Au moment où nous abordons l’examen des articles 3 bis et 3 ter, je tiens à rappeler que, en première lecture, le Sénat a introduit dans le projet de loi des dispositions visant à confier aux régions de nouvelles responsabilités en matière de coordination des acteurs des politiques de l’emploi. L’objectif affiché est de permettre une meilleure adaptation de ces politiques aux spécificités territoriales. S’il est louable et partagé, la méthode pose problème.
La lutte contre le chômage et pour l’emploi est une compétence régalienne : Pôle emploi est l’outil majeur des politiques de l’État, ainsi que son opérateur exclusif. Or le dispositif adopté par le Sénat instituait une tutelle des régions sur Pôle emploi. C’est pourquoi les députés ont largement réécrit l’article 3 bis introduit par le Sénat, pour prévenir toute remise en cause durable du rôle de l’État dans la lutte contre le chômage et pour garantir la suprématie de Pôle emploi au sein du service public de l’emploi. La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC s’est révélée suffisamment délicate pour que l’on ne crée pas de nouvelles complications.
La mobilisation des régions au service de l’emploi n’en est pas moins essentielle : compétentes en matière d’orientation professionnelle, de formation et de développement économique, les régions doivent être au côté de l’État pour élaborer une stratégie régionale coordonnée en faveur de l’emploi qui soit aussi précisément accordée que possible au marché du travail local. Tel est l’objectif qui a inspiré aux députés d’introduire dans le projet de loi l’article 3 ter, qui permet à l’État de déléguer aux régions qui le souhaitent la coordination de nombreux acteurs du service public de l’emploi, hors Pôle emploi, en vertu d’une convention garantissant la cohérence de l’action régionale avec les politiques et les dispositifs nationaux.
Or notre commission des lois a rétabli le dispositif adopté par le Sénat en première lecture, apportant aux articles 3 bis et 3 ter des modifications qui soulèvent un certain nombre de difficultés et remettent en cause la cohérence même des politiques de l’emploi et de la formation.
D’abord, les dispositions relatives au comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CREFOP, remettent en question la nouvelle gouvernance quadripartite instaurée par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, laquelle associe l’État, la région, les représentants des salariés et ceux des employeurs. Le président de région ne peut exercer seul la présidence du CREFOP ; l’association des pouvoirs publics et des partenaires sociaux est un facteur essentiel de la réussite des politiques de l’emploi et de la formation.
Ensuite, je rappelle que les dispositifs de la politique de l’emploi – emplois aidés, offres de services et prestations de Pôle emploi et, pour partie, des autres acteurs du service public de l’emploi, pilotage des moyens de Pôle emploi – sont nationaux. Comment les acteurs régionaux pourraient-ils s’engager, sans l’État, sur la manière de mobiliser les outils des politiques de l’État ?
Enfin, il me semble risqué d’adopter une logique d’intervention différenciée en fonction des publics cibles, l’État gérant les chômeurs de longue durée et les régions, les populations considérées comme employables, ce à quoi le dispositif rétabli par la commission des lois ouvre la voie.
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera les amendements que le Gouvernement présentera respectivement à l’article 3 bis et à l’article 3 ter et qui tendent à restaurer l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale en première lecture.