Intervention de Philippe Dominati

Réunion du 21 mai 2015 à 15h00
Pouvoirs de police à paris — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier les différents orateurs qui se sont exprimés. En effet, lorsque le Sénat aborde les problèmes institutionnels de la capitale, bien souvent, nous autres, élus parisiens, sommes un peu isolés tant ces questions peuvent sembler étrangères à un certain nombre de nos collègues.

Je remercie en particulier M. le rapporteur, qui a produit sur cette proposition de loi un rapport extrêmement complet. Il y a mis tout son sérieux et toute sa fougue.

Nous, les trois élus parisiens coauteurs de cette proposition de loi, avons, à la lecture de ce rapport, approfondi notre connaissance du sujet, en particulier sur la cinquantaine de polices spéciales qui restent dans les attributions du préfet de police.

Sur le plan technique, j’aurai peu de choses à ajouter à ce qu’ont dit les précédents orateurs, mais je voudrais rappeler le cheminement institutionnel de la mesure que nous proposons.

Durant des années, en raison des troubles politiques qu’a connus la capitale, le pouvoir, surtout après l’épisode de la Commune, mais déjà sous la royauté, s’est toujours montré frileux et a toujours voulu placer la Ville de Paris sous tutelle, voire lui mettre un carcan. De fait, Paris est la ville dont les habitants jouissent des droits communaux parmi les moins étendus des communes de France et dont les droits sont les plus récents.

De fait, cette évolution, est survenue récemment, en 1977, après l’élection du président Valéry Giscard d’Estaing. Déjà, la majorité de l’époque avait vu se confronter dans un débat d’idées les centralisateurs et les décentralisateurs.

Une fois de plus, je constate que, lorsqu’il s’agit de Paris et de la région capitale, l’innovation, les propositions de réforme viennent de la droite. Même si j’ai pu observer une évolution favorable chez certains de nos collègues de gauche, le discours reste bloqué à ce qu’il était quand il s’agissait de défendre le préfet au moment où la droite projetait l’élection d’un maire à Paris. Certains disaient alors qu’une telle élection entraînerait une révolution !

Cette évolution lente a ensuite été amplifiée sous François Mitterrand pour toucher un certain nombre d’agglomérations comme Lyon et Marseille.

Sur le plan opérationnel, on essaie de nous faire croire que nous serions irresponsables, que cette proposition de loi, si elle était adoptée, désorganiserait, démantèlerait la Ville de Paris.

Tout de même, ne sont ici en jeu que des pouvoirs de police municipale ! C’est là quelque chose d’extrêmement modeste : il n’est nullement question de terrorisme international ; il s’agit seulement de contraventions.

À ce sujet, certains de nos collègues ne s’effrayent pas de ce que 85 % des Parisiens ne payent pas leur stationnement. C’est là une façon particulière d’envisager la gestion des finances publiques ! Ce n’est pas la mienne : je fais partie de ceux qui ne peuvent voir là un signe de performance !

On me dit qu’il est nécessaire que des policiers soient soustraits à leur mission de sécurité publique pour s’occuper du marathon ou d’autres manifestations sportives ou réprimer la consommation d’alcool. Ah bon ?

Madame la ministre, vous avez évoqué certaines situations que l’on rencontre à l’étranger : Londres, mais aussi Washington, capitale d’un État fédéral… Est-ce le modèle que vous proposez pour la République française ? Moi, je vous parle de Berlin, de Madrid, de Bruxelles, capitale européenne, à proximité immédiate de nos frontières.

Ce débat qui anime les élus parisiens sous-tend la vision différente qu’ont longtemps eue les centralisateurs et les décentralisateurs de ce que devait être l’organisation municipale de Paris.

Je me tourne vers Roger Karoutchi pour évoquer Philippe Seguin. Celui-ci, qui avait pourtant une conception centralisatrice de la République, a su mettre fin à ce débat et concilier les points de vue des différents membres de la majorité municipale de l’époque – d’un côté l’UDF et le RPR et de l’autre certains gaullistes – en proposant la création d’une police municipale à Paris. Cela a constitué une avancée majeure.

