Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 21 mai 2015 à 9h45
Parrainage civil — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission.

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au siècle de Voltaire déjà, de nombreuses familles souhaitaient se tenir hors du sein de l’Église, sans le pouvoir. L’inscription au registre du baptême était alors le seul acte officiel. Les législateurs de 1794 comprirent que, à côté des institutions religieuses officialisant naissance, mariage et décès, il manquait une cérémonie légale concernant le parrainage.

Ainsi, c’est un texte révolutionnaire – la loi du 20 prairial de l’an II, c’est-à-dire du 8 juin 1794 – qui institue la procédure du parrainage civil. Ce dernier est donc lié à un contexte de laïcisation des actes marquant les grandes étapes de la vie, qui étaient jusqu’alors établis par l’Église, mais il n’a pas de fondement juridique formellement institué.

En définitive, il s’agit d’une coutume qui ne présente aucun caractère obligatoire pour l’officier d’état civil et qui, de ce fait, est inégalement mise en œuvre sur le territoire et dénuée d’effets juridiques. Le document établi lors de la cérémonie n’a pas valeur d’acte d’état civil ; cet engagement n’a qu’une valeur morale.

Or la proposition de loi initiale prévoyait notamment de faire de ce parrainage un acte d’état civil, ainsi qu’un acte créateur d’obligations matérielles et morales pour le parrain et la marraine. Ses auteurs avaient donc l’ambition de changer fondamentalement la nature du parrainage par rapport à ce qu’elle aujourd’hui.

Dès lors, je me réjouis que la commission des lois ait souhaité, sur proposition du rapporteur, Yves Détraigne, ne pas donner de tels effets juridiques au parrainage civil. Je tiens à féliciter le président Philippe Bas pour le travail effectué.

Que la commission des lois ait retenu l’expression « parrainage civil » pour désigner cette démarche est une bonne chose. Cela vient en effet confirmer que cet acte est destiné à faire entrer l’enfant dans la communauté républicaine et à le faire adhérer, de manière symbolique, aux valeurs de la République.

Puisqu’il est question de symbole et d’adhésion aux valeurs républicaines, réfléchissons à la manière d’associer clairement l’acte du parrainage républicain à ces dernières, qui résultent d’un consensus social et politique et fondent le pacte républicain constituant très largement l’identité nationale française. C’est en ce sens qu’il faut clairement dire aux participants au parrainage républicain que nos valeurs ne sont pas négociables. Poser la question des valeurs et symboles lors de la célébration du parrainage républicain impose de revenir sur l’idée de République, afin que celle-ci soit connue et comprise comme le patrimoine civique commun de notre pays.

Autrement dit, ce basculement sémantique pourrait s’accompagner de mesures permettant une véritable prise en compte de la dimension symbolique de ce parrainage civil, célébré devant la République.

Je tiens particulièrement à saluer le travail de la commission, qui a ramené dans le droit chemin un texte qui venait véritablement changer la nature du parrainage républicain tel qu’on peut le connaître aujourd’hui.

Ainsi, je me réjouis de la suppression des dispositions initiales de la proposition de loi qui faisaient du parrainage républicain un acte d’état civil susceptible d’avoir des effets juridiques importants. Mes chers collègues, je rappelle que le parrainage ne présente aucun caractère obligatoire. Quid des discriminations créées entre les enfants parrainés et ceux qui ne le sont pas, dans le cas où ce parrainage serait un acte d’état civil ?

En outre, si je comprends le souhait de voir reconnus le rôle et la place des parrain et marraine dans l’éducation de l’enfant, notamment dans les circonstances difficiles de son existence, il ne saurait être envisagé, pour autant, de leur conférer un statut spécifique et de faire mention de leur qualité sur les actes de l’état civil. En effet, le parrainage civil, qui procède d’une coutume, ne comporte aucun cérémonial préétabli et ne revêt aucun caractère obligatoire pour le maire sollicité. De plus, l’état civil, qui a pour objet de consigner dans des actes authentiques les éléments relatifs au statut personnel ou familial des personnes, ne saurait contenir des informations relevant d’un engagement d’ordre privé, moral, laïque ou religieux des parents et des parrain et marraine choisis par ces derniers.

Par ailleurs, si l’un des parents décède, le survivant peut désigner, par tutelle testamentaire, le parrain ou la marraine comme tuteur de l’enfant. En cas de décès des deux parents et en l’absence de tutelle testamentaire, la nouvelle rédaction de l’article 404 du code civil, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, permet au conseil de famille, en l’absence de tutelle testamentaire, de désigner un tuteur pour le mineur, membre de la famille ou non, selon ce que l’intérêt de l’enfant exige. Ainsi, la dévolution automatique de la tutelle à l’ascendant le plus proche est supprimée.

Enfin, les parrain et marraine peuvent être appelés par le juge à faire partie du conseil de famille.

Ces mesures me paraissent de nature à répondre aux préoccupations qui sous-tendaient la rédaction initiale de la proposition de loi.

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