Votre volonté d’aller vite, parfois en brassant du vent, est sous-tendue par le souci de court-circuiter l’opinion des Français afin de leur imposer une réforme dont ils ne veulent pas. Je comprends le malaise de certains parlementaires de la majorité : ils savent bien, comme nous, que ce projet de loi n’est qu’une étape vers la privatisation de La Poste. Vous avez beau clamer le contraire sur tous les tons, vous avez beau affirmer, monsieur le ministre, que son capital restera à 100 % public, nous savons parfaitement qu’une autre loi peut défaire ce que cette loi aura fait. Le scénario est déjà écrit : après le changement de statut de La Poste, il y aura ouverture de son capital au secteur privé.
À travers l’Europe, nous avons pu constater à quel point la mise en œuvre d’une telle politique a réduit la présence postale. Après une crise aussi importante que celle que nous avons connue, nous aurions pu espérer que le Gouvernement et le Président de la République tirent les enseignements d’un tel tsunami financier.
On sait parfaitement que le néolibéralisme est en échec partout et que les sociétés les mieux régulées sont celles qui ont le mieux traversé la crise. Il aurait été préférable d’aborder la question du financement pérenne de La Poste, sujet dont ne traite pas le projet de loi qui nous est soumis. En effet, le Gouvernement propose uniquement un changement de statut et une ouverture du capital.
Nous nous trouvons devant un problème de société. Je peux comprendre qu’il soit nécessaire de moderniser La Poste en prévision de l’ouverture à la concurrence. Cependant, cette modernisation, comme l’a expliqué Michel Teston, aurait pu intervenir dans le cadre de l’EPIC et de la mise en œuvre d’une politique publique de haut niveau, répondant aux attentes des Français et guidée avant tout par le souci de préserver ce grand service public et sa présence territoriale.
Deux difficultés se dressent devant nous.
La première a trait à la proximité. Les 17 000 points de contact prévus dans le projet de loi ne sont pas tous des bureaux de poste. En outre, la tendance actuelle est de réduire considérablement l’amplitude des horaires d’ouverture des bureaux de poste, qui seront transformés en agences communales, puis en points de contact. Cela s’est traduit par la suppression d’environ 70 000 emplois au cours des deux dernières années et par une dégradation continue des conditions de travail des facteurs. Le service public a déjà commencé à s’éroder ; inévitablement, avec le changement de statut, cette détérioration connaîtra une accélération considérable.
La proximité est essentielle sur le plan humain, eu égard au vieillissement de la population. Cela est valable pour le monde rural, évidemment, mais également pour les quartiers de nos villes. Ainsi, j’ai appris que, par un oukase, il avait été décidé que le bureau de poste d’un quartier sensible de la ville dont je suis le maire réduirait ses horaires d’ouverture et fermerait le lundi.