Intervention de Gérard Rameix

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 mai 2015 : 2ème réunion
Audition de M. Gérard Rameix président de l'autorité des marchés financiers amf à l'occasion de la remise du rapport annuel de l'amf

Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers :

Concernant les prescripteurs, même sur des affaires portant sur des sommes modiques, nous sommes capables d'aller à la sanction et de vérifier que les systèmes de déontologie des prestataires sont satisfaisants. Ainsi, sur le Forex, l'action menée par l'AMF cible l'ensemble des investisseurs susceptibles d'être pris au piège, y compris pour des sommes modestes.

Le redémarrage observé sur le marché des actions est positif sur le plan économique car les sociétés peuvent de nouveau y trouver des fonds propres. L'AMF s'en félicite tout en veillant à la qualité des informations données à cette occasion.

Concernant la lutte contre le charlatanisme, nous avons considérablement augmenté les efforts en direction des épargnants individuels, dans le cadre notamment de notre activité de médiation. La médiatrice de l'AMF parvient dans de nombreux cas à trouver des arrangements lorsqu'il y a eu dérapage. Par ailleurs, nous avons des équipes de spécialistes dont le rôle est d'apporter la preuve que certaines personnes ont fait le choix délibéré de diffuser une information trompeuse afin d'augmenter leurs profits. La répression sur internet est néanmoins complexe, notamment en cas d'extraterritorialité.

Concernant les produits agricoles, les dispositions prévues par la loi bancaire en la matière vont entrer en application. En conséquence, l'AMF a procédé à l'adaptation des textes en vigueur et contrôlera le respect des limites de position sur ces marchés à partir du 1er juillet. À titre d'exemple, s'agissant des livraisons de blé, nous avons un marché de produits dérivés qui est devenu important au plan mondial, ce qui conduit l'AMF à faire preuve d'une vigilance particulière en la matière.

S'agissant du trading haute fréquence, je suis personnellement assez critique à l'égard de cette pratique, mais je reste tout de même lucide.

Je suis critique car je ne crois pas à l'effet fondamentalement bénéfique allégué par les acteurs du trading haute fréquence, qui expliquent apporter de la liquidité et permettre une meilleure exécution des ordres. Cela est probablement vrai dans certaines circonstances de marché mais cela se paye par des risques assez importants.

Je suis lucide car il s'agit d'une activité totalement internationale : on ne peut donc agir dans un seul pays. On n'est pas en mesure de l'interdire unilatéralement et le droit européen ne le permet pas.

Sachez cependant que tout ce qui a été voté par le législateur dans la loi de régulation bancaire est mis en oeuvre. Nous avons reçu plus de 400 déclarations d'algorithmes de trading haute fréquence ou non. Nous bénéficions également d'une disposition que vous avez votée qui oblige les personnes qui recourent à ces algorithmes à les conserver, ainsi que les données y afférent, pendant une période de cinq ans. Cela a pu être utile dans certaines enquêtes.

Nous sommes en Europe un des régulateurs les plus motivés pour travailler sur le trading haute fréquence. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus car il y a des affaires en cours. Ce sont en tout cas des dossiers très difficiles à traiter, tant sur le plan technique que juridique. Nos équipes travaillent à contrôler que le trading algorithmique ne verse pas dans la manipulation de cours qui consisterait par exemple à pratiquer le layering ou à encombrer le carnet d'ordres d'une manière qui en donne une fausse image.

Je ne peux pas vous dire que nous sommes capables de détecter toutes les anomalies dès qu'on nous transmet un algorithme ou qu'on nous signale que quelqu'un en utilise un, parce que je pense que vous ne me croiriez pas. Nous ne disposons pas des moyens suffisants, même si nous avons une expertise en la matière. Lorsqu'une anomalie est repérée sur le marché, nous essayons de remonter à la source. Cela prend des semaines, voire des mois, et consomme beaucoup de ressources.

Notre deuxième combat est de nous assurer que les dispositions introduites dans la directive MIF 2, avec d'ailleurs une argumentation française forte, soient effectives. Il s'agit, par exemple, de l'élargissement du pas de cotation ou, et c'est sans doute le point le plus important, de l'encadrement de la fréquence de variation des ordres. Nous avons proposé à l'AEMF une méthode pour essayer de réguler les excès en matière d'annulation d'ordres et nous espérons obtenir un consensus sur ce sujet.

