Cela étant, mon collègue Christian Favier l’a rappelé, nous soutenons, bien évidemment, la décision de la commission des lois du Sénat de maintenir le seuil à 5 000 habitants, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les fusions imposées, encore récemment, ont parfois laissé des plaies dans nos départements qui ont du mal à cicatriser complètement. Les élus, dont certains d'ailleurs avaient fait des propositions, travaillé, voire consulté les populations de leur territoire, ont le sentiment de n’avoir pas été entendus ni respectés. En effet, jusqu’au bout, selon une politique très volontariste, ont été imposés des schémas, présentés certes en commission départementale de la coopération intercommunale, mais on sait très bien combien est limité le pouvoir de la CDCI lorsqu’il s’agit de dégager des majorités et de proposer d’autres cartes que celles qui ont été présentées au départ.
Il s’agira donc pour le groupe socialiste, au cours de l’examen des amendements, de trouver un compromis à 15 000 habitants, puisque ni le seuil de 20 000 ni celui de 5 000 ne vous conviennent, chers collègues. Je ne sais pas comment ce seuil a été déterminé. L’avez-vous joué aux cartes ? Il n’est pas plus satisfaisant, finalement, que celui de 20 000 habitants. Il ne répond à aucune cohérence, pas plus qu’à l’idée selon laquelle à partir d’un seuil donné de population on arriverait à des tailles critiques.
Je remarque, monsieur le secrétaire d’État, que le document que vous nous aviez distribué lors de la première lecture du présent projet de loi prévoit la fusion de 475 intercommunalités si le seuil des 15 000 habitants, exceptions multiples retenues, était adopté.
Après avoir entendu s’exprimer Jean-Pierre Sueur, je comprends mieux la volonté d’augmenter le seuil de constitution des intercommunalités, d’avoir des régions fortes, des intercommunalités fortes. Mais à quelle fin ?
Nous, à l’inverse, nous voulons des collectivités qui soient avant tout utiles aux populations, des collectivités qui, plus encore aujourd'hui en période de crise, puissent protéger les femmes et les hommes qui vivent et travaillent sur leur territoire. La construction de ces collectivités doit s’opérer en lien permanent avec les élus et les populations. Il importe de rassurer et non pas d’inquiéter, de sécuriser, au sens républicain du terme, et non pas de renforcer encore un peu plus le sentiment d’abandon qui s’exprime – cela a déjà été dit, je n’y insisterai donc pas – dans de nombreux départements, notamment ruraux.
Le Sénat doit maintenir le seuil de 5 000 habitants. Un seuil ne se négocie pas. La loi permet aujourd'hui aux intercommunalités qui le souhaitent de construire des projets, de fusionner – telle est la situation dans de nombreux départements. Deux ou trois intercommunalités peuvent ainsi fusionner si elles estiment, en lien avec la population, que cela est utile et efficace.
Il n’y a donc pas lieu d’en rajouter et de s’engager dans une négociation qui pourrait aboutir dans d’autres cadres qu’au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Ce serait à mon sens envoyer un message de non-respect aux élus locaux et à la population de leur territoire.
L’organisation de la République n’est pas un jeu ! On n’administre pas la France en la découpant au hasard de critères économiques concurrentiels. Il faut partir du besoin des femmes et des hommes qui vivent et travaillent sur nos territoires. J’espère que les sénateurs membres de la commission mixte paritaire garderont jusqu’au bout cet état d’esprit.