Je le dis tout en soulignant bien que chacun doit balayer devant sa porte, nous y compris, sur quelque travée que ce soit. Il s’agit d’une œuvre commune à laquelle nous devons tous nous atteler.
On ne peut dire que la question du stock soit ignorée : la délégation aux collectivités territoriales en a été saisie à la fin de 2014 ; le Gouvernement y consacre des moyens. Nous avons à cet égard noué des contacts aussi bien avec vous, monsieur le secrétaire d’État, qui êtes spécialement chargé de la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, qu’avec Thierry Mandon, secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification, que nous avons reçu et que nous reverrons. Nous savons que des initiatives sont en cours de lancement, et nous sommes désireux de nous y associer, tant il est vrai que la simplification est une ambition partagée qui nécessite l’engagement de chacun.
Au sein du Conseil national d’évaluation des normes se déroule un échange permanent entre les représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale et ceux des administrations et des collectivités territoriales, au fil des saisines obligatoires ou facultatives. Le CNEN reste ainsi un outil stratégique de la simplification du stock. C’est d’ailleurs pour cette raison que la décision du bureau du Sénat, confiant en novembre dernier à la délégation aux collectivités territoriales – je l’ai déjà souligné – une mission d’évaluation et de simplification des normes, a prévu que ce travail se ferait en liaison avec le CNEN, raison pour laquelle ont été noués les contacts de qualité que j’évoquais voilà quelques instants avec le Conseil national d’évaluation des normes et son président.
Pour donner toute sa portée à cette compétence éminente sur le stock de normes, les conditions de saisine du CNEN sont essentielles. En effet, l’une des principales difficultés en la matière est de déterminer les priorités. C’est pourquoi la démarche de simplification ne peut être efficacement lancée que sous l’impulsion des collectivités territoriales, mieux placées pour identifier les normes les plus invalidantes et nous les faire connaître. Sans leur participation au processus, sous une forme ou une autre, nous n’arriverons pas à construire un programme opérant. La simplification risque alors de tourner en une discussion académique roulant sur le pourquoi et le comment sans déboucher sur des résultats concrets. Je crois que, là aussi, Rémy Pointereau, à travers des amendements que j’ai cosignés avec d’autres collègues, nous dira des choses intéressantes.
La loi prévoit que le CNEN peut être saisi d’une demande d’évaluation des normes en vigueur par le Gouvernement, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cette énumération fait à peu près le tour de l’ensemble des instances intéressées par la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Pour autant, ces dernières restent en réalité à l’écart du processus en raison des conditions très restrictives encadrant leur pouvoir de saisine. La faute n’en est pas à la loi – j’y faisais allusion à l’instant –, mais à son décret d’application : le décret du 30 avril 2014 portant application de la loi du 17 octobre 2013 illustre en effet de manière emblématique le processus d’amplification et de paralysie de la norme par les dispositions d’application d’une loi.
Alors que la loi du 17 octobre 2013 prévoit que les collectivités territoriales pourront saisir le CNEN d’une demande de révision portant sur le stock en vigueur sans soumettre cette prérogative à des exigences particulières, le décret d’application fixe des conditions qui sont autant d’obstacles à sa concrétisation. C’est ainsi que l’article 3 du décret exige que la demande d’évaluation d’une norme réglementaire en vigueur soit présentée par au moins cent maires et présidents d’EPCI, ou dix présidents de conseil général ou deux présidents de conseil régional – on peut d’ailleurs s’interroger sur le poids d’un président de conseil général par rapport à un président de conseil régional… L’exigence irréaliste et non prévue par la loi d’une démarche concertée de cent maires rend tout à fait improbable le fonctionnement effectif de cette modalité de saisine. Le décret exige également que la demande d’évaluation comprenne une fiche d’impact présentant, entre autres éléments, « ses motifs précisément étayés », ce qui revient à faire peser sur les collectivités – qui peuvent être des communes petites ou de taille moyenne, dépourvues de tout moyen d’expertiser les normes – une obligation de pré-instruction du dossier coûteuse et non prévue par le texte.
La proposition de loi que j’ai cosignée avec Rémy Pointereau a pour objet d’écarter ces obstacles. Je laisse à ce dernier le soin de détailler le dispositif de notre texte, de le préciser. Je rappellerai simplement, pour conclure mon propos, que l’efficacité de l’action du Conseil national d’évaluation des normes sur le stock de normes dépend très largement de l’impulsion que pourront lui donner les collectivités territoriales, qu’elle soit directe ou qu’elle s’exerce par l’intermédiaire des associations d’élus.