Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 23 décembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en tout premier lieu, je tiens à remercier Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui a tenu à honorer la Haute Assemblée de sa présence à l’ouverture de cette discussion générale, mais qui devra nous quitter ensuite. Ma chère collègue, je vous remercie d’avoir été à nos côtés au cours de l’élaboration de ce texte ; nous y avons ensemble, au nom du Gouvernement, pris une part importante pour donner sa chance à La Poste.

De la même manière, je tiens à remercier du formidable travail accompli Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi que l’ensemble des membres de la commission et, bien sûr, le rapporteur, Pierre Hérisson. Dès le début, monsieur le rapporteur, votre concours a été précieux car ce texte suscitait bien des incompréhensions et des doutes. La première discussion ayant eu lieu au Sénat, votre tâche a été considérable et, jusqu’au terme de la discussion de la commission mixte paritaire, vous avez veillé à l’équilibre du texte et répondu à toutes les craintes qu’il suscitait.

Je vous remercie également de la présentation des modifications apportées à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire, modifications prévoyant l’accès de l’ARCEP à toutes informations utiles pour calculer le coût de l’aménagement du territoire – c’était un vrai sujet de préoccupation –, prévoyant un dispositif visant à éviter que La Poste ait à réaliser un arrêté comptable en cours d’année en raison de son changement de statut, ainsi que toute une série d’autres dispositions améliorant la coordination, la lisibilité, la cohérence du texte.

Ce texte, issu de l’ensemble de ces débats, est proche de celui qui avait été adopté par votre Haute Assemblée au début du mois de novembre ; je tiens à le rappeler parce que cela signifie que le travail considérable réalisé par le Sénat pendant huit jours et huit nuits, durant près de soixante-douze heures, a été très peu modifié par l’Assemblée nationale. Les grandes garanties que vous aviez apportées sont restées, sous réserve de légères modifications apportées par vos collègues députés ou lors de la commission mixte paritaire, et vous avez veillé à préserver les grands équilibres.

Première garantie : la détention 100 % publique du capital.

Votre rapporteur avait introduit un amendement dès le passage en commission, prévoyant que le capital de La Poste serait uniquement détenu « par l’État et par des personnes morales de droit public ». À l’exception des salariés qui pourront être actionnaires, il n’y aura pas un seul euro de capitaux privés à La Poste !

L’intention du Gouvernement a toujours été claire et l’amendement de la commission a permis de la confirmer. Aucune modification n’a été apportée sur ce point important depuis le vote du texte au Sénat.

L’Assemblée nationale a uniquement modifié la date du changement de statut, du 1er janvier au 1er mars 2010, afin de prendre en compte le décalage dans le calendrier de l’adoption de la loi. La CMP a, pour sa part, introduit un amendement destiné à éviter que La Poste n’ait à réaliser un nouvel arrêté comptable en raison de ce changement de statut en cours d’année civile.

Deuxième garantie : le caractère « imprivatisable » de La Poste.

Grâce à l’amendement de M. Retailleau, La Poste est désormais qualifiée de « service public à caractère national », ce qui, en application du Préambule de la Constitution de 1946, la rend « imprivatisable », conformément à ce néologisme que j’assume parfaitement.

Évidemment, « ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire ». Mais, pour revenir sur ce caractère « imprivatisable », il faudrait qu’une majorité supprime les quatre missions de service public qui sont désormais, pour la première fois, inscrites noir sur blanc dans la loi. Au terme de ce débat, La Poste est encore plus « imprivatisable » qu’avant, telle est la réalité.

Je ne veux faire de procès d’intention à personne car je suis convaincu que si, demain – même si je pense que cela ne peut pas arriver à court et à moyen terme –, une nouvelle majorité remplaçait la majorité actuelle, elle ne reviendrait pas sur ce caractère imprivatisable et qu’elle partagerait notre conviction que La Poste doit rester à 100 % publique.

Il y a eu des débats sur ce sujet à l’Assemblée nationale – l’opposition, notamment, a beaucoup insisté sur le parallèle avec GDF ou France Télécom – mais, au final, personne n’a remis en cause cette disposition, ce qui montre bien que l’analyse juridique conduisant au caractère « imprivatisable » de La Poste est partagée par tous.

Troisième garantie : les 17 000 points de contact garantis dans la loi.