Nous poussons pour que les règles évoluent. Cela est favorisé par le fait qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni, après une période d'acceptation facile de ce type de techniques, il y a maintenant des doutes certains chez certains acteurs. Cela est surtout vrai aux États-Unis.

Sur les indicateurs de performance, ce n'est jamais très simple. Ils sont souvent à regarder dans la durée. Par exemple, le montant des pénalités prononcées peut être important une année à cause d'une très grosse affaire et moins une autre année, sans que cela ne reflète un relâchement du régulateur. Ceci dit, ces indicateurs rendent compte de notre activité, nous les utilisons en interne et vous les trouverez à la fin du rapport annuel. Nous sommes sous forte tension. Nos personnels sont reconnus sur la place de Paris comme à l'étranger comme étant de grande qualité, mais ils sont très sollicités, car la régulation est de plus en plus complexe, s'étend à des domaines très variés et fait face à des défis juridiques très importants. La contestation est très forte quand nous avançons une argumentation juridique. Il faut donc construire des dossiers très solides.

Francis Delattre m'a interrogé sur les financements nouveaux et le fond innovation. Nous ne régulons ce domaine que par l'enregistrement des sociétés et des fonds de capital-risque ou de capital-développement. Nous ne portons pas de jugement économique et nous n'avons pas de levier économique direct pour agir sur le montant des investissements. Je suis cependant assez optimiste. Le capital-risque a connu un trou d'air, tant au niveau des levées de fonds que des investissements, à cause des chocs financiers intervenus depuis 2007. On constate une reprise en 2014, même si on n'a pas tout à fait retrouvé le niveau antérieur à la crise. Cela concerne tous les segments et pas seulement celui que vous visez. Ce secteur est dynamique : il y a eu de beaucoup de sorties, notamment en bourse, ce qui permet de réinvestir ; la BPI est active ; les fonds d'amorçage marchent plutôt bien. La difficulté est que, parfois, on encourage et on soutient le démarrage d'un projet, mais que l'on a du mal à réaliser des levées de 5 à 20 millions d'euros pour poursuivre le développement.

Le paradoxe de l'époque, c'est que l'on a besoin de remettre de l'ordre chez les grands acteurs financiers, qui doivent prendre moins de risque d'intermédiation et se garder des effets de bilan dus aux taux d'intérêt, et que l'on doit protéger les épargnants qui sont assez averses au risque, mais qu'en même temps les économistes disent qu'il faut favoriser l'investissement risqué.

Je crois que l'on aura un système financier sain quand on aura une hiérarchie de placements avec une hiérarchie de rapports rendement-risque qui soit intelligible pour l'épargnant. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui : il y a des gens qui prennent des risques inconsidérés et d'autres qui auraient pu profiter de la très bonne tenue du marché actions depuis deux ans et qui ne l'ont pas fait parce qu'ils avaient peur. Il y a cette contradiction, mais l'AMF ne régule pas les flux de placement. Elle est simplement chargée de faire en sorte que les conditions soient les meilleures.

S'agissant du shadow banking, il y a de nombreux compartiments et nous sommes particulièrement vigilants aux fonds monétaires que nous régulons. Nous pensons que les fonds dits « à valeur constante », qui donnent l'illusion au porteur de parts qu'il est garanti à la baisse alors que ce n'est pas le cas, sont dangereux. Nous menons une croisade contre ces « constant NAV » (net asset value), avec un succès qui n'est pas encore total, mais nous marquons tout de même des points. Je suis d'accord avec vous sur le fait que les hedge funds représentent encore un risque. Ils sont régulés en grande partie par le fait qu'ils ont besoin des banques pour fonctionner. Lorsque la régulation bancaire est sérieuse, elle limite l'exposition des banques aux risques sur les hedge funds. Toutefois, je fais partie de ceux qui pensent que le levier important que peuvent employer ces fonds constitue un facteur de risque qu'il convient de limiter. La directive AIFM permet, en Europe, d'avoir des informations sur les actifs gérés et donc des risques présents dans les bilans. Je pense que l'on devra développer cette approche et la généraliser à tous les fonds. En réponse aux questions sur les risques, je dirais qu'il faut que l'on soit capable d'avoir une vision consolidée sur les grandes gestions, la gestion française étant l'une des plus importantes d'Europe.

Sur les critères de rachat de dettes souveraines, je ne serai pas très bavard car ce n'est pas mon domaine de compétence. Ces critères sont annoncés et ont été assez souvent commentés par Christian Noyer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion