Son objectif était alors simple : garantir aux seniors au chômage un niveau de vie décent à partir du moment où ils arrivaient en fin de droits et le moment où ils pouvaient bénéficier de leur pension de retraite. L’AER s’établissait autour de 1 000 euros par mois. Or, lors du vote du projet de loi de finances pour 2008, la nouvelle majorité a choisi de supprimer ce dispositif.
Toutefois, au vu de la crise économique et sociale que connaissait alors le pays, l’AER a été maintenue en 2009 et 2010, avant d’être définitivement supprimée le 1er janvier 2011.
Depuis cette date, nous n’avons cessé, avec nos collègues socialistes d’ailleurs, d’interpeller le gouvernement par des courriers ou des questions écrites, afin de permettre sa restauration. Nous avons même déposé une proposition de loi visant à rétablir l’AER dans sa forme antérieure à 2011.
En effet, la suppression de cette allocation, qui bénéficiait à environ 50 000 personnes, a engendré de graves conséquences sur le plan social. Des personnes ayant cotisé toute leur vie se sont ainsi retrouvées à vivre, ou plutôt à survivre, avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, de l’ordre de 500 euros, par exemple, pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS.
Elles ont en outre été victimes d’une réelle injustice. Certaines d’entre elles avaient en effet accepté un départ volontaire dans le cadre d’un plan social, avec la garantie du maintien de leur revenu jusqu’à la retraite grâce à l’AER. Cet élément avait d’ailleurs été pris en compte dans le calcul de leur indemnité de départ. Or la suppression de l’AER et le report de l’âge légal de départ à la retraite leur a infligé une double peine, les contraignant à vivre plusieurs mois avec les minima sociaux pour seuls revenus.
L’urgence sociale a conduit le gouvernement Fillon, et son ministre du travail, M. Xavier Bertrand, à introduire, six mois après la suppression de l’AER, l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS. Or cette allocation est beaucoup plus restrictive : elle ne s’adresse qu’aux salariés privés d’emploi de plus de 60 ans, soit quelque 11 000 personnes, au lieu de près de 50 000. Pour les autres, le gouvernement d’alors ne proposait que la plongée dans la précarité, ou un hypothétique retour à l’emploi, sans lendemain.
Trop restrictive, et entraînant des situations d’urgence sociale préoccupantes, l’ATS a été revue par le gouvernement Ayrault dès janvier 2013, et élargie aux seniors nés en 1952 et en 1953.
Si le décret de mars 2013 constitue une avancée, le dispositif continue d’exclure les seniors nés entre 1953 et 1957. Ainsi, au lieu de réintroduire l’allocation équivalent retraite dans sa forme antérieure, le gouvernement a préféré aménager le dispositif créé par la majorité précédente et fortement critiqué, à l’époque, par le parti socialiste.
En novembre 2014, le Président de la République et son ministre du travail ont finalement annoncé que l’ATS serait élargie aux personnes nées en 1954, 1955 et 1956, soit entre 10 000 et 30 000 bénéficiaires. A été évoquée alors l’idée de mettre en place une allocation spécifique aux chômeurs seniors, dont les contours seraient précisés par décret d’ici au mois de février 2015, date qui me semble maintenant dépassée. Or, depuis cette annonce, sauf erreur de notre part, aucun décret n’a malheureusement été publié.
Nous restons dans l’attente de précision sur le périmètre retenu, ou encore sur le montant de l’allocation qui sera versée. De même, nous ne savons pas si cette mesure est appelée à être pérenne ou si le décret précisera les années de naissance des allocataires, comme cela a été le cas pour le décret pris en 2013.
Ces questions ont leur importance. Depuis 2008, le taux de chômage des seniors n’a cessé d’augmenter, passant de 4 % en 2008 à 7 % en 2014. Ainsi, la mise en place d’une mesure dynamique, et non pas d’un simple correctif de l’AER, paraît nécessaire.
D’autant plus, lorsque l’on sait que le coût du rétablissement d’une allocation pour les chômeurs seniors serait de l’ordre de 100 millions à 200 millions d’euros par an. C’est très peu, comparé aux milliards d’euros d’exonérations accordées aux entreprises au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi – CICE – ou du pacte de responsabilité !
C’est également une somme faible au regard de l’enjeu, qui est important : il s’agit de ne pas laisser sombrer dans la pauvreté et la précarité des personnes qui ont travaillé toute leur vie, souvent depuis leur plus jeune âge.
Il s’agit, tandis que leur entreprise les a remerciés après des années de bons et loyaux services, de faire vivre la solidarité dans notre société. Il ne s’agit pas de garantir un revenu de survie, de subsistance ou d’aumône, mais bien de reconnaître la contribution de ces personnes à notre économie nationale, pendant, souvent, près de quarante ans. Il s’agit tout simplement de leur garantir un niveau de vie digne, et mérité, preuve de notre attachement à la justice.
L’allocation équivalent retraite a été créée par un gouvernement de gauche, pour répondre à un devoir de solidarité avec les plus faibles. Ensemble, nous avions ensuite combattu pour son maintien. Nous attendons avec impatience et insistance que cette allocation soit rétablie par votre gouvernement, dans le respect de vos engagements récents.
En effet, en cette période de crise économique et sociale il est primordial de maintenir les garde-fous à l’extrême pauvreté afin de protéger au maximum nos concitoyens.
D’abord, parce que, étant dans le camp du progrès, nous défendons les acquis sociaux obtenus au fil des années, tout au long des combats menés par nos prédécesseurs pour ne laisser personne sur le carreau, car c’est bien là le sujet : nous voulons obtenir de nouveaux droits sociaux qui répondent à l’intérêt des plus fragiles.
Ensuite, parce que notre pays a les moyens de se doter de ce filet de sécurité et nous ne cessons de proposer en ce sens des sources de recettes supplémentaires, comme la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.
Enfin, parce qu’il est dans l’intérêt de notre économie et de notre société de maintenir le pouvoir d’achat des ménages et de réduire les inégalités sociales.
Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons la décision du Gouvernement et nous serons vigilants. En effet, d’une part, le Gouvernement doit respecter ses engagements et, d’autre part, l’allocation proposée ne saurait être inférieure à l’AER de 2002. Rien ne justifiait sa suppression, tout appelle donc à son rétablissement !