La réunion

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Au cours d'une seconde réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de M. Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'occasion de la remise du rapport annuel de l'AMF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et Benoit de Juvigny, secrétaire général de cette Autorité. Il s'agit maintenant d'une habitude bien établie de notre commission que d'entendre le Président de l'AMF à l'occasion de la publication de son rapport annuel.

Cette audition doit aussi être l'occasion d'aborder tous les sujets portant sur le champ financier. Cette année, je pense en particulier à la question du cumul des sanctions administratives et pénales sur laquelle l'AMF vient de publier l'état de ses réflexions. Sur ce sujet, nos collègues Albéric de Montgolfier et Claude Raynal ont déjà conduit de nombreuses auditions et devraient présenter les résultats de leurs travaux dans les prochaines semaines.

Debut de section - Permalien
Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers

Je vous remercie de m'accueillir pour la présentation du rapport de l'AMF portant sur notre action au cours de l'année 2014. Vous y trouverez tous les chiffres et les développements sur les différents aspects de notre activité tant envers les émetteurs d'instruments financiers que de la gestion d'actifs. Nous avons également une importante activité internationale et réglementaire ainsi qu'une action répressive. Sur ce point, nous avons été actifs puisque nous avons battu, si je puis dire, un « record » du montant le plus élevé prononcé au titre des sanctions.

L'année 2014 se traduit par un net regain d'activité sur les marchés par rapport à 2013 et surtout à 2012, qui avait été difficile, notamment les marchés actions. Les volumes échangés sur l'ensemble des marchés d'Euronext, ont progressé de 18 %, avec un volume quotidien de près 4 milliards d'euros à Paris. Nous assistons à une légère augmentation du nombre de sociétés cotées. Les montants levés, trois fois supérieurs à ceux de l'an dernier, ont atteint 4,3 milliards d'euros. Les sociétés déjà cotées ont quant à elles levé près de 14 milliards d'euros, un montant nettement supérieur à celui de l'année précédente.

Les encours sous gestion ont progressé de 3 %, en ligne avec le reste de l'économie, ce qui conforte un volume important d'activité dans ce secteur-là.

Parmi les éléments positifs de cette année, je voudrais également citer l'introduction en bourse d'Euronext. Vous vous en souvenez, l'entreprise de marché avait été constituée par la fusion des bourses de Paris, Lisbonne, Amsterdam et Bruxelles. Dans les années 2000, elle avait ensuite fusionné avec l'opérateur américain New York Stock Exchange (NYSE). L'histoire a repassé les plats : un grand opérateur américain a fait une offre sur l'ensemble NYSE-Euronext et a remis sur le marché la partie Euronext. On se retrouve donc avec une bourse centrée sur les actions, mais pas exclusivement, autonome et qui s'est introduite avec un noyau dur d'actionnaires financiers de la zone euro, y compris la Banque publique d'investissement, avec une présence française assez forte. La nouvelle entité pourra davantage se tourner vers le financement des entreprises de la zone euro alors qu'il avait été reproché un tropisme américain à NYSE-Euronext.

Les marchés financiers ont donc repris un rôle plus actif, dans une période qui reste un moment de transition, notamment sur les marchés actions. C'est également vrai sur le marché obligataire : qu'il s'agisse des obligations dites « corporate » ou des placements privés dits « Euro PP », le financement obligataire a été très dynamique en volume avec des éléments de taux très favorable, tendant à la politique de « quantitative easing » de la Banque centrale européenne (BCE).

Au-delà de ces éléments plutôt favorables, un régulateur est toujours inquiet ! Notre métier, avec nos collègues régulateurs prudentiels, c'est de surveiller l'apparition éventuelle de risques qui pourraient ébranler à nouveau les marchés financiers qui restent, de mon point de vue, assez fragiles.

Le fait majeur, c'est la politique de taux d'intérêt. Elle a connu un tournant très marqué ces derniers mois. Ceci a évidemment des avantages en termes de financement et de relance de l'économie européenne. Du point de vue d'un régulateur de marchés, nous devons nous poser des questions sur la manière dont les acteurs financiers vont vivre cette période. À ma connaissance, ils n'ont jamais fonctionné avec une structure de taux nominaux aussi faibles.

Les marchés obligataires sont valorisés à un niveau très élevé puisque la valorisation d'une obligation varie en proportion inverse des taux d'intérêt. Le marché peut donc se révéler fragile avec l'apparition de crises de confiance, comme nous avons pu le constater voilà quelques semaines. La transition entre ce régime de taux exceptionnel et un régime plus « normal » - qui viendra forcément - doit être regardée avec vigilance. Pour ce qui nous concerne, nous demandons aux gestionnaires de fonds obligataires d'établir des scénarios de risque prenant en compte un choc obligataire.

Nous pouvons également évoquer le transfert de capitaux entre continents du fait d'une divergence du régime de taux d'intérêt. Une situation où les taux d'intérêt longs aux États-Unis seraient très nettement supérieurs à ceux des pays européens dont l'économie a connu des difficultés récemment est instable. Des transferts de capitaux rapides, dans un sens ou dans l'autre, peuvent intervenir selon le jugement des marchés.

Nous participons à beaucoup de travaux internationaux sur la maîtrise des risques. Nous restons très attentifs à toutes les questions liées au « shadow banking », même si ce terme nous paraît vague et recouvre des réalités assez différentes. La maîtrise des risques obtenue dans le secteur bancaire par la démarche de Bâle III peut s'accompagner de certains risques sur le terrain des financements non bancaires.