Grâce au groupe centriste et à la commission de l’économie du Sénat, ce gouvernement prend en la matière un engagement que personne n’avait pris jusqu’ici !

Vos collègues députés n’ont apporté aucune modification sur ce point. En revanche, ils ont ajouté une disposition, reprenant notamment les préoccupations de l’Association nationale des élus de la montagne, et visant à rappeler que le changement de statut n’a aucun impact sur les partenariats conclus par La Poste avec les mairies et les commerçants.

Quatrième garantie : le financement pérenne de la mission d’aménagement du territoire, sur la base d’une évaluation au préalable du coût de la mission. Ce nouveau dispositif permettra de bien sécuriser le mode de financement, notamment vis-à-vis de Bruxelles. Le principe consiste, dans un premier temps, à auditer le coût de la mission et, ensuite, à ajuster l’allègement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste sur la base de cette évaluation préalable.

Vos collègues députés n’ont pas modifié l’esprit de ce dispositif, même s’ils y ont apporté quelques évolutions : le coût évalué par l’ARCEP sera un coût « net » ; un décret en Conseil d’État fixera les grandes lignes de la méthode d’évaluation que devra suivre l’ARCEP.

Par ailleurs, la CMP a précisé que ce décret devra être pris d’ici au 31 mars 2010, afin que l’ARCEP puisse bénéficier au plus vite d’une lisibilité sur la méthode à employer. La CMP a également ajouté que l’ARCEP pourra demander toute information nécessaire à La Poste afin d’évaluer correctement le coût de la mission d’aménagement du territoire.

Cinquième garantie : les salariés actuels de La Poste pourront continuer à rester affiliés à leur régime de retraite complémentaire actuel, qui est celui de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC. C’était un point majeur, sur lequel nous nous étions engagés dès nos premières rencontres avec les organisations syndicales en juillet.

Vos collègues députés ont ajouté au dispositif une date butoir, dans l’hypothèse où les deux caisses de retraite ne se mettraient pas d’accord sur le montant de la soulte financière à régler. Ce serait alors le Gouvernement, par décret en Conseil d’État, qui déterminerait le montant de la soulte versée par l’AGIRC-ARCCO à l’IRCANTEC.

Sixième garantie : les fonctionnaires de La Poste bénéficieront d’un nouveau droit, celui de bénéficier d’une complémentaire santé payée par leur employeur.

À cet égard, en ce qui concerne certains fonctionnaires de La Poste, ceux que l’on appelle les fonctionnaires « reclassés », le Gouvernement a déposé en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale un amendement de suppression du dispositif de reconstitution de carrière des fonctionnaires reclassés.

Le Gouvernement a en effet pris un décret – je m’y étais engagé devant vous avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale – en date du 15 décembre 2009, destiné à relancer la promotion interne des fonctionnaires reclassés. Ce décret applique pleinement l’arrêt du Conseil d’État du 11 décembre 2008.

Septième et dernière garantie : le service rendu aux usagers. C’est un point sur lequel vos collègues députés ont adopté plusieurs amendements, destinés à rendre un meilleur service aux usagers ; je pense ainsi à l’expérimentation, notamment dans les communes de plus de 50 000 habitants, de l’ouverture d’un bureau de poste un jour par semaine jusqu’à vingt et une heures. Ils ont également tenu à préciser le dispositif que vous aviez proposé sur l’accès à internet dans certains bureaux de poste.

Au total, le texte qui vous est soumis aujourd’hui, à l’issue de l’examen par l’Assemblée nationale et du passage en CMP, est très proche de celui que vous avez voté début novembre : le capital de La Poste restera intégralement public, tout comme sont préservées ses missions de service public et les droits et statuts de ses agents ; par ailleurs, les 2, 7 milliards d’euros ne sont pas un chèque en blanc donné à La Poste, qui devra améliorer le service rendu.

Il me semble que, désormais, toutes les conditions sont réunies pour donner toute sa chance à La Poste.

La Poste a un bel avenir devant elle et, grâce à ce changement de statut, qui permettra l’apport de 2, 7 milliards d’euros de capitaux publics, nous lui garantissons son avenir !

Nous voulons donner sa chance à La Poste, lui donner les moyens de faire face à la concurrence, lui donner les moyens d’affronter la diminution des volumes, lui donner les moyens de rester un grand opérateur postal de référence en Europe, ce projet de loi y contribuera, et je vous en remercie !

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