Intervention de Gérard Rameix

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 mai 2015 : 2ème réunion
Audition de M. Gérard Rameix président de l'autorité des marchés financiers amf à l'occasion de la remise du rapport annuel de l'amf

Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers :

Je vous remercie de m'accueillir pour la présentation du rapport de l'AMF portant sur notre action au cours de l'année 2014. Vous y trouverez tous les chiffres et les développements sur les différents aspects de notre activité tant envers les émetteurs d'instruments financiers que de la gestion d'actifs. Nous avons également une importante activité internationale et réglementaire ainsi qu'une action répressive. Sur ce point, nous avons été actifs puisque nous avons battu, si je puis dire, un « record » du montant le plus élevé prononcé au titre des sanctions.

L'année 2014 se traduit par un net regain d'activité sur les marchés par rapport à 2013 et surtout à 2012, qui avait été difficile, notamment les marchés actions. Les volumes échangés sur l'ensemble des marchés d'Euronext, ont progressé de 18 %, avec un volume quotidien de près 4 milliards d'euros à Paris. Nous assistons à une légère augmentation du nombre de sociétés cotées. Les montants levés, trois fois supérieurs à ceux de l'an dernier, ont atteint 4,3 milliards d'euros. Les sociétés déjà cotées ont quant à elles levé près de 14 milliards d'euros, un montant nettement supérieur à celui de l'année précédente.

Les encours sous gestion ont progressé de 3 %, en ligne avec le reste de l'économie, ce qui conforte un volume important d'activité dans ce secteur-là.

Parmi les éléments positifs de cette année, je voudrais également citer l'introduction en bourse d'Euronext. Vous vous en souvenez, l'entreprise de marché avait été constituée par la fusion des bourses de Paris, Lisbonne, Amsterdam et Bruxelles. Dans les années 2000, elle avait ensuite fusionné avec l'opérateur américain New York Stock Exchange (NYSE). L'histoire a repassé les plats : un grand opérateur américain a fait une offre sur l'ensemble NYSE-Euronext et a remis sur le marché la partie Euronext. On se retrouve donc avec une bourse centrée sur les actions, mais pas exclusivement, autonome et qui s'est introduite avec un noyau dur d'actionnaires financiers de la zone euro, y compris la Banque publique d'investissement, avec une présence française assez forte. La nouvelle entité pourra davantage se tourner vers le financement des entreprises de la zone euro alors qu'il avait été reproché un tropisme américain à NYSE-Euronext.

Les marchés financiers ont donc repris un rôle plus actif, dans une période qui reste un moment de transition, notamment sur les marchés actions. C'est également vrai sur le marché obligataire : qu'il s'agisse des obligations dites « corporate » ou des placements privés dits « Euro PP », le financement obligataire a été très dynamique en volume avec des éléments de taux très favorable, tendant à la politique de « quantitative easing » de la Banque centrale européenne (BCE).

Au-delà de ces éléments plutôt favorables, un régulateur est toujours inquiet ! Notre métier, avec nos collègues régulateurs prudentiels, c'est de surveiller l'apparition éventuelle de risques qui pourraient ébranler à nouveau les marchés financiers qui restent, de mon point de vue, assez fragiles.

Le fait majeur, c'est la politique de taux d'intérêt. Elle a connu un tournant très marqué ces derniers mois. Ceci a évidemment des avantages en termes de financement et de relance de l'économie européenne. Du point de vue d'un régulateur de marchés, nous devons nous poser des questions sur la manière dont les acteurs financiers vont vivre cette période. À ma connaissance, ils n'ont jamais fonctionné avec une structure de taux nominaux aussi faibles.

Les marchés obligataires sont valorisés à un niveau très élevé puisque la valorisation d'une obligation varie en proportion inverse des taux d'intérêt. Le marché peut donc se révéler fragile avec l'apparition de crises de confiance, comme nous avons pu le constater voilà quelques semaines. La transition entre ce régime de taux exceptionnel et un régime plus « normal » - qui viendra forcément - doit être regardée avec vigilance. Pour ce qui nous concerne, nous demandons aux gestionnaires de fonds obligataires d'établir des scénarios de risque prenant en compte un choc obligataire.

Nous pouvons également évoquer le transfert de capitaux entre continents du fait d'une divergence du régime de taux d'intérêt. Une situation où les taux d'intérêt longs aux États-Unis seraient très nettement supérieurs à ceux des pays européens dont l'économie a connu des difficultés récemment est instable. Des transferts de capitaux rapides, dans un sens ou dans l'autre, peuvent intervenir selon le jugement des marchés.

Nous participons à beaucoup de travaux internationaux sur la maîtrise des risques. Nous restons très attentifs à toutes les questions liées au « shadow banking », même si ce terme nous paraît vague et recouvre des réalités assez différentes. La maîtrise des risques obtenue dans le secteur bancaire par la démarche de Bâle III peut s'accompagner de certains risques sur le terrain des financements non bancaires.

Nous avons été également mobilisés sur la défense des épargnants. En effet, dans une période de rémunération très basse de l'épargne - qui suit le mouvement général des taux d'intérêt - certains sont tentés de proposer des placements qui rapportent beaucoup plus que des taux obligataires ou des livrets d'épargne. Nous avons par exemple enregistré plus de 1 000 plaintes pour des opérations sur le « Forex ». Sur Internet, certaines publicités séduisantes proposent à des particuliers de devenir trader sur des produits de change, c'est-à-dire de spéculer sur la variation des principales devises. Or, nous avons démontré que ce processus, même s'il est réalisé de manière professionnelle, est perdant à neuf fois sur dix. Au surplus, les produits offerts ne le sont pas toujours de manière professionnelle, certains sites étant fort peu sérieux quand il ne s'agit pas d'une escroquerie pure et simple. Les sommes perdues peuvent représenter une part importante de l'épargne engagée. Nous nous battus contre ces sites et nous avons engagé des actions juridiques, notamment au sein de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Nous avons demandé au ministère des finances de proposer au Parlement une disposition législative d'interdiction de la publicité pour ce type de produit. Cela nous paraît, à court terme, le levier dont nous aurions besoin.

Nous participons activement aux travaux sur l'Union des marchés de capitaux, qui représente un tournant de l'attitude de la Commission européenne par rapport à l'Europe des marchés financiers. Nous avons reçu très récemment le Commissaire Hill.

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