Nous avons été également mobilisés sur la défense des épargnants. En effet, dans une période de rémunération très basse de l'épargne - qui suit le mouvement général des taux d'intérêt - certains sont tentés de proposer des placements qui rapportent beaucoup plus que des taux obligataires ou des livrets d'épargne. Nous avons par exemple enregistré plus de 1 000 plaintes pour des opérations sur le « Forex ». Sur Internet, certaines publicités séduisantes proposent à des particuliers de devenir trader sur des produits de change, c'est-à-dire de spéculer sur la variation des principales devises. Or, nous avons démontré que ce processus, même s'il est réalisé de manière professionnelle, est perdant à neuf fois sur dix. Au surplus, les produits offerts ne le sont pas toujours de manière professionnelle, certains sites étant fort peu sérieux quand il ne s'agit pas d'une escroquerie pure et simple. Les sommes perdues peuvent représenter une part importante de l'épargne engagée. Nous nous battus contre ces sites et nous avons engagé des actions juridiques, notamment au sein de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Nous avons demandé au ministère des finances de proposer au Parlement une disposition législative d'interdiction de la publicité pour ce type de produit. Cela nous paraît, à court terme, le levier dont nous aurions besoin.

Nous participons activement aux travaux sur l'Union des marchés de capitaux, qui représente un tournant de l'attitude de la Commission européenne par rapport à l'Europe des marchés financiers. Nous avons reçu très récemment le Commissaire Hill.

Debut de section - Permalien
Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers

Oui, je crois que nous avons été nombreux à profiter de son passage à Paris la semaine dernière.

Nous pensons que, à côté de l'orientation générale consistant à maintenir les actions de sécurisation du système qui sont largement en cours et qu'il faut achever, il faut essayer de les toiletter, les rationaliser et aller vers des actions qui se préoccupent de façon plus économique de la bonne rencontre entre l'offre et la demande de capitaux et du financement des entreprises.

Nous participons très activement aux réflexions à l'intérieur de l'AEMF. Cet organisme, qui rassemble les différents régulateurs européens, a une action positive. Il doit participer davantage encore à une harmonisation des pratiques de régulation et ne pas seulement se concentrer sur le travail très technique de définition de standards d'application des textes communautaires. Il doit rechercher plus concrètement si les différents régulateurs et les différents milieux professionnels au sein de l'Union européenne se mettent tous en ligne par rapport aux principes.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

S'agissant des conséquences de l'arrêt Non bis in idem du Conseil constitutionnel, nous avons lu avec intérêt les propositions du groupe de travail de l'AMF, dont certaines pistes évoquées nous paraissent opérationnelles.

Je rappelle aux collègues les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, qui interdit les condamnations, pour les mêmes faits, au pénal et devant l'AMF, en matière de délit boursier. Il faut donc élaborer une forme d'aiguillage entre la voie pénale, notamment avec le parquet national financier, et la voie administrative, c'est-à-dire celle des sanctions prononcées par l'AMF. Se posent différentes questions. Certaines pistes ont été évoquées, telle que la création d'une grande juridiction spécialisée ou la question d'un aiguillage ab initio prévu par la loi.

La question est donc celle de savoir ce qui se passerait en cas de désaccord entre l'autorité judiciaire et l'AMF sur la voie à suivre. Une commission d'aiguillage pourrait être instituée, dont les décisions ne seraient pas susceptibles d'appel. Cela suppose-t-il obligatoirement une prédominance du judiciaire ou bien la question reste-t-elle ouverte à ce stade ?

Ma deuxième question porte sur les secteurs qui ne sont pas véritablement encore régulés, bien que l'AMF s'efforce d'intervenir. Vous avez évoqué la question du Forex, en rappelant également l'action menée sur certains sites, qui a mis à jour de véritables escroqueries. C'est un travail intéressant et utile. Aujourd'hui, peut-être du fait de la faiblesse des taux d'intérêt, comme vous l'avez souligné, il y a une tentation d'aller vers des produits plus « exotiques » et très peu régulés.

En dehors de l'interdiction de la publicité pour le Forex par exemple - publicité du type « devenez trader en un jour » - et qui paraît une mesure saine, y a-t-il d'autres évolutions législatives attendues par l'AMF, et qui permettraient d'atteindre des types de marché ou des types de produits non régulés ? À cet égard, je pense tout particulièrement aux produits défiscalisés, où l'on vend uniquement la défiscalisation, à travers de la publicité presque mensongère, sans que les intermédiaires ou le promoteur du produit n'encoure la moindre sanction. En conséquence, des personnes de bonne foi peuvent se retrouver redressées fiscalement. Ce type de produits ne rentre pas forcément dans le champ de compétence de l'AMF. Une extension du champ de vos compétences ou des évolutions législatives en ce sens vous paraîtraient-elles donc souhaitables pour la protection des épargnants, ce qui est votre vocation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions s'agissant de l'aiguillage et de la façon de répartir les affaires entre le procureur financier et l'AMF en cas de difficulté, même si de tels cas sont assez rares. Dans votre rapport, une proposition nous a étonnés. Elle est relative à l'idée de fixer des seuils comme critères objectifs d'aiguillage. Il nous avait semblé, avec le rapporteur général, lors des premières auditions, que vous étiez plutôt peu favorable à cette position, qui pose d'ailleurs une difficulté particulière. En effet, on peut très bien avoir une affaire qui relève du pénal et du procureur financier, y compris sur des opérations de faible montant.