Contrairement à ce qui a été dit, Jacques Chirac, au cours de son troisième mandat, agacé de cette dualité entre le préfet de police et le maire, a considéré qu’il fallait sans doute procéder à des réformes.

Pourquoi faut-il réformer ? D’abord, c’est une exigence démocratique, une question d’équité. Vous ne le savez peut-être pas, mes chers collègues, mais à quatre reprises, le titulaire du ministère de l’intérieur a été un conseiller de Paris. Connaissez-vous d’autres communes en France où le candidat à la mairie, ayant proposé un projet et ayant été battu par le suffrage universel, enverrait son représentant auprès du maire élu pour lui signifier que c’est lui qui dispose des pouvoirs propres à tous les autres maires de France, celui de Levallois-Perret, celui de Vincennes, etc. ?

De fait, M. Quilès, M. Joxe, M. Vaillant et, à droite, M. Debré ont été simultanément conseillers de Paris et ministres de l’intérieur, exerçant les pouvoirs du maire de Paris par l’intermédiaire du préfet.

Monsieur Favier, je pense que, au regard de votre conception du Grand Paris, vous accepterez très prochainement que le préfet de police de Paris, dont les pouvoirs seront étendus à votre département, vienne siéger à côté de vous pour exercer éventuellement certains pouvoirs dans les communes de votre département !

J’ai compris là votre inclination au maintien d’un pouvoir véritablement centralisé. C’est aujourd’hui une manière éminemment désuète, archaïque et antidémocratique de gérer une collectivité territoriale.

Madame la ministre, à l’occasion d’autres débats, vous nous avez souvent entretenus du projet du Grand Paris, projet éminemment complexe. Malheureusement, contrairement à la métropole de Lyon, qui a obtenu la suppression d’un échelon territorial, nous n’avons pas bénéficié de la même souplesse et du même pragmatisme. Donc, s’agissant du Grand Paris, soit vous avancez, soit vous reculez, mais vous ne pouvez pas à la fois refuser toute évolution pour Paris tout en maintenant la législation en vigueur dans les autres villes : soit vous étendez les pouvoirs du préfet de police à toutes les communes composant la métropole du Grand Paris, soit, au contraire, vous faites évoluer les pouvoirs de celui-ci en matière de pouvoirs de police.

On nous reproche d’être irresponsables en formulant cette proposition, pour des raisons liées à la sécurité. En quoi la réforme que nous proposons aurait-elle empêché les forces de la police nationale, lors des événements qui se sont déroulés récemment, d’intervenir d’abord dans le nord de Paris, puis hors des frontières de la capitale, dans les Hauts-de-Seine, puis à la limite du Val-de-Marne ?

Certains orateurs se plaisent à entretenir la confusion, à tenir des discours destinés à faire peur, à faire croire que nous voudrions démanteler un système qui fonctionne. Ce n’est pas acceptable ! Nous sommes des gens responsables ! Au contraire, nous considérons que l’adoption de cette proposition de loi permettrait de dégager des moyens, des effectifs pour la police nationale, qui n’a pas à s’occuper du marathon ni des amendes. Puisque la Ville perçoit le produit de celles-ci, eh bien, qu’elle gère le personnel qui les inflige !

Ce sont toutes ces raisons d’ordre politique qui fondent ma conviction, celle du rapporteur, celle de mes collègues, de régler ce problème à la fois institutionnel et opérationnel.

Madame la ministre, j’ai évoqué à plusieurs reprises la tutelle qu’exerce l’État centralisateur sur les institutions parisiennes. Dans le cadre de vos fonctions ministérielles, vous avez à cœur de dialoguer avec le Parlement. Mais nous n’avons pas de chance : chaque fois que vous parlez de Paris et des institutions parisiennes, vous vous montrez centralisatrice et exprimez une vision un peu trop jacobine.

Vous nous avez proposé de retirer cette proposition de loi. Moi, je vous propose de changer votre titre ministériel : plutôt que d’être la ministre de la décentralisation, vous pourriez en outre, en ce qui concerne Paris, être la ministre de la centralisation. §Cette vocation transparaît à la lecture des ordonnances relatives à la politique des transports, au Grand Paris, etc.

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