Intervention de Michel Amiel

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 mai 2015 à 9h35
Nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel AmielMichel Amiel, co-rapporteur :

A l'article 3, la proposition de loi reconnaît expressément aux personnes malades en fin de vie le droit, sous certaines conditions, de recevoir une sédation maintenue jusqu'au décès. Cette pratique existe déjà mais elle est mise en oeuvre différemment selon les services et les praticiens. Les auteurs conditionnent sa mise en oeuvre aux deux critères essentiels prévus par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) : le décès doit être imminent, c'est-à-dire le pronostic vital engagé à court terme, et la souffrance ressentie par le malade doit être réfractaire au traitement. La pratique consiste à administrer une sédation de façon ininterrompue jusqu'au décès, qualifiée de « profonde et continue ». La sédation est associée à une analgésie pour soulager la douleur et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, y compris, comme l'a confirmé le Conseil d'Etat, la nutrition et l'hydratation artificielles.

L'article 3 définit trois séries de cas dans lesquels le recours à la sédation profonde et continue est de droit : à la demande du patient atteint d'une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire au traitement ; à la demande du patient atteint d'une affection grave et incurable qui décide d'arrêter un traitement, engageant ainsi son pronostic vital à court terme ; lorsque le patient est hors d'état de s'exprimer au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

L'article 8 rend opposables aux médecins les directives anticipées, évolution notable car, à l'heure actuelle, elles deviennent caduques au bout de trois ans si elles ne sont pas renouvelées et elles n'ont de valeur qu'indicative.

Les auteurs de la proposition de loi ont cependant tenu à préserver la possibilité pour le médecin de ne pas les appliquer dans deux cas. Le premier ne devrait pas faire débat : il s'agit de l'urgence vitale, par exemple la réanimation des personnes accidentées ou ayant fait une tentative de suicide ; le second est celui du caractère « manifestement inapproprié » des directives. Nous y reviendrons car cette formulation n'est pas pleinement satisfaisante.

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a jugé utile de prévoir que les directives sont centralisées sur un registre accessible aux professionnels de santé dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Cette mesure est attendue, même si seuls 2 % des Français ont rédigé des directives anticipées. Elle apparaît de nature à rééquilibrer la relation entre les droits des malades et le savoir médical.

Pour mesurer objectivement les améliorations apportées par le texte, il faut garder à l'esprit que la loi ne peut apporter de réponse à toutes les situations. Il en va ainsi du difficile sujet de la néonatologie. Les situations de fin de vie de nouveau-nés ouvrent droit à la sédation profonde et continue dans les mêmes conditions que tout autre patient capable d'exprimer sa volonté car ce sont les titulaires de l'autorité parentale qui le font.

La situation est différente pour les nouveau-nés qui vont souffrir de handicaps neurologiques après une asphyxie périnatale mais qui ne dépendent d'aucun dispositif artificiel de maintien en vie. Leur situation médicale ne satisfait pas aux critères permettant de recourir à une sédation profonde et continue.

La loi n'apporte pas de réponse évidente aux cas dans lesquels une personne hors d'état d'exprimer sa volonté n'a pas rédigé de directives anticipées ni désigné de personne de confiance et qu'il n'y a pas de consensus au sein de la famille sur l'arrêt des traitements. Dans ces situations dramatiques, la décision d'arrêter les traitements ne sera prise que par le médecin, s'il estime que la prolongation des traitements relèverait de l'obstination déraisonnable, ou par le juge.

Malgré ces réserves, la proposition de loi constitue une réelle avancée pour les patients dont l'autonomie juridique sera renforcée. Nous en partageons l'esprit car elle propose un juste équilibre entre la volonté des patients et le pouvoir du corps médical, entre l'obligation de préserver la vie humaine et celle de permettre à chacun de décider des conditions dans lesquelles il souhaite qu'elle s'éteigne.

Plusieurs amendements nous ont néanmoins paru nécessaires pour préciser ou clarifier les dispositions du texte. Ils tendent à limiter le caractère automatique des décisions qui concernent la fin de vie et à accroître ainsi la sécurité juridique des dispositifs.

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