Nous avons reçu la semaine dernière Bernard Delas pour sa nomination à la vice-présidence de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Comme vous, il relevait la question de la fragilité potentielle concernant les sociétés d'assurance en cas de remontée rapide des taux d'intérêt. Comment percevez-vous ce risque ? Le gouverneur de la Banque de France avait très tôt alerté la commission sur cette problématique et sur le fait qu'il fallait demander aux sociétés d'assurance de ne pas s'engager sur des rendements trop importants.

Debut de section - Permalien
Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers

En ce qui concerne la problématique de l'aiguillage, je rappellerai que les cas juridiquement litigieux où l'on avait une décision en matière pénale et en matière administrative sur les mêmes faits étaient peu nombreux, à raison de deux par an au maximum depuis la création de l'AMF il y a onze ans, soit dix-sept dossiers au total. Dans l'ancien dispositif, à partir de rapports d'investigation qui dénonçaient des agissements paraissant critiquables, l'AMF pouvait notifier des griefs et aller ensuite devant sa commission des sanctions. Cette dernière a fait la preuve de sa capacité, dans un cadre juridique solide, à prononcer des amendes d'un ordre de grandeur sans commune mesure avec celles qu'ont l'habitude de prononcer les tribunaux répressifs. On est presque dans un rapport de 1 à 100.

Désormais, nous allons être obligés de choisir. Sur une affaire donnée - peu importe qu'elle vienne d'un travail de police ou d'une enquête de l'AMF -, on devra décider si on la place sur le terrain pénal ou administratif, sachant que ces deux voies seront exclusives l'une de l'autre. C'est un choix difficile. En effet, la commission des sanctions de l'AMF a pour avantage sa technicité, et sa composition, puisqu'elle comprend des magistrats issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation, ainsi que des professionnels ; en outre, elle mène ses procédures dans un délai d'un an à un an et demi maximum entre le moment où l'on notifie les griefs et le moment où la décision est rendue. Ensuite, compte tenu des délais d'appel, les affaires sont traitées au bout de deux à trois ans, se concluant par de fortes amendes et des interdictions d'exercer.

La voie pénale est très différente : si elle est plus forte par certains côtés, avec des moyens d'investigation parfois plus poussés et la possibilité de prononcer des peines de prison, elle se heurte en revanche à des contraintes procédurales beaucoup plus lourdes.

On devra donc arbitrer, dans certaines affaires - je ne sais d'ailleurs pas qui arbitrera car c'est l'une des questions à résoudre - entre sanctionner une infraction financière par une amende qui tend à être de plus en plus forte, dans le cadre d'une procédure assez rapide, ou prendre le risque d'une procédure pénale plus aléatoire, plus longue, mais qui a une force symbolique plus forte. Par conséquent, les critères de choix, quel que soit le décideur, ne sont pas aisés, ce qui présente une difficulté réelle.

Je pense que tout le monde est à peu près d'accord sur ce point, mais je tiens à insister dessus : il est absolument impératif que la loi définisse très précisément ce qu'est la poursuite, au sens où le Conseil constitutionnel emploie ce terme ; en effet, toute poursuite engagée dans une voie aura pour conséquence de clore l'affaire dans l'autre voie. Si, par exemple, le parquet décide d'une citation directe d'une personne devant un tribunal correctionnel ou d'un réquisitoire introductif pour désigner un juge d'instruction dans une affaire, il est clair que cette dernière ne pourra plus faire l'objet d'une notification de grief par l'AMF. De même, si c'est l'AMF qui notifie les griefs, le parquet, à condition qu'il s'agisse bien des mêmes faits et de la même incrimination, ne pourra plus agir. La question de la définition de la poursuite est donc absolument décisive. J'insiste un peu lourdement sur ce point car je crains que l'on ait à faire face à des contentieux sur la qualification de l'acte de poursuite, certains avocats pouvant à soulever ce type de grief pour ruiner les procédures initiées.

Il me semble ensuite évident qu'il convient, contrairement à ce qui se passait jusqu'ici, de prévoir une période de quelques semaines - nous proposons deux mois dans le rapport - au cours de laquelle, avant de procéder à cet acte important qui oriente le dossier, il y aurait une discussion entre les deux autorités compétentes. Avec la création du parquet national financier, dans les cas de délits boursiers - délit dit d'initié, utilisation d'information privilégiée et manipulation de cours ou fausse information, variante de la manipulation de cours dans les textes européens - nous devrons examiner ensemble le dossier pour définir quel est l'avantage de chacune des deux procédures.

Il y a plusieurs solutions possibles à cet égard : on échange et ensuite chacun initie sa procédure. Si c'est un dossier initié au départ par l'AMF et que le collège de l'AMF décide qu'il transmet au parquet, mais que ce dernier refuse, le collège suivra sa propre procédure et recommandera l'amende qu'il juge la plus appropriée.

L'autre solution que nous proposons dans le rapport, et qui semble vous surprendre, consiste à proposer une hiérarchie en fonction des affaires. Cette idée est présente dans les textes européens, notamment dans les règlements dits « abus de marché ». Selon ceux-ci, les États membres doivent organiser la répression des infractions financières, avec la possibilité de conférer des pouvoirs au régulateur en la matière. Toutefois, cette démarche n'est pas obligatoire et, dans les cas les plus graves, il faut prévoir une procédure pénale.

Ces textes ne traitent pas de la question de l'aiguillage entre les deux voies. Ils introduisent une hiérarchie visant explicitement les cas les plus graves d'intentionnalité, de récidive et d'atteinte au marché, qui appellent une réponse pénale, tandis que les autres infractions sont définies de façon plus générale sans niveau de gravité.

