Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 20 mai 2015 à 21h30
Protection des installations civiles abritant des matières nucléaires — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour à la demande du groupe UMP, avait été déposée au mois de septembre 2013 à l’Assemblée nationale, dans le contexte particulier de l’accident d’une centrale nucléaire japonaise.

À la suite de la catastrophe humanitaire, économique et écologique qu’a entraînée cet accident, l’Agence internationale de l’énergie et, en France, l’Autorité de sûreté nucléaire avaient fermement invité les opérateurs du secteur nucléaire à revoir drastiquement la sécurité de leurs installations. S’étaient ensuivis des réflexions et de nombreux débats sur le bien-fondé de l’utilisation de l’énergie nucléaire et la sûreté des installations qui la produisent.

Dans le même temps, le questionnement sur l’énergie nucléaire s’est élargi à la sécurité et à la protection des installations ; il a été tenté de trouver des solutions pour faire face à d’éventuels attentats terroristes et à la multiplication d’intrusions physiques illégales.

C’est, en définitive, sur ce dernier point, certes limité, que porte la présente proposition de loi. Il faut donc la considérer pour ce qu’elle est. Ce n’est ni un manuel de sécurité antiterroriste ni un vade-mecum d’amélioration des protocoles de sécurité de nos centrales nucléaires. Le texte part d’une réalité tangible : le grand nombre d’intrusions, par la force et l’utilisation, parfois, de moyens violents, dans l’intention de démontrer la vulnérabilité de certains sites abritant des matières nucléaires.

Depuis une dizaine d’années, les intrusions répétées dans au moins une dizaine de centrales nucléaires françaises, menées tout particulièrement par des militants antinucléaires, ont peut-être mis en lumière des failles de sécurité, au plan tant terrestre que, récemment, aérien. Mais ces intrusions, de plus en plus fréquentes, présentent des risques pour les salariés des centrales, pour les gendarmes de pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie, mais également, il faut le dire, pour les militants eux-mêmes. Ces événements sont aussi particulièrement préoccupants. Ils visent à mettre en doute par des moyens discutables la sécurité des centrales nucléaires et la fiabilité de leurs mesures de protection.

Certes, jusqu’à présent, ces intrusions se sont toujours révélées sans menace directe et sans risque majeur pour la sécurité des populations et des installations, qui n’ont, pour l’instant, eu à subir ni attaque terroriste ni sabotage.

Toutefois, au lendemain des attentats meurtriers qui ont frappé notre pays, nous ne pouvons pas ignorer l’éventualité de ce type d’attaques, dont les conséquences seraient potentiellement désastreuses, alors que la moitié de la population française vit à moins de quatre-vingts kilomètres d’une centrale.

La présente proposition de loi tente ainsi de répondre à une telle situation sur le seul terrain juridique, en modifiant un dispositif pénal que l’on peut effectivement considérer comme devenu inadapté à ce type d’intrusions.

Il me semble nécessaire de trouver un dispositif pénal proportionné à la gravité de tels actes, dont il ne faut évidemment pas non plus surestimer les conséquences. C’est pourquoi il est créé, à juste titre, un délit spécifique applicable aux intrusions ou tentatives d’intrusion ; cela permet de les caractériser et de les distinguer d’une simple violation de domicile ou d’un acte terroriste.

Le dispositif prévoit en outre une adaptation de la sanction aux circonstances et permet également de sanctionner la personne morale instigatrice de telles actions.

Cela étant, je comprends que l’on puisse contester le nucléaire comme source d’énergie. Nous devrions néanmoins tous nous accorder pour l’amélioration de la sécurité des sites. De plus, je ne pense pas que de telles opérations, aussi médiatiques soient-elles, contribuent réellement au débat démocratique, sérieux et serein sur le nucléaire.

En conséquence, j’estime que les mesures contenues dans cette proposition de loi n’entravent pas la liberté d’expression de ceux qui contestent l’énergie nucléaire en tant que telle. Cette liberté peut toujours s’exercer partout en dehors de ces sites sensibles.

Toutefois, je suis bien consciente que ce nouveau délit ne peut pas être vraiment dissuasif à l’encontre de terroristes potentiels. Tout au plus permettra-t-il d’éviter que de tels individus ne s’infiltrent parmi les groupes pénétrant dans une installation.

Sur le fond, les questions relatives à la sécurité et à la protection de ces sites contre diverses menaces ne trouveront pas de réponse uniquement dans une loi. Légiférer sur ce point n’a de sens qu’en fonction de la légitimité démocratique que l’on veut attribuer à telle ou telle disposition technique.

Ainsi, il est maintenant nécessaire de réfléchir aux conditions dans lesquelles il faut protéger nos installations nucléaires contre la nouvelle menace que pourrait représenter le survol par des types d’avions sans pilote que sont les drones. Faudra-t-il légiférer ? Vraisemblablement. Mais attendons pour cela le rapport du Secrétariat général du Gouvernement, prévu à l’automne, sur l’évaluation des risques et les solutions techniques et capacitaires à apporter à cette problématique nouvelle.

À cet égard, la méthode qui figure à l’article 2 du présent texte est, à mes yeux, la bonne, à savoir une délibération sur le rapport du Parlement, qui en tirera éventuellement les conséquences législatives.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC voteront la proposition de loi dans le texte de la commission.

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