… ajoutée par les sénateurs est effectivement utile.
Toutefois, elle n’apporte aucune garantie en termes de maintien de la répartition actuelle entre les 10 650 bureaux de plein exercice, les 4 600 agences postales communales, et les 1 750 relais chez les commerçants.
Le mouvement de transformation des bureaux en agences postales communales et points relais commerçants risque donc de s’accélérer sur fond de réduction du volume d’heures et d’abandon de certaines prestations complexes, bancaires et financières notamment.
Quelle est l’incidence sur le cadre contractuel avec les communes ?
Pour répondre à nos inquiétudes quant au risque découlant du changement de statut sur les partenariats publics et privés noués par La Poste, le rapporteur à l'Assemblée nationale a fait adopter un amendement précisant que celui-ci n’a aucune incidence sur les partenariats en cours et à venir.
Ces dispositions paraissent garantir le maintien des conventions d’une durée de neuf ans passées avec les communes pour le fonctionnement des agences postales communales. En revanche, elles semblent de nature purement déclarative pour ce qui concerne les partenariats à venir.
En effet, les nouvelles conventions relatives à l’organisation et au fonctionnement des agences postales communales ne seront-elles pas soumises à l’obligation d’un appel d’offres, procédure utilisée normalement pour choisir un prestataire en cas de délégation de service public ?
Si tel devait être le cas, nous n’avons aucune garantie que les communes seront systématiquement retenues pour exercer ces délégations.
Comment ne pas faire aussi état de la lettre adressée par M. Hortefeux à M. Bailly, dans laquelle il précise que les conventions devront prévoir le remboursement, à la collectivité, des rémunérations versées par celle-ci aux agents mis à disposition.
Quel financement est prévu pour la présence postale et le transport de la presse ?
Même si un moratoire a été décidé au sujet de l’application de la convention État-Presse-Poste, celle-ci prévoit une diminution progressive de l’aide de l’État dans ce domaine, aide qui devrait d’ailleurs disparaître en 2015.
Or ce projet de loi n’apporte aucune solution en matière de financement, alors qu’il est pourtant essentiel d’assurer l’égalité d’accès des citoyens à la presse écrite.
Quant à la présence postale, elle est financée, en partie, par un abattement sur les bases d’imposition de La Poste, abattement supporté par les collectivités locales et non par l’État.
Le projet de loi porte cet abattement à 95 %, sans qu’il soit prévu une compensation par l’État au titre de la DGF, la dotation globale de fonctionnement.
Là encore, le texte n’apporte pas de réponse, l’État laissant à La Poste et aux collectivités locales le soin de financer la présence postale.
La suppression du secteur réservé ne va-t-elle pas fragiliser le service public postal ?
La suppression du monopole résiduel des postes nationales pour les plis de moins de 50 grammes oblige à mettre en place un autre mode de financement pour le service universel postal, qui était jusqu’à présent principalement couvert par les recettes du secteur réservé.
Le projet de loi prévoit ainsi d’activer le fonds de compensation prévu par la loi de mai 2005 relative à la régulation des activités postales. Mais rien ne prouve que ce dispositif assurera un financement suffisant.
L’expérience acquise en France, avec le fonds de compensation mis en place en matière de téléphonie fixe, n’incline pas forcément à l’optimisme.
En effet, France Télécom, chargée du service universel, assume la plus grande partie du financement. Quant aux autres opérateurs, il n’est pas rare – c’est le moins que l’on puisse dire ! – qu’ils contestent le montant de la quote-part qui leur est affectée.
Enfin, le texte élargit fortement les pouvoirs de l’ARCEP en matière de régulation, et ce au détriment du politique.
Cette analyse globale du texte nous conduit à la conclusion suivante.
Au cours des débats, aucun argument solide n’a été présenté par le Gouvernement pour justifier l’abandon du statut d’EPIC, qui n’a pourtant pas gêné le développement de La Poste, y compris à l’international.
Nous affirmons que ce statut est compatible avec l’ouverture totale à la concurrence du secteur postal.
En réalité, cette réforme est dogmatique. Le Gouvernement veut rapidement faire sauter le verrou que constitue le statut actuel pour pouvoir ouvrir le capital de La Poste lors de l’examen d’un projet de loi ultérieur. En n’assurant pas un financement pérenne des différentes missions du service public postal, il prépare, à terme, la privatisation de La Poste.
Ces données expliquent que le Gouvernement ait refusé d’organiser un référendum sur le statut de La Poste en se retranchant derrière l’absence d’une loi organique d’application de l’article 11 révisé de la Constitution.
Face à cette réforme, qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de solutions, notre groupe, mais aussi l’ensemble de la gauche, propose une solution de remplacement : le maintien du statut actuel, accompagné d’une bonne identification des besoins des usagers et des territoires auxquels doit répondre le service public postal, la mise en place d’un financement enfin suffisant et pérenne, et une régulation efficace.
Cette solution de remplacement n’est pas seulement celle de la gauche parlementaire ; elle est aussi et avant tout celle des 2, 2 millions de citoyens qui se sont exprimés contre la privatisation et dont tous les élus de gauche ont été les interprètes lors des débats.
Notre position s’inscrit dans un objectif de modernisation du service public postal, avec une organisation conforme aux besoins de nos concitoyens ; c’est d’ailleurs la définition du verbe « moderniser » qui figure dans Le Petit Robert.
Nous prenons également en compte non seulement la tradition de service public ancrée dans la culture française, mais aussi l’analyse de nombreux concitoyens sur la profonde crise actuelle qui devrait conduire le Gouvernement à mettre pour le moins en veilleuse l’idéologie libérale qui inspire son action.
En nous prononçant contre ce texte, nous sommes fidèles à nos valeurs et nous défendons le plus ancien et le plus emblématique des services publics.
Dans leur ensemble, les services publics constituent le patrimoine de tous, particulièrement de celles et ceux qui n’en ont pas !