Cette solution a pour intérêt de clarifier en grande partie le débat sur les compétences. En effet, si l'on se trouve en dessous des seuils qui restent à déterminer, la compétence de principe est celle de la commission des sanctions de l'AMF. On n'est pas dans le domaine pénal et l'on considère - si le législateur veut bien partager ce point de vue - que c'est le terrain de la répression technique financière dite, en droit, administrative, qui est le terrain le plus efficace.

Je pense que c'est assez pragmatique. Vous me direz que je ne suis pas d'une neutralité totale pour présenter ce point de vue, mais il me semble que l'expérience prouve que si l'on a pu accroître la répression des dérapages financiers, certes pas autant qu'on le souhaiterait, c'est grâce à l'utilisation des moyens dont dispose l'AMF.

Au-delà d'un certain seuil, la compétence de l'AMF n'est pas impossible, le parquet pouvant considérer que même si on est au-dessus des seuils, les éléments d'incrimination ne sont pas suffisamment solides et qu'il est alors préférable que l'affaire soit renvoyée devant la commission des sanctions de l'AMF. Mais, dans ce cas, le dialogue a lieu d'être. Tel est l'esprit de notre proposition.

D'autres critères pourraient reposer, dans notre esprit, sur le niveau de plus-value et de gain réalisés, puisque ce sont des affaires d'argent que l'on traite. Nous considérons à cet égard que la machine pénale devrait être réservée aux gains les plus importants. Personnellement, je situerais ce seuil autour de 1 million d'euros, mais cela reste subjectif.

Ensuite, on évoque la création d'une sorte de commission d'arbitrage, solution envisageable mais qui demande à être travaillée en droit. Elle aurait un énorme avantage : dans les rares cas où il existe un vrai conflit de compétence, elle permettrait de surmonter les blocages. La chancellerie souhaite que le dernier mot reste au parquet, mais cela me paraît un peu critiquable. Le risque de cette solution, si l'on n'a pas défini les domaines et si l'on garde les infractions pénales au premier euro, repose sur les critères qui seront utilisés par le parquet, à savoir des critères de médiatisation, d'importance et de très grande visibilité de l'affaire, ou bien des critères beaucoup plus juridiques et techniques, tels que la capacité du parquet à penser pouvoir obtenir une décision rapidement, même sur des cas peu importants. Cela créerait une situation d'incertitude sur le fait de savoir qui traitera le dossier. C'est ce qui me paraît un peu risqué dans cette solution.

C'est pourquoi je pense qu'il faudrait soit créer une commission, qui aurait la lourde charge de donner une certaine cohérence en réservant au domaine pénal les décisions les plus importantes, soit essayer d'adopter une approche en termes de seuils, certes un peu simple. Je reconnais volontiers que, dans certains cas, il existe des actes qui peuvent paraître moralement très graves et qui n'ont pas forcément conduit à des gains considérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il me semble difficile d'évaluer ab initio la gravité d'une affaire : on ne sait pas dès le début le montant du gain obtenu, on ne connaît même pas nécessairement l'ensemble des personnes en cause, avant d'avoir bouclé l'enquête.

Vous avez mentionné l'idée d'une concertation entre l'AMF et le parquet pour décider de l'orientation d'un dossier ; cela me semble indispensable. Pour les rares cas de conflit, l'idée d'une commission qui prenne des décisions d'aiguillage non susceptibles de recours paraît une solution opérationnelle - en tout cas plus opérationnelle, me semble-t-il, que la détermination de critères objectifs a priori.

Debut de section - Permalien
Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers

Nous avons repris les statistiques : depuis onze ans, il y a eu en effet un nombre limité de décisions pénales. Mais cela s'explique par le fait que la procédure administrative devant l'AMF fonctionnait. Le parquet, informé par l'AMF des poursuites et des sanctions prononcées - de la même manière que nous le sommes lorsqu'il y a poursuite et sanction pénales -, constatait que l'AMF sanctionnait la personne coupable du fait en question, et cette sanction lui semblait suffisante.

Nous serons en effet obligés, désormais, de prendre une décision d'orientation dès le départ, mais ce point de départ n'est pas celui que vous avez suggéré, Monsieur le rapporteur général. Au début de l'investigation, il est vrai que nous ne savons pas quelle va être l'importance de l'affaire : mais l'aiguillage aurait lieu à un autre moment, qui est celui de la notification du manquement, à l'issue de l'enquête, sur la base d'un fait établi, avec un montant précisément établi. Au moment de l'aiguillage, le dossier doit déjà être instruit et détaillé. La procédure, depuis que le pouvoir de sanction a été donné à l'ancienne Commission des opérations de bourse (COB), s'est considérablement précisée. Nous avons désormais trois phases : la phase d'investigation, la phase de poursuite - et c'est à ce moment-là que l'aiguillage peut avoir lieu, sur la base d'un dossier déjà étayé - et la phase de sanction, qui s'est rapprochée d'une procédure juridictionnelle. La commission des sanctions peut ne pas suivre la recommandation du collège, mais les critères objectifs dont je vous ai parlé, en particulier le montant du gain, varient très peu au cours de cette troisième et dernière phase.

S'agissant du Forex, nous travaillons sur la base d'une vieille disposition législative qui parle de « biens divers », qui sont proposés comme des placements. Le Parlement nous a donné un pouvoir supplémentaire de contrôle, nous permettant d'étendre le champ de nos investigations pour d'autres produits. Enfin, au plan européen, nous pourrons interdire à compter de 2017, via l'AEMF, certains produits dont la complexité et le risque sont excessifs.

