Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 20 mai 2015 à 21h30
Protection des installations civiles abritant des matières nucléaires — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

En somme, vous nous proposez un texte anti-activistes, anti-Greenpeace, anti-manifestants et anti-lanceurs d’alerte.

Or, monsieur le rapporteur, vous écrivez vous-même que ces intrusions ne représentent pas de « menace directe en termes de sécurité ». Malgré ce constat, il est prévu une gradation des peines allant jusqu’à 100 000 euros d’amende et sept ans d’emprisonnement.

Vous comprendrez donc la stupéfaction des écologistes, eu égard à un régime de sanctions aussi disproportionné qu’inefficace. En réalité, celui-ci n’a qu’une finalité : criminaliser des actions militantes pacifistes indispensables à nos sociétés démocratiques !

Que faut-il pénaliser le plus ? Des manifestants pacifiques qui tentent d’alerter l’opinion et qui risquent une amende à hauteur de 100 000 euros, comme vous le proposez, ou une fuite de matières radioactives dans l’environnement, accident pour lequel EDF a écopé d’une simple amende de 7 500 euros ?

Que faut-il pénaliser le plus ? Des lanceurs d’alerte qui cherchent à avertir les citoyens sur les dangers du nucléaire et qui risquent sept ans d’emprisonnement ou le déchargement illégal de gravats radioactifs, pour lequel EDF a dû payer une amende de 3 750 euros ?

Où est la justice ? Où est la logique ? Nous sommes bien loin du simple effet dissuasif !

Ô combien aurait-il été plus pertinent de débattre de la responsabilité des opérateurs qui sont parties prenantes de la sécurité de nos installations nucléaires ! Plutôt que de renforcer la sécurité, vous vous attaquez honteusement à ceux qui en révèlent les failles et les faiblesses.

Mes chers collègues, soyons honnêtes : si les intrusions de militants se sont multipliées ces dernières années, c’est d’abord parce qu’elles ont été possibles ! C’est aussi parce que les protocoles de sécurité n’étaient pas adaptés ! Et c’est surtout parce que les militants n’ont pas été arrêtés avant de pénétrer dans les installations !

Si nous avons ce débat aujourd’hui, c’est bien parce que ces militants, ces lanceurs d’alerte pacifistes ont montré que les procédures prévues pour la protection de nos installations civiles étaient inefficaces, inadaptées et obsolètes.

Pénaliser de telles actions, c’est indirectement étouffer le débat, amoindrir sa vivacité et, in fine, encourager l’inertie en la matière.

Réduire la lutte contre les intrusions dans des installations abritant des matières nucléaires à une approche simplement normative, comme vous le faites, concourt à une vision tronquée et simpliste du problème.

Quid des moyens ? C’est la vraie, la seule question que nous devons nous poser. Pourtant, le présent texte, dans lequel sont proposées des mesures de façade, contourne le problème et entretient le mythe de l’infaillibilité des installations nucléaires. Nous remettons à plus tard les questions que nous devrions pourtant aborder aujourd’hui. Il s’agit avant tout d’un problème de moyens !

J’ai bien compris que nous ne débattions pas ce soir de l’avenir de l’énergie nucléaire en France. Mais, en qualité de parlementaire écologiste convaincue, permettez-moi une légère digression en guise de conclusion.

Finalement, si nous avons ce débat aujourd’hui, c’est aussi parce que l’approvisionnement énergétique de la France repose largement sur une énergie dangereuse et incontrôlable.

Alors que le Gouvernement estime que la filière nucléaire a un avenir, qu’elle constitue une force pour notre pays et qu’Areva, avec un déficit de 8 milliards d’euros, pâtit simplement de la conjoncture du marché mondial, je ne peux que regretter l’inconséquence, le dogmatisme et l’irrationalité des débats dès lors que l’on aborde le tabou du nucléaire ! Et c’est précisément ce même aveuglement irresponsable que nous retrouvons dans ce texte.

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