Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 26 mai 2015 à 9h30
Questions orales — Gaspillage alimentaire et dates de péremption

Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique :

Monsieur le sénateur Alain Fouché, vos intentions sont légitimes et partagées de tous.

Tout d’abord, j’apporterai quelques précisions afin de montrer que tous les produits alimentaires ne sont pas identiques et qu’ils ne peuvent pas tous être recyclés.

Le règlement européen concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires prévoit que, parmi les mentions obligatoires, la date de durabilité minimale ou DDM, anciennement appelée « date limite d’utilisation optimale », la date limite de consommation ou DLC, ainsi que les conditions particulières de conservation du produit alimentaire doivent figurer sur l’étiquetage d’un produit alimentaire préemballé.

La DDM s’est substituée à la précédente mention pour que le consommateur soit informé de manière précise et qu’il puisse distinguer clairement les produits portant une date limite de consommation, généralement conservés au réfrigérateur, de ceux portant une date de durabilité minimale.

En outre, l’article 24 du règlement précité prévoit que, dans le cas de denrées alimentaires microbiologiquement très périssables qui, de ce fait, sont susceptibles de présenter un danger immédiat pour la santé humaine après une courte période, la date de durabilité minimale est remplacée par la date limite de consommation. En vertu de la législation européenne, le choix entre DLC et DDM, ainsi que le choix de la durée indiquée sur le produit incombent à l’opérateur qui appose son nom sur le produit. Aucun État membre ne peut donc aujourd’hui modifier la réglementation européenne sur ce point.

Une denrée dont la date limite de consommation aurait expiré ne peut plus être commercialisée, car elle met en danger la santé du consommateur. Des sanctions sont d’ailleurs prévues en cas de manquement à cette obligation. Ces denrées doivent alors être retirées de la vente : elles peuvent soit être détruites par le magasin, soit être retournées au fournisseur. En revanche, elles ne peuvent en aucun cas être données à des associations caritatives en vue de leur consommation par des personnes défavorisées.

Il en va différemment pour les produits dont la date de durabilité minimale a expiré. Ils peuvent continuer à être vendus et consommés légalement, puisque aucun texte ne sanctionne leur commercialisation. En réalité, seules les qualités organoleptiques des produits déclinent. Ils ne constituent donc pas un danger pour la santé du consommateur.

C’est du reste pour lutter à la fois contre le gaspillage alimentaire et contre la crise économique que certains magasins se sont spécialisés dans l’écoulement des produits dont la date de durabilité minimale est dépassée.

Cette distinction entre date de durabilité minimale et date limite de consommation me paraît primordiale dans la mesure où elle n’est pas toujours perçue par nos concitoyens.

Aujourd’hui, le don volontaire de produits alimentaires dont la DLC approche ou dont la DDM est dépassée est déjà largement pratiqué. En revanche, rendre obligatoire le don des invendus serait susceptible de soulever de nombreuses difficultés, en particulier d’ordre juridique.

Le Gouvernement considère qu’obliger les opérateurs à donner ces produits est en effet de nature à porter atteinte au droit de propriété inscrit dans la Constitution. Par ailleurs, gérer les invendus, sous la houlette de l’État, revient à s’ingérer dans la liberté d’entreprendre, également inscrite dans la Constitution. Enfin, cette mesure aurait un coût non négligeable qui se répercuterait, à n’en pas douter, sur les fournisseurs et en définitive sur les consommateurs, ceux-là mêmes que nous cherchons à protéger.

Je comprends que cette réponse d’ordre purement juridique ne soit pas pleinement satisfaisante. C’est la raison pour laquelle, à la suite du rapport de M. Guillaume Garot sur la réduction du gaspillage alimentaire, qui préconise d’amplifier les efforts en favorisant le conventionnement entre magasins de la grande distribution, associations caritatives et banques alimentaires, le Gouvernement a soutenu un amendement déposé sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, amendement tendant à prévoir que les grandes surfaces auront l’obligation de valoriser leurs invendus alimentaires et devront proposer, au titre de l’aide alimentaire, une convention aux associations labellisées pour le don de ces denrées.

Le Gouvernement répond ainsi à des objectifs qui sont partagés dans cet hémicycle, mais d’une manière conforme à notre droit.

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