Intervention de Pierre Charon

Réunion du 21 mai 2015 à 15h00
Pouvoirs de police à paris — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Pierre CharonPierre Charon :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous avons déposé, avec mes collègues Yves Pozzo di Borgo et Philippe Dominati, une proposition de loi visant à faire du maire de Paris un maire de plein exercice en matière de police municipale, c’est en raison d’une exception aujourd’hui incompréhensible : Paris n’est pas dans le droit commun en matière de police municipale.

Tous mes collègues, notamment ceux qui sont ou ont été maires savent que le maire dispose d’une compétence en matière de police municipale. La gestion de l’ordre public, de la sécurité publique, de la salubrité publique et de la tranquillité publique sont des attributions spécifiques du maire. Cela paraît évident du petit village à la grande ville... C’est même un acquis du droit des collectivités locales. L’absence de police municipale violerait le principe de libre administration des collectivités territoriales, si l’on en croit la doctrine des juristes les plus sérieux.

Pourtant, à Paris, nous restons un peu les mal-aimés du droit des collectivités locales ! Le préfet de police dispose de la plupart des compétences en matière d’ordre public municipal, tandis que le maire de Paris ne dispose que d’une compétence qui reste résiduelle.

Pourquoi cette exception ? Il y a, bien sûr, tout le contexte insurrectionnel du XIXe siècle qui a conduit à ce que Paris ne soit pas une commune comme les autres. Le résultat de cette méfiance a été un statut donnant un grand nombre d’attributions au préfet de police, institution longtemps spécifique à Paris. Paris était alors sous surveillance, elle était une ville mineure. Pourtant, la charte des communes de 1884 dotait toutes les villes de France d’un statut ambitieux.

Les temps ont changé : les Parisiens ne sont pas des factieux ou des citoyens de seconde zone. À chaque élection, ils nous le rappellent, nous interpellent et nous interrogent ! Ils vivent le temps des élections municipales comme celui d’une élection à part entière, ni plus ni moins.

Malgré un statut spécifique, Paris exerce des compétences étendues depuis 1977. Le maire de Paris et le Conseil de Paris sont des institutions décisionnaires exerçant un grand nombre de compétences, sous le regard vigilant des citoyens.

Paris prend des décisions en matière économique, sociale ou culturelle : elle est bien une commune de plein exercice qui joue dans la cour des capitales mondiales, une ville qui agit comme toutes ses sœurs de province.

Le statut de Paris a beaucoup progressé, mais il reste un domaine sur lequel le législateur n’a pas été assez ambitieux : celui de la gestion de l’ordre public local. Plus rien ne justifie un dispositif aussi limité qu’incompréhensible !

La proposition de loi que nous avons déposée tend à attribuer la gestion de l’ordre public municipal au maire de Paris, comme c’est le cas partout en France. Cependant, aligner Paris sur le droit commun, ne revient pas à fuir les responsabilités.

Ainsi, comme dans toutes les communes de France, le pouvoir de substitution en cas de défaillance du maire en matière de pouvoirs de police reste prévu. À Paris, il serait naturellement attribué au préfet de police.

Nous respectons l’institution du préfet de police, nous n’en faisons pas le vestige d’un passé suranné : nous le considérons, au sens le plus fort du terme, comme un représentant de l’État, au même titre que le préfet de Paris.

De même, nous entendons respecter les compétences qui ne peuvent que relever de l’État : la protection des institutions de la République et des représentations diplomatiques continuerait à relever du préfet de police.

Vouloir être traité de la même manière que dans le reste de la France, c’est justement prendre à cœur tout ce qui relève de l’intérêt national. Nous savons que certaines compétences ne peuvent être exercées que par l’État, et lui seul.

Enfin, cette proposition de loi est à la fois ambitieuse et réaliste. Si elle vise à transférer au maire de Paris la police générale, elle reste prudente en matière de polices spéciales. Ainsi, au titre des polices spéciales, ne seraient donc transférés au maire de Paris que la circulation et le stationnement.

Mais, à terme, on peut prévoir le transfert d’autres polices spéciales : il faut donner le temps au temps ! Je suis persuadé que l’application de cette proposition de loi appellera le transfert d’autres polices spéciales. Avec l’expérience, nous aurons la possibilité d’évaluer ce qui pourra être transféré.

Cette proposition de loi peut imprimer un élan, qui sera, je l’espère, suivi.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous vous demandons une chose : de l’audace ! Paris n’est plus une ville mineure : donnons-lui la plénitude de ses compétences !

Ce n’est qu’un début. Peut-être, un jour, le maire de Paris sera-t-il élu au suffrage universel direct. Ce sera sans doute pour plus tard et cette future loi PLM sera l’occasion de procéder à bien des changements.

Madame la ministre, soyez plus audacieuse que les collègues de votre majorité au Conseil de Paris. Je peine à comprendre pourquoi ils s’obstinent à vouloir maintenir un dispositif réactionnaire… Ils veulent, si j’ai bien compris, défendre à la fois la Commune de Paris et ceux qui l’ont réprimée ! On se revendique de Louise Michel tout en rassurant Thiers !

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