; dans ce cas, les obligations de ce parrain sont-elles toujours valides ? Comment apprécier les notions de « protection de l’enfant », de « manquement » des parents ? Que se passe-t-il en cas de désaccord entre le parrain et la marraine ?
Je partage pleinement l’objectif du rapporteur et de la commission, qui ont souhaité limiter les effets de cette reconnaissance juridique. En effet, le code civil prévoit déjà de nombreuses dispositions en cas de défaillance des parents.
À mon sens, créer aux parrain et marraine des obligations matérielles à l’égard de l’enfant et leur ouvrir la possibilité de pallier les manquements des parents serait leur imposer une charge trop importante. D’ailleurs, j’en suis convaincu, cela ne correspond pas à l’esprit du parrainage républicain, qui relève du symbole. L’engagement est et doit rester moral.
Par ailleurs, le texte, largement modifié par la commission, encadre et clarifie le parrainage, pour ce qui concerne tant le choix de la commune de célébration que les mentions devant figurer dans l’acte. Il précise que l’autorisation des parents dépositaires de l’autorité parentale est obligatoire.
Des conditions sont également imposées aux parrains et marraines : ne pas être déchus de leurs droits civiques, ne pas avoir failli à leur propre rôle de parent. Ces deux conditions me paraissent utiles et même indispensables, car le rôle dévolu à ces parrains est d’accompagner l’enfant dans l’apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines. Ils ont donc un statut d’exemple, je dirais même de modèle, pour leur filleul.
Pour conclure, je voudrais remercier l’auteur de cette proposition de loi, Yves Daudigny, qui a eu le mérite de vouloir clarifier la question du parrainage civil. Je tiens également à saluer le travail du rapporteur, Yves Détraigne, et de la commission des lois, qui ont su amender cette proposition de loi dans le bon sens.
Avec mes collègues maires, nous attendions ce texte qui, en donnant un cadre au parrainage républicain, répond à nos préoccupations d’élus locaux en termes de clarification et de simplification.