S'agissant de produits fiscaux, il s'agit souvent de produits du secteur immobilier. Les textes sont relativement compliqués.

Debut de section - Permalien
Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'AMF

Nous avons actuellement un débat sur les parts sociales, qui ne sont pas, pour l'instant, considérées comme des instruments financiers. Faut-il étendre le champ d'intervention de l'AMF en ce sens ? C'est une question que nous nous posons.

Debut de section - Permalien
Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers

Cela reste marginal. S'agissant du Forex, il y a trois types de situations.

Dans le premier cas, un site qui promet au client de devenir trader en quelques minutes n'est enregistré nulle part. Totalement clandestin, il est probablement installé hors de France. Son objectif est d'obtenir le numéro de carte bleue d'un maximum de clients et de les faire jouer à perte. Ces sites sont totalement hors la loi et nous demandons systématiquement en référé à en obtenir l'interdiction, mais les fermetures sont immédiatement rattrapées par des ouvertures de nouveaux sites.

Dans le deuxième cas, le professionnel qui gère le site est enregistré dans un autre pays de l'Union européenne - pays dont on peut penser que le régulateur contrôle de façon moins stricte que ne le fait l'AMF -, tandis que les opérations sont souvent, en réalité, effectuées ailleurs. Nous agissons au sein de l'AEMF pour faire en sorte que les autres régulateurs fassent, en quelque sorte, mieux la police. Nous agissons également sur leur pratique commerciale qui touche les épargnants français ; à cet égard, il serait utile d'avoir un instrument juridique dissuasif à l'égard des professionnels qui gèrent la publicité de ce genre de sites sur Internet. Nous souhaiterions que la nature du risque induit par ce type de site nous permette d'en interdire la publicité. Il y a des débats entre nos services juridiques et ceux de Bercy pour savoir si nous pouvons la proposer à la représentation nationale.

Enfin, dans le troisième cas, le site est enregistré en France et régulé par l'AMF, mais il est ainsi conçu que neuf fois sur dix, le client est perdant. Nous avons fait des tests et des visites mystères pour le prouver ; un opérateur a été sanctionné pour ne pas avoir prévu suffisamment de procédures de contrôle et de sécurité. Nous sommes allés loin, car faire des visites mystères n'est pas dans notre tradition de contrôle, mais il me semble qu'il fallait le faire.

Concernant la remontée des taux, j'aimerais avoir la réponse ! Il y a eu deux grandes réactions à la crise financière. La première a été prudentielle et réglementaire, avec la mise en place de règlementations plus strictes pour relever les coussins en capital des banques et, sur les marchés, avec des textes comme EMIR qui nous permettent, non sans difficultés, de faire passer un grand nombre de dérivés par les chambres de compensation pour en réduire les risques. La seconde réaction, face au ralentissement économique, a été celle de la politique monétaire, avec des taux d'intérêts très bas. Cette politique a des avantages à court terme, mais elle n'est pas stable ; l'enjeu, c'est la transition. De notre côté, nous regardons les précautions techniques et les coussins que nous pouvons mettre au cas où le marché aura subitement un changement de perception du prix d'un actif. Nous pouvons également recommander, à l'image de ce que fait la principale intéressée Janet Yellen, présidente de la Fed, d'avoir une démarche progressive, de prévenir les marchés, pour réduire le choc. Nous pouvons tout faire pour minimiser les chocs, mais nous ne pouvons jamais être sûrs.

Évidemment, cette situation est difficile pour les assureurs, qui ont l'habitude de vendre des produits avec des taux d'intérêt positifs, même si ces derniers ont baissé progressivement. 1 200 milliards d'euros sont gérés par l'assurance-vie, dont 70 % en contrats en euros. La contrepartie est, au moins pour moitié, obligataire, donc soumis aujourd'hui à des taux très bas. Le risque de taux se gérera dans la durée, avec des protections, et sans garantie qu'il n'y ait jamais de choc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'économie tarde à redémarrer, alors que la sphère financière connaît un dynamisme important.

Vous nous avez expliqué comment vous procédez - et nous pouvons être rassurés sur vos méthodes. Je souhaite néanmoins vous interroger concernant les prescripteurs. Aujourd'hui, dans cette sphère financière, le charlatanisme tend à se développer, notamment sur internet. Les actions entreprises pour mettre hors d'état de nuire ces prescripteurs vont-elles assez loin, notamment lorsque les sommes en jeu sont faibles mais peuvent concerner un très grand nombre de personnes ?

Par ailleurs, disposez-vous de certaines informations de nature à rassurer nos électeurs concernant les transactions à haute fréquence et sur le marché agricole ?

S'agissant de votre mission de surveillance, j'ai le sentiment qu'un nombre croissant de fausses informations sont diffusées afin de provoquer des altérations brutales sur les marchés financiers et de générer artificiellement des plus-values. Face à ce phénomène, disposez-vous des moyens nécessaires pour agir efficacement ?

Enfin, quels sont les indicateurs sur lesquels les parlementaires pourraient s'appuyer afin d'apprécier la performance de l'AMF, dans l'esprit de la LOLF ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je m'interroge sur trois points.

Tout d'abord, j'ai pu constater dans le cadre de mes attributions que nous avons un réel problème de défiance en matière d'innovation et de financement des petites et moyennes entreprises. Ces sujets font-ils l'objet d'une attention particulière de l'AMF ?

Par ailleurs, je constate que la régulation croissante du système bancaire classique en Europe semble s'accompagner d'un développement du système bancaire parallèle, notamment dans les pays anglo-saxons. Cette évolution fait-elle l'objet d'un contrôle approfondi, notamment dans le cadre des travaux menés par les instances internationales ?

Enfin, la BCE avait annoncé qu'elle ferait preuve d'une certaine sélectivité dans le cadre des achats de dette publique. Avez-vous été informés des critères choisis par la BCE ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je souhaite vous interroger concernant la régulation des dérivés agricoles. La spéculation financière joue un rôle important concernant la volatilité des prix agricoles, qui est dévastatrice pour l'accès à la nourriture des populations les plus fragiles. Aussi, trois articles ont été adoptés dans le cadre de la loi bancaire de 2013 afin que les acteurs intervenant sur les dérivés agricoles soient soumis à des limitations de leurs positions. Ce mécanisme de régulation doit être mis en oeuvre par l'AMF à partir du 1er juillet prochain. Quel est l'état d'avancement de la mise en place de ce dispositif ? Une évaluation de son efficacité est-elle prévue, afin notamment de déterminer si les niveaux choisis pour les limites de position sont pertinents ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ma question porte sur les sanctions. Comme vous l'avez indiqué, le montant des amendes infligées en 2014 constitue un nouveau record. Si l'on ne peut que se réjouir de cette tendance, il est difficile de juger si les sommes en jeu - 30 millions d'euros - sont réellement significatives, au regard notamment des amendes infligées par les régulateurs américains. En la matière, il semble que la France continue de jouer dans la cour des petits - mais peut-être avez-vous des éclaircissements à nous apporter sur ce point ?

Par ailleurs, concernant le secteur bancaire, je remarque que les européens ont réussi à se doter de moyens considérables de surveillance et de contrôle. Ne pensez-vous pas qu'une démarche semblable est aujourd'hui nécessaire pour les marchés de capitaux ? La mise en place d'une autorité centrale plus forte que l'AEMF - dont les pouvoirs de régulation et de sanction sont limités - ne serait-elle pas nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

En matière d'assurance-vie, les risques semblent aujourd'hui difficilement quantifiables, notamment en cas de hausse forte et brutale des taux d'intérêt. Estimez-vous que les mécanismes de protection des épargnants actuellement prévus par la législation française - et notamment le niveau de la garantie des placements - sont suffisants et crédibles ?

Par ailleurs, nous avons le sentiment que la solidité des banques françaises est relativement forte. Ce sentiment a été renforcé par l'adoption de la loi bancaire, qui prévoit le cantonnement des activités spéculatives au sein de filiales séparées. Cette impression vous semble-t-elle justifiée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Ma première question concerne la cession des actifs significatifs. En 2014, Vivendi a cédé SFR à Altice et Alstom a cédé ses activités énergétiques à General Electric. Or il est apparu que ce type de cessions, bien qu'elles aient une incidence notable sur la vie de l'entreprise, étaient assez peu encadrées, s'agissant en particulier des informations délivrées aux actionnaires et aux investisseurs. Philippe Marini avait d'ailleurs déposé, dès juin 2014, une proposition de loi visant à rendre obligatoire le dépôt d'une OPA en cas de cession d'un actif significatif. Vous nous aviez annoncé l'année dernière la mise en place d'un groupe de travail sur ce sujet au sein de l'AMF. Pouvez-vous nous présenter les réflexions de l'AMF en la matière ?

Ma deuxième question porte sur le trading à haute fréquence. À la suite de la loi de séparation bancaire de juillet 2013, le règlement général de l'AMF a été modifié pour obliger les acteurs à une plus grande traçabilité des transactions à haute fréquence. Ce dispositif fonctionne-t-il ? Avez-vous les moyens d'analyser la masse d'informations ainsi reçues ? Ce dispositif pourrait-il être étendu à l'échelle européenne, le marché français ne représentant qu'une petite partie du trading à haute fréquence en Europe, y compris pour les titres de sociétés françaises ?

Debut de section - Permalien
Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers

Concernant les prescripteurs, même sur des affaires portant sur des sommes modiques, nous sommes capables d'aller à la sanction et de vérifier que les systèmes de déontologie des prestataires sont satisfaisants. Ainsi, sur le Forex, l'action menée par l'AMF cible l'ensemble des investisseurs susceptibles d'être pris au piège, y compris pour des sommes modestes.

Le redémarrage observé sur le marché des actions est positif sur le plan économique car les sociétés peuvent de nouveau y trouver des fonds propres. L'AMF s'en félicite tout en veillant à la qualité des informations données à cette occasion.

Concernant la lutte contre le charlatanisme, nous avons considérablement augmenté les efforts en direction des épargnants individuels, dans le cadre notamment de notre activité de médiation. La médiatrice de l'AMF parvient dans de nombreux cas à trouver des arrangements lorsqu'il y a eu dérapage. Par ailleurs, nous avons des équipes de spécialistes dont le rôle est d'apporter la preuve que certaines personnes ont fait le choix délibéré de diffuser une information trompeuse afin d'augmenter leurs profits. La répression sur internet est néanmoins complexe, notamment en cas d'extraterritorialité.

Concernant les produits agricoles, les dispositions prévues par la loi bancaire en la matière vont entrer en application. En conséquence, l'AMF a procédé à l'adaptation des textes en vigueur et contrôlera le respect des limites de position sur ces marchés à partir du 1er juillet. À titre d'exemple, s'agissant des livraisons de blé, nous avons un marché de produits dérivés qui est devenu important au plan mondial, ce qui conduit l'AMF à faire preuve d'une vigilance particulière en la matière.

S'agissant du trading haute fréquence, je suis personnellement assez critique à l'égard de cette pratique, mais je reste tout de même lucide.

Je suis critique car je ne crois pas à l'effet fondamentalement bénéfique allégué par les acteurs du trading haute fréquence, qui expliquent apporter de la liquidité et permettre une meilleure exécution des ordres. Cela est probablement vrai dans certaines circonstances de marché mais cela se paye par des risques assez importants.

Je suis lucide car il s'agit d'une activité totalement internationale : on ne peut donc agir dans un seul pays. On n'est pas en mesure de l'interdire unilatéralement et le droit européen ne le permet pas.

Sachez cependant que tout ce qui a été voté par le législateur dans la loi de régulation bancaire est mis en oeuvre. Nous avons reçu plus de 400 déclarations d'algorithmes de trading haute fréquence ou non. Nous bénéficions également d'une disposition que vous avez votée qui oblige les personnes qui recourent à ces algorithmes à les conserver, ainsi que les données y afférent, pendant une période de cinq ans. Cela a pu être utile dans certaines enquêtes.

Nous sommes en Europe un des régulateurs les plus motivés pour travailler sur le trading haute fréquence. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus car il y a des affaires en cours. Ce sont en tout cas des dossiers très difficiles à traiter, tant sur le plan technique que juridique. Nos équipes travaillent à contrôler que le trading algorithmique ne verse pas dans la manipulation de cours qui consisterait par exemple à pratiquer le layering ou à encombrer le carnet d'ordres d'une manière qui en donne une fausse image.

Je ne peux pas vous dire que nous sommes capables de détecter toutes les anomalies dès qu'on nous transmet un algorithme ou qu'on nous signale que quelqu'un en utilise un, parce que je pense que vous ne me croiriez pas. Nous ne disposons pas des moyens suffisants, même si nous avons une expertise en la matière. Lorsqu'une anomalie est repérée sur le marché, nous essayons de remonter à la source. Cela prend des semaines, voire des mois, et consomme beaucoup de ressources.

Notre deuxième combat est de nous assurer que les dispositions introduites dans la directive MIF 2, avec d'ailleurs une argumentation française forte, soient effectives. Il s'agit, par exemple, de l'élargissement du pas de cotation ou, et c'est sans doute le point le plus important, de l'encadrement de la fréquence de variation des ordres. Nous avons proposé à l'AEMF une méthode pour essayer de réguler les excès en matière d'annulation d'ordres et nous espérons obtenir un consensus sur ce sujet.

Nous poussons pour que les règles évoluent. Cela est favorisé par le fait qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni, après une période d'acceptation facile de ce type de techniques, il y a maintenant des doutes certains chez certains acteurs. Cela est surtout vrai aux États-Unis.

Sur les indicateurs de performance, ce n'est jamais très simple. Ils sont souvent à regarder dans la durée. Par exemple, le montant des pénalités prononcées peut être important une année à cause d'une très grosse affaire et moins une autre année, sans que cela ne reflète un relâchement du régulateur. Ceci dit, ces indicateurs rendent compte de notre activité, nous les utilisons en interne et vous les trouverez à la fin du rapport annuel. Nous sommes sous forte tension. Nos personnels sont reconnus sur la place de Paris comme à l'étranger comme étant de grande qualité, mais ils sont très sollicités, car la régulation est de plus en plus complexe, s'étend à des domaines très variés et fait face à des défis juridiques très importants. La contestation est très forte quand nous avançons une argumentation juridique. Il faut donc construire des dossiers très solides.

Francis Delattre m'a interrogé sur les financements nouveaux et le fond innovation. Nous ne régulons ce domaine que par l'enregistrement des sociétés et des fonds de capital-risque ou de capital-développement. Nous ne portons pas de jugement économique et nous n'avons pas de levier économique direct pour agir sur le montant des investissements. Je suis cependant assez optimiste. Le capital-risque a connu un trou d'air, tant au niveau des levées de fonds que des investissements, à cause des chocs financiers intervenus depuis 2007. On constate une reprise en 2014, même si on n'a pas tout à fait retrouvé le niveau antérieur à la crise. Cela concerne tous les segments et pas seulement celui que vous visez. Ce secteur est dynamique : il y a eu de beaucoup de sorties, notamment en bourse, ce qui permet de réinvestir ; la BPI est active ; les fonds d'amorçage marchent plutôt bien. La difficulté est que, parfois, on encourage et on soutient le démarrage d'un projet, mais que l'on a du mal à réaliser des levées de 5 à 20 millions d'euros pour poursuivre le développement.

Le paradoxe de l'époque, c'est que l'on a besoin de remettre de l'ordre chez les grands acteurs financiers, qui doivent prendre moins de risque d'intermédiation et se garder des effets de bilan dus aux taux d'intérêt, et que l'on doit protéger les épargnants qui sont assez averses au risque, mais qu'en même temps les économistes disent qu'il faut favoriser l'investissement risqué.

Je crois que l'on aura un système financier sain quand on aura une hiérarchie de placements avec une hiérarchie de rapports rendement-risque qui soit intelligible pour l'épargnant. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui : il y a des gens qui prennent des risques inconsidérés et d'autres qui auraient pu profiter de la très bonne tenue du marché actions depuis deux ans et qui ne l'ont pas fait parce qu'ils avaient peur. Il y a cette contradiction, mais l'AMF ne régule pas les flux de placement. Elle est simplement chargée de faire en sorte que les conditions soient les meilleures.

S'agissant du shadow banking, il y a de nombreux compartiments et nous sommes particulièrement vigilants aux fonds monétaires que nous régulons. Nous pensons que les fonds dits « à valeur constante », qui donnent l'illusion au porteur de parts qu'il est garanti à la baisse alors que ce n'est pas le cas, sont dangereux. Nous menons une croisade contre ces « constant NAV » (net asset value), avec un succès qui n'est pas encore total, mais nous marquons tout de même des points. Je suis d'accord avec vous sur le fait que les hedge funds représentent encore un risque. Ils sont régulés en grande partie par le fait qu'ils ont besoin des banques pour fonctionner. Lorsque la régulation bancaire est sérieuse, elle limite l'exposition des banques aux risques sur les hedge funds. Toutefois, je fais partie de ceux qui pensent que le levier important que peuvent employer ces fonds constitue un facteur de risque qu'il convient de limiter. La directive AIFM permet, en Europe, d'avoir des informations sur les actifs gérés et donc des risques présents dans les bilans. Je pense que l'on devra développer cette approche et la généraliser à tous les fonds. En réponse aux questions sur les risques, je dirais qu'il faut que l'on soit capable d'avoir une vision consolidée sur les grandes gestions, la gestion française étant l'une des plus importantes d'Europe.

Sur les critères de rachat de dettes souveraines, je ne serai pas très bavard car ce n'est pas mon domaine de compétence. Ces critères sont annoncés et ont été assez souvent commentés par Christian Noyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Cela ne relève pas vraiment de la compétence de l'AMF.

Debut de section - Permalien
Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers

Cette action est avant tout macro financière : l'objectif est de faire baisser les taux d'intérêt. Cet effet, nous l'avons en France comme ailleurs. Les taux sont à un niveau qui aurait paru inconcevable il y a encore deux ans.

Sur les cessions d'actifs significatifs, nous avons publié le rapport du groupe de travail conduit par Christian Schricke, membre du collège de l'AMF. Nous préconisons de préciser le code AFEP-MEDEF sur ce point et faisons quelques recommandations dont nous souhaitons qu'elles servent de guide dans ces opérations.

Nous n'avons pas privilégié la voie législative considérant qu'elle serait un peu rigide pour des opérations qui restent rares, même si nous en avons eu deux coup sur coup.

Nous préférons donner des critères de gouvernance : le rôle des administrateurs indépendants, les procédures suivies, l'information donnée, étant entendu que des textes existent déjà pour les sociétés que nous régulons et auprès desquelles nous pouvons agir directement, ce qui n'était pas le cas de celles concernées par les dernières opérations de cession. Le groupe de travail a défini des critères, que nous allons préciser dans une recommandation, devant conduire le conseil d'administration à demander la position de l'assemblée générale sur la cession en question.

Nous pensons qu'il faut donner plus d'informations et une voix à l'assemblée générale, mais nous proposons, au moins dans un premier temps, de le faire par un dispositif de droit souple.

Sur la question du montant des sanctions, il est très difficile de l'apprécier de façon abstraite et de manière comparative. Sur le terrain des infractions de marché, l'AMF est le régulateur le plus répressif en Europe continentale. Les montants que vous avez en tête portent sur des infractions qui, pour l'essentiel, n'entrent pas dans le champ de compétence du régulateur financier : il s'agit de dysfonctionnements très graves au sein des banques sanctionnés par des régulateurs prudentiels.

Pour autant, nous avons aujourd'hui les moyens, si nous constatons des infractions particulièrement graves, d'imposer une sanction qui va jusqu'à dix fois le profit retiré ou à 100 millions d'euros. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution avait pour tradition d'infliger de faibles amendes car elle s'efforçait de modifier les comportements. Elle s'est organisée avec une commission des sanctions sur le modèle de l'AMF. Dans les premières années, les montants sont restés assez faibles. Récemment, la commission des sanctions a été saisie du sujet des contrats d'assurance vie en déshérence pour lequel des amendes de plusieurs dizaines de millions d'euros ont été prononcées.

Il est vrai que, en pratique, le taux retenu, à savoir deux à trois fois le profit retiré de l'infraction est inférieur au plafond théorique de dix fois. Peut-être la pratique va-t-elle évoluer dans les années à venir ; ce n'est pas à moi de me substituer à la commission des sanctions. On peut toutefois penser que l'évolution à la hausse des sanctions va se poursuivre.

Enfin, sur la question de l'assurance-vie, je ne voudrais pas parler à la place du régulateur compétent, même si je siège au collège plénier de l'ACPR. L'impératif, c'est de garantir que, en cas de pertes sur les marchés obligataires, les engagements à l'égard des assurés soient tenus. Il est possible que, en situation de crise, la rémunération attendue ne soit pas fournie. En général, il n'y a pas - et c'est heureux - d'engagement juridique. Quelques assureurs, surtout dans d'autres pays, ont proposé des contrats avec des planchers de rémunération fixe qui apparaissent très dangereux. À ma connaissance, ces produits n'ont pas été distribués en France. À court terme, il n'y a donc pas d'inquiétude majeure à avoir sur la solidité du bilan des assureurs. Néanmoins, les masses sont considérables et méritent donc toute notre vigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je vous remercie de vos réponses.

La réunion est levée à 12